Le Pitch - CinémaÉmission du mercredi 25 septembre 2019

France 3
|

Émissions culturelles

1 min 59 s

Tous publicsSous-titré

Disponible jusqu'au 18/01/2038

CEUX QUI TRAVAILLENT de Antoine Russbach Avec Olivier Gourmet, Adèle Bochatay et Delphine Bibet Prix du Public au Festival Premiers plans d’Angers Cadre supérieur dans une grande compagnie de fret maritime, Frank consacre sa vie au travail. Alors qu’il doit faire face à une situation de crise à bord d’un cargo, Frank, prend - seul et dans l’urgence - une décision qui lui coûte son poste. Profondément ébranlé, trahi par un système auquel il a tout donné, le voilà contraint de remettre toute sa vie en question. « Ceux qui travaillent » s’inscrit dans un projet de trilogie. Initialement, le réalisateur Antoine Russbach avait le désir de réaliser un film choral intitulé « Ceux qui travaillent », « Ceux qui combattent » et « Ceux qui prient », dans l’idée d’esquisser un état général de la société. C’était un projet ambitieux, complexe et coûteux, dont il a débuté l’écriture à l’issue de ses études cinématographiques en Belgique. « Puis cette idée s’est transformée en projet de trilogie articulée autour du modèle médiéval formé par le tiers état, la noblesse et le clergé. Cette structure tripartite permet de mettre en évidence la difficulté de trouver sa propre place aujourd’hui, contrairement à ce qui se passait dans une société plus traditionnelle, où chacun avait un rôle prédéfini. Bien que ce système médiéval soit problématique à plein d’égards, il permettait probablement d’éviter cette souffrance de ne pas savoir quelle était sa place. Notre société actuelle nous fait comprendre qu’on peut faire mieux, aller plus loin et nous fait douter de notre rôle. Mes personnages font écho à ces anciennes fonctions sociales et répondent à des questions fondamentales : qui nous nourrit, qui nous défend, qui prend soin de nos âmes ? » « Ceux qui travaillent » met en lumière les aberrations de notre système capitaliste, mais à aucun moment, il exprime l’idée qu’il faille l’éliminer. Selon Antoine Russbach, ce n'est pas un film pro-capitaliste ni un film totalement anticapitalisme : il nous fait remarquer que ce système est aussi celui qui nourrit en grande partie le monde occidental. « Le film nous met face à notre hypocrisie. Si nous avons appelé notre personnage central Frank, c’est en référence au monstre de Frankenstein. Frank est un peu la créature que nous avons fabriquée, que l’on désigne facilement en la condamnant, mais ce qu’elle fait nous arrange tous. Cette hypocrisie est très violente. Les gens de droite qui disent que le monde va s’autoréguler me font tout aussi peur que les gens de gauche qui veulent sauver le monde en détruisant le système, mais qui ont un téléphone dans leur poche dont le contexte de fabrication est plus que contestable. Si le film s’attache à quelque chose, c’est à notre aveuglement volontaire. Il dévoile que nous sommes tous complices du crime qu’a commis Frank. » Antoine Russbach a un goût pour les anti-héros, déjà à l’oeuvre dans ses deux courts-métrages. « J’adore ça. Je trouve qu’il y a un mécanisme très cinématographique dans le fait de pouvoir aimer les monstres. ‘M le maudit’ est un film qui m’a beaucoup marqué quand j’étais jeune. C’est un personnage de pédophile affreux qu’on ne voit jamais, sauf pendant son procès à la fin du film et je n’ai jamais compris pourquoi j’avais autant d’empathie pour lui. Une chose incroyable au cinéma est le fait que l’empathie n’a rien à voir avec l’approbation morale. On peut aimer des personnages avec lesquels on n’est pas d’accord. Il y a un mécanisme fondamental qui veut qu’on ait de l’empathie pour le personnage qui souffre le plus. Hitchcock en parle dans ses entretiens avec Truffaut. Il suffit que l’escalier grince quand le tueur monte l’escalier pour aller tuer sa victime pour qu’on ressente de l’empathie pour lui. J’adore explorer cette idée, parce qu’elle nous amène à faire l’expérience de l’altérité. » Antoine Russbach n'a pas écrit le film en pensant à Olivier Gourmet dans le rôle principal. Toutefois, le cinéaste trouvait qu'Olivier Gourmet avait l’histoire personnelle et le corps qu’il fallait pour ce personnage-là. « Il vient d’un milieu rural, c’est quelqu’un de physique et non d’intellectuel. Il y a chez lui tout un savoir-faire corporel. Il a quelque chose d’un cow-boy dans sa manière de se placer et de bouger. La chose la plus essentielle était le rapport du comédien à la partie obscure de la nature humaine. Il fallait quelqu’un qui ait le courage de jouer ce monstre. Il a cette intelligence. J’aime la manière qu’il a de se positionner par rapport à ses personnages. Il se refuse à les sauver de manière angélique et il ne les condamne pas non plus. » Le comédien confie avoir une certaine