Émission du mercredi 6 mars 2019
Le Pitch - Cinéma- Émissions culturelles
- 1 min 59 s
- tous publics
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DAMIEN VEUT CHANGER LE MONDE de Xavier De Choudens
Avec Franck Gastambide, Melisa Sözen, Camille Lellouche et Gringe
Damien et sa sœur Mélanie ont vécu une enfance heureuse, bercée par les engagements militants de leurs parents. Lorsque leur mère disparait brutalement, la fibre militante de cette famille s'éteint. Vingt ans plus tard, Damien, est devenu pion dans une école primaire, et mène une vie tranquille. Pour sauver l'un de ses jeunes élèves Bahzad, et sa mère, d'une expulsion de territoire imminente, Damien renoue avec son passé et convainc Mélanie, devenue redoutable avocate d’affaires, son meilleur ami Rudy et une bande de potes improbables de l'accompagner dans son nouveau combat. Ensemble, ils vont enfreindre la loi par solidarité. Et très vite se faire complètement dépasser...
Le réalisateur revient sur la genèse du projet : « J’ai lu dans la presse l’histoire d’un homme qui avait reconnu des enfants de sans-papiers pour leur donner la nationalité française. Les premières phrases ont frappé mon imagination et j’ai cru y découvrir une sorte de Robin des bois des temps modernes ! La vérité était tout autre, car en poursuivant ma lecture, il s’avérait que cet homme était un escroc qui réclamait de l’argent pour reconnaitre des enfants, et récupérait en plus les prestations familiales versées aux mères. C’est de là que tout est parti : et si la nationalité française pouvait être un don ? Un cadeau ? Je me suis renseigné sur la reconnaissance de complaisance, et je me suis interrogé sur mon propre engagement. Le sujet m’intéressait, mais je ne voulais faire ni un pamphlet politique ni un film moralisateur. Le film devait être une comédie, sans jamais s’éloigner de l’émotion, car bien souvent les comédies qui me touchent sont celles qui me font aussi pleurer. »
Pour faire son film, il a mené plusieurs recherches : « J’ai pris contact avec des associations et des travailleurs sociaux, je suis allé visiter des centres d’hébergement d’urgence, j’ai parlé avec des avocats… mais j’ai surtout recueilli la parole de mères qui vivaient ou avaient vécu sous le coup d’une OQTF (obligation de quitter le territoire français). J’ai eu une démarche de documentariste, même si je savais que j’allais réaliser une comédie. Au-delà des recherches, ce qui m’importait le plus c’était d’avoir un point de vue honnête. Un point de vue bienveillant, et surtout pas moralisateur. »
Le cinéaste revient sur le casing : « J’ai écrit en pensant à Franck Gastambide, sans savoir qu’il accepterait le rôle, mais cela m’a permis de trouver le personnage de Damien. Je ne connaissais pas Franck, mais en le voyant dans certains films j’ai tout de suite été marqué par son grand naturel. Par son physique aussi. Il est aussi costaud que fragile et c’est précisément ce qui m’a intéressé chez lui. J’étais convaincu que je pouvais l’amener vers un registre qu’il n’avait pas encore exploité. »
Le comédien revient sur les raisons qui l’ont poussé à accepter le rôle : « Ce projet m’a séduit car sous couvert de comédie il aborde des sujets forts et graves de notre actualité. Mais évoquer avec humour des thèmes sérieux au travers d’une comédie sociale a été pour moi une expérience nouvelle et enrichissante. J’ai été très sensible au sujet : le film parle de tous ces gens qui viennent d’ailleurs, que nous croisons à un carrefour, dans le métro, à un feu rouge, auxquels nous donnons parfois une pièce sans pour autant nous y intéresser vraiment. Nous sommes le plus souvent indifférents à leur vie, nous ne savons ni comment ils vivent, ni où ils dorment... La lecture du scénario m’a interpellé jusqu’au point d’éveiller en moi un certain sentiment de culpabilité, et il m’a apporté beaucoup d’informations sur leurs parcours et leurs difficultés. Ce film nous confronte à un vrai phénomène de société. »
Le réalisateur ne tarit pas d’éloges concernant Camille Lellouche, « J’ai découvert une fille drôle, énergique, et tellement travailleuse ! Mon travail a été de construire avec elle ce personnage tout en retenue, en maitrise. C’était très intéressant d’aller vers l’opposé de ce que je connaissais d’elle, mais au final je pense qu’il y a beaucoup de Camille dans Mélanie. Ou de Mélanie dans Camille. Enfin bref, elle apporte beaucoup au récit. Je suis très content du résultat. »
