Émission du mercredi 27 février 2019
Le Pitch - Cinéma- Émissions culturelles
- 1 min 58 s
- tous publics
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CELLE QUE VOUS CROYEZ de Safy Nebbou
Avec Juliette Binoche, François Civil et Nicole Garcia
Pour épier son amant Ludo, Claire Millaud, 50 ans, crée un faux profil sur les réseaux sociaux et devient Clara une magnifique jeune femme de 24 ans. Alex, l’ami de Ludo, est immédiatement séduit. Claire, prisonnière de son avatar, tombe éperdument amoureuse de lui. Si tout se joue dans le virtuel, les sentiments sont bien réels. Une histoire vertigineuse où réalité et mensonge se confondent.
« Celle que vous croyez » est l’adaptation du roman éponyme de Camille Laurens. Le réalisateur Safy Nebbou a découvert le pitch du roman dans la lettre d’information éditée par Gallimard. « J’ai alors très vite émis le souhait de le lire, avant même qu’il ne soit publié. Et je l’ai dévoré d’une traite. Un véritable coup de coeur ! En le lisant, j’ai tout de suite pensé à « Rashomon » d’Akira Kurosawa, où chacun, tour à tour, raconte sa version. J’ai également pensé à « Vertigo » d’Alfred Hitchcock, où James Stewart est amoureux de l’image d’une femme fantôme. Mais encore à Marivaux et ses « Fausses confidences », à Choderlos de Laclos et ses « Liaisons dangereuses », à Borges, à Pirandello… Michel Saint Jean, mon producteur, était aussi enthousiaste que moi. Nous avons donc décidé de développer l’écriture d’un scénario. «Celle que vous croyez » est notre troisième film ensemble ».
Le film donne à voir une réflexion sur les ressources humaines – et romanesques – des réseaux sociaux. Selon Safy Nebbou, c'est là que se situent les liaisons dangereuses : « L'expression de « liaisons dangereuses » est bien choisie puisque Claire (Juliette Binoche) est professeur de littérature comparée à l’université. Comment ne pas penser au texte de Laclos lorsque l’on décortique les jeux de pouvoir et de manipulation qui sont de mise aujourd’hui sur les réseaux sociaux ? Sous couvert du virtuel, il est aisé de s’inventer une nouvelle identité et une nouvelle vie : celle que l’on aimerait vivre… Les réseaux sociaux offrent d’infinies possibilités pour favoriser, entretenir et attiser de multiples formes de « liaisons dangereuses ». Il est probable que ces nouvelles technologies feront aussi émerger de nouvelles pathologies. »
Le sujet tient particulièrement à coeur au cinéaste Safy Nebbou car il a lui-même été piégé par une femme via les réseaux sociaux. « Une femme de l’âge de Claire, qui s’est fait passer pour plus jeune, comme elle. Cette histoire, vous voyez je parle « d’histoire », m’est arrivé alors que j’étais en train d’écrire l’adaptation de « Celle que vous croyez ». Invraisemblable, non ? J’ai communiqué avec cette fausse identité pendant 3 mois avant de découvrir le pot aux roses. Comme Claire, elle avait utilisé la photo d’une autre. Je dois dire que je me suis beaucoup inspiré de cela pour écrire le scénario, en réutilisant même certains de mes propres échanges. »
La narration mise en place par Safy Nebbou est très visuelle. Elle multiplie les plans sur des portes-fenêtres, des miroirs ou des écrans. Le film a une dimension de « genre » totalement assumée, loin d’une écriture naturaliste. « Il faut accepter ce parti pris pour entrer dans cette histoire. On est dans le symbole, le ludique et la métaphore, tout le temps. L’écran d’ordinateur, par exemple, permet à la fois de nous mettre face à nous-mêmes (il reflète notre propre image) et de masquer le réel (en nous plongeant dans le virtuel). Le film joue de cet effet miroir. Par ailleurs, un va et vient constant s’opère dans le récit entre le monde réel de Claire et la dimension virtuelle de son avatar. Nous avons travaillé dans ce sens avec Gilles Porte, le chef opérateur, et Cyril Gomez-Mathieu, le directeur artistique, en cherchant des similitudes et des correspondances, aussi bien au niveau des images, que de la lumière ou des rythmes. C’est ainsi que des icônes ou des écrans se répondent en permanence. »
