Émission du mercredi 20 mars 2019
Le Pitch - Cinéma- Émissions culturelles
- 1 min 58 s
- tous publics
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DERNIER AMOUR de Benoît Jacquot
Avec Vincent Lindon et Stacy Martin
Au XVIIIe siècle, Casanova, connu pour son goût du plaisir et du jeu, arrive à Londres après avoir dû s’exiler. Dans cette ville dont il ignore tout, le libertin rencontre à plusieurs reprises une jeune prostituée, Marianne de Charpillon, qui l’attire au point d’en oublier les autres femmes. Le séducteur mythique est prêt à tout pour arriver à ses fins mais La Charpillon se dérobe toujours sous les prétextes les plus divers. Elle lance un défi à Casanova : « Vous ne m’aurez que si vous cessez de me désirer ! »
« Dernier amour » est tiré du livre écrit Giacomo Casanova, « Histoire de ma vie ». Benoît Jacquot a décidé d'intituler son film ainsi en référence à la relation entre Madame de Charpillon (Stacy Martin) et le séducteur (Vincent Lindon). « Ce fut son premier et son dernier amour. Auparavant, il avait eu des amitiés, des complicités, peut-être aussi sans doute des relations amoureuses, mais pas d’amour-passion. La passion au sens étymologique, c’est le pathos, ce dont on souffre. Et à lire ‘Histoire de ma vie’, le livre de mémoires de Casanova, ce type d’amour lui était auparavant étranger », explique le metteur en scène.
Le cinéaste retrouve son complice Vincent Lindon après quatre autres collaborations : « Journal d’une femme de chambre », « Pas de scandale », « L'école de la chair » et « Le Septième ciel ».« Dès que Vincent a su que je pensais à un film sur Casanova, il s’est immédiatement porté volontaire avec une énergie incroyable. Le connaissant très bien amicalement et professionnellement, son activisme me rendait perplexe. Au départ, je ne voyais pas Vincent en Casanova : parce qu’il est Français, costaud, avec une image virile, populaire, donc a priori à l’opposé de Casanova. J’ai eu du retard à me rendre à l’évidence que ça fonctionnerait », avoue le cinéaste.
Benoît Jacquot et Vincent Lindon ont beaucoup travaillé la gestuelle, la façon d’être au XVIIIème : comment porter le costume, la perruque, des bas, des talons, des bagues plein les doigts, comment adopter une gestuelle qui n’est pas du tout celle du grand acteur français type Gabin ou Ventura dans laquelle s’inscrit Lindon. « Pour lui, c’était une gageure et pour moi, c’était très intéressant à filmer », déclare le réalisateur.
Benoît Jacquot a découvert Stacy Martin (Madame de Charpillon) dans « Nymphomaniac » de Lars Von Trier. « Elle m’avait frappé par son aplomb, son innocence insolente, son aisance à montrer ce que généralement on ne montre pas. Ensuite, il me fallait une actrice qui vienne d’ailleurs et qui soit francophone, ce qui l’imposait parmi toutes celles à qui on avait pensé. Et puis je l’ai rencontrée, et je l’ai trouvée tellement humble, correspondant à ce qu’on espère qu’un acteur ou une actrice sera, c’est-à-dire avant tout au service du film, sans idée préconçue. Elle se présentait disponible, perméable à tout ce qui pourrait survenir durant le tournage, et j’ai immédiatement pensé qu’elle serait très bien. Et puis très vite, Stacy et Vincent Lindon ont compris qu’ils ne feraient rien de bon l’un sans l’autre. »
Aborder un film sur Casanova pose inévitablement la question du tournage de scènes de sexe. Benoît Jacquot expose sa vision : « Le régime du film et de cette histoire, c’est : on s’approche de l’érotisme mais on ne va pas au bout. J’aime que le film soit dans la même démarche que la Charpillon. Mais pour dire le fond de ma pensée, je n’aime pas spécialement filmer les scènes de baise, je n’aime pas demander aux acteurs de le faire. Si eux le veulent, alors ça m’intéresse de les filmer, mais sinon… Quand on tourne des scènes de nudité, je suis généralement dans la pièce à côté et je laisse le chef op’ faire ce qu’il a à faire. Ce n’est pas de la pudibonderie, je ne suis jamais gêné pour moi mais plutôt pour ceux que je filme. »
DU MIEL PLEIN LA TÊTE de Til Schweiger
Avec Nick Nolte, Matt Dillon et Emily Mortimer
Nick et Sarah élèvent leur fille de 10 ans, Tilda, dans les environs de Londres. Malgré leurs problèmes de couple, Amadeus, le père de Nick, s'installe chez eux à contrecœur. En effet, atteint de la maladie d'Alzheimer et veuf depuis peu de temps, il est désormais incapable de vivre seul.
