Émission du mercredi 13 février 2019
Le Pitch - Cinéma- Émissions culturelles
- 1 min 59 s
- tous publics
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LONG WAY HOME de Jordana Spiro
Avec Dominique Fishback et Tatum Marilyn Hall
À sa sortie de prison, Angel, 18 ans, retrouve sa jeune sœur Abby dans sa famille d’accueil à Philadelphie. Malgré leur profonde complicité, le drame qui les a séparées a laissé des traces. Avant de tourner la page, Angel sait qu’elle doit se confronter au passé et convainc Abby de l’accompagner dans son périple. Ensemble, elles prennent la route, sans mesurer ce que va provoquer chez elles ce retour aux sources.
• Prix du Jury au Festival du film américain de Deauville 2018
• Prix Next Innovator au Sundance film Festival2018
• Prix d'interprétation féminine pour Dominique Fishback et Tatum Marilyn Hall au Festival de film Chéris-Chéris 2018
Longtemps actrice, Jordana Spiro a décidé de passer le cap de la réalisation. « Long way home » est donc son premier long-métrage. Elle explique : « Quand j'ai eu 18 ans, j'ai quitté New York où j'ai grandi, pour aller m'installer à Los Angeles. Là, j'ai commencé ma carrière d'actrice. J'avais de la chance de pouvoir vivre de mon métier. Mais après dix ans de carrière, j'ai commencé à déchanter par rapport aux histoires et aux personnages inconsistants qu'on me proposait. En parallèle, je faisais beaucoup de photographie. À ce moment-là, j'ai cherché quel autre métier je pourrais faire. Travailler avec des enfants, devenir psychologue : en somme, tenter de comprendre ce qui se joue à l'intérieur d'une personne. Je suis allée à l'université de Columbia à New York pour suivre un cursus en réalisation. Je voulais vraiment prendre le temps de savoir ce que je voulais raconter et comment le raconter avec les outils les plus appropriés. »
Jordana Spiro a commencé à écrire le film aux alentours de 2009. À cette époque, la future réalisatrice ne savait pas quelle direction donner à sa vie et à sa carrière. Elle a commencé à faire du volontariat dans différentes associations pour trouver de nouvelles perspectives et traversait une crise existentielle. Jordana Spiro a grandi dans un milieu aisé, mais à cette époque elle travaillait au contact de jeunes qui se sentaient aussi perdus qu'elle. « Ils n'ont aucun soutien autour d'eux. Et tout cela se retourne contre eux, tant sur le plan social qu'économique et racial. D'où vient leur force et leur bravoure pour surmonter toutes ces épreuves ? J'étais remplie d'admiration pour ces jeunes. Avec un tel passif, sont-ils condamnés à développer des comportements destructeurs, pour se réveiller un beau jour et savoir quel est leur but dans la vie ? En passant du temps avec eux, j'ai compris qu'ils voulaient simplement avoir des perspectives et être valorisés. Comme je voulais faire une étude approfondie de personnages, il me fallait m'appuyer sur un récit qui permettrait d'explorer la relation entre mes deux héroïnes », confie la cinéaste.
