Émission du mercredi 19 juin 2019
Le Pitch - Cinéma- Émissions culturelles
- 1 min 58 s
- tous publics
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NEVADAde Laure De Clermont-Tonnerre
Avec Matthias Schoenaerts, Gideon Adlon et Bruce Dern
Ce film fait l’objet de l’avertissement suivant : « Deux scènes violentes sont susceptibles de choquer le jeune public »
Incarcéré dans une prison du Nevada, Roman n’a plus de contact avec l’extérieur ni avec sa fille... Pour tenter de le sortir de son mutisme et de sa violence, on lui propose d’intégrer un programme de réhabilitation sociale grâce au dressage de chevaux sauvages. Aux côtés de ces mustangs aussi imprévisibles que lui, Roman va peu à peu réapprendre à se contrôler et surmonter son passé.
« Nevada » est le premier long métrage Laure De Clermont-Tonnerre. À l’origine comédienne elle explique comment elle a eu l’envie de passer derrière la caméra : « La mise en scène d’une pièce, au cours de laquelle j’ai découvert le plaisir de diriger des acteurs. Ça a planté une petite graine dans ma tête qui me faisait penser que je devais me mettre à écrire des courts métrages. Par ailleurs, la condition d’acteur est difficile, on attend les coups de fil, on est dépendant du regard de l’autre, et ma nature n’était pas faite pour ça. En mettant en scène cette pièce, j’ai découvert le pouvoir de décider, d’avancer. La mise en scène a permis de développer ma nature entrepreneuse, créatrice. »
Beaucoup de rencontres ont été déterminantes pour la réalisatrice dans l'élaboration du film. D’abord Kathleen O’Meara, qui dirige le département psychologie/psychiatrie des prisons californiennes et qui est devenue consultante sur le film. Et bien sûr Robert Redford, qui officie en tant que producteur exécutif. Elle se rappelle de cette rencontre qui a eu lieu aux ateliers scénario à Sundance : « Il vient vers moi et me dit 'on a une chose en commun, on aime les chevaux'. Il connaissait très bien le programme de réhabilitation des prisonniers par les mustangs, et il possède une réserve qui protège et sauve des centaines de chevaux sauvages. Évidemment, mon histoire le touchait et il avait envie de l’accompagner. Ensuite, à l’étape de l’atelier mise en scène, il a confirmé son intérêt et proposé d’en être le producteur exécutif. »
Laure De Clermont-Tonnerre voulait absolument tourner dans la prison du Nevada où a lieu le programme de réhabilitation. Les prisonniers dans le film sont des ex-détenus qui ont participé au programme. L’un d'eux, Tom, est devenu entraîneur de chevaux et dit lui-même qu’il a été « sauvé par un cheval ». Mais il était impossible de tourner avec des prisonniers toujours incarcérés. La réalisatrice se rappelle : « On a tourné des plans dans la prison active mais la plus grande partie a été filmée dans la prison d’à côté qui n’est plus en activité. Je tenais aux paysages désertiques et rocheux du Nevada, je voulais que les lieux et les personnages secondaires soient authentiques. Mais pendant longtemps, on ne pouvait pas tourner dans le Nevada pour des raisons juridiques et financières et on a cherché des lieux ailleurs sans être jamais satisfaits. Finalement, deux mois avant le tournage, on a fini par obtenir l’autorisation. »
La réalisatrice et le directeur de la photographie Ruben Impens ont beaucoup travaillé le contraste entre la rigidité des plans dans la prison et les mouvements plus libres à l’extérieur. Le but : transmettre cette sensation d’imprévu liée aux chevaux sauvages. La réalisatrice précise : « Pour filmer les chevaux, Ruben avait toujours deux caméras pour mieux anticiper les mouvements imprévisibles des bêtes. Le cheval principal a été composé avec trois chevaux de robe identique : l’un très bien entraîné, l’autre encore vert et un troisième complètement sauvage, chacun jouant une étape différente du cheval de fiction. Il y avait aussi toujours un entraîneur entre la caméra, Matthias et le cheval, ce qui induisait une véritable chorégraphie. »
C’est Matthias Schoenaerts qui a été choisi pour incarner Roman. La réalisatrice explique à son sujet : « Il fallait que mon acteur ait en lui cette masse physique imposante du personnage, tout en portant une émotion, une sensibilité toujours au bord des lèvres, au bord des yeux, à fleur de peau. Matthias s’est lancé très tôt dans l’aventure, il était traversé par cette histoire, il avait besoin de la raconter. Il est venu avec moi dans les repérages en prison, il avait besoin d’absorber toute cette matière émotionnelle, de comprendre ces trajectoires. Sa mère, qui est décédée il y a deux ans, avait enseigné la méditation en prison.Pendant le tournage, son rapport à l’animal était celui de Roman : il avait un peu peur, il ne montait pas très bien au début, il avait cette même appréhension du cheval sauvage.