sensibilité́ pour les films silencieux. D'après lui, les silences, les regards et le jeu corporel peuvent mieux donner à voir certaines problématiques et tensions. « C’est comme dans la vie de tous les jours ; nos silences cachent souvent des problèmes pour protéger nos proches ou parce qu’on n’est pas fier de soi pour plein de raison et que l’on s’emmure. Les films qui traitent ce genre de problématique, quand ils sont trop bavards ne m’émeuvent pas. Ce qui m’émeut, ce sont les personnages qui se transforment, et qui n’ont plus de mots pour expliquer ce qu’ils ressentent. Du coup, il faut jouer avec le corps et dans les silences. » BACURAU de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles Avec Barbara Colen, Sônia Braga et Udo Kier Prix du Jury au Festival de Cannes 2019 Ce film fait l’objet d’une interdiction en salles aux moins de 12 ans assorti de l’avertissement suivant : « Le caractère répété et le réalisme des scènes de violence sont de nature à surprendre et impressionner un public sensible ». Dans un futur proche… Le village de Bacurau dans le sertão brésilien fait le deuil de sa matriarche Carmelita qui s’est éteinte à 94 ans. Quelques jours plus tard, les habitants remarquent que Bacurau a disparu de la carte. Les deux hommes ont eu l'idée de « Bacurau » en 2009, lors de la présentation de leur court métrage « Recife Frio » au Festival de Brasilia. En observant les disparités sociales au Brésil, ils ont eu envie de dépeindre une catégorie de la population méprisée qui se vengerait de ses oppresseurs. « Nous avons commencé à parler de l’idée d’un film qui se passerait dans un petit village isolé du Sertão, avec une seule rue, et des personnages non-urbains et formidables. En fait, ces personnages nous représenteraient à travers un mélange d’histoire locale et régionale (que nous admirons grâce à la littérature, à l’histoire orale, à la poésie et aux histoires que nous connaissons ou avec lesquelles nous avons grandi), mais que nous avons remixé à travers l’objectif de l’aventure et du genre. Nous savions dès le départ que nous allions nous engager dans une sorte d’exercice de genre, mais nous ne savions pas trop comment. À ce festival, nous avons vu un certain nombre de films, de fictions et de documentaires qui nous ont amenés à réfléchir à des scénarios de type « Et si... ». Certains de ces films étaient en réalité l’opposé de ce que nous avions en tête. Puis sont arrivés les OVNIS, l’idée que le village tire le meilleur parti de très peu de ressources, une atmosphère de western, une certaine douceur propre à cet endroit particulier, mais aussi de la violence graphique, et l’idée de tourner en format panoramique Panavision. Nous avons pensé à ce dont nous parlons toujours, un film que nous aimerions voir. L’intrigue du film est venue plus tard, et c’est en fait une histoire classique : la petite communauté qui est menacée par des envahisseurs. » se souvient Mendonça Filho. Bacurau est un mélange des genres, dans lequel on retrouve de la science-fiction, du western, du slasher movie et du film de cangaço, un genre typiquement brésilien très lié à l’imaginaire cinématographique du Sertão. Le cangaço a été une forme de banditisme social dans le Nordeste de la fin du XIXe siècle et début du XXe. Dans cette région aride où les inégalités sont fortes, de nombreux hommes et femmes sont devenus des bandits nomades, comme une forme de révolte à la domination des propriétaires terriens et du gouvernement. Le cinéma brésilien des années 1950 et 1960 a beaucoup exploré cette figure. Bacurau se déroule dans un futur proche tout en mêlant l’archaïque et l’hypermoderne. « L’effet spécial le moins cher de tout le film est la phrase ‘dans quelques années’ au tout début. Cela donne le ton en renvoyant au futur, de manière que le spectateur est à la recherche d’artefacts futuristes dans l’image. Il y en a quelques uns, mais très peu », explique Kleber Mendonça Filho. L'équipe a filmé le Nordeste (zone géographique du Brésil au climat semi-aride dont le nom renvoie à l’idée d’arrière-pays, de zone éloignée et inhabitée) tel qu'il était, en le retouchant à peine : « Aujourd’hui, on y trouve des vêtements et des technologies de masse chinois, des couleurs, une architecture et un accès à l’eau ou à l’internet qui font que cette région échappe à son image traditionnelle et aux clichés vehiculés par certains films et feuilletons télévisés. C’est très agréable de pouvoir montrer cette version moderne du Nordeste [...] ». Bacurau est une ville imaginaire, et à l’intérieur du film, elle disparaît de la carte, ce qui lui confère une aura mythique. En même temps, c’est un foyer de résistance, où différents leaders guident la communauté – Mendonça Filho explique : « L’aspect délicat de cette idée est de rendre cet endroit intéressant