Émission du mardi 23 avril 2019
Le Pitch - Cinéma- Émissions culturelles
- 1 min 59 s
- tous publics
Du même programme
- Le Pitch - Cinéma Le Pitch - Cinéma Émission du mardi 30 avril 2019 diffusé le 30/04 | 2 min
- Le Pitch - Cinéma Le Pitch - Cinéma Émission du mercredi 8 mai 2019 diffusé le 08/05 | 2 min
- Le Pitch - Cinéma Le Pitch - Cinéma Émission du mercredi 15 mai 2019 diffusé le 15/05 | 2 min
- Le Pitch - Cinéma Le Pitch - Cinéma Émission du mercredi 22 mai 2019 diffusé le 22/05 | 2 min
L'ADIEU À LA NUIT de André Téchiné
Avec Catherine Deneuve, Kacey Mottet Klein et Oulaya Amamra
Muriel est folle de joie de voir Alex, son petit-fils, qui vient passer quelques jours chez elle avant de partir vivre au Canada. Intriguée par son comportement, elle découvre bientôt qu’il lui a menti. Alex se prépare à une autre vie. Muriel, bouleversée, doit réagir très vite...
« L'Adieu à la nuit » est né d'une convergence de plusieurs éléments. Parmi eux, le livre de David Thomson« Les Français jihadistes », recueil d’entretiens très bruts de jeunes Français partis en Syrie faire le jihad. André Téchiné précise : « Il y avait aussi la question du regard d’une personne de ma génération, d’où la présence de Catherine (Deneuve), avec cette complicité et ce désir de renouvellement qui nous lient depuis longtemps. Je souhaitais un champ/contrechamp entre Catherine et ces dialogues bruts de jeunes jihadistes prélevés directement dans le réel. Enfin, il y avait aussi le motif de la transition juvénile qu’est l’adolescence, avec cette grand-mère qui découvre un aspect de la post-adolescence qui a pris un visage terrifiant. »
Avec son film, le cinéaste aborde un sujet difficile qui est l'objet de multiples polémiques dans les médias : la radicalisation religieuse. Il raconte : « Pour ces adolescents attirés par le jihad, il y a un ‘désir furieux de sacrifice’. Je trouvais ça certes brûlant, mais aussi susceptible de ne pas intéresser que moi, mais tout le monde. C’est un sujet clivant et ouvert à la fois. Et ce film ne représente que mon regard sur ce sujet, c’est une proposition de fiction. Quand des adolescents prennent ce nouveau visage ‘monstrueux’, cherchent un nouvel enracinement, c’est comme une conversion maléfique dans un pays inconnu. Cinématographiquement, cela m’amenait vers une dimension de fantastique intérieur. »
« L'Adieu à la nuit » est le huitième film tourné avec Catherine Deneuve qui a souhaité ne pas se reposer sur ses acquis « C’est peut-être dans ce film que je lui ai laissé le moins de liberté, j’espère qu’elle n’en a pas trop souffert. Je voulais éviter le risque de refaire la même chose, je craignais la routine de notre savoir-faire commun. Muriel est à la fois solide dans son métier et vulnérable dans la relation à son petit-fils. Je voulais être au plus près de ces sentiments là, mais je me méfiais de la bonne conscience. Il fallait que Muriel soit complètement désarmée, déroutée, désarçonnée. Elle finit par perdre un peu la raison : elle séquestre Alex, elle ne sait plus comment réagir. Elle ne cesse de se battre et de se débattre. Il n’était donc pas question de se reposer sur l’acquis de nos expériences antérieures. »
Kacey Mottet Klein a également tourné pour le cinéaste dans le film« Quand on a 17 ans ».Mais les deux personnages sont plutôt différents. Téchiné explique : « Il a beaucoup changé en deux ou trois ans. Dans le précédent film, il ne savait pas qui devenir, alors que là, il le sait trop. Il accomplit avec rigueur tous les gestes et rituels de la nouvelle identité qu’il essaye de se construire. Je trouve que Kacey parvient à transmettre la rigidité d’Alex, tout un dégageant un tourment qui n’appartient qu’à lui. »
Oulaya Amamra, qui avait joué l’héroïne de « Divines », incarne ici Lila, amoureuse d'Alex. André Téchiné raconte à son sujet : « Lila est joyeuse, rieuse, ce qui contraste avec l’humeur plus sombre d’Alex, elle s’occupe avec soin et tendresse des pensionnaires de la maison de retraite où elle travaille… Il y a un mélange d’humilité, de gaieté et d’obstination farouche dans son interprétation. Lila est éperdument amoureuse d’Alex, mais dans une perspective très guerrière : elle serait heureuse et fière si Alex mourrait en combattant. Pour elle, la mort n’est pas une mélancolie. Pas de deuil à l’horizon. La mort est vue comme une vie au ciel plus parfaite et désirable que la vie terrestre. »
« L'Adieu à la nuit » est un film « renoirien » au sens où André Téchiné ne juge pas ses personnages. Les deux jeunes joués par Kacey Mottet Klein et Oulaya Amamra font des choix funestes et condamnables mais, en même temps, le réalisateur les montre habités par un idéal romantique. Parallèlement, la grand-mère est un personnage bienveillant mais qui a aussi ses zones d’ombres.