La réalisatrice a mis beaucoup de temps à trouver les deux interprètes principales d'Angel et sa petite sœur Abby. Castings sauvages dans la rue, les écoles et les foyers, elle a rencontré plus de 800 jeunes en un an. Elle se rappelle : « On a rencontré Tatum - qui interprète Abby - à une compétition de Step Dance. On l'a invitée aux auditions, basées sur des improvisations et organisées chaque week-end à la bibliothèque municipale. Je n'avais pas encore prospecté dans le milieu professionnel pour trouver Angel, quand j'ai joué dans une série, le temps d'un épisode. C'est à cette occasion que j'ai rencontré Dominique. Je l'aidais, dans cet épisode, à donner naissance à son enfant ! Pendant le 'travail', je me suis dit qu'elle était douée. Elle est l'auteure d'un show dans lequel elle incarne 22 personnages différents. Je suis allée voir son spectacle et j'ai été soufflée par son talent et sa force. Sa sensibilité et son caractère introverti m'ont séduite. Elle combinait toutes les qualités que je recherchais. »
À partir du moment où Jordana Spiro a pris la décision de parler de la thématique de la criminalité aux États-Unis, la cinéaste voulait s'entourer d'une personne connaissant le sujet. Elle raconte : « Dans mon pays, ces minorités sont sous - représentées ou mal représentées. J'ai donc travaillé avec Angelica Nwandu, spécialiste de la culture noire, qui a co-scénarisé le film. Elle m'a apporté son expertise sur la manière dont le système carcéral fonctionne. Nous avons fait de nombreux entretiens avec des avocats et leurs jeunes clients mais aussi des travailleurs sociaux. Nous avons visité des prisons pour mineurs et amassé beaucoup de matériel documentaire avec Angelica. Nous avons également regardé des documentaires avec Dominique Fishback pour connaître le monde carcéral. »
La cinéaste a opté pour une caméra qui se tient au plus près des personnages. Elle explique son choix : «Je ne voulais pas regarder Angel de loin mais être avec elle. Je ne voulais pas non plus placer ma caméra près d'elle, de manière brutale et désordonnée. Je souhaitais que ma mise en scène soit digne et douce avec elle. Je remercie mon cameraman qui a un dos si solide car filmer caméra à l'épaule avec de longues focales, ce n'est pas toujours simple. Nous n'avons pu avoir une steadycam qu'une seule journée, faute de budget. Par ailleurs, je souhaitais utiliser principalement de la lumière naturelle pour enlever toute artificialité et laisser de l'espace aux acteurs, en n'utilisant pas trop de décors. »
LES DRAPEAUX DE PAPIER de Nathan Ambrosioni
Avec Guillaume Gouix et Noémie Merlant
Charlie, bientôt 24 ans, mène une vie sans excès : elle se rêve artiste et peine à joindre les deux bouts. Quand son frère vient la retrouver après douze ans d’absence, tout se bouscule. Vincent a 30 ans et sort tout juste de prison où il a purgé une longue peine. Il a tout à apprendre dans un monde qu’il ne connait plus. Charlie est prête à l’aider. C’est son frère après tout, son frère dont la colère peut devenir incontrôlable et tout détruire malgré lui.
Passionné par le cinéma d’horreur, c’est le film « Mommy » de Xavier Dolan qui a apporté un déclic au jeune réalisateur de 19 ans : « On me disait que ça me plairait, je répondais que ce genre d’histoires ne m’intéressait pas. Et puis, pour faire plaisir à ma mère, le jour de la fête des mères, d’ailleurs, je l’ai regardé avec elle, en pensant que c’était un film familial. Le film m’a beaucoup plu, m’a fait comprendre qu’on pouvait faire ressentir au spectateur autre chose que la peur – le ressort classique du cinéma d’horreur. J’adore le cinéma qui provoque quelque chose de sensoriel. J’adore aller au cinéma voir les gens pleurer : un film qui arrive à émouvoir trois cents personnes en même temps, c’est passionnant ! J’ai eu envie de faire des films comme ça moi aussi. En m’intéressant à la biographie de Xavier Dolan, j’ai découvert qu’on avait le droit de faire du cinéma très jeune, sans forcément passer par les chemins obligés. J’ai commencé à développer mon goût, à l’élargir. C’est là que je me suis lancé dans l’écriture des ‘Drapeaux de papier’… »