et confortable d’une certaine manière, en tant que communauté humaine, isolée et tranquille, mais consciente de ce qu’elle est et de son emplacement. Et si petit qu’il serait facile d’imaginer que quelqu’un pourrait essayer de jouer avec. Il est intriguant de penser à des étrangers ayant le pouvoir de désactiver une région d’un radar, des cartes ou du GPS. C’est une démonstration de puissance, ça arrive probablement tout le temps ... J’ai déjà disparu du système d’un hôtel, mais personne ne m’a demandé de partir. Je n’étais plus dans le registre de l’hôtel, mais en même temps, ma chambre semblait avoir été payée et occupée par quelqu’un. Techniquement, je n’étais pas à l’hôtel, même si j’y étais bien sûr alors même que j’essayais d’expliquer que j’étais vraiment là. C’était une sorte d’erreur du système, mais parfois, les papiers, la bureaucratie, sont utilisés contre quelqu’un. Il s’agit en définitive de quelqu’un qui montre ses dents et qui utilise le pouvoir pour détruire quelque chose ». Bacurau est un mot polysémique en portugais, et présente une forte connotation régionale. Les réalisateurs reviennent sur le choix du titre du film : « Bacurau c’est la dernière chance de rentrer chez soi. C’est un oiseau aux habitudes nocturnes, qui se camoufle très bien quand il se repose sur une branche d’arbre. C’est un mot court et fort qui m’évoque le mystère de quelque chose qui est là, vivant, dans le noir, mais que personne ne voit. Il ne sera remarqué que s’il a lui-même envie d’apparaître. Le village de Bacurau se porte ainsi, il est intime du noir, il sait se cacher et attendre, et préfère même ne pas être aperçu. On lit clairement sur ce panneau d’autoroute : ‘si vous y allez, allez en paix’. » Mendonça Filho rajoute : « Ironiquement, dans une des versions du scénario, la première scène montrait une foule, dont Teresa, courant dans les rues vides du centre-ville du Recife pour attraper le dernier bus du soir, dit ‘bacurau’. C’est un terme local, et les girouettes des bus l’affichent. C’était une scène très ambitieuse qui invoquait des souvenirs d’adolescence. Au fond, le mot évoque une aventure nocturne, et maintenant il est en train d’être prononcé avec difficulté par des gens du monde entier ! » ** BONUS ** LE DINDON de Jalil Lespert Avec Dany Boon, Guillaume Gallienne, Alice Pol et Laure Calamy Monsieur de Pontagnac a eu un coup de foudre pour une jolie jeune femme. Ce qu’il n’avait pas prévu c’est que celle-ci n’est autre que Victoire, la femme d’un de ses amis, Vatelin. Et si le notaire le prend plutôt bien, Victoire, elle n’est pas si simple à manipuler. Surtout, la mésaventure a lancé dans leur société un sujet – et un petit jeu étonnant autour de la fidélité des uns et des autres. Alors quand entrent dans l’arène Rediop, soupirant de Victoire, et Suzy, ancienne flamme de Vatelin, le jeu se corse encore. Avec « Le Dindon », Jalil Lespert adapte le classique homonyme que Georges Feydeau a écrit en 1896. La pièce avait déjà été portée à l'écran par Claude Barma en 1951. Si Jalil Lespert adapte Feydeau, c'est parce qu'il apprécie son écriture irrévérencieuse et le surréalisme qui plane sur ses textes : « Feydeau a su créer une mécanique assez imparable dans laquelle ses personnages souvent assez égoistes se retrouvent pris au piège : ils ressemblent à des pantins désarticulés, tributaires d’une histoire irréelle qui semble les dépasser… À la fin du XIXe siècle et au début du XXe c’était très avant-gardiste ». Le réalisateur retrouve chez l'auteur l'esprit des comédies françaises des années 60 portées par Bourvil ou de Funès avec lesquelles il a grandi. Jalil Lespert retrouve Guillaume Gallienne qu'il avait déjà dirigé dans « Yves Saint-Laurent ». Ensemble, ils co-signent le scénario avec Fadette Drouard. À l'origine, Lespert avait contacté Gallienne pour qu'il le conseille sur l'adaptation, sans imaginer que ce dernier allait devenir son partenaire d'écriture : « Nous avons travaillé tout un été en nous concentrant sur l’idée de raccourcir le récit et en basculant l’intrigue dans les années 60 pour obtenir un esprit plus contemporain ». Jalil Lespert revient sur le choix des comédiens : « il faut que je commence par Dany Boon ! Dès le départ, j’ai pensé à lui pour le rôle de Vatelin et comme c’est un acteur extraordinaire, il fallait que je trouve quelqu’un de solide face à lui pour le personnage de Pontagnac qui est un peu son antagoniste… À l’inverse, je n’avais pas forcément imaginé Guillaume pour ce rôle. À force de côtoyer et bien connaître les gens, on les considère comme des amis et ça peut fausser la perception qu’on en a quand ils sont acteurs. Et puis lorsque nous écrivions, Guillaume m’a dit qu’il avait joué ‘Le Dindon’ plus de 150 fois en interprétant Pontagnac ! J’avais vu une captation formidable de la