STAN & OLLIE de Jon S. Baird
Avec Steve Coogan et John C. Reilly
1953. Laurel et Hardy, le plus grand duo comique de tous les temps, se lancent dans une tournée à travers l’Angleterre.
Désormais vieillissants et oubliés des plus jeunes, ils peinent à faire salle comble. Mais leurs capacités à se faire rire mutuellement et à se réinventer vont leur permettre de reconquérir le public, et renouer avec le succès. Même si le spectre du passé et de nouvelles épreuves ébranlent la solidité de leur duo, cette tournée est l’occasion unique de réaliser à quel point, humainement, ils comptent l’un pour l’autre…
Stan Laurel et Oliver Hardy sont largement considérés comme le plus grand tandem comique de l'histoire du cinéma. De 1927 à 1950, ils se sont produits dans 107 films (32 courts métrages muets, 40 courts parlants, 23 longs métrages, 12 apparitions). Ils ont ainsi donné ses lettres de noblesse à la notion de « duo comique » avec une complicité contagieuse et des gags qui pouvaient sembler naturels, mais qui étaient ciselés dans leurs moindres détails. Les deux comédiens font partie des très rares stars du muet à avoir survécu au parlant – et même à s'y être épanouis –, ajoutant des jeux de mots à leur panoplie comique.
Le scénariste Jeff Pope éprouve, lui aussi, une vraie tendresse pour le duo. Après avoir vu « Laurel et Hardy au Far West », il s'est lancé dans des recherches sur la véritable histoire des deux stars. Il a alors découvert un pan méconnu de leur parcours : la tournée théâtrale du célèbre duo au Royaume-Uni au début des années 50. « Il y a cette incroyable photo de ces deux types, qui avaient été des icônes du cinéma, et qui séjournaient dans de modestes auberges, qui se produisaient dans de petits théâtres et qui ne se rendaient pas compte qu'ils faisaient tout ça parce qu'ils s'aimaient. C'est ce qui m'a poussé à écrire ce film : c'est une histoire d'amour fraternel entre deux hommes », déclare Pope.
Pour le film, il était indispensable de dénicher les comédiens non seulement capables d'incarner le célèbre tandem, mais aussi d'apporter un éclairage sur leur trajectoire personnelle – afin de mieux cerner qui ils étaient et ce qui les faisait vibrer.
Steve Coogan a été la première – et la dernière – personne à qui Jon Baird ait proposé de camper le rôle de Stan Laurel. L'acteur a d'abord découvert Laurel et Hardy à la télévision, en regardant leurs mésaventures en robe de chambre pendant les grandes vacances. « Ces films étaient très accessibles à un enfant. C'était un humour lié à la personnalité des deux comédiens, et pas un comique de situation. Il n'y a pas de conséquences à leurs actions car ils évoluent fondamentalement dans un monde joyeux ». Au cours d'échanges avec Baird, Coogan a montré qu'il pouvait facilement adopter les attitudes et les tics de langage de Laurel, mais aussi exprimer l'énergie et l'honnêteté de l'homme.
Le réalisateur précise : « J'ai rencontré Steve au cours d'un déjeuner et on parlait tranquillement de Stan Laurel et sans prévenir il a commencé à se glisser dans la peau de son personnage. Puis, il a fait tomber sa serviette, et s'est cogné la tête contre la table – et j'en ai eu des frissons dans le dos et j'ai été bluffé ! C'est ce moment qui n'a l'air de rien qui a été déterminant. Je savais que c'était un type très intelligent, et qu'il s'y prendrait à merveille, Et en le voyant incarner Stan avec une telle précision dans la voix et le jeu, j'ai su au bout de cinq minutes qu'il s'imposait dans le rôle. Tout le monde était fou de joie quand Steve nous a donné son accord, pour des raisons évidentes ».
Le choix de Reilly a joué un rôle décisif dans la participation de Coogan au projet. « J'ai demandé à la production qui était envisagé pour Oliver Hardy. On m'a répondu John C. Reilly et j'ai dit : 'S'il donne son accord, je suis partant' » se souvient Coogan.
