Émission du mardi 26 mars 2019
Le Pitch - Cinéma- Émissions culturelles
- 1 min 58 s
- tous publics
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COMPAÑEROSde Alvaro Brechner
Avec Antonio de la Torre, Chino Darín et Alfonso Tort
Ce film fait l’objet de l’avertissement suivant : « Ce film décrit sans en euphémiser la violence, les humiliations et les tortures psychologiques subies par trois prisonniers uruguayens pendant douze années d’incarcération »
1973, l'Uruguay bascule en pleine dictature. Trois opposants politiques sont secrètement emprisonnés par le nouveau pouvoir militaire. Jetés dans de petites cellules, on leur interdit de parler, de voir, de manger ou de dormir. Au fur et à mesure que leurs corps et leurs esprits sont poussés aux limites du supportable, les trois otages mènent une lutte existentielle pour échapper à une terrible réalité qui les condamne à la folie.
Le film raconte les 12 années d'emprisonnement vécues par trois des figures les plus célèbres de l'Uruguay contemporaine - dont son ancien président José « Pepe » Mujica.
Goyade la Meilleure adaptation
La dictature militaire de l’Uruguay commença avec le coup d’État du 27 juin 1973 et s’étendit pendant 12 ans. En 1980, les militaires entamèrent une relative ouverture politique, qui conduit finalement aux premières élections démocratiques en 1984. Avec un prisonnier politique pour 450 habitants, soit environ 6 000 détenus dans un pays de moins de 3 millions d’habitants, l’Uruguay a connu sous ce régime, qui a participé à la « guerre sale » généralisée sur le continent, une des pires répressions politiques au monde. 116 morts (assassinés, morts en détention et « suicides ») et 172 disparitions forcées ont été recensées jusqu’à présent. La torture y était généralisée – y compris sur les enfants.
Le mouvement Tupamaros émerge au début des années 1960, alors que la situation politique de l’Uruguay est bloquée par le partage de pouvoir entre les deux partis traditionnels de droite du pays. L’élément déclencheur a lieu lors des élections de 1962 : les deux rassemblements clairement marqués à gauche obtiennent à eux deux moins de 6 % des voix. Dans un contexte de grande violence où les groupes antisémites d’extrême droite attaquent des locaux universitaires et les permanences du Parti Communiste, assassinant certains de leurs membres, le Parti Communiste décide en 1964 de créer une structure clandestine armée pour se préparer à un éventuel putsch. En effet, la rumeur de coups d’État impliquant des généraux pronazi pèse lourdement, alors que le Brésil et la Bolivie viennent de subir des coups d’État militaires (1964). Cette dimension défensive des Tupamaros est ensuite vite remplacée par un idéal révolutionnaire.
L’écriture et la réalisation de « Compañeros » ont demandé à Alvaro Brechner quatre années de recherche et de documentation. Un des enjeux majeurs pour le réalisateur était de ne pas faire un film de prison, mais davantage lorgner du côté du voyage existentiel. Il se rappelle : « Le projet des militaires était clair : ‘Puisque nous n’avons pas pu les tuer, nous allons les rendre fous.’ Au-delà d’une méticuleuse reconstitution historique des faits, j’ai cherché à faire ressentir sur le plan esthétique et sensoriel l’expérience de la survie à la lutte intérieure que subissaient mes personnages. Les trois acteurs, Antonio de la Torre, Chino Darín et Alfonso Tort, ont dû se soumettre à un conditionnement très rude, tant sur le plan physique - ils ont perdu chacun près de quinze kilos - que mental, pour être au plus près du supplice incarné. La mise en scène, quant à elle, se devait de nous plonger à leurs côtés dans ce combat pour la conservation de leur humanité. Ce fut un parcours sombre, mais extrêmement gratifiant. À travers ses gageures et ses complexités, l’expérience du film m’a conforté dans l’idée que même lorsque tout semble perdu, la force et la résistance de l’être humain ne doivent pas être sous-estimées. »
Inspiré de la vie de José Mujica, Mauricio Rosencof et Eleuterio Fernández Huidobro, « Compañeros » est une histoire de survie et de résistance, mais plus encore, l’histoire de la lutte existentielle de trois hommes qui, aux heures les plus sombres de leur vie, ont su puiser dans leur esprit la force de garder intactes leur humanité et leur espérance. Qui sont-ils ?
José Mujica, (interprété par Antonio de la Torre). Né en 1935, il est guérillero des Tupamaros dans les années 1960-1970, ce qui lui vaut d’être fait prisonnier-otage de la dictature militaire. Il est alors détenu dans des conditions sordides (deux ans au fond d’un puits) de 1973 à 1985. Avec d’autres dirigeants des Tupamaros, il était continuellement torturé et menacé d’exécution par les militaires. Les otages étaient transférés de casernes en casernes, Mujica restant aux côtés de Fernández Huidobro et Mauricio Rosencof, avec qui il communiquait en tapant sur les parois. À sa libération, il s’engage en politique, est élu sénateur puis nommé ministre de l’Agriculture du gouvernement Vázquez, en 2005. Il devient ensuite président de la République Uruguayenne en 2010 à l’âge de 75 ans.