Le jeune réalisateur revient sur la genèse du projet : « Je voulais écrire un film qui parle de la liberté. J’avais 17 ans, je savais qu’un jour ou l’autre j’allais quitter mes parents, je me posais beaucoup de questions sur la manière dont j’allais appréhender cette liberté. Je suis tombé par hasard sur un article dans ‘Libération’ qui m’a bouleversé : c’était le portrait d’un prisonnier qui avait fini de purger sa peine. Il vivait ce qu’on appelle une sortie sèche, sans aucune aide de l’état. Il devait retrouver seul sa famille, ses anciens amis : mais quand on sort à trente ans, après douze ans de prison, que reste-t-il des relations d’avant ? Il parlait de la liberté comme quelque chose de tangible, de matériel, quelque chose de proche et d’inatteignable, qui l’attirait et l’effrayait en même temps. Ses mots m’ont inspiré pour la scène où Vincent va chez la psy (…). Ses questions rimaient avec les miennes, à mon petit niveau. J’ai commencé à bâtir le personnage de Vincent. Je lui ai ajouté une sœur parce que je connais bien la relation de fraternité. Ma sœur a l’âge de Charlie. Sans lui ressembler trait pour trait, il y a des similitudes entre elle et le personnage. C’est quoi être une jeune femme de 23 ans ? J’ai vécu une vie très simple, et c’est ce que je voulais raconter : une histoire simple, sans grandes péripéties, sans un récit compliqué. Je voulais un film porté par les sentiments et je voulais filmer des acteurs. »
Le réalisateur revient sur l’étape de l’écriture : « Elle a été très rapide – en tout cas jusqu’à la première version. J’adore écrire, je ne trouve pas ça pénible. Je me souviens avoir pris des notes sur mon téléphone, les grandes lignes du récit, fin 2016. Et puis je me suis mis au travail : c’était l’année de ma terminale, c’était ça ou faire mes devoirs ! Je préférais écrire mon scénario. Je ne suis pas un grand lecteur, je n’avais jamais lu de scénario, ni de livres sur le cinéma d’ailleurs. J’avais juste un logiciel en ligne qui m’aidait à mettre en forme : les noms des personnages et les dialogues au centre, par exemple. Quand j’écris, je parle à voix haute : j’écris les dialogues de la manière dont les gens parlent autour de moi. Et puis à côté, j’écrivais mon découpage. Je n’arrive pas à écrire une scène si je ne la vois pas dans ma tête découpée et montée : ça commence toujours par savoir où est la source lumineuse, à quelle heure ça se passe, comment sont placés les personnages, quelle émotion la scène doit transmettre, la liste des plans, etc. J’ai toujours procédé ainsi, et j’ai toujours monté mes films moi-même. En écrivant, je ne pensais pas qu’une société de production me dirait : 'on y va !' Je me disais qu’on ferait sûrement ce film sans prod’ ou qu’on verrait plus tard. J’ai écrit la V1 en deux semaines. Je n’avais aucune idée du temps qu’on doit mettre à écrire un scénario (…) J’ai envoyé le scénario à plusieurs sociétés, un peu au hasard, d’après les films qu’elles avaient produits. J’avais choisi Sensito Films parce qu’ils avaient produit un film avec Corinne Masiero, une actrice que j’aime beaucoup. Bon, j’ai beaucoup insisté : j’ai envoyé mes courts-métrages, j’ai appelé toutes les semaines. L’assistante de production, Clémence, faisait barrage (tout en informant Stéphanie de mes appels) – maintenant je la connais ! Un mois plus tard, je me souviens, j’étais en cours de sport, la productrice Stéphanie Douet m’appelle : 'J’ai bien aimé ton scénario, j’aimerais qu’on se voie etc.' Je suis parti pour Paris, le rendez-vous s’est très bien passé, j’ai tout de suite appelé mon père, hyper-enthousiaste. On est partis en réécriture : il y a eu cinq ou six versions, mais c’est allé assez vite. J’ai eu mon Bac au printemps, puis j’ai passé l’oral de l’Avance sur recettes en