Matthias, c’est un cheval sauvage. Il a une énergie explosive, qu’il faut canaliser. Il est d’une générosité folle, il déborde de partout, il est volcanique, incandescent… Cette énergie, le film en avait besoin et Matthias a apporté ces mouvements imprévisibles comparables à ceux de l’animal sauvage. Le langage du corps était plus important que de savoir son texte à la virgule près, et Matthias partageait cette intuition-là. »
DIRTY GODde Sacha Polak
Avec Vicky Knight et Katherine Kelly
Ce film fait l’objet de l’avertissement suivant : « Certaines scènes de ce film sont susceptibles de heurter un jeune public »
Le visage à moitié brûlé et une petite fille de deux ans. C'est tout ce qu'il reste de la relation de Jade à son ex, qui l'a défigurée à l'acide. À la violence de cette histoire, succède désormais celle du regard des autres. Pour ne pas couler, Jade n'a d'autre choix que de s'accepter, réapprendre à sourire et à aimer.
Sacha Polak a eu l’idée de « Dirty God » il y plusieurs années, lorsqu'elle a vu une femme avec des marques de brûlures au visage au festival de musique Lowlands. Elle se rappelle : « Tout le monde la dévisageait. Vous ne pouvez pas oublier votre blessure, parce que les gens vous regardent en permanence. J’ai passé beaucoup de temps en Angleterre pour un autre projet de film et j’ai commencé à penser à situer cette histoire là-bas. Au cours de mes recherches, j’ai parlé à plusieurs femmes différentes qui avaient été brûlées lors d’attaques à l’acide. À ce moment, quelques cas étaient connus du grand public, comme l’attaque à l’acide sur le modèle Katie Piper, mais le phénomène a explosé ces dernières années en Grande-Bretagne. De nos jours, il y a aussi des attaques à l’acide aléatoires dans les boîtes de nuit. »
La multiplication du nombre d’agressions de ce type outre-Manche est spectaculaire et sont surtout commises entre gangs londoniens. Pour son film, Sacha Polak a contacté plusieurs femmes victimes d'attaques à l'acide. La réalisatrice a remarqué que, dans la majorité des cas, la motivation de l'attaque est la suivante : « Si ton joli visage n'est pas pour moi, il ne l'est pour personne »...
