Émission du mercredi 20 février 2019
Le Pitch - Cinéma- Émissions culturelles
- 1 min 59 s
- tous publics
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GRÂCE À DIEU de François Ozon
Avec Melvil Poupaud, Denis Ménochet et Swann Arlaud
Alexandre vit à Lyon avec sa femme et ses enfants. Un jour, il découvre par hasard que le prêtre qui a abusé de lui aux scouts officie toujours auprès d’enfants. Il se lance alors dans un combat, très vite rejoint par François et Emmanuel, également victimes du prêtre, pour « libérer leur parole » sur ce qu’ils ont subi.
Mais les répercussions et conséquences de ces aveux ne laisseront personne indemne.
• Lion d’argent à la Berlinale 2019
Tourné dans le plus grand secret, afin de ne pas ébruiter son sujet, « Grâce à Dieu » s'intéresse au silence de l'Église face aux agressions sexuelles subies par des enfants, et s'inspire de l'affaire du père Preynat, mis en examen en 2016 et placé sous contrôle judiciaire pour des agressions sexuelles remontant jusqu'à 1986.
Avant sa sortie en salles le 20 février 2019, « Grâce à Dieu » a suscité la polémique. En effet, le procès du père Preynat étant encore en cours, un référé a été déposé pour reporter sa sortie en France. François Ozon s’exprime sur cette question d’un possible report de la sortie de son film : « J'ai confiance dans la justice française. Ce film n'attaque pas la présomption d'innocence, il est très équilibré. Il est basé sur des verbatims qui ont été déjà publiés. Je pense que les gens qui attaquent le film aujourd'hui ne l'ont toujours pas vu, donc ils l'attaquent par principe, plus que par rapport à la réalité de ce qu'il y a dans le film. Certaines personnes n'ont pas envie que ce film sorte. Elles sont dans la continuité de cette omerta du silence. C’est vrai que le film essaye de s'attaquer à un fléau et à un silence qui est retentissant, donc forcément il y a des résistances. Mais disons que ce que l'on vit, nous, aujourd'hui autour du film, ce n'est rien par rapport à ce qu'ont vécu les victimes, aussi bien dans l'institution que dans leur propre famille. »
François Ozon souhaitait prendre le point de vue des victimes et se placer du côté humain dans son film, non du côté judiciaire ou religieux. « J’ai d’abord rencontré Alexandre Dussot-Herez, qui, le premier a porté plainte, puis d’autres victimes. Il m’a donné accès à beaucoup d’informations, m’a tout raconté, j’ai été très touché. Ces hommes sont héroïques et parviennent à faire bouger les lignes. Ma première idée était de réaliser un documentaire. Eux avaient déjà beaucoup témoigné, ils en avaient un peu marre de montrer leur tête… J’ai choisi la fiction », confie le cinéaste.
Le film est censé se dérouler à Lyon. François Ozon ne connaissait pas cette ville et a dû se faire discret pour parvenir à le tourner sans pressions. « Des contacts sur place m’ont fait comprendre que l’Église possède de nombreux réseaux et un pouvoir énorme dans cette ville. Si j’arrivais à découvert, ça n’allait pas bien se passer. J’ai décidé de tourner les scènes d’églises en Belgique et au Luxembourg, beaucoup en région parisienne et en quatre jours au printemps 2018, les scènes d’extérieur à Lyon, sous un nom de code. Le film s’appelait ‘Alexandre’ et non ‘Grâce à Dieu’… Il a, par ailleurs, été plus difficile à financer que mes précédents », révèle le metteur en scène.
DESTROYER de Karyn Kusama
Avec Nicole Kidman, Toby Kebbell, Tatiana Maslany et Sebastian Stan
Ce film fait l’objet de l’avertissement suivant : « Certaines scènes sont susceptibles de heurter la sensibilité du public ».
La détective du LAPD Erin Bell a jadis infiltré un gang du désert californien, ce qui a eu de conséquences dramatiques. Lorsque le chef de la bande réapparaît, elle doit fouiller dans le passé pour se défaire de ses démons.