André Téchiné précise : « On s’identifie forcément plus facilement à Muriel, la grand-mère jouée par Catherine. Quand elle prévient la police, c’est un geste de délation mais surtout un geste salvateur, protecteur. J’ai essayé d’éviter la caricature, j’ai recherché la complexité morale en dressant un constat. Concernant Alex (Kacey Mottet Klein) et Lila (Oulaya Amamra), le processus de déshumanisation dans lequel ils s’engagent est terrifiant, mais en même temps, ils restent humains. À la fin, c’est la liberté de chaque spectateur d’être triste ou soulagé quand le rêve toxique de ces jeunes s’effondre avec l’arrestation. »
90's de Jonah Hill
Avec Sunny Suljic, Lucas Hedges et Katherine Waterston
Ce film fait l’objet de l’avertissement suivant : « Le climat qui met en scène un enfant et plusieurs scènes sont susceptibles de choquer un jeune public »
Dans le Los Angeles des années 90, Stevie, 13 ans, a du mal à trouver sa place entre sa mère souvent absente et un grand frère caractériel. Quand une bande de skateurs le prend sous son aile, il se prépare à passer l’été de sa vie...
Jonah Hill que l’on connaît surtout pour ses performances d’acteur revient sur la genèse du projet en tant que réalisateur : « Je me sentais prêt grâce aux différentes expériences que j’ai vécues. Depuis 15 ans, en tant qu’acteur, je fréquente une école de cinéma extraordinaire. J’ai toujours voulu écrire et réaliser un film. J’ai une carrière tellement remplie et enrichissante, c’est une vraie chance et un réel bonheur. J’ai tellement appris des personnages que j’ai interprétés. Souvent, j’ai remarqué que certains acteurs pouvaient être d’excellents scénaristes, mais n’étaient pas prêts à être réalisateurs. Je savais qu’un jour, je réaliserais un film et que ça me prendrait plusieurs années. Il y a très longtemps, j’ai écrit une pièce avec Spike Jonze. On travaillait de façon très intéressante, on discutait de ce qu’on avait écrit chacun de notre côté. Chacun racontait une histoire du début à la fin, ce qui est un excellent travail d’écriture. Quand j’écrivais ‘Mid90s’, je lui ai raconté l’histoire, qui était totalement différente de ce qu’elle est au final. Il y avait beaucoup de flashbacks sur l’époque où j’avais 12 ans et où je faisais du skate. Spike m’a dit : ‘Tu as franchement l’air de t’ennuyer quand tu me racontes l’histoire du film, mais tu t’illumines quand tu parles des flashbacks. Il faudrait que tu écrives CETTE histoire. C’était il y a 4 ans. Et c’est à ce moment-là que j’ai décidé d’écrire ‘Mid90s’. J’ai passé 4 ans de ma vie à travailler sur le film. Dès que j’étais seul ou que j’avais un surplus d’énergie, négative ou positive, je me plongeais dedans. C’était comme mon meilleur ami. Pendant ces 4 ans, j’allais au tribunal la nuit pour écrire. Je m’asseyais sur les marches sur lesquelles les jeunes s’assoient dans mon film, là où ils regardent les pros et leur parlent. Ensuite, je suis rapidement parti à New York où j’ai continué à travailler. J’adore écrire et j’adore travailler au montage. »