Safy Nebbou a pensé à Juliette Binoche dès l’écriture du scénario. « Lorsque je lui ai envoyé le script, elle l’a lu en 3 heures et m’a tout de suite répondu oui. Nous nous sommes accordés sur le scénario de manière simple et constructive. Juliette a une vision de la narration à la fois globale et très aiguisée, elle était sans cesse dans la proposition. Je peux vraiment parler d’évidence entre nous, et de confiance. J’ai senti qu’il y avait quelque chose, au-delà de l’histoire et du rôle, qui lui parlait en tant que femme. Sur le plateau, c’est un Stradivarius, et tout ça avec une honnêteté et un courage rares ! Elle n’a rien perdu de la petite fille qui s’amusait à faire l’actrice. Elle est généreuse et n’a jamais peur de se mettre en danger ni de se mettre à nue. Elle se regarde en face dans son âge, c’est pourquoi elle rayonne et c’est aussi pour cela que j’ai eu un plaisir extraordinaire à la filmer. »
La comédienne a lu le livre après la découverte du scénario. Elle explique ce qui l’a séduite « J’ai été surprise par la liberté de Safy, comme s’il s’était approprié l’histoire, j’y ai moi-même repêché quelques pépites qu’il a accepté d’intégrer dans son scénario avec enthousiasme. Trahir un livre est nécessaire pour passer à l’acte d’un film, mais relire le livre au cours du tournage est une source magnifique pour se rappeler le contexte, une émotion, un ton, un paysage intérieur qui nourrit le jeu qui doit rester une matière vivante. Les mots doivent être des levains, ce ne sont pas que des idées, ce sont des matières, des pensées que nous devons faire vivre, qui doivent soulever les gens, pas seulement dans leurs têtes. J’ai aimé rencontrer Camille Laurens, qui a été tout de suite ouverte, sincère, douce, elle est venue ensuite très discrètement sur le tournage nous soutenir. »
François Civil, dans le rôle du jeune amant berné et Nicole Garcia, dans celui de la psy, s’imposent également avec une belle intensité. « François est un jeune acteur naissant, extrêmement talentueux. Je le connaissais mal dans un registre plus dramatique. Il a accepté de faire des essais, et lui aussi m’est apparu comme une évidence. Il est entré dans le rôle avec beaucoup d’humilité et de sensibilité. Pendant toute la première partie du film, il doit faire passer des émotions à travers des échanges téléphoniques, ce qui n’est pas simple du tout ! Pour mettre le plus possible Juliette et François en situation, nous avons d’ailleurs tourné ces séquences dans la continuité, et en direct sur le plateau, sans jamais qu’ils ne se rencontrent. Et cela a très bien fonctionné. Quant à Nicole Garcia, c’était un rêve pour moi, car elle est à la fois une actrice, beaucoup trop rare, et une cinéaste de talent. De fait, elle impose sa fonction de psy par sa seule présence dans le film. Mais au-delà de ça, elle apporte beaucoup de fragilité et de subtilité à ce personnage qui vit un transfert, puisque cette psy dysfonctionne et entre en empathie avec sa patiente. J’aime l’idée d’une solidarité féminine », explique Safy Nebbou.
MARIE STUART REINE D'ÉCOSSE de Josie Rourke
Avec Saoirse Ronan et Margot Robbie
Le destin tumultueux de la charismatique Marie Stuart. Épouse du Roi de France à 16 ans, elle se retrouve veuve à 18 ans et refuse de se remarier conformément à la tradition. Au lieu de cela elle repart dans son Écosse natale réclamer le trône qui lui revient de droit. Mais la poigne d’Élisabeth 1ère s’étend aussi bien sur l’Angleterre que l’Écosse. Les deux jeunes reines ne tardent pas à devenir de véritables sœurs ennemies et, entre peur et fascination réciproques, se battent pour la couronne d’Angleterre. Rivales aussi bien en pouvoir qu’en amour, toutes deux régnant sur un monde dirigé par des hommes, elles doivent impérativement statuer entre les liens du mariage ou leur indépendance. Mais Marie menace la souveraineté d’Elisabeth. Leurs deux cours sont minées par la trahison, la conspiration et la révolte qui mettent en péril leurs deux trônes et menacent de changer le cours de l’Histoire.
Qui est Marie Stuart ? Elle naît le 8 décembre 1542. Elle n’a que six jours quand son père, le roi Jacques V, meurt et lui laisse le trône d’Écosse. Elle passe une grande partie de son enfance en France, terre natale de sa mère, tandis que l’Écosse est gouvernée par des régents. En 1558 elle épouse le dauphin de France, qui devient le roi François II en 1559. Marie n’est reine consort qu’une seule année avant que François ne meure. En 1561, elle retourne en Écosse pour s’installer sur le trône qui lui revient.