Baird se souvient de son rendez-vous avec Reilly : « John m'a dit : 'c'est une responsabilité énorme de jouer ce personnage – c'est mon héros', et Steve m'avait dit la même chose », signale-t-il. « Mais John a ajouté : 'Je ne laisserai personne d'autre tenir ce rôle. C'est terrifiant d'accepter un rôle pareil, mais je ne laisserai personne d'autre le faire à ma place' ». Et je me suis dit : 'Si tu es de cette trempe-là, tu es le genre de mec avec qui je veux travailler parce que tu fais preuve de responsabilité et de courage' ».
L'alchimie entre les deux acteurs s'est ressentie tout au long du tournage. « Steve a été un partenaire formidable », affirme John C. Reilly. « On s'est rendu compte dès le départ qu'il n'y avait pas moyen de jouer ces rôles sans apprendre à s'aimer. On ne se connaissait pour ainsi dire pas, mais on est devenus très amis. C'est l'un des types les plus drôles que j'aie jamais rencontré. Je me sentais vraiment seul dès que Steve n'était pas sur le plateau avec moi. J'avais le sentiment qu'il me manquait une partie de moi-même ».
La transformation physique de Coogan et Reilly a été supervisée par le chef-maquilleur Jeremy Woodhead et le chef-prothésiste Mark Coulier. Après plusieurs essais, l'équipe a choisi de privilégier la sobriété en matière de maquillage. « Il faut veiller à ce que le spectateur ne se dise pas 'Quel maquillage extraordinaire !'. Il doit être absorbé par l'interprétation et l'histoire et ne surtout pas être interpellé par quoi que ce soit qui le déconcentre de l'intrigue », explique Coogan.
Au bout du compte, Coogan a choisi un faux menton, de fausses dents et des embouts auriculaires personnalisés donnant l'impression qu'il a les oreilles décollées. Détail amusant : Coogan, qui a les yeux marrons, a dû porter des lentilles bleues, et Reilly, qui a les yeux bleus, a dû porter des lentilles marrons. Pour la coiffure un rien excentrique de Stan, Woodhead a appliqué la même philosophie minimaliste. « On a laissé à Steve ses vrais cheveux, mais on les a teints pour se rapprocher de la couleur de Stan Laurel. Stan était roux. On a envisagé de teindre Steve en roux, mais ça sautait trop aux yeux et risquait de détourner l'attention du spectateur. De toute façon, vers la fin de sa vie, Stan se teignait les cheveux », indique-t-il.
Pour se fondre dans la peau de son personnage, Reilly subissait quatre heures de maquillage par jour. Dans les années 50, Hardy pesait près de 180 kg, mais l'équipe a choisi de ne pas aller jusque-là. Coulier et Woodhead ont testé quatre faux gros ventres en mousse polyéthylène. Pour obtenir un résultat satisfaisant, l'équipe s'est inspirée de la vie personnelle de Hardy. « On a longuement travaillé avec John C. Reilly pour que son allure soit conforme à la réalité. Il a fait des centaines d'essayages et on a élaboré son costume en y intégrant toutes sortes de détails. Bien entendu, il y a énormément de choses pratiques à prendre en compte en matière de prothèse car l'acteur doit ressembler au personnage sans que sa tenue ne gêne son jeu. On doit pouvoir percevoir le génie de John C. Reilly à travers sa combinaison, tout en étant convaincu qu'on a Hardy face à soi », indique Faye Ward.
« Seuls mon visage et la paume de mes mains étaient à l'air libre. Le reste de mon corps était recouvert soit par les prothèses, soit par le faux ventre. Comme si je portais un masque sur tout le corps. Et le masque était si convaincant qu'il m'a donné la force de jouer le rôle ! » se souvient Reilly.
** BONUS **
SIBEL de Guillaume Giovanetti & Çağla Zencirci
Avec Damla Sönmez, Emin Gürsoy et Erkan Kolçak Köstendil
Sibel, 25 ans, vit avec son père et sa sœur dans un village isolé des montagnes de la mer noire en Turquie. Sibel est muette mais communique grâce à la langue sifflée ancestrale de la région. Rejetée par les autres habitants, elle traque sans relâche un loup qui rôderait dans la forêt voisine, objet de fantasmes et de craintes des femmes du village. C’est là que sa route croise un fugitif. Blessé, menaçant et vulnérable, il pose, pour la première fois, un regard neuf sur elle.