Le film met en avant la culture du skate, Jonah Hill s’explique : « J’ai grandi à Los Angeles, je faisais du skate tout le temps. Et je passais ma vie au tribunal, que l’on a recréé à l’identique dans le film, avec les graffitis et tout ce qui s’y trouvait à l’époque. Je n’étais pas très bon skateur, mais je cherchais avant tout à trouver une tribu, un groupe d’amis. Quand on est encore un jeune garçon, on fait tout ce qu’on peut pour appartenir au règne animal. Et quand on est ado, on regarde les petits chercher à s’intégrer dans ce monde. C’est essentiellement un film sur le règne animal : un petit se pointe et apprend à survivre et à se construire au milieu de la meute. J’ai toujours apprécié le côté anti éthique du skate. J’aurais tout donné pour réussir à faire les figures que les autres faisaient, mais surtout, cela m’a donné un point de vue, un goût et une perspective. Et surtout, une famille en dehors de chez moi. »
Le réalisateur revient sur le casting et comment il est parvenu à constituer un groupe assorti et crédible : « Quand on écrit un scénario, on crée des personnages et on a hâte de les voir prendre vie. Je connaissais des tas de gens dans le milieu du skate, ceux que j’avais côtoyés dans mon enfance et certains rencontrés plus récemment. J’ai donc commencé par chercher et j’ai rencontré pas mal de personnes. Mon ami et coproducteur Mikey Alfred m’a énormément aidé. Et puis, j’ai rencontré Sunny dans un skatepark. On n’avait pas encore commencé le casting. On a commencé à discuter et voilà. J’avais trouvé Stevie. Je cherchais un gamin qui mesurait 90 centimètres, mais 3 mètres dans son esprit et son coeur. Je pense sincèrement que Sunny a beaucoup mieux compris son personnage à la fin du film, parce qu’il a acquis bravade et confiance. C’est pour ça qu’il est si crédible. En tant qu’acteur, je n’ai jamais eu de rôle où je devais me mouiller comme Sunny le fait. Il n’avait que 11 ans au moment du tournage, c’est l’âge le plus difficile et le plus tourmenté.
Parmi toute la bande, il n’y a que Sunny qui avait déjà tourné. Les autres étaient super angoissés à l’idée de jouer. Et parce qu’ils étaient extrêmement motivés, ils ont incarné leurs personnages à merveille. Olan, qui interprète Fuckshit, est un garçon terriblement charismatique. Quand il est entré dans la pièce, j’ai oublié de lui faire passer le casting. Scott Rudin m’a dit : ‘On ne l’a pas auditionné.’ Et je lui ai répondu : ‘Ah oui, pardon. Il est incroyable. Bien entendu; il a le rôle. C’est une star.’ Et effectivement, il explose à l’écran. Olan est un garçon incroyablement drôle, il est explosif et déborde d’énergie. Un jour, il était assis dans un coin, hyper calme et je me suis inquiété. Mais en l’observant de plus près, j’ai vu qu’il avait caché son scénario sous la table et qu’il était en train de répéter. Au début, j’avais du mal à le faire arriver à l’heure, mais vers la fin du tournage, il était là quand il fallait, comme un vrai pro. Tous avaient envie d’apprendre, c’était génial et émouvant. Ça a été le plus bel été de ma vie. Quand je regarde les photos, j’y repense avec nostalgie et ça me manque. »
** BONUS **
MAIS VOUS ÊTES FOUS de Audrey Diwan
Avec Pio Marmaï et Céline Sallette
Roman aime Camille, autant qu'il aime ses deux filles. Mais il cache à tous un grave problème d'addiction, qui pourrait mettre en péril ce qu'il a de plus cher. L'amour a-t-il une chance quand la confiance est rompue ?