L'écriture du scénario s’est étalée sur une longue période. Pendant plusieurs années, alors qu’ils travaillaient sur d’autres projets, Phil Hay et Matt Manfredi ont rassemblé des idées pour écrire un script inspiré par leur passion commune pour le film noir et leur intérêt pour la diversité des quartiers et des habitants de Los Angeles. Les deux hommes voulaient écrire un film romanesque axé sur un personnage, dans un style qui ne serait pas sans rappeler les polars classiques des années 1970. Tout en commençant à élaborer l’histoire et à concevoir les détails de l’intrigue, ils ont imaginé le personnage principal, un flic solitaire entouré de secrets professionnels et personnels. Tandis qu’ils peaufinaient l’histoire, Phil Hay et Matt Manfredi ont eu une idée inspirée par Karyn Kusama qui avait déjà accepté de réaliser le film : faire du personnage principal une femme blessée.
Pour incarner le personnage complexe d’Erin Bell, il fallait une actrice ayant de l’étoffe : « On n’a jamais pensé à solliciter une actrice connue pour obtenir des financements, ou une star pour avoir son nom sur l’affiche. On cherchait quelqu’un pour qui le rôle serait une révélation », affirme le producteur Fred Berger. Les auteurs commençaient tout juste à réfléchir aux différentes possibilités quand Nicole Kidman, actrice aux multiples talents a demandé à rencontrer Karyn Kusama après avoir lu le scénario. « Je connaissais la carrière de Karyn, et j’étais très intéressée par ce que pourrait donner un mélange entre son travail et le sujet du film. Je voulais la rencontrer et comprendre quelle était sa vision. Quand je l’ai fait, j’ai tout de suite ressenti sa passion et son implication. J’adore participer à un projet mené par quelqu’un de complètement intransigeant et passionné par son travail » explique la comédienne.
Karyn Kusama avoue : « J’étais sous le choc qu’une artiste du niveau de Nicole Kidman s’intéresse à notre film. Il est tellement éloigné du reste de sa filmographie. Cela prouve son audace et sa curiosité, et c’est grâce à cela qu’elle est devenue l’artiste qu’on connait (…) Ce qui m’a notamment fascinée, c’est que Nicole n’avait jamais joué ce genre de rôle. Ça semblait inédit, et j’étais très enthousiaste à l’idée qu’une actrice capable d’une telle variété et d’une telle profondeur de jeu se confronte à toute cette animosité et cette agressivité ».
Pour ce rôle exigeant de femme brisée Nicole Kidman s'est métamorphosée : visage terne, yeux cernés, peau abîmée et cheveux grisonnants, elle est méconnaissable. Un look qui retranscrit la détresse psychologique de son personnage... C’est le pouvoir de transformation phénoménal du chef maquilleur Bill Corso qui lui a permis de révéler le personnage. « Le maquillage devait être planifié et testé bien à l’avance pour s’assurer qu’il ait l’air naturel dans les deux temporalités. Dans les séquences de flashback, Bill Corso a donné à Erin un teint frais, de légères taches de rousseur, et une sorte d’éclat. Pour les scènes qui se déroulent dans le présent, il a accumulé les couches sur son visage pour lui donner un aspect irrégulier, et a utilisé des pigments pour les taches de soleil, des prothèses pour les poches sous les yeux, un nez brisé et des taches sur les dents. Bill Corso a créé les rides de son visage à l’aide de pointillés qui tirent la peau et tracent des rides de vieillesse. Nicole Kidman détestait rester assise dans le fauteuil de maquillage, mais Bill Corso a réussi à réduire la séance à quarante ou quarante-cinq minutes. C’était aussi long de retirer le maquillage que de l’appliquer. » précise Karyn Kusama.
Le producteur Fred Berger se souvient « c’était incroyable d'assister à la transformation physique de Nicole, de voir sa démarche, d'entendre sa voix, et de déceler l’humanité qui se lisait dans ses yeux. Elle apporte une tension supplémentaire à l’histoire en s'attachant à camper une mère qui a commis de terribles erreurs. Erin est minée par la culpabilité et tente de trouver des moyens de rédemption, et Nicole n’a pas abordé le rôle de façon classique, mais plutôt tout en subtilité et en nuance. Ce n’est rien de moins qu’une performance virtuose. »
« Destroyer » a été entièrement tourné à Los Angeles et dans ses environs. Karyn Kusama a réalisé elle-même les storyboards des différentes scènes, qu'elle était prête à ajuster pour répondre aux changements qu’un tournage en extérieurs impliquait inévitablement. La principale exception s'appliquait à la scène du hold-up à la banque, qui devait être composée avec la plus grande attention « parce qu’on a utilisé des vraies armes à feu et des effets réels, si bien qu'on ne pouvait pas refaire la scène à l’infini. Vous avez une ou deux chances au mieux, avant d’être à court de temps ou de munitions », selon la cinéaste.
