Émission du mercredi 9 octobre 2019
Le Pitch - Cinéma- Émissions culturelles
- 2 min 50 s
- tous publics
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CHAMBRE 212 de Christophe Honoré
Avec Chiara Mastroianni, Vincent Lacoste, Camille Cottin et Benjamin Biolay
- Prix d'interprétation pour Chiara Mastroianni - Un Certain Regard au Festival de Cannes 2019
Après 20 ans de mariage, Maria décide de quitter le domicile conjugal. Une nuit, elle part s’installer dans la chambre 212 de l’hôtel d’en face. De là, Maria a une vue plongeante sur son appartement, son mari, son mariage. Elle se demande si elle a pris la bonne décision. Bien des personnages de sa vie ont une idée sur la question, et ils comptent le lui faire savoir.
Christophe Honoré décrit son film comme un conte conjugal et souligne son attachement à la fiction : « J’ai souhaité que ‘Chambre 212’ exprime d’une manière sentimentale et têtue, mon attachement à un cinéma de fiction, où le ‘faisons comme si’ a plus de valeur que le ‘faisons comme c’est’. La fiction, je l’entends ici au sens de l’enchantement. Je me suis laissé entraîner par elle dans une danse de pas oubliés, charmé par ses sortilèges. Et peu à peu, il m’est apparu que ce n’était pas rien de revendiquer aujourd’hui les outils précieux du jeu, de la métaphore, de privilégier la magie des coulisses, de l’artifice, dans le travail qui vise à faire advenir la vie au cœur d’un film. Nabokov écrivait : ‘Appeler une histoire, histoire vraie, c’est faire injure à la fois à l’art et à la vérité’. Mon histoire, j’ai voulu dès le départ qu’elle ait plus l’allure d’un conte conjugal que d’un rapport sur le couple ».
C'est la sixième fois que Christophe Honoré dirige Chiara Mastroianni. Le réalisateur dit avoir eu envie de filmer à nouveau « le front soucieux et les fossettes d’ironie » de l’actrice.
L’entente entre tous les comédiens a permis un tournage très facile. Le réalisateur se souvient : « J’ai rarement croisé des acteurs aussi souriants et détendus les matins aux loges, que lors du tournage de ‘Chambre 212’. Quels qu’aient été les problèmes du jour, de coiffure, de costumes, les lignes de dialogues que j’avais réécrites dans la nuit, l’hiver, les menus de la cantine, je peux dire que pas un matin, je n’ai eu le sentiment qu’ils auraient préféré être ailleurs que là, en compagnie d’un metteur en scène qui lui, intérieurement, ne cessait de se demander pourquoi il avait pris la décision quelques semaines auparavant de ne pas tourner en décors naturels. Et je n’ai guère d’autre explication que celle-ci, honteusement sucrée et accablante de gentillesse : ces quatre acteurs là se sont bien aimés. Dans nos grandes idées sur les films et comment le cinéma advient, on oublie cet élément essentiel, précieux et rare : l’amour que les comédiens éprouvent les uns pour les autres. La confiance, l’humour, l’affection, l’amitié qui circulent entre eux, et la chance que parfois nous avons nous les cinéastes, de pouvoir capter ces flux de joie qu’ils nous offrent. Ce film doit tout à la santé, bonté, tendresse, folie, chaleur toutes délicates et bienveillantes, de Vincent Lacoste, Benjamin Biolay, Camille Cottin et Chiara Mastroianni ».
JOKER de Todd Phillips
Avec Joaquin Phoenix, Robert De Niro et Zazie Beetz
- Lion d'or à la Mostra de Venise
Ce film est interdit en salles aux moins de 12 ans assorti de l’avertissement suivant : « Le climat anxiogène permanent et les scènes réalistes d’un parcours de folie meurtrière sont susceptibles de heurter un public sensible »
Le film, qui relate une histoire originale inédite sur grand écran, se focalise sur la figure emblématique de l’ennemi juré de Batman. Il brosse le portrait d’Arthur Fleck, un homme sans concession méprisé par la société.
Avec ce film, le réalisateur a souhaité créer une histoire originale plutôt que d'adapter une bande dessinée DC Comics. « Nous ne faisons pas [un film] sur le Joker, nous racontons l'histoire de [quelqu'un] qui devient le Joker. Ce sera sur cet homme ». Des propos qui traduisent une volonté d'approcher le récit avec un prisme d'auteur, et non en suivant les codes des blockbusters super-héroïques actuels, en signant davantage une exploration de la folie et un récit édifiant qu'un comic book movie classique.