« Mais vous êtes fous » est le premier long métrage mis en scène par Audrey Diwan, qui est à la base journaliste et romancière. C'est après avoir rencontré le réalisateur Cédric Jimenez, qui est devenu son compagnon, qu'elle s'est lancée dans le cinéma (elle a participé à l'écriture de plusieurs scénarios). Elle explique : « De la littérature au cinéma, le chemin a été long et pourtant assez naturel. On me disait souvent des romans que j’ai écrits, plus jeune, qu’ils avaient quelque chose de très visuel. Assez vite, après la sortie du premier livre, on m’a proposé de travailler pour la télévision, notamment pour Arte sur un projet étrange : l’écriture d’une série, le ‘Twenty show’, qui était un portrait de la jeunesse mêlant fiction et reportage. C’était une bonne école de partir d’un projet journalistique - ma formation d’origine - pour aller progressivement vers la fiction. Ensuite, j’ai brièvement travaillé avec Eric Rochant sur le scénario de la série ‘Mafiosa’. »
Pour écrire son film, Audrey Diwan a puisé son inspiration dans le parcours de quelqu'un qu'elle a réellement connu. En 2012, la réalisatrice a en effet rencontré, par l’entremise d’une amie, une jeune femme à la sensibilité très particulière. Elle se rappelle : « Nous étions dans un parc où j’étais venue avec mes enfants et, les regardant, elle a soufflé : ‘Tu as de la chance de les avoir, toi… ‘ Puis elle s’est livrée, comme parfois on se livre à quelqu’un qu’on ne connaît pas. Elle me raconte qu’elle a eu une vie ‘normale’, un mari présent qui s’occupait beaucoup de leurs deux enfants. Et puis un jour, la révélation, qui explose comme une bombe : il est en fait sous le coup d’une addiction violente et a contaminé le reste de sa famille. Personne ne comprenait comment la contamination avait pu avoir lieu. Hasard extraordinaire, j’avais lu quelques jours plus tôt un entrefilet dans le journal qui racontait bien autrement l’histoire et la résumait ainsi : ‘Un couple de parisiens drogue ses enfants.’ Elle n’était plus seulement victime, mais soupçonnée et peut-être coupable. Je me souviens encore de l’hébétude de cette femme. Et aussi, ce qui m’avait frappée, son incapacité à dire du mal de cet homme qu’elle aimait encore. »
Audrey Diwan a écrit le personnage de Camille pour Céline Sallette, qu'elle a rencontrée en 2012 et avec qui elle est restée en contact. La réalisatrice se souvient : « Je lui ai parlé de l’idée du film assez tôt. D’ailleurs, Pio Marmaï et elle ont rencontré les vrais protagonistes du fait divers. Céline, je l’avais vue jouer, j’avais été frappée par son abandon proche du somnambulisme : elle porte une attention très précise à ce que dit le réalisateur et en même temps il y a chez elle une forme puissante de lâcher-prise. Elle a aussi une façon de convoquer les émotions qui est particulière : elle va les chercher dans le corps. Si les larmes doivent monter, elle court longtemps jusqu’à ce que quelque chose de viscéral se produise... Ce qui est magique chez elle, c’est que son regard est le centre d’un visage incroyable et que d’un battement de cil, elle change d’expression. Jouer le doute, c’est complexe. Il fallait que quelque chose se produise en elle silencieusement qui, dans la dernière partie du film, fasse passer le ‘et si… ?’ Quand on fait un film avec tant de scènes d’émotion, on veut être sûr que le comédien ait l’envie et la capacité de ce miracle répété. »
Concernant le choix de Pio Marmaï : « Je cherchais quelqu’un qui s’accorde avec ma Camille. Pio, n’a pas d’enfant. Je me demandais comment il s’emparerait de la paternité. Et c’est drôle comme les questions qui précèdent une rencontre peuvent s’évanouir en moins d’une heure. Lui et moi, on s’est trouvés, il m’a laissé le guider vers des territoires différents, il m’a proposé des variations extrêmement subtiles. Il sortait du tournage de ‘En liberté !’, sa pulsion burlesque s’y était épanouie, et moi j’attendais de lui toujours moins, je lui demandais de rentrer sans cesse ses émotions. Ce qu’il a fait avec une facilité déconcertante. Il y a en Pio quelque chose d’immédiatement sympathique et j’avais besoin qu’on ait de la sympathie pour ce personnage, j’en avais moi-même pour le véritable protagoniste de l’histoire. S’il avait été un peu inquiétant, on n’aurait pas compris que Camille soit aveugle si longtemps. Pio a en plus en lui quelque chose de volcanique qui collait bien au personnage, à son tempérament survolté : quand je lui demande une sorte de danse tribale, il lance son corps dans la bataille, il ne recule devant rien. »
Pour se glisser dans la peau de Roman, Pio Marmai a puisé dans sa personnalité et son vécu, avec des moments durs de son existence pouvant lui servir à comprendre et jouer cette situation d’abandon. Mais le comédien a vite remarqué qu'il n'avait pas forcément besoin de chercher cette sensation particulière de sables mouvants. Il se rappelle : « Cela pouvait se créer dans le travail avec Audrey. J’écoutais vraiment ce qu’elle me disait. Sur les tournages, je ne travaille pas dans la douleur, j’essaye de contribuer à une atmosphère de travail assez agréable. Mais Audrey m’a mis au pied du mur. Elle me responsabilisait. Elle me disait : ‘J’attends beaucoup de cette scène et, là, c’est à toi d’y aller...’ Il y avait aussi dans le film quelque chose de très physique : des courses, le rapport au corps quand ils refont l’amour, la danse à la fin, etc. Et les nombreux inserts, qu’on a fait à la fin, par exemple sur les mains. Il y a peu de dialogues. »