« Du miel plein la tête » est le remake du film allemand « Honig im Kopf », du comédien et réalisateur Til Schweiger dont le grand-père était atteint de la maladie d'Alzheimer. Refaire son film pour un public international, avec des acteurs américains, était pour le cinéaste une manière de toucher un plus large public. Il précise : « Tous les films que j'ai écrits et réalisés évoquent les mêmes thématiques, autrement dit les valeurs familiales, l'amour et l'amitié. On ne voulait pas seulement raconter l'histoire d'un homme souffrant de la maladie d'Alzheimer. On souhaitait montrer que sa pathologie affecte toute la famille et que chacun des membres du foyer réagit différemment. Du coup, au final, il ne s'agit pas que d'un film sur la maladie d'Alzheimer. C'est un film sur la famille, sur la confiance, sur les liens qu'on noue ou qu'on renoue, et sur l'amour. »
Côté casting, Matt Dillon tient le rôle du père (que tenait Til Schweiger lui-même dans son film), Emily Mortimer interprète la mère, tandis que Nick Nolte incarne le grand-père. Il s'agit d'un registre que l'acteur n'avait encore jamais exploré. Le rôle de Tilda, la petite-fille du héros, est tenu par Sophia Lane Nolte, la fille de Nick Nolte. Til Schweiger explique son choix : « Je m'apprêtais à rencontrer des fillettes pour le rôle et je me suis rendu compte que Sophia pouvait très bien jouer Tilda, mais sa mère souhaitait la tenir à l'écart des plateaux, j'ai donc discuté avec elle durant trois heures. Je lui ai raconté mon propre parcours, je lui ai dit que j'avais dirigé ma fille qui campait d'ailleurs Tilda dans le film d'origine, qu'on vivait des moments privilégiés quand on tournait avec son propre enfant. Et elle a accepté ».
Pour se documenter, le réalisateur a visité plusieurs structures d'accueil et s'est entretenu avec beaucoup de médecins et d'infirmières qui lui ont raconté plusieurs d'anecdotes. Le cinéaste se souvient : « Nous leur avons demandé de nous faire part des témoignages les plus touchants et les plus bouleversants – et aussi les plus drôles, car l'humour n'est pas absent de ces récits. Une fois que nous avons réuni toutes ces histoires, nous avions également terminé notre première mouture du scénario et là on a pu se rendre compte qu'on avait déjà tel et tel détail, mais pas tel autre. C'était formidable car on pouvait réinjecter telle information ou telle anecdote dans le scénario. J'ai aussi rencontré un scientifique spécialiste de cette pathologie et j'ai découvert où en était la recherche actuelle. J'ai appris que lorsqu'un malade atteint d'Alzheimer tente de vous dire quelque chose et tient des propos incohérents, il est déconseillé de lui dire qu'on ne comprend pas et de lui demander ce qu'il a voulu dire. »
** BONUS **
SUNSETde László Nemes
Avec Juli Jakab, Vlad Ivanov et Evelin Dobos
1913, au cœur de l’empire austro-hongrois. Irisz Leiter revient à Budapest après avoir passé son enfance dans un orphelinat. Son rêve de travailler dans le célèbre magasin de chapeaux, autrefois tenu par ses parents, est brutalement brisé par Oszkar Brill le nouveau propriétaire. Lorsqu’Írisz apprend qu'elle a un frère dont elle ne sait rien, elle cherche à clarifier les mystères de son passé. A la veille de la guerre, cette quête sur ses origines familiales va entraîner Irisz dans les méandres d’un monde au bord du chaos.