Comédie Française mais ce soir-là, sur scène, ce n’était pas lui… D’un coup, l’idée à commencer à faire son chemin. De plus, entre les deux personnages il y a autre chose qui se joue : Vatelin est une sorte de bourgeois parvenu un peu frustre alors que Pontagnac est un aristo intriguant beaucoup plus à l’aise et frivole. Je trouvais que confronter Dany, acteur très populaire, et Guillaume qui semble plus précieux ou bourgeois créait d’emblée un rapport d’opposition qui pouvait fonctionner… Guillaume a été très vite partant. C’est un homme que je connais bien maintenant : il a une élégance du coeur, une fidélité, une attention aux autres qui sont remarquables. Et sur le fond, je dirais que c’est un vrai punk ! Il est beaucoup plus aventurier qu’on ne l’imagine… Guillaume n’a peur de rien : il aime que ça transgresse, quand ça déborde. Nous venons de milieux très différents, nos formations et nos tempéraments le sont aussi mais ça crée au final une véritable alchimie entre nous. Je le considère comme un frère… Concernant Dany, nous ne nous connaissions pas vraiment. Je le suivais en tant qu’acteur et réalisateur car je suis très amateur de comédies. J’ai vu tous ses films ! En tant que comédien, je trouve que Dany s’est imposé avec le temps comme un modèle, une sorte de mix entre Bourvil et De Funès. C’est la force de son génie comique : allier la candeur et la bonhomie à une sorte d’énergie, d’agressivité très française. C’est un alliage assez rare qu’il maîtrise parfaitement… Et puis sur le plateau, j’ai pu constater sa capacité à faire rire toute une équipe : c’est là que l’on se rend compte du talent d’un tel acteur. C’est inné chez lui… Dany comme Guillaume sont aussi des metteurs en scène donc avec eux, j’ai abordé le travail sur ‘Le dindon’ de manière très humble. Pour moi, c’était un challenge un peu particulier que je voulais affronter en leur compagnie. Dans mon esprit, même si c’est mon film évidemment, il n’y avait pas de chef ou de hiérarchie : chacun pouvait donner son avis. Les répétitions en amont du tournage nous ont permis de bien construire l’architecture du film et Dany a beaucoup apporté lors de cette étape. Il a une formation de mime et son rapport au corps est particulier. Cela a nourri son rôle, là où Guillaume est lui plus focalisé sur le verbe… » Face à Vatelin et Pontagnac, deux personnages féminins importants : Lucienne Vatelin et Clotilde Pontagnac jouées par Alice Pol et Laure Calamy… « Alice est une machine comique incroyable, d’une précision redoutable. Elle aussi me ramenait à ces films des années 60-70 que j’ai tant vu : ces actrices qui donnaient la réplique avec force et grâce à De Funès ou Belmondo… Physiquement même, elle a les critères de beauté de ce cinéma-là : c’est une nature ! Je savais qu’avec Dany ça fonctionnerait à merveille, d’autant qu’ils ont déjà joué plusieurs fois ensemble. Alice a également une formation théâtrale, comme la plupart des comédiens du film d’ailleurs. Son personnage de Lucienne est une femme qui est à la fois amoureuse de son mari mais elle aime aussi se faire séduire et séduire, sans vraiment franchir le pas... Chez Feydeau, les rôles féminins sont tout sauf accessoires, ils sont profonds, intelligents plus souvent que leurs pendants masculins ! Alice a le talent d’amener ces nuances : le rire bien sûr mais aussi l’émotion et face à Dany ou Guillaume, elle a su tenir le rythme. C’est une très grosse travailleuse… Quant à Laure, j’ai suivi son travail au théâtre depuis un bout de temps, notamment dans les pièces de Vincent Macaigne. C’est une actrice incroyable qui s’impose au final alors qu’elle a peu de scènes dans le film. J’avais besoin d’une actrice qui puisse se mettre au niveau du texte et inventer des choses. Le couple que forme Clotilde et Pontagnac est improbable mais on y croit ! Quand Laure arrive dans l’histoire, elle fait imploser le récit et elle diffuse cette folie, cette originalité nécessaire au rôle. Son emploi du temps était très serré donc c’est la seule avec qui nous n’avons pas vraiment pu répéter avant de tourner mais elle est vraiment formidable dans le film… » Le personnage de Pontagnac n'est pas totalement fidèle à la pièce. S'il reste un goujat dans le film et dans la pièce, Jalil Lespert et Guillaume Gallienne ont dû procéder à des ajustements, comme l'explique ce dernier : « depuis le mouvement ‘Me too’, il y a des choses qui ne passent plus. Mais nous avons creusé aussi ce que Feydeau faisait déjà très bien : défendre les femmes. Je trouve que, dans notre adaptation avec Jalil et Fadette Drouard (qui nous a rejoint ensuite), nous avons amplifié cela : les hommes sont montrés comme des goujats crétins invétérés. Je trouve intéressant de raconter cela d’une manière drôle, sans tomber dans la misandrie, heureusement ».En savoir plus

