Émission du mercredi 14 novembre 2018
Le Pitch - Cinéma- Émissions culturelles
- 2 min 17 s
- tous publics
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LES CHATOUILLES de Andréa Bescond & Eric Métayer
Avec Andréa Bescond, Karin Viard, Clovis Cornillac et Pierre Deladonchamps
Odette a huit ans, elle aime danser et dessiner. Pourquoi se méfierait-elle d’un ami de ses parents qui lui propose de « jouer aux chatouilles » ? Adulte, Odette danse sa colère, libère sa parole et embrasse la vie...
Prix d'Ornano-Valenti au Festival du Cinéma Américain de Deauville 2018
« Les Chatouilles » est l'adaptation de la pièce interprétée par Andréa Bescond, « Les Chatouilles ou la danse de la colère. » L'artiste y racontait notamment les agressions sexuelles subies quand elle était enfant. « J’avais déjà raconté à Eric Métayer, de manière décousue, les violences sexuelles dont j’avais été victime dans mon enfance, et plus je lui en parlais, plus j’évoquais aussi les rencontres cocasses et inattendues que j’avais faites et qui m’avaient ramenée vers la lumière. En m’écoutant, Eric a compris que me confier me faisait du bien et que mon témoignage pouvait aider beaucoup de gens qui, eux aussi, avaient vécu ce type de violence. Comme j’étais enceinte de mon deuxième enfant et que je me demandais quoi faire de mes journées, j’ai commencé à écrire et Eric m’y a encouragée. À partir de mon récit, on a fait des impros, j’ai écrit les dialogues et Eric a conçu la mise en scène. En 2014, on a présenté le spectacle au festival d’Avignon pour la première fois. Depuis, on l’a joué plus de 400 fois (…) Grâce au spectacle, on a été frappés de constater à quel point les violences sur mineurs sont un fléau. On s’est mis à recevoir des centaines, puis des milliers de témoignages de gens qui me confiaient leur secret. Plusieurs d’entre eux me les envoyaient en message privé : ‘Vous me donnez du courage, personne n’est au courant, je suis aujourd’hui parent, je ne veux pas faire de mal à ma famille et j’espère qu’un jour j’aurai la force de révéler les choses…’ » confie Andréa Bescond.
Avec le spectacle, Andréa Bescond et Eric Métayer, qui sont en couple à la ville, ont commencé à avoir des rêves de cinéma. « On délirait totalement en fantasmant que Karin Viard jouerait la mère ! C’était comme un rêve de gosse. Et puis, une série de coïncidences totalement folles se sont enchaînées. François Kraus est venu à Avignon, a découvert le spectacle et nous a proposé d’en faire un film. » se souvient le cinéaste. « François et son associé Denis Pineau-Valencienne ont fait preuve d’une audace incroyable. Ils nous ont dit ‘Vous n’avez jamais écrit de scénario – peu importe, au besoin, on vous proposera l’aide d’un consultant. Vous n’avez jamais réalisé, mais on adore produire les premiers films. Enfin, personne d’autre ne peut jouer Odette que toi, Andréa, et on t’entourera de têtes d’affiche’. Ils nous ont fait totalement confiance, en nous laissant prendre le temps qu’il fallait. Ils nous ont même donné la possibilité de réaliser une maquette avant de partir en tournage. » ajoute l'actrice et réalisatrice.
Andréa Bescond et Eric Métayer voulaient se détacher de la construction du spectacle, adopter des angles différents et développer notamment les « dommages collatéraux » : la manière dont une famille éclate ou encore la part de responsabilité et de culpabilité de chacun. Car c’est avant tout un film choral. « Plusieurs personnages du film n’existaient pas dans la pièce. Le père, par exemple, qui est un contrepoint de la mère. On voulait aussi parler d’une relation de couple qui a du mal à se construire car une personne victime de ce genre de violence considère qu’elle n’a pas accès à ce type de rapport amoureux », relate le cinéaste.