Mauricio Rosencof, (interprété par Chino Darín), né en 1933, est un journaliste, dramaturge, poète et écrivain uruguayen, qui fit partie de la direction des Tupamaros. Il fut élu en 1970 au comité exécutif, et devient dirigeant de la colonne 70. Elle s’occupait essentiellement d’actions politiques et non militaires (occupation des cinémas, distribution de propagande, occupation d’entreprises, distribution de vivres, etc.). Rosencof fut finalement arrêté en mai 1972 et gravement torturé. Après le coup d’État de juin 1973, il devint l’un des otages de la dictature militaire, avec huit autres dirigeants des Tupamaros et plusieurs Tupamaras. Il est détenu dans des conditions similaires à José Mujica, continuellement torturé et menacé d’exécution, déplacé de casernes en casernes. Il est libéré pendant la transition démocratique, en mars 1985. Rosencof vit aujourd’hui à Montevideo, où il est élu en 2005 directeur de la culture de la ville.
Eleuterio Fernández Huidobro, (interprété par Alfonso Tort), né en 1942, est un ex-dirigeant des Tupamaros, et sénateur uruguayen jusqu’à sa mort en 2016. Il est l’un des fondateurs et militant historique des Tupamaros. Il est arrêté une première fois en 1969, mais s’échappe en 1971 en même temps que 110 autres prisonniers, la plupart Tupamaros. Il est à nouveau arrêté en 1972 et ne devra sa vie sauve qu’à l’arrivée d’un juge sur les lieux de son arrestation. Il est détenu durant toute la dictature militaire aux côtés de José Mujica et Mauricio Rosencof, dans des conditions similaires, chacun isolé dans sa propre geôle. Il est décédé en août 2016.
STYX de Wolfgang Fischer
Avec Susanne Wolff
Rike, 40 ans, est médecin urgentiste. Pour ses vacances, elle a planifié un voyage en solitaire pour rejoindre l’île de l’Ascension depuis Gibraltar, une île au nord de Sainte-Hélène, où Darwin avait planté une forêt entière. Seule au milieu de l’Atlantique, après quelques jours de traversée, une tempête violente heurte son vaisseau. Le lendemain matin, l’océan change de visage et transforme son périple en un défi sans précédent…
Wolfgang Fischer revient sur la genèse du projet : « Nous voulions un film très corporel, très physique, avec peu de dialogues. Juste une protagoniste qui se trouve aux prises avec une nature hostile qui ne peut jamais être tout à fait contrôlée, et où une expertise est nécessaire pour s’en tirer. C’était le point de départ du film : une femme qui se jette dans un nouvel environnement, qui s’y confronte et tente d’en maîtriser les éléments et les défis. Soutenir sa propre solitude est un thème important : qui en est capable aujourd’hui ? Rike part sans téléphone, sans accès à internet, pour pouvoir être seule pendant des semaines sur son bateau – et elle adore ça. Cela nous a intrigués. Elle n’a besoin de personne pour se sentir heureuse. Mais c’est une personne très sensible et sensuelle. On le voit lorsqu’elle va nager en pleine mer, quand elle sent les premiers rayons de soleil sur son visage, quand le vent souffle dans les voiles et que cela la fait sourire, ou encore quand elle parle de ses rêves et du paradis qu’elle veut rejoindre en bateau. »
Tourner en pleine mer s'est avéré très difficile. « Toutes les personnes avec qui j’en parlais avant le tournage me l’avaient déconseillé et me disaient que ce serait un enfer, que cela ne pourrait pas marcher. Ils me disaient que la mer était un lieu de tournage incontrôlable, et ils avaient raison. C’était très difficile. J’ai tourné à Malte et c’était le pire automne de la décennie dans la région. Il n’y avait que des tempêtes. Ensuite nous avons navigué pendant 16 heures entre Malte et la Sicile, et nous avons raconté l’histoire en une fois, pendant le voyage. C’est la décision la plus importante que nous avons prise. Le projet a marché parce que nous nous sommes tous soumis à cet environnement. C’était comme faire un documentaire. Nous étions huit personnes à bord, et tout le monde devait se cacher pour ne pas apparaître à la caméra ! Les scènes de tempêtes sont les seules que nous avons filmées dans un char à Malte – avec des machines à vagues effrayantes et des canons à eau qui ont projeté 600 litres d’eau sur le bateau. L’idée était de faire des prises aussi longues que possible, pour éviter de trop manipuler les moments au montage, et de montrer au mieux la danse corporelle de Susanne Wolff pendant qu’elle réalisait ses exploits », explique le réalisateur.