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Diffusé le 25/09/2019 à 00h53 - Disponible jusqu'au 18/01/2038

CEUX QUI TRAVAILLENTde Antoine Russbach

Avec Olivier Gourmet, Adèle Bochatay et Delphine Bibet

  • Prix du Public au Festival Premiers plans d’Angers

Cadre supérieur dans une grande compagnie de fret maritime, Frank consacre sa vie au travail. Alors qu’il doit faire face à une situation de crise à bord d’un cargo, Frank, prend - seul et dans l’urgence - une décision qui lui coûte son poste. Profondément ébranlé, trahi par un système auquel il a tout donné, le voilà contraint de remettre toute sa vie en question.

« Ceux qui travaillent » s’inscrit dans un projet de trilogie. Initialement, le réalisateur Antoine Russbach avait le désir de réaliser un film choral intitulé « Ceux qui travaillent », « Ceux qui combattent » et « Ceux qui prient », dans l’idée d’esquisser un état général de la société. C’était un projet ambitieux, complexe et coûteux, dont il a débuté l’écriture à l’issue de ses études cinématographiques en Belgique. « Puis cette idée s’est transformée en projet de trilogie articulée autour du modèle médiéval formé par le tiers état, la noblesse et le clergé. Cette structure tripartite permet de mettre en évidence la difficulté de trouver sa propre place aujourd’hui, contrairement à ce qui se passait dans une société plus traditionnelle, où chacun avait un rôle prédéfini. Bien que ce système médiéval soit problématique à plein d’égards, il permettait probablement d’éviter cette souffrance de ne pas savoir quelle était sa place. Notre société actuelle nous fait comprendre qu’on peut faire mieux, aller plus loin et nous fait douter de notre rôle. Mes personnages font écho à ces anciennes fonctions sociales et répondent à des questions fondamentales : qui nous nourrit, qui nous défend, qui prend soin de nos âmes ? »

« Ceux qui travaillent » met en lumière les aberrations de notre système capitaliste, mais à aucun moment, il exprime l’idée qu’il faille l’éliminer. Selon Antoine Russbach, ce n'est pas un film pro-capitaliste ni un film totalement anticapitalisme : il nous fait remarquer que ce système est aussi celui qui nourrit en grande partie le monde occidental. « Le film nous met face à notre hypocrisie. Si nous avons appelé notre personnage central Frank, c’est en référence au monstre de Frankenstein. Frank est un peu la créature que nous avons fabriquée, que l’on désigne facilement en la condamnant, mais ce qu’elle fait nous arrange tous. Cette hypocrisie est très violente. Les gens de droite qui disent que le monde va s’autoréguler me font tout aussi peur que les gens de gauche qui veulent sauver le monde en détruisant le système, mais qui ont un téléphone dans leur poche dont le contexte de fabrication est plus que contestable. Si le film s’attache à quelque chose, c’est à notre aveuglement volontaire. Il dévoile que nous sommes tous complices du crime qu’a commis Frank. »

Antoine Russbach a un goût pour les anti-héros, déjà à l’oeuvre dans ses deux courts-métrages. « J’adore ça. Je trouve qu’il y a un mécanisme très cinématographique dans le fait de pouvoir aimer les monstres. ‘M le maudit’ est un film qui m’a beaucoup marqué quand j’étais jeune. C’est un personnage de pédophile affreux qu’on ne voit jamais, sauf pendant son procès à la fin du film et je n’ai jamais compris pourquoi j’avais autant d’empathie pour lui. Une chose incroyable au cinéma est le fait que l’empathie n’a rien à voir avec l’approbation morale. On peut aimer des personnages avec lesquels on n’est pas d’accord. Il y a un mécanisme fondamental qui veut qu’on ait de l’empathie pour le personnage qui souffre le plus. Hitchcock en parle dans ses entretiens avec Truffaut. Il suffit que l’escalier grince quand le tueur monte l’escalier pour aller tuer sa victime pour qu’on ressente de l’empathie pour lui. J’adore explorer cette idée, parce qu’elle nous amène à faire l’expérience de l’altérité. »

Antoine Russbach n'a pas écrit le film en pensant à Olivier Gourmet dans le rôle principal. Toutefois, le cinéaste trouvait qu'Olivier Gourmet avait l’histoire personnelle et le corps qu’il fallait pour ce personnage-là. « Il vient d’un milieu rural, c’est quelqu’un de physique et non d’intellectuel. Il y a chez lui tout un savoir-faire corporel. Il a quelque chose d’un cow-boy dans sa manière de se placer et de bouger. La chose la plus essentielle était le rapport du comédien à la partie obscure de la nature humaine. Il fallait quelqu’un qui ait le courage de jouer ce monstre. Il a cette intelligence. J’aime la manière qu’il a de se positionner par rapport à ses personnages. Il se refuse à les sauver de manière angélique et il ne les condamne pas non plus. »