« Sunset » est un projet que László Nemes portait en lui avant même de réaliser « Le Fils de Saul », mais sous une forme différente. Il imaginait ainsi une femme au début du siècle dernier, de manière un peu vague, impliquant un personnage qui portait en lui le destin du XXe siècle... Le réalisateur se rappelle : « Le projet a pris forme juste avant le financement de mon premier film. ‘Sunset’ vient d’obscures interrogations personnelles sur l’Europe centrale, sa littérature, son cinéma, sa peinture et même sa photographie. Je ne suis parti de rien de spécifique, mais plutôt d’impressions. Rétrospectivement, je pense que des écrivains comme Kafka et Dostoïevski ont eu un certain impact sur moi. Les personnages de Kafka se trouvent face à un mur qu’ils ne peuvent pas franchir. C’est fascinant comme Kafka donne le sentiment qu’il est parfaitement naturel qu’il existe des obstacles infranchissables. C’est tout à fait le contraire de ce que représente le nouveau monde américain, à savoir la promesse que tout est faisable. En Europe de l’Est, rien n’est faisable. En tout cas, le récit lui-même est totalement original. »
László Nemes a travaillé le scénario de « Sunset » avec le monteur Matthieu Taponier et le co-scénariste Clara Royer, qui avaient tous les deux œuvré sur « Le Fils de Saul ». Le cinéaste précise : « On a écrit ce film en anglais, mais on en parlait en français, et on l’a tourné en Hongrie ! Ce fut un processus bizarre. Tout cela est arrivé de façon organique. Matthieu était déjà présent comme consultant au scénario sur ‘Le Fils de Saul’ et il était sans doute le mieux qualifié parmi nous pour construire la structure. C’est un film qui s’est fait entre amis. Je savais ce que je voulais et je poussais dans une direction qui me semblait juste mais on naviguait en territoire inconnu car on savait qu’on écrivait un film qui sortait de l’ordinaire. »
Pour les décors, László Nemes ne voulait pas tourner en studio. Par exemple, la boutique a été construite dans une rue de Budapest. Le metteur en scène raconte : « On a bâti les décors à l’intérieur de la ville, ce qui est assez particulier. Il faut dire que Budapest a été ravagé par le nouvel urbanisme. On a réussi, néanmoins, à retrouver des rues de l’époque. Elles nous permettaient d’entrer et de sortir du décor et de communiquer avec l’extérieur. Cela nous a permis de plonger dans un environnement que nous pouvions contrôler. Nous voulions aussi créer des couches de vie autour du personnage principal. En effet Írisz essaie sans cesse d’ouvrir des rideaux qui bouchent sa vision. Grâce au décor, on pouvait créer des obstructions visuelles et rendre compte du chaos de la ville. Ainsi que de cette effervescence qui, selon moi, caractérisait le Budapest du début du siècle. »
László Nemes connaissait Juli Jakab. L'interprète de Írisz Leiter avait en effet déjà joué dans quelques films hongrois et le réalisateur lui avait donné le rôle d’une des jeunes femmes dans « Le Fils de Saul ». Il explique : « Elle était pour moi une énigme personnelle, avant d’être mon interprète. Je crois qu’on perçoit, en regardant le film, mes incertitudes à son égard ainsi que les interrogations qu’elle suscitait en moi, notamment quant aux différentes strates de sa personnalité et à l’énergie que celles-ci produisent. Je crois que je l’ai aussi éprouvée pendant le tournage. J’ai essayé de percer certains mystères et je n’ai pas réussi ! Elle porte en elle quelque chose qui va au-delà de sa personne. »
Le cinéaste ne comptait pas tourner autrement qu'en pellicule, un support qui lui permet de créer un cadre très défini et de repousser les limites du cinéma. Avec le directeur de la photographie Mátyás Erdély, il a hésité entre un format large, type cinémascope, et un format carré. Il se souvient : « Finalement, étrangement, on a choisi un format qui a pratiquement été abandonné avec le numérique, le 1-85. Nous ne l’avions jamais vraiment apprécié mais ce qui nous a convaincus, c’est l’objectif sphérique. Il nous permettait d’être proche du personnage sans constituer le monde autour d’elle en spectacle. Pour ce qui est des choix chromatiques, nous travaillions avec des murs recouverts de références artistiques de l’époque : des tableaux hongrois, allemands, autrichiens, des photos. Cela dit, et c’est valable aussi pour les costumes et les décors, nous n’avons pas voulu réaliser un film qui se contente de mettre de beaux objets en vitrine. Nous souhaitions refléter la sophistication et le raffinement de cette période sans nous livrer à un étalage d’antiquaires. »