Pour interpréter le Joker, Joaquin Phoenix a perdu 25 kilos ! « La première chose qu'il fallait faire, c’était la perte de poids. C’est par ça que j’ai démarré. Parce qu’en fait, ça affecte ta psychologie. Tu commences à devenir fou quand tu perds autant de poids en si peu de temps », confie le comédien.
Joaquin Phoenix ne pensait pas qu'il arriverait à trouver le rire du Joker. Il s'est entraîné seul mais a ensuite demandé à Todd Phillips de venir « auditionner » son rire. « Je pensais que j’avais besoin d’être capable de le faire sur commande, devant quelqu’un d’autre. C’était très inconfortable. Ça m’a pris très longtemps », révèle-t-il. Pour parvenir à créer ce rire, Phoenix a observé des personnes atteintes de désordres neurologiques : « J’ai regardé des vidéos de gens souffrant de rires pathologiques, un désordre neurologique qui provoque chez ces personnes un rire incontrôlable ».
Joaquin Phoenix revient sur son choix d'accepter le rôle du Joker : « Comme toujours, je prends beaucoup de temps pour choisir un rôle. Ma façon de faire c'est évidemment de lire un scénario, rencontrer le réalisateur et continuer de rencontrer [Todd Phillips] pour discuter. Je le trouve impressionnant, il connaît bien cet univers et sait ce qu'il veut y raconter (...) Cela me semble unique, c'est presque un monde à part qu'il a créé, et qui me fait très peur, quelque part. Il y a trois ou quatre ans, j'ai appelé mon agent pour lui demander pourquoi [les producteurs] ne prenaient pas un [personnage de comicbook] pour en faire un film à plus petit budget qui soit une étude de personnage ? Je pensais que je ne pourrais pas faire le Joker car il avait déjà été fait, donc j'essayais de trouver d'autres personnages… J'ai donc oublié [ce projet] jusqu'à ce que j'entende parler de cette idée [de film solo sur le Joker] qui m'a excité ».
L'armée américaine et le FBI ont été très inquiets à mesure que la date de sortie du film « Joker » s'approchait. Ils craignaient un nouvel épisode de tuerie de masse au moment de la sortie du film, comme celle qui avait eu lieu dans une salle de cinéma à Aurora (Colorado), dans la nuit du 19 au 20 juillet 2012, pendant une première du film « The Dark Knight Rises ». James Eagan Holmes, 24 ans, avait alors tué 12 personnes et blessé cinquante-huit. L'armée américaine a confirmé avoir largement relayé un avertissement sur les réseaux sociaux, concernant une potentielle menace émanant de personnes se revendiquant membres de la communauté des Incels dont le nom est la contraction de l’expression « involuntary celibate » (= célibataire involontaire).
Selon le réalisateur Todd Phillips, il y a eu quelques tensions entre Joaquin Phoenix et Robert De Niro en amont du tournage de « Joker ». L'acteur fétiche de Scorsese souhaitait en effet faire une lecture du scénario avant le tournage, chose que Joaquin Phoenix déteste. Sous l'impulsion du cinéaste, l'interprète du Joker s'est tout de même prêté à l'exercice, sans y mettre du sien.
Cela a beaucoup agacé De Niro, engendrant quelques explications un peu houleuses entre les deux stars. Au final, les acteurs ont gardé leurs distances pendant le tournage et ne se sont pas beaucoup parlés. Opposés dans le récit du film, ces tensions ont sans doute contribué à la crédibilité de leurs personnages.
** BONUS **
PAPICHA de Mounia Meddour
Avec Lyna Khoudri, Shirine Boutella, Amira Hilda Douaouda et Zahra Doumandji
Valois de la Meilleure Actrice (Lyna Khoudri) + Valois du Meilleur Scénario + Valois du public au Festival du film francophone d’Angoulême.
Alger, années 90. Nedjma, 18 ans, étudiante habitant la cité universitaire, rêve de devenir styliste. A la nuit tombée, elle se faufile à travers les mailles du grillage de la Cité avec ses meilleures amies pour rejoindre la boîte de nuit où elle vend ses créations aux " papichas ", jolies jeunes filles algéroises. La situation politique et sociale du pays ne cesse de se dégrader. Refusant cette fatalité, Nedjma décide de se battre pour sa liberté en organisant un défilé de mode, bravant ainsi tous les interdits.