Le comédien confie avoir une certaine sensibilité́ pour les films silencieux. D'après lui, les silences, les regards et le jeu corporel peuvent mieux donner à voir certaines problématiques et tensions. « C’est comme dans la vie de tous les jours ; nos silences cachent souvent des problèmes pour protéger nos proches ou parce qu’on n’est pas fier de soi pour plein de raison et que l’on s’emmure. Les films qui traitent ce genre de problématique, quand ils sont trop bavards ne m’émeuvent pas. Ce qui m’émeut, ce sont les personnages qui se transforment, et qui n’ont plus de mots pour expliquer ce qu’ils ressentent. Du coup, il faut jouer avec le corps et dans les silences. »

BACURAUde Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles

Avec Barbara Colen, Sônia Braga et Udo Kier

  • Prix du Jury au Festival de Cannes 2019

Ce film fait l’objet d’une interdiction en salles aux moins de 12 ans assorti de l’avertissement suivant : « Le caractère répété et le réalisme des scènes de violence sont de nature à surprendre et impressionner un public sensible ».

Dans un futur proche… Le village de Bacurau dans le sertão brésilien fait le deuil de sa matriarche Carmelita qui s’est éteinte à 94 ans. Quelques jours plus tard, les habitants remarquent que Bacurau a disparu de la carte.

Les deux hommes ont eu l'idée de « Bacurau » en 2009, lors de la présentation de leur court métrage « Recife Frio » au Festival de Brasilia. En observant les disparités sociales au Brésil, ils ont eu envie de dépeindre une catégorie de la population méprisée qui se vengerait de ses oppresseurs. « Nous avons commencé à parler de l’idée d’un film qui se passerait dans un petit village isolé du Sertão, avec une seule rue, et des personnages non-urbains et formidables. En fait, ces personnages nous représenteraient à travers un mélange d’histoire locale et régionale (que nous admirons grâce à la littérature, à l’histoire orale, à la poésie et aux histoires que nous connaissons ou avec lesquelles nous avons grandi), mais que nous avons remixé à travers l’objectif de l’aventure et du genre. Nous savions dès le départ que nous allions nous engager dans une sorte d’exercice de genre, mais nous ne savions pas trop comment. À ce festival, nous avons vu un certain nombre de films, de fictions et de documentaires qui nous ont amenés à réfléchir à des scénarios de type « Et si... ». Certains de ces films étaient en réalité l’opposé de ce que nous avions en tête. Puis sont arrivés les OVNIS, l’idée que le village tire le meilleur parti de très peu de ressources, une atmosphère de western, une certaine douceur propre à cet endroit particulier, mais aussi de la violence graphique, et l’idée de tourner en format panoramique Panavision. Nous avons pensé à ce dont nous parlons toujours, un film que nous aimerions voir. L’intrigue du film est venue plus tard, et c’est en fait une histoire classique : la petite communauté qui est menacée par des envahisseurs. » se souvient Mendonça Filho.

Bacurau est un mélange des genres, dans lequel on retrouve de la science-fiction, du western, du slasher movie et du film de cangaço, un genre typiquement brésilien très lié à l’imaginaire cinématographique du Sertão. Le cangaço a été une forme de banditisme social dans le Nordeste de la fin du XIXe siècle et début du XXe. Dans cette région aride où les inégalités sont fortes, de nombreux hommes et femmes sont devenus des bandits nomades, comme une forme de révolte à la domination des propriétaires terriens et du gouvernement. Le cinéma brésilien des années 1950 et 1960 a beaucoup exploré cette figure.

Bacurau se déroule dans un futur proche tout en mêlant l’archaïque et l’hypermoderne. « L’effet spécial le moins cher de tout le film est la phrase ‘dans quelques années’ au tout début. Cela donne le ton en renvoyant au futur, de manière que le spectateur est à la recherche d’artefacts futuristes dans l’image. Il y en a quelques uns, mais très peu », explique Kleber Mendonça Filho. L'équipe a filmé le Nordeste (zone géographique du Brésil au climat semi-aride dont le nom renvoie à l’idée d’arrière-pays, de zone éloignée et inhabitée) tel qu'il était, en le retouchant à peine : « Aujourd’hui, on y trouve des vêtements et des technologies de masse chinois, des couleurs, une architecture et un accès à l’eau ou à l’internet qui font que cette région échappe à son image traditionnelle et aux clichés vehiculés par certains films et feuilletons télévisés. C’est très agréable de pouvoir montrer cette version moderne du Nordeste [...] ».