** BONUS **
LES MOISSONNEURS d'Étienne Kallos
Avec Brent Vermeulen, Alex van Dyk et Juliana Venter
Afrique du Sud, Free State, bastion d’une communauté blanche isolée, les Afrikaners. Dans ce monde rural et conservateur où la force et la masculinité sont les maîtres-mots, Janno est un garçon à part, frêle et réservé. Un jour, sa mère, fervente chrétienne, ramène chez eux Pieter, un orphelin des rues qu'elle a décidé de sauver, et demande à Janno de l'accepter comme un frère. Les deux garçons engagent une lutte pour le pouvoir, l'héritage et l'amour parental.
« Les Moissonneurs » se déroule dans le Free State, région d'Afrique du Sud surnommée la « Bible Belt » (ceinture biblique), coeur de la culture afrikaner. C'est grâce à Reza de Wet, auteure dramatique qui fut sa professeure, que le réalisateur a découvert cette province : « Partout des champs de maïs, des fermes et des églises. [...] Il y a quelque chose de mystérieux et puissant dans le paysage, quelque chose qui vous saisit et ne vous lâche plus. Posées au milieu de nulle part, ces fermes pourraient être des lieux paradisiaques, mais il y a des barreaux aux fenêtres. Et une peur farouche dans l’air. Les meurtres de fermiers afrikaners sont fréquents, sans que l’on sache qui en sont les auteurs : des ouvriers agricoles mécontents ou simplement des voleurs… »
Le réalisateur revient sur l’écriture du scénario « J’ai toujours écrit à partir de mon observation du pays. En 2010, j’ai loué une voiture et j’ai sillonné le Free State et le KwaZulu Natal pour rencontrer des gens — des fermiers, des orphelins, des étudiants, des travailleurs sociaux. La première version du scénario était une compilation de ces recherches, c’était trop ample, il fallait que je tire un seul fil. J’ai commencé une deuxième version à partir d’une scène qui m’était apparue, et qui est encore aujourd’hui, à quelques détails près, dans ‘Les Moissonneurs’ : un fils de fermiers pénètre de nuit dans la cuisine, il voit sa mère et sa tante en train de prier ; elles prient pour lui, mais sans le regarder. Elles lui disent juste qu’il y a un autre garçon dans la chambre, qu’il faut l’aimer et s’ouvrir suffisamment à lui pour qu’il devienne son frère. Voilà : c’était la base, et tout était là, les personnages principaux, le nouveau venu comme un double menaçant, une certaine étrangeté dans l’atmosphère. Je ne voulais pas un film réaliste, mais plutôt un voyage intérieur. »
L'étape du casting a été quelque peu délicate. Le cinéaste se souvient : « Je voulais qu’ils aient vraiment 14 ou 15 ans, cet âge où les émotions marquent encore les corps. Un âge où on grandit très vite aussi, donc j’ai repoussé au maximum le moment du casting. Dans la société afrikaner, assez conservatrice, ce n’était pas facile de dire : ‘voici mon scénario’, en raison du sous-texte sexuel. La moitié des écoles ont refusé que j’organise des auditions… J’ai quand même rencontré des jeunes et des parents qui étaient formidables et qui croyaient en mon projet. J’ai fini par trouver mes deux jeunes comédiens dix jours avant le tournage. Je savais qu’il fallait une alchimie entre eux et que cette alchimie passerait par des profils opposés. Je pensais que Janno serait plus fragile, qu’il donnerait l’impression de ne pas pouvoir tenir dans cette ferme. Brent, qui joue le rôle, est plutôt l’opposé — il est dans le club de lutte de son lycée et joue au rugby — mais j’ai su dès la première audition que ce serait lui : j’ai perçu sous son allure de garçon poli une capacité à s’effondrer, une puissance émotionnelle souterraine, qui étaient nécessaires au rôle et qui ne lui faisaient pas peur.
Puis j’ai trouvé Alex, qui joue Pieter. Il venait d’avoir 14 ans. Paradoxalement, c’est lui l’enfant de fermiers de la région du Cap, alors que Brent est un garçon urbain fan de hip-hop et de Kanye West. Alex n’avait aucune expérience de jeu, mais un charisme naturel que la caméra a tout de suite aimé. Brent est dans l’émotion intérieure quand Alex est extraverti et physique. Entre les deux, cela fonctionnait parfaitement. »