Qui est Élisabeth ? Née le 7 septembre 1533, est la fille d’Henri VIII et d’Anne Boleyn (qui est exécutée alors qu’Élisabeth n’a que deux ans). Son demi-frère Édouard VI succède à Henri VIII sur le trône d’Angleterre, puis c’est le tour de sa cousine Jeanne Grey (pendant neuf jours), suivie par sa demi-soeur la catholique Marie Ière (qui était le premier enfant d’Henri VIII, avec Catherine d’Aragon). Élisabeth devient reine en 1558.
Le scénariste Beau Willimon a décidé de s'appuyer sur la biographie de John Guy, « Queen of Scots : The True Life of Marie Stuart ». L'ouvrage se démarque par son approche de Marie Stuart, généralement présentée comme une monarque faible et aux moeurs légères. Apportant de nouveaux éléments sur le règne de Marie Stuart et sa personnalité, John Guy a cherché à briser les clichés qui l'entourent : « Marie a été soumise à une campagne systématique des Anglais pour la discréditer, orchestrée par William Cecil. Il a trafiqué les archives de manière à ce qu’à première vue, on arrive aux conclusions qu’il voulait. Mais évidemment, comme dans l’affaire du Watergate, si on regarde de plus près, on découvre une histoire toute différente. C’était très important pour moi de dire la vérité sur Marie qui, dans l’Histoire, a souvent été comparée à Élisabeth, mais à son détriment ».
Par son sujet et sa réalisatrice, le film met les femmes à l'honneur : « J’ai vraiment eu envie que deux femmes dominent le récit et qu’elles mènent l’histoire. Ce film s’intéresse à l’obsession que ces deux femmes nourrissent l’une pour l’autre ». Il était important pour la cinéaste de renouveler l'image de ces femmes célèbres, dont le parcours entre en résonance avec le monde d'aujourd'hui, dans lequel les femmes ne cessent de se battre pour leurs droits.
Saoirse Ronan était prédestinée à jouer Marie Stuart puisqu'elle avait, à l'âge de 18 ans, signé pour interpréter la monarque dans une ancienne version d'un biopic qui n'a jamais vu le jour. Elle se souvient : « Déjà à l’époque, je me suis sentie des affinités pour l’Écosse et son histoire, probablement parce qu’il y a, je pense, beaucoup de points communs entre l’histoire de l’Écosse et celle de l’Irlande ». Quant à Margot Robbie, il a fallu la convaincre d'accepter le rôle car elle était intimidée à l'idée de succéder à son actrice favorite et compatriote Cate Blanchett.
BONUS :
LES ÉTERNELS de Zhangke Jia
Avec Zhao Tao et Fan Liao
Ce film fait l’objet de l’avertissement suivant : « Une scène particulièrement violente est susceptible de heurter un jeune public ».
En 2001, la jeune Qiao est amoureuse de Bin, petit chef de la pègre locale de Datong.
Alors que Bin est attaqué par une bande rivale, Qiao prend sa défense et tire plusieurs coups de feu. Elle est condamnée à cinq ans de prison. À sa sortie, Qiao part à la recherche de Bin et tente de renouer avec lui. Mais il refuse de la suivre. Dix ans plus tard, à Datong, Qiao est célibataire, elle a réussi sa vie en restant fidèle aux valeurs de la pègre. Bin, usé par les épreuves, revient pour retrouver Qiao, la seule personne qu’il ait jamais aimée…
Le réalisateur a décidé de s’intéresser à des personnages de la pègre du jianghu qui signifie littéralement « rivières et lacs », mais dans la philosophie chinoise, le terme désigne des « gens différents ». Il explique « La mystique du jianghu joue un rôle très important dans la culture chinoise. De nombreux groupes appartenant à la pègre se sont formés dans la Chine ancienne, très ancrés dans certaines régions ou industries. Ces réseaux transcendaient les relations familiales et les clans locaux, apportaient un soutien et un mode de vie aux personnes les plus démunies. Le symbole spirituel le plus connu de la culture du jianghu est Lord Guan. Il représente la loyauté et la rectitude, valeurs fondamentales du jianghu. Vous en voyez un exemple dans la scène d’ouverture du film : le personnage de Jia refuse de reconnaître sa dette envers quelqu’un, et Bin lui fait avouer la vérité devant la statue de Lord Guan, leur totem spirituel. Après la victoire communiste de 1949, les groupes de la pègre chinoise ont disparu petit à petit. Les personnages des « ÉTERNELS » ne font pas partie des gangs au sens ancien du terme. Ils se sont créés après la politique de réforme et d’ouverture de la fin des années 1970 et ont hérité de la violence des années de la révolution culturelle. Ils ont tiré leur morale et leurs règles des films de gangster hongkongais des années 1980. Ils ont tissé de nouvelles formes de relations comme façon de survivre et de s’aider les uns les autres dans un climat de changements drastiques qui avaient alors lieu en Chine. Le jianghu est un monde d’aventures et d’émotions qui n’existe nulle part ailleurs. Je me suis toujours intéressé aux histoires d’amour du jianghu, où les amants ne craignent ni l’amour ni la mort. L’histoire de ce film se déploie entre 2001 et 2018, dans des années d’immense agitation sociale. Les valeurs traditionnelles des habitants et leur mode de vie ont changé du tout au tout au cours de ces années. Pourtant, le jianghu reste attaché à ses propres valeurs et codes de conduite, et fonctionne de façon indépendante. Cela peut paraître paradoxal mais je trouve cette situation fascinante. Qiao et Bin ne sont pas mariés. Je pense que c’est leur destin, mais c’est aussi un symbole de leur caractère rebelle.»