** BONUS **
SYNONYMES de Nadav Lapid
Avec Tom Mercier, Quentin Dolmaire et Louise Chevillotte
Yoav, un jeune Israélien, atterrit à Paris, avec l'espoir que la France et le français le sauveront de la folie de son pays.
Ours d'Or du meilleur film au Festival de Berlin 2019.
« Synonymes » s'inspire du parcours de son réalisateur lorsqu'il vivait à Paris au début des années 2000 après avoir subitement quitté Israël : « c’est comme si j’avais entendu une voix surgie de nulle part, comme Jeanne D’arc ou Abraham le patriarche – j’ai compris que je devais quitter Israël. Quitter maintenant, tout de suite et pour toujours, m’arracher de ce pays, fuir, me sauver moi-même du destin israélien. Dix jours plus tard j’ai atterri à Charles de Gaulles. J’ai choisi la France à cause de mon admiration pour Napoléon, ma passion pour Zidane, et à cause d’un ou deux films de Godard que j’avais découvert deux mois auparavant. Mon français était basique, je n’avais ni papiers ni visa et je ne connaissais personne. Mais j’étais déterminé à vivre et mourir à Paris, et de ne plus jamais revenir. J’ai refusé de parler l’hébreu. J’ai coupé tous mes liens avec les Israéliens. Je me suis consacré entièrement à la lecture obsessionnelle d’un dictionnaire franco-français et à quelques boulots occasionnels qui devaient assurer ma survie. J’ai vécu dans la pauvreté et la solitude. J’ai compté chaque centime. J’ai mangé tous les jours le même plat, le plus simple et le moins cher que je pouvais trouver ».
Une fois arrivé à Paris, Nadav Lapid s'est lié d'amitié avec un Français qui lui a fait découvrir le cinéma : « Il m’a appris ce que c’était un plan, une séquence, un plan-séquence. Il m’a appris que le cinéma pouvait être un objet de réflexion et de débat. Il m’a fait comprendre que la seule chose qui est aussi belle qu’un beau film, est la capacité de parler du film, de penser le film, d’écrire sur le film ».
Décidé à intégrer la Fémis, le réalisateur est recalé à la dernière étape du concours. Abattu par le manque de perspectives qu'il avait en France et sa situation précaire, il décide de retourner en Israël où une maison d'édition lui proposait de publier un recueil de ses nouvelles.
« Synonymes » est le premier rôle au cinéma de Tom Mercier. Pour le réalisateur ce fût une vraie révélation dès le casting : « Tom était étudiant dans une école de théâtre quand il est venu passer une audition pour ‘Synonymes’. On raconte souvent des histoires et des légendes sur les auditions au cinéma, qui sont presque devenues des clichés. Mais l’audition de Tom était vraiment une expérience à part, absolument inoubliable pour moi et pour ma directrice de casting, Orit Azulay. Même elle, qui a travaillé avec des milliers d’acteurs, est restée sous le choc. Quand Tom est sorti de la salle, nous avons annulé toutes les autres auditions prévues pour la journée. Nous voulions tout simplement prendre un café et réfléchir sur ce que nous venions de voir. Ce n’était pas forcément la qualité de son jeu, mais d’abord sa présence, ce mélange étonnant de liberté totale et d’attention quasi obsessionnelle pour les détails, un mélange de quelque chose d’à la fois sauvage, brutal, violent, sensible et fragile. Un côté ludique, charismatique et vulnérable aussi. Et une sexualité qu’on ne peut absolument pas classifier et cataloguer. Ce mélange, c’était tout simplement Tom lui-même. D’habitude, à la fin des auditions, la plupart des acteurs essayent de sympathiser avec le réalisateur. D’autres, plus rigides, gardent une distance pour se protéger. Tom a fini la sienne – une audition qu’il faut vraiment montrer, car il a fait des gestes magnifiques, des improvisations merveilleuses, et moi d’habitude je n’aime pas les improvisations, mais il a fait des choses étranges, libres, sauvages – et à la seconde même où c’était fini, il nous a dit simplement ‘Shalom’, et il est parti. Nulle tentative de plaire… Pour moi, au-delà de toutes ses qualités et de son talent, Tom est l’acteur le plus présent et le plus sincère que j’aie jamais vu. Il n’est que vérité. Son investissement dans le film était total, et dans une certaine mesure il est passé par le même processus que moi lorsque j’étais à Paris au même âge. Il a appris le français en s’immergeant entièrement dans la langue. Il s’est installé à Paris en se coupant totalement d’Israël. Aujourd’hui un an après le tournage, il vit toujours en France. Je pense que sa grande créativité, son esprit sincère et inventif, m’ont inspiré une forme de vitalité et de liberté sur le tournage. Ça m’a permis de toucher à l’imprévu, à l’inattendu, au sauvage. J’évoluais ainsi entre mon découpage détaillé et précis, et cet imprévu total que Tom incarnait. »