Le film s’inscrit dans un contexte historique : ce qu’on a appelé la « guerre civile algérienne » ou la « décennie noire » est le conflit qui a opposé le gouvernement algérien à divers groupes islamistes armés à partir de 1991. On dénombrera à son terme plus de 150 000 morts, des dizaines de milliers d’exilés, un million de personnes déplacées. Historiquement, ce conflit trouve sa source dans les difficultés économiques de la fin des années 80, liées à la chute du prix du pétrole – la principale ressource du pays.
« Papicha » se veut en partie autobiographique. La réalisatrice s’explique : « Tout ce que vivent les filles dans la cité universitaire, c’était bien le quotidien d’étudiantes algéroises à la fin des années 90. Y compris le mien. Avec l’intégrisme montant, l’oppression tout autour. Mais l’attentat dans la cité universitaire est un ressort dramatique de fiction. Comme la passion de Nedjma pour la mode qui prend une dimension symbolique : ce que les islamistes voulaient, à cette époque-là, c’était cacher le corps des femmes. Pour moi, la mode, qui dévoile et embellit les corps, constitue une résistance aux foulards noirs. Au cinéma, ce que j’aime en tant que spectatrice c’est m’identifier à des personnages, suivre leur trajectoire, leurs aventures. J’aime voir comment des personnages affrontent des obstacles et des drames pour devenir meilleurs ».
Le film a été tourné en Algérie. « C’était naturel et primordial pour moi de tourner à Alger, c’est la ville qui m’a vue grandir. On a tourné les scènes de cité universitaire à Tipaza dans un complexe touristique construit par Fernand Pouillon : un lieu peu rénové, donc vide, dont on a pu redécorer le réfectoire et les chambres avec ma talentueuse chef décoratrice Chloé Cambournac. Tourner en Algérie me permettait aussi d’ajouter une véracité presque documentaire : dans le bus, par exemple, quand j’ai vu arriver le receveur avec sa gestuelle singulière, ses pièces de monnaie qu’il faisait claquer entre ses doigts habiles et ses mains noircies, j’ai imaginé une scène autour de lui. J’aime fusionner la réalité et la fiction. Je voulais aussi le parler algérois qui est tellement vivant, créatif et souvent hilarant », se souvient la cinéaste.
La réalisatrice revient sur le choix du casting. Tout d’abord Lyna Khoudri, qui joue Nedjma. « Au départ, je tenais absolument à ce que mon héroïne soit algérienne. Lorsque j’ai rencontré Lyna, j’ai toute de suite été happée par sa force et sa fragilité. J’aime cette alchimie. Il y a chez elle cette innocence et cette fougue mais aussi une rigueur formidable et une exigence de vérité. En discutant avec elle, j’ai découvert que son histoire personnelle était proche de la mienne. Son papa était journaliste et sa famille a dû fuir l’Algérie dans les années 90. Elle a dû tout reconstruire comme moi. Je n’aurais pas pu trouver une comédienne qui comprenne mieux le personnage de Nedjma. Avec Lyna on a échangé, préparé et répété, peaufiné les détails et les dialogues même sur le tournage. On a construit et déconstruit les réactions et les émotions de Nedjma en créant des paliers émotionnels qui ont été très utiles puisque nous avions tourné les séquences dans le désordre ».
Concernant les autres filles, « Le rôle le plus difficile à distribuer était celui de Wassila, il fallait quelqu’un d’extraverti, de naturel et qui parle la langue. Je ne trouvais personne. Et puis une directrice de casting algérienne nous a mis en contact avec cette jeune youtubeuse, Shirine Boutella, très intuitive qui a très bien saisi le personnage grâce à son intelligence et à sa soif d’apprendre. Kahina, Zahra Doumandji, celle qui rêve de partir, est docteure en biologie dans la vraie vie. Sa sensualité joyeuse et innocente symbolise à la perfection les femmes algériennes. Et Samira, Amina Hilda Douaouda, est une comédienne extraordinaire, d’un naturel bluffant : c’est une slammeuse. Les autres comédiennes je les ai castées sur Instagram, sur YouTube, ou dans le stand-up ».