Bacurau est une ville imaginaire, et à l’intérieur du film, elle disparaît de la carte, ce qui lui confère une aura mythique. En même temps, c’est un foyer de résistance, où différents leaders guident la communauté – Mendonça Filho explique : « L’aspect délicat de cette idée est de rendre cet endroit intéressant et confortable d’une certaine manière, en tant que communauté humaine, isolée et tranquille, mais consciente de ce qu’elle est et de son emplacement. Et si petit qu’il serait facile d’imaginer que quelqu’un pourrait essayer de jouer avec. Il est intriguant de penser à des étrangers ayant le pouvoir de désactiver une région d’un radar, des cartes ou du GPS. C’est une démonstration de puissance, ça arrive probablement tout le temps ... J’ai déjà disparu du système d’un hôtel, mais personne ne m’a demandé de partir. Je n’étais plus dans le registre de l’hôtel, mais en même temps, ma chambre semblait avoir été payée et occupée par quelqu’un. Techniquement, je n’étais pas à l’hôtel, même si j’y étais bien sûr alors même que j’essayais d’expliquer que j’étais vraiment là. C’était une sorte d’erreur du système, mais parfois, les papiers, la bureaucratie, sont utilisés contre quelqu’un. Il s’agit en définitive de quelqu’un qui montre ses dents et qui utilise le pouvoir pour détruire quelque chose ».

Bacurau est un mot polysémique en portugais, et présente une forte connotation régionale. Les réalisateurs reviennent sur le choix du titre du film : « Bacurau c’est la dernière chance de rentrer chez soi. C’est un oiseau aux habitudes nocturnes, qui se camoufle très bien quand il se repose sur une branche d’arbre. C’est un mot court et fort qui m’évoque le mystère de quelque chose qui est là, vivant, dans le noir, mais que personne ne voit. Il ne sera remarqué que s’il a lui-même envie d’apparaître. Le village de Bacurau se porte ainsi, il est intime du noir, il sait se cacher et attendre, et préfère même ne pas être aperçu. On lit clairement sur ce panneau d’autoroute : ‘si vous y allez, allez en paix’. »

Mendonça Filho rajoute : « Ironiquement, dans une des versions du scénario, la première scène montrait une foule, dont Teresa, courant dans les rues vides du centre-ville du Recife pour attraper le dernier bus du soir, dit ‘bacurau’. C’est un terme local, et les girouettes des bus l’affichent. C’était une scène très ambitieuse qui invoquait des souvenirs d’adolescence. Au fond, le mot évoque une aventure nocturne, et maintenant il est en train d’être prononcé avec difficulté par des gens du monde entier ! »

** BONUS **

LE DINDONde Jalil Lespert

Avec Dany Boon, Guillaume Gallienne, Alice Pol et Laure Calamy

Monsieur de Pontagnac a eu un coup de foudre pour une jolie jeune femme. Ce qu’il n’avait pas prévu c’est que celle-ci n’est autre que Victoire, la femme d’un de ses amis, Vatelin. Et si le notaire le prend plutôt bien, Victoire, elle n’est pas si simple à manipuler. Surtout, la mésaventure a lancé dans leur société un sujet – et un petit jeu étonnant autour de la fidélité des uns et des autres. Alors quand entrent dans l’arène Rediop, soupirant de Victoire, et Suzy, ancienne flamme de Vatelin, le jeu se corse encore.

Avec « Le Dindon », Jalil Lespert adapte le classique homonyme que Georges Feydeau a écrit en 1896. La pièce avait déjà été portée à l'écran par Claude Barma en 1951.

Si Jalil Lespert adapte Feydeau, c'est parce qu'il apprécie son écriture irrévérencieuse et le surréalisme qui plane sur ses textes : « Feydeau a su créer une mécanique assez imparable dans laquelle ses personnages souvent assez égoistes se retrouvent pris au piège : ils ressemblent à des pantins désarticulés, tributaires d’une histoire irréelle qui semble les dépasser… À la fin du XIXe siècle et au début du XXe c’était très avant-gardiste ». Le réalisateur retrouve chez l'auteur l'esprit des comédies françaises des années 60 portées par Bourvil ou de Funès avec lesquelles il a grandi.

Jalil Lespert retrouve Guillaume Gallienne qu'il avait déjà dirigé dans « Yves Saint-Laurent ». Ensemble, ils co-signent le scénario avec Fadette Drouard. À l'origine, Lespert avait contacté Gallienne pour qu'il le conseille sur l'adaptation, sans imaginer que ce dernier allait devenir son partenaire d'écriture : « Nous avons travaillé tout un été en nous concentrant sur l’idée de raccourcir le récit et en basculant l’intrigue dans les années 60 pour obtenir un esprit plus contemporain ».