Pour André Bescond et Eric Métayer, Karin Viard était une évidence, « parce que c’est une actrice phénoménale, et qu’elle a une vraie ressemblance physique avec moi », explique la réalisatrice. « Elle a un registre de jeu très large et elle est capable de passer de la colère à la douceur en deux secondes. Pour le père, on voulait quelqu’un de terrien, ancré dans le sol, et de doux. Cet homme se bat pour exister, pour subvenir aux besoins de sa famille. Il fait tout pour arrondir les angles, car il veut juste vivre en paix et dans la sérénité. » Clovis Cornillac possède ce mélange de force et de douceur que les réalisateurs recherchaient. « Pour Miguié, on était heureux d’engager Pierre Deladonchamps car on voulait quelqu’un qui se démarque de l’image du pédo-criminel. Miguié a réussi sur un plan social et professionnel, il est marié à une femme très belle et a des enfants magnifiques. Il est lumineux et intelligent, et du coup, son obsession ne vient pas d’une misère sociale, affective ou sexuelle », souligne Bescond. Les cinéastes avaient conscience que ce n’était pas un rôle facile à endosser. Le comédien s’exprime à ce sujet : « Être acteur, c’est accepter d’interpréter des rôles pour lesquels on n’a pas forcément d’empathie. Mais Andréa et Eric sont venus me chercher parce qu’ils voulaient donner à Gilbert un aspect humain et pas caricatural de ce qu’on peut avoir comme fantasme du pédophile-type, libidineux, pervers, dont on devine les intentions à 20 km. Si on pense ça encore aujourd’hui, c’est ce qui nous empêche de voir ce qui se passe autour de nous : il n’y a pas de profil-type. J’ai compris la démarche d’Andréa et Eric et eu d’autant plus envie de faire le film qu’il s’aventure sur un territoire que je n’avais pas encore exploré dans d’autres rôles. C’était donc difficile, mais c’était aussi un cadeau. Car j’ai considéré que je le faisais aussi dans un but politique : ce film est plus qu’important – il est nécessaire. Partant de là, en tant qu’individu, et par extension en tant qu’acteur, j’étais honoré de faire partie de ce projet. »
Malgré le traumatisme de la protagoniste, les cinéastes ont voulu faire un film solaire. Bescond explique : « Si on ne voulait pas raconter une trajectoire purement tragique, c’est parce qu’elle ne se résume pas qu’à cela ! On peut avoir été violée, perdu son humanité, chuté, remonté la pente et chuté encore plus bas, mais il n’y a pas de vie qui soit purement sombre et dramatique. Il y a aussi des moments d’apaisement et de respiration. On tenait à mettre cette dimension en images et à montrer comment Odette s’accroche à la lumière jusqu’au moment où elle s’apaise. Il fallait tirer de cette expérience traumatique et de cette amnésie traumatique des moments de vie. Et il était important de donner de l’espoir à des victimes en leur montrant qu’on peut s’en sortir, et qu’on a les armes au fond de soi. Car il faut marcher la tête haute en se disant qu’on n’est pas responsable : l’adulte agresseur est le responsable. » Eric Métayer rajoute : « Le film s’est transformé au fil de l’écriture. Au tout début, on était davantage dans une optique proche d’un documentaire à la Depardon. Mais au fur et à mesure du développement, sous l’influence de nos personnalités, le projet a évolué en un récit plus solaire, avec une vraie envie de s’en sortir pour la protagoniste. »
Andréa Bescond et Eric Métayer n'ont pas la prétention de penser qu’un film puisse faire bouger les choses. Mais, selon eux, un outil artistique comme le cinéma peut toucher un large public. « On est un peu résignés sur un plan politique. Marlène Schiappa se démène mais elle doit affronter le puissant lobby des magistrats qui se satisfont du statu quo. Étant donné qu’ils ont allongé le délai de prescription, ils renvoient les affaires de pédo-criminalité en correctionnelle alors qu’un viol est un crime qui devrait être jugé en Cour d’Assises. Beaucoup de gens se protègent et protègent leurs amis, issus de la libération sexuelle des années 70. On est des milliers de victimes à parler de la toxicité des relations sexuelles qui ont lieu pendant l’enfance. Aujourd’hui, si Odette prenait la main de Miguié, on pourrait dire qu’elle est consentante ! On arguerait du fait qu’elle n’a rien dit, qu’elle ne s’est pas débattue et qu’elle a suivi l’adulte. Il faut lutter pour montrer aux magistrats qu’on est en vigilance et qu’on est des milliers à témoigner de cette toxicité. Tout l’argumentaire sur le consentement d’enfants de moins de 13 ans est hallucinant. On sait que certains magistrats ont conscience de l’état de sidération des enfants, mais pas d’autres. Et ce type d’agressions sexuelles crée des désordres psychologiques souvent irréparables. 154 000 enfants sont violés chaque année en France. C’est un fléau terrible et favorisé avec la complicité de chacun. Il faut se rebeller contre l’inaction de la Justice et il faut qu’entre citoyens on en parle et qu’on agisse », dénoncent les réalisateurs.