Elle confie : « J'ai trouvé qu'il s'agissait d'un concept fascinant. Les filles à qui nous avons parlé étaient toutes plutôt pessimistes quant à la possibilité de rencontrer quelqu’un qui voudrait avoir une relation avec elles. Dans le film, une vidéo est postée sur YouTube avec le titre 'Une fille laide pense qu’elle est canon', qui est également basée sur les expériences de ces filles. Je voulais que le film parle d’une jeune personne, parce que je pense qu’être jeune à l’ère d’Instagram est vraiment difficile ; tout est filmé et partagé. L’apparence est primordiale. »
Pour le rôle de Jade, Sacha Polak voulait spécifiquement quelqu’un qui ait un visage avec des cicatrices pour être sûre que les gens y croient (ce qui est difficile avec du maquillage). La cinéaste souhaitait travailler avec une personne pleinement dévouée qui a vraiment vécu une histoire similaire. C’est ainsi qu'elle a choisi Vicky Knight : une personne avec des cicatrices, du bon âge et avec un passé similaire à Jade puisqu’elle a été elle-même prise dans un incendie étant enfant. La réalisatrice explique : « Les cicatrices sur le visage de Vicky sont relativement superficielles, c’est pourquoi le créateur d’effets de maquillage, Morten Jacobsen, a fabriqué une prothèse. Afin de la mettre en place, Vicky devait être présente au service de maquillage deux heures à l’avance tous les jours du tournage. C’était dur pour elle mais elle ne s’est jamais plainte. »
La réalisatrice explique comment elle a travaillé avec la comédienne : « Au début, nous avons passé beaucoup de temps ensemble sans vraiment travailler sur le scénario. Par exemple, pour nous assurer que les scènes de club soient belles, Vicky et moi avons pris des cours de danse. Nous allions aussi nager ensemble toutes les semaines, car à cause de son accident, elle n’avait pas appris à nager pendant son enfance. Je voulais aussi que Vicky et les acteurs jouant son meilleur ami et son petit ami dans le film le deviennent réellement. Elle a également auditionné avec les autres acteurs, juste pour s’assurer qu’elle se sentait à l’aise avec les gens qui l’entouraient. »
Vicky Knight était très méfiante à l’idée de jouer dans le film. Elle explique pourquoi : « Il y a quelques années, j’ai été approchée pour une émission de télévision. Ils ont dit qu’ils cherchaient quelqu’un avec des brûlures et qu’ils voulaient me filmer dans ma vie quotidienne pour montrer comment je le vis et le gère. J’ai souvent été victime d’intimidations à l’école, alors j’ai pensé que cela pourrait être un moyen de montrer aux gens : 'C’est moi et c’est comme ça que je me débrouille'. Nous tournions depuis quelques jours, des choses banales. Puis tout à coup, ils m’ont emmené dans un pub, un garçon est entré et ils m’ont demandé de lui raconter mon histoire. Je ne comprenais pas ce qui se passait, mais il s’est avéré qu’ils étaient en train de créer un programme sur les personnes handicapées qui sortaient ensemble. Eh bien, je suis lesbienne et j’étais avec une fille à l’époque. Ils le savaient depuis le début. En fait, le garçon était gay. Une semaine avant sa diffusion, ils m’ont dit que l’émission s’appelait 'Trop moche pour l’amour'. Cela a complètement ruiné ma confiance en moi. Alors, quand j’ai reçu ce message de Lucy, je me suis dit : 'Je ne vais pas le faire' ». Au final, elle a accepté d’interpréter le rôle. Elle explique pourquoi : « Jade a été victime d’une attaque à l’acide, le traumatisme et l’incident sont donc différents, mais une brûlure est une brûlure. Que ce soit l’eau chaude, le feu ou l’acide, les commentaires seront les mêmes ; les traitements vont être les mêmes. Donc, pour moi, il était assez facile d’entrer dans ce personnage parce que j’avais vécu cette expérience. Le seul problème, c’est que cela a fait ressortir beaucoup de souvenirs et d’émotions douloureuses, mais tout ça a nourri mon personnage. »
** BONUS **
LE DAIMde Quentin Dupieux
Avec Jean Dujardin et Adèle Haenel
Georges quitte sa banlieue pavillonnaire et plaque tout du jour au lendemain pour s’acheter le blouson 100 % daim de ses rêves. Un achat qui lui coûte toutes ses économies et vire à l’obsession. Cette relation de possessivité et de jalousie finira par plonger Georges dans un délire criminel.