Jalil Lespert revient sur le choix des comédiens : « il faut que je commence par Dany Boon ! Dès le départ, j’ai pensé à lui pour le rôle de Vatelin et comme c’est un acteur extraordinaire, il fallait que je trouve quelqu’un de solide face à lui pour le personnage de Pontagnac qui est un peu son antagoniste… À l’inverse, je n’avais pas forcément imaginé Guillaume pour ce rôle. À force de côtoyer et bien connaître les gens, on les considère comme des amis et ça peut fausser la perception qu’on en a quand ils sont acteurs. Et puis lorsque nous écrivions, Guillaume m’a dit qu’il avait joué ‘Le Dindon’ plus de 150 fois en interprétant Pontagnac ! J’avais vu une captation formidable de la Comédie Française mais ce soir-là, sur scène, ce n’était pas lui… D’un coup, l’idée à commencer à faire son chemin. De plus, entre les deux personnages il y a autre chose qui se joue : Vatelin est une sorte de bourgeois parvenu un peu frustre alors que Pontagnac est un aristo intriguant beaucoup plus à l’aise et frivole. Je trouvais que confronter Dany, acteur très populaire, et Guillaume qui semble plus précieux ou bourgeois créait d’emblée un rapport d’opposition qui pouvait fonctionner… Guillaume a été très vite partant. C’est un homme que je connais bien maintenant : il a une élégance du coeur, une fidélité, une attention aux autres qui sont remarquables. Et sur le fond, je dirais que c’est un vrai punk ! Il est beaucoup plus aventurier qu’on ne l’imagine… Guillaume n’a peur de rien : il aime que ça transgresse, quand ça déborde. Nous venons de milieux très différents, nos formations et nos tempéraments le sont aussi mais ça crée au final une véritable alchimie entre nous. Je le considère comme un frère… Concernant Dany, nous ne nous connaissions pas vraiment. Je le suivais en tant qu’acteur et réalisateur car je suis très amateur de comédies. J’ai vu tous ses films ! En tant que comédien, je trouve que Dany s’est imposé avec le temps comme un modèle, une sorte de mix entre Bourvil et De Funès. C’est la force de son génie comique : allier la candeur et la bonhomie à une sorte d’énergie, d’agressivité très française. C’est un alliage assez rare qu’il maîtrise parfaitement… Et puis sur le plateau, j’ai pu constater sa capacité à faire rire toute une équipe : c’est là que l’on se rend compte du talent d’un tel acteur. C’est inné chez lui… Dany comme Guillaume sont aussi des metteurs en scène donc avec eux, j’ai abordé le travail sur ‘Le dindon’ de manière très humble. Pour moi, c’était un challenge un peu particulier que je voulais affronter en leur compagnie. Dans mon esprit, même si c’est mon film évidemment, il n’y avait pas de chef ou de hiérarchie : chacun pouvait donner son avis. Les répétitions en amont du tournage nous ont permis de bien construire l’architecture du film et Dany a beaucoup apporté lors de cette étape. Il a une formation de mime et son rapport au corps est particulier. Cela a nourri son rôle, là où Guillaume est lui plus focalisé sur le verbe… »

Face à Vatelin et Pontagnac, deux personnages féminins importants : Lucienne Vatelin et Clotilde Pontagnac jouées par Alice Pol et Laure Calamy… « Alice est une machine comique incroyable, d’une précision redoutable. Elle aussi me ramenait à ces films des années 60-70 que j’ai tant vu : ces actrices qui donnaient la réplique avec force et grâce à De Funès ou Belmondo… Physiquement même, elle a les critères de beauté de ce cinéma-là : c’est une nature ! Je savais qu’avec Dany ça fonctionnerait à merveille, d’autant qu’ils ont déjà joué plusieurs fois ensemble. Alice a également une formation théâtrale, comme la plupart des comédiens du film d’ailleurs. Son personnage de Lucienne est une femme qui est à la fois amoureuse de son mari mais elle aime aussi se faire séduire et séduire, sans vraiment franchir le pas... Chez Feydeau, les rôles féminins sont tout sauf accessoires, ils sont profonds, intelligents plus souvent que leurs pendants masculins ! Alice a le talent d’amener ces nuances : le rire bien sûr mais aussi l’émotion et face à Dany ou Guillaume, elle a su tenir le rythme. C’est une très grosse travailleuse… Quant à Laure, j’ai suivi son travail au théâtre depuis un bout de temps, notamment dans les pièces de Vincent Macaigne. C’est une actrice incroyable qui s’impose au final alors qu’elle a peu de scènes dans le film. J’avais besoin d’une actrice qui puisse se mettre au niveau du texte et inventer des choses. Le couple que forme Clotilde et Pontagnac est improbable mais on y croit ! Quand Laure arrive dans l’histoire, elle fait imploser le récit et elle diffuse cette folie, cette originalité nécessaire au rôle. Son emploi du temps était très serré donc c’est la seule avec qui nous n’avons pas vraiment pu répéter avant de tourner mais elle est vraiment formidable dans le film… »

Le personnage de Pontagnac n'est pas totalement fidèle à la pièce. S'il reste un goujat dans le film et dans la pièce, Jalil Lespert et Guillaume Gallienne ont dû procéder à des ajustements, comme l'explique ce dernier : « depuis le mouvement ‘Me too’, il y a des choses qui ne passent plus. Mais nous avons creusé aussi ce que Feydeau faisait déjà très bien : défendre les femmes. Je trouve que, dans notre adaptation avec Jalil et Fadette Drouard (qui nous a rejoint ensuite), nous avons amplifié cela : les hommes sont montrés comme des goujats crétins invétérés. Je trouve intéressant de raconter cela d’une manière drôle, sans tomber dans la misandrie, heureusement ».