septembre 2017. J’ai aimé répondre aux questions sur le projet que me posaient les membres du premier collège, j’ai aimé présenter les personnages. Je me suis rendu compte là que j’avais vraiment envie de faire ce film. La réponse positive est venue quelques semaines plus tard. Heureusement, d’ailleurs, parce que mes choix post-Bac n’avaient pas été validés : malgré mes bonnes notes, on m’avait refusé la Sorbonne et un BTS audiovisuel. Je me retrouvais avec une fac littéraire qui ne m’intéressait pas ! Le tournage a commencé à la toute fin janvier 2018, et le premier jour, j’ai quitté mes parents : je partais tourner et je ne reviendrais pas puisque la post-production allait se faire à Paris. »
Au vu de son âge, Nathan a rencontré des gens qui ont tenté de le dissuader de faire son film. Il se souvient : « Il y a eu des partenaires enthousiastes, heureusement, mais d’autres me disaient : 'Fais d’abord une école, pourquoi tu ne tentes pas la Fémis ?' Ou encore : 'Tu n’as pas vécu ce que vivent tes personnages, raconte plutôt une histoire de gens de ton âge, des jeunes qui traînent dans la rue…' Mais je n’en ai aucune envie : je ne traîne pas dans la rue, mes amis et moi n’avons pas une vie très spectaculaire. Un film sur des lycéens ? Peut-être plus tard. Les personnages du film viennent du même milieu social que moi : j’ai appris à les observer. Et même si je n’ai pas vécu ces émotions, j’ai vu des films qui en parlaient, je connais des gens qui les ont vécues. J’ai croisé des personnes qui avaient du mal à contrôler leur colère. Surtout dans mon enfance : je me souviens de ce gamin en primaire qui mangeait du gravier, menaçait de sauter du toit… Ce type qui sort de prison, je ne le connais pas particulièrement, mais j’aime apprendre à le connaître et essayer de le comprendre. C’est à ça que sert le cinéma : connaître quelque chose qu’on n’est pas obligé de vivre. »
Il revient sur le choix des comédiens : « J’ai écrit le rôle de Charlie pour Noémie Merlant. En fait, j’avais déjà écrit un scénario de long-métrage pour elle, une histoire qui flirtait avec le fantastique. Je le lui avais envoyé, elle l’avait lu et aimé, et on avait pris un café pour en parler. Je l’avais adorée dans 'À tous les vents du ciel' où elle avait le rôle principal. Et puis je me disais qu’elle n’était pas encore très connue, qu’elle serait peut-être plus accessible ! J’ai commencé à écrire le film quelques semaines après notre rencontre. Quand je l’ai re-contacté, elle a vu que ce projet-là était plus avancé. Elle a aimé le scénario et je crois que ça lui plaisait de travailler avec quelqu’un de plus jeune.
Pareil pour Guillaume Gouix, que je ne pensais pas pouvoir convaincre : j’ai eu la chance que son agent lui envoie vite le scénario. Trois jours plus tard, il appelait en demandant à me rencontrer : il avait aimé le script, et ça l’enthousiasmait que je sois jeune. Je lui ai parlé d’Alysson Paradis pour Emma et c’est lui qui m’a dit qu’il pouvait lui transmettre le scénario : je savais qu’ils vivaient ensemble. Elle a accepté : c’était génial de les avoir. Parce que le rôle d’Emma est assez court, et qu’il fallait qu’on sente une alchimie entre les deux personnages. C’était la première fois qu’ils acceptaient de travailler ensemble sur le même film. »
** BONUS **
DEUX FILS de Félix Moati
Avec Vincent Lacoste, Benoît Poelvoorde et Mathieu Capella
Joseph et ses deux fils, Joachim et Ivan, formaient une famille très soudée. Mais Ivan, le plus jeune, collégien hors norme en pleine crise mystique, est en colère contre ses deux modèles qu’il voit s’effondrer. Car son grand frère Joachim ressasse inlassablement sa dernière rupture amoureuse, au prix de mettre en péril ses études de psychiatrie. Et son père a décidé de troquer sa carrière réussie de médecin pour celle d’écrivain raté. Pourtant, ces trois hommes ne cessent de veiller les uns sur les autres et de rechercher, non sans une certaine maladresse, de l’amour...