Avec « Le Daim », Quentin Dupieux voulait filmer la folie. S'il a l’étiquette d’un réalisateur qui fait des « films fous », il reconnaît n'avoir jamais vraiment filmé la folie. Le metteur en scène explique : « Mais il y a toujours eu dans mes films précédents des astuces pour que la folie soit plutôt un truc 'rigolo' et hors du réel. C’est les films qui étaient dingues, pas les personnages. J’avais très envie de me confronter enfin à un personnage qui déraille, sans artifice, sans mes trucages habituels. 'Le Daim' est donc mon premier film réaliste. Je sais que ça fait marrer les gens quand je le dis mais je le pense profondément. C’est la première fois que je me confronte à la réalité. Une histoire, des acteurs et c’est tout. »
Pour jouer Georges, le réalisateur a choisi Jean Dujardin : « Je n’ai quasiment pas eu à convaincre Jean. Ça a été comme un déclic entre nous. Je lui ai parlé de cette histoire et il m’a dit oui tout de suite. Je crois que comme moi, la question de l’obsession l’attirait beaucoup. Il était totalement habité par le personnage sur le plateau, on peut voir dans ses yeux qu’il ne fait pas semblant, il a vécu le film presque au premier degré, tout en s’amusant énormément. C’était très important pour moi de ne pas emmener Jean à faire semblant d’être fou, le film aurait été moins intéressant. Je voulais que ce soit un tournage très intime pour justement permettre à Jean de se sentir libre, à peine observé. C’est un film sur la solitude, sur une forme de tristesse qui vire à la dinguerie. C’était important de laisser tomber le système de mise en scène très cadrée de mes précédents films, pour aller vers quelque chose de plus souple, plus proche des acteurs. Il y a beaucoup de moments dans le film où Jean pourrait presque donner l’impression de ne pas jouer, tellement il est naturel. On dirait presque un documentaire animalier. Adèle Haenel a aussi apporté quelque chose de très animal. Leur face à face avec Jean donne quelque chose de très étrange. Il se passe énormément de choses dans leurs regards, c’est très fort. Son personnage était bien plus rationnel à l’écriture. C’est elle qui a emmené quelque chose d’inquiétant en plus. Comme si son personnage était contaminé par la folie de Georges. »
Jean Dujardin ne voulait pas faire un numéro d’actor studio sur la folie. Pour le comédien, ce personnage a une solitude en lui qui le touche personnellement. Il précise : « Georges lâche tout. Qui n’a pas rêvé de faire ça ? À partir du moment où j’ai compris ça, je me suis mis à jouer ce personnage le plus normalement possible. Des petits gestes, des regards, une façon d’être bien ancré dans le sol. Pour que ce personnage fonctionne, il faut qu’on y croie tout de suite. Il doit être très terrien. Je crois qu’il ne faut pas chercher à faire le malin dans un film de Quentin Dupieux. Faut juste être à sa place. Ca donne forcément quelque chose d’inattendu avec lui. Je ne m’étais pas rendu compte sur le tournage à quel point je suis à l’écran un double de Quentin. Je ne sais pas... C’est un truc étrange. »
La veste en daim est la partenaire principale de Jean Dujardin. Jouer avec un personnage qui est un costume a été une nouvelle expérience pour le comédien : « J’ai essayé sept blousons. Celui-ci était un des premiers… J’ai senti en le mettant qu’il se passait quelque chose. Spontanément, très vite, on s’est dit 'voilà, c’est le bon'. Comme un casting en fait. Il y avait une alchimie entre nous, ça fonctionnait. Cette veste sur moi, ça racontait quelque chose. C’est un personnage cette veste. Peut-être parce qu’honnêtement, personne ne peut porter ça. Elle est au-delà de tout, du bon goût, du bon sens. On ne se sent pas ridicule quand on porte une veste comme ça. On se sent différent. Ca m’a beaucoup aidé pour jouer. Je ne devrais peut-être pas le dire mais, comme Georges, j’ai moi aussi une petite fascination pour un vêtement. J’adore les bottes. J’en achète plein mais je ne les mets jamais. Je ne sais pas pourquoi mais les voir chez moi, ça me fait plaisir. Et dans le film, les bottes en daim que porte Georges, ce sont les miennes en fait. Donc, avec cette veste on s’est tout de suite très bien entendus. On en parle comme si c’était un personnage mais pour moi, vraiment, je pense que la veste est hantée. Je ne sais pas si Quentin sera d’accord avec ça mais moi, j’ai eu cette impression en voyant le film. C’est le génie du montage de Quentin. Quand on tourne avec lui, on ne peut pas vraiment savoir ce que va donner le film. Toutes les scènes où je dialogue avec la veste, sur le tournage, on se disait 'oui, c’est chouette, c’est marrant'. Mais monté par Quentin, ça devient inquiétant, drôle, tragique, étrange…C’est comme s’il trouvait le meilleur rythme, la meilleure place pour chaque scène. Soudain, le puzzle prend forme. Peu de cinéaste ont une telle maîtrise. Pour un acteur, travailler avec lui, c’est forcément très excitant. »