• Festival de Locarno 2018 : Prix du jury jeune + Prix de la presse + Prix du jury œcuménique
• Festival de Montpellier 2018 : Prix du public + Prix de la presse
• Rencontres cinématographiques de Cannes 2018 : Prix du public + Prix de la presse + Prix Ceux du Rail
Les deux réalisateurs reviennent sur la genèse du projet : « En 2003, nous avions acheté le livre ‘Les langages de l’humanité’, un pavé de 2000 pages d’une érudition à couper le souffle. Un paragraphe anecdotique y mentionnait l’existence d’un petit village au nord-est de la Turquie où les habitants parlaient une langue sifflée. Cela nous avait marqués parce que nous travaillons souvent sur les langues et les possibilités de communication. Alors que nous voyagions dans la région de la Mer Noire en Turquie en 2014, la langue sifflée est revenue à notre esprit, et nous avons cherché le village en question. Nous voulions aller à la découverte de cette langue, savoir si elle existait vraiment, et étions animés par une curiosité d’ordre quasi ethnographique. Nous avons découvert Kusköy - qui signifie village des oiseaux. Nous craignions un peu que ça ne soit que du folklore, que seuls quelques vieux parlent cette langue. Ça n’a pas été le cas. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas une langue éteinte. Les adultes la maîtrisent tous parfaitement. Mais bien sûr, la génération biberonnée aux téléphones portables la comprend moins bien. Alors les villageois ont commencé à l’enseigner à l’école, donc les enfants la pratiquent. Et dès que les smartphones ne captent plus en montagne, ça commence à siffler. Le son se diffuse beaucoup mieux ainsi. La langue sifflée n’est pas un code comme le Morse mais une véritable retranscription en syllabes et en sons de la langue turque. Dès lors, on peut tout dire. Absolument tout. Pendant ce premier voyage, nous nous sommes retrouvés un jour face à une jeune femme du village, dont nous avons eu l’impression, sur le moment, qu’elle était muette et qu’elle ne parlait qu’avec la langue sifflée. Elle a subitement disparu dans la nature. C’est elle qui nous a inspiré le personnage de Sibel. Nous avons par la suite passé du temps au café du village, qui est le centre du monde. Une seule route s’y déploie. Voir la vie s’y dérouler donne des dizaines d’idées de fictions par minute. On a construit graduellement le personnage de Sibel et notre histoire en écoutant les villageois, en nous nourrissant de leur vécu. Nous sommes revenus de nombreuses fois à Kusköy pour creuser le récit. Nous avons façonné Sibel comme un personnage de fiction, car notre envie était de faire l’expérience, pour notre 10e film ensemble, de diriger une vraie actrice. »
Les réalisateurs reviennent sur le casting : « Nous voulions pour ce film mesurer les automatismes et la force de proposition des comédiens de métier. Et nous n’avons pas été déçus ! Pour Sibel, dès que nous avons commencé à travailler avec notre co-scénariste Ramata Sy, qui a par ailleurs su tirer le meilleur de nous-mêmes, nous avons eu besoin d’un visage pour écrire : nous avons trop l’habitude de connaître ceux dont on va raconter l’histoire. Du coup, alors que nous étions de passage à Istanbul, nous avons demandé à rencontrer l’actrice Damla Sönmez, que nous avions remarquée dans un film. C’était plus de deux ans avant le tournage. Elle s’est enthousiasmée pour le projet. Elle est allée plusieurs fois au village, elle a dormi là-bas, elle voulait vraiment ce rôle. Depuis toujours, ce qui est primordial pour nous, c’est l’envie des gens avec qui nous travaillons et Damla nous a comblés à ce niveau. Elle s’est préparée pendant des mois. A trois heures du matin, elle nous envoyait des vidéos d’elle en train de siffler ! »
Les cinéastes ont dû appréhender le langage sifflé. Ils s’expliquent : « Il ne fallait pas siffler n’importe comment. Tous les dialogues sifflés du film sont réels. Bien en amont du tournage, un professeur de langue sifflée du village a pris sous son aile Damla (qui ne savait pas siffler quand on l’a rencontrée !) pour lui enseigner la langue. Et sur le plateau, il faisait office de consultant et veillait à la cohérence du langage. Pour lui, ce film est une bénédiction car il met en lumière un langage qu’il utilise quotidiennement et dont il refuse la disparition. Il s’impliquait donc chaque jour avec nous, à l’instar de très nombreux villageois qui nous ont apporté un accueil et une aide considérables. Mais d’autres devaient continuer à travailler aux champs, certains ignorant même que nous tournions. Il arrivait que Sibel siffle le mot ‘papa’ pendant une prise et, la seconde d’après, on entendait quelqu’un répondre au loin : ‘Quoi ? Qu’est-ce que tu veux ?’ »