Félix Moati réalise ici son premier long-métrage qu'il décrit comme « à la fois vif et langoureux, et j’espère chaleureux ! J’aime l’action nonchalante qui raconte l’illusion de vivre vite, alors que rien ne se passe ! Dans la première séquence du film, par exemple, lorsque les personnages vont choisir le cercueil du défunt, la simple présence de Benoît Poelvoorde nous protège du tragique : il apporte de la comédie et de la tendresse. Il y a aussi du jazz dans cette séquence, la tonalité du film est donc entre deux, à la fois grave et légère. J’aime cet état intermédiaire. »
« Deux fils » met en scène trois générations d'hommes d'une même famille en quête de réconciliation avec le monde… « L’important est de créer du lien. J’ai le désir du collectif, et c’est le sujet du film. Mes personnages finissent par se rendre compte qu’ils ne peuvent rien faire sans les autres. On ne peut célébrer ses noces avec la vie que grâce aux autres. On cherche tous quelqu’un pour se consoler. Et l’idée de la consolation irrigue tout le film. »
Félix Moati estime que l'absence maternelle place le trio face à lui-même, jeté sans protection dans le monde. Il ajoute : « Et de manière plus légère, l’absence est une sensation qui m’habite depuis l’enfance. Je me souviens d’une expérience en classe verte, par exemple : j’avais flirté avec une Américaine qui habitait les États-Unis et quand il a fallu rentrer, j’ai su que je ne la reverrais jamais. Cette sensation m’a structuré à vie ! Je savais que cette fille était quelque part dans le monde, mais pas dans le mien ».
Concernant le casting, Mathieu Capella trouve ici son premier rôle. Le réalisateur ne tarit pas d’éloges à son sujet : « Nous l’avons découvert lors d’un casting sauvage. J’ai rencontré énormément de jeunes garçons pour ce rôle et lui est arrivé avec son jeu naturel sidérant… C’est à se demander pourquoi professionnaliser notre métier ! Mathieu ne voulait pas être acteur, mais je pense qu’il est condamné à le devenir. Sur le plateau, il était très attentif et curieux. Il est doté d’une vraie et profonde empathie, ce qui était fondamental pour jouer Ivan. Comme Vincent Lacoste, il a une distance aux choses. Comme lui, il ne court pas après l’intensité, il ne cherche pas à être vu à tout prix ; il n’est pas le personnage, il est juste un peu à côté, ce qui est une grande qualité à mes yeux. »
Vincent Lacoste incarne quant à lui Joachim « Il y a chez Vincent une profondeur qui m’impressionne. Je le suspecte de savoir des choses sur la vie que moi, je ne sais pas. Vincent est un nerveux rentré, tandis que je suis un nerveux exubérant. Je ne sais pas cacher mes angoisses, par exemple. Vincent, lui, sait se contenir. Il a 25 ans et cela m’épate. Aurait-il une vieille âme ? J’ai le sentiment qu’il a vécu déjà plein de choses et qu’il est parfaitement bien ancré au sol. Il voit des choses que d’autres ne voient pas. Il y a une mystique Vincent Lacoste ! Je crois que la vie l’amuse, y compris dans son aspect tragique. J’aime aussi beaucoup le fait qu’il ne joue pas seulement sa partition : il joue le film tout entier. Il empreint le film d’une mélancolie joyeuse et protège le spectateur de sa nonchalance concernée, de sa grâce et de sa juvénilité. Il a de la délicatesse. Pour moi, Vincent Lacoste est de la même famille d’acteurs que Bill Murray, Marcello Mastroianni ou Michel Piccoli : faire un film avec eux, c’est faire un film sur eux. Et Vincent, quand on fait un film avec lui, on enregistre quelque chose de qui il est à ce moment-là. D’octobre à décembre 2017, voici qui était Vincent Lacoste à cette période. Comme il est très jeune, il change beaucoup et c’est fascinant à filmer. Vincent est un acharné de travail. Il cherche la précision. Il met des masques. Le personnage de Joachim n’a rien à voir avec lui, mais faire un film avec Vincent, c’est un peu faire un documentaire sur lui, car quelque chose jaillit de lui. C’est un phénomène très mystérieux. »
Et pour incarner le rôle du père déboussolé, le réalisateur a choisi Benoît Poelvoorde « Je voulais un comédien dont la légende dépasse la personne qu’il est. La puissance comique de Benoît, sa célébrité, son extrême intelligence, créent un filtre et protègent le spectateur du tragique. Face à lui à l’écran, on est bien, on a chaud ! En outre, c’est en filmant la séquence du monologue avec Benoît que j’ai compris quel allait être le parti pris de la mise en scène : faire confiance aux acteurs, être proche d’eux, leur rendre justice. Tout ceci n’est ni spectaculaire ni démonstratif, mais je suis à leur service. »