L’actrice fétiche Zhao Tao revient sur son rôle et travail d’interprétation : « En Chine, les personnages du jianghu vivent une vie secrète et c’est particulièrement le cas pour les femmes, qui apparaissent encore plus mystérieuses et difficiles à aborder. J’ai donc essayé d’en savoir davantage en faisant des recherches sur certaines femmes du jianghu très connues. « LES ÉTERNELS » commence en 2001 et s’étend jusqu’en 2018, mais au lieu de m’arrêter aux changements liés au temps, j’ai surtout voulu comprendre ce qui rend les femmes plus résistantes dans ce monde très masculin.
Le personnage de Qiao me rappelle cette célèbre femme du jianghu, She Aizhen, qui a connu ses heures de gloire dans les années 1930 et 1940. Elle a commencé à travailler dans un casino, puis elle a épousé Wu Sibao, figure majeure de la pègre de Shanghai. Ils ont collaboré avec les Japonais pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle a été connue pour son implication dans une fusillade de rue. Après la mort de son mari, elle a épousé l’écrivain Hu Lancheng en secondes noces. Elle a été arrêtée plus tard pour trahison, envoyée au Japon par bateau, où elle a tenu un bar pour survivre. Elle a tout vécu : l’amour, les rivalités entre gangsters, la guerre, la prison et les années de fuite. On dit qu’à la fin de sa vie, elle a passé commande d’un rouleau, sur lequel était calligraphié un dicton de quatre mots, qu’elle a accroché dans son salon : on y lisait « Ting Tian You Ming » (« Que le destin suive son cours »).
J’étais fascinée par cette anecdote, qui semblait révéler son monde intérieur le plus profond. Plus que les autres femmes du jianghu sur lesquelles j’avais fait des recherches, elle représentait la complexité de la position des femmes dans cet univers. Pendant tout le tournage du film, j’avais ce dicton en fond d’écran. Au début, j’ai essayé de jouer Qiao en appliquant ce qu’on peut appeler ‘la logique du jianghu’, qui est tout simplement la foi dans la morale chinoise traditionnelle du jianghu, et d’en faire le principe directeur de toutes ses actions. Mais plus tard, j’ai pensé qu’il était plus important de montrer sa logique féminine. J’ai suivi le mouvement du film : j’ai commencé avec l’idée en tête de jouer une femme du jianghu, et puis j’ai terminé en jouant l’histoire d’une femme. »
Pour ce film, le cinéaste a travaillé avec un nouveau directeur de la photographie Eric Gautier. Il se souvient : « Ma première rencontre avec Eric s’est passée à Pékin. Il était en train de travailler avec Olivier Assayas à l’époque. Ça a donc été un grand honneur de pouvoir travailler avec lui. La première difficulté à laquelle Eric a dû faire face a été le problème de la langue, mais il n’a cessé de me surprendre sur le tournage par sa connaissance parfaite du scénario. Il connaissait toutes les répliques des acteurs par coeur. Même quand un acteur improvisait et sortait du scénario, il le comprenait immédiatement. Donc finalement, la langue n’a pas été un problème. Nous avons été d’accord systématiquement sur les personnages et les lieux du film. Après quelques jours de tournage, j’ai changé le planning des scènes mais ça ne l’a pas dérouté, il m’a suivi. Je suis ravi d’avoir trouvé un autre directeur de la photographie qui me soutienne dans le travail de l’image. »