PREMIERES SOLITUDES de Claire Simon
Il s’agit d’un portrait d’un âge de la vie : 16 /18 ans.
A cet âge-là, si on a de la chance on est au lycée, ici on est à Ivry et on discute entre les cours, même parfois pendant les cours. Assis dans le couloir ou dehors sur un banc ou sur le parapet avec vue sur la ville. Les jeunes gens dialoguent à deux ou à trois et ils découvrent leurs histoires respectives, celles dont ils héritent, de la famille, et ils parlent de leurs passions et de leurs solitudes.
A cet âge-là chacun voit le moment où il faudra quitter la famille, quand elle existe… Et la fuir encore plus quand elle est toute cassée. Être seul c’est bien et c’est mal. On cherche, on en discute.
« Premières Solitudes » est né de la rencontre entre Claire Simon et dix élèves de la classe de Première, spécialité Cinéma, du lycée Romain Rolland d’Ivry-sur-Seine dans le cadre d’un partenariat entre la ville, le cinéma le Luxy et le lycée. Alors qu'ils devaient travailler ensemble sur la réalisation d'un court-métrage, la réalisatrice les a tout d'abord interrogés un à un face caméra sur le thème de la solitude : « J’ai choisi la solitude comme question parce que ça me semblait l’expérience la plus intéressante à partager au-delà des générations. [...] Quand je disais ‘solitude’, j’avais en tête les terribles passions de l’amitié. Or dès que j’ai commencé à tourner, la première élève a tout de suite parlé de ses parents : 'Dès que je rentre je vais dans ma chambre, je joue du piano. C’est mon père qui me l’a offert mais il ne peut pas m’écouter car il doit rester sur le palier. Mon père ne peut pas rentrer chez moi …' ».
La réalisatrice a choisi de ne pas garder les entretiens face caméra qu'elle avait filmés au début du projet mais de créer le dialogue entre les lycéens afin qu'ils se sentent plus libres et qu'ils aient le contrôle de leurs récits : « J’avais remarqué qu’ils étaient passionnés par le fait de parler de leur vie et d’écouter celles de leurs copains dans les entretiens préalables, parce qu’au fond ils ne se connaissaient pas bien, ne se voyant qu’une fois par semaine dans le cours d’option Cinéma… Un des plaisirs du lycée est de se retrouver pour discuter, ce qui est aussi important que les cours finalement… »
La réalisatrice parle de la qualité d’écoute des lycéens entre eux : « Je crois que quelque chose advient dans ces dialogues qui n’existait pas avant. Leurs récits ne sont compréhensibles que parce qu’ils s’écoutent. C’est un peu comme un cours de cinéma : ils voient qu’il faut mettre dans les dialogues la chair et le sang, et ça ne fonctionne que si on s’écoute, c’est-à-dire qu’on se projette dans le récit de l’autre et qu’on construit ensemble quelque chose qui devient un texte fait à deux. Ici, les élèves ont le même âge, vivent dans le même lycée, du coup la peur de l’autre ne disparaît pas, au contraire elle est beaucoup plus grande. On n’est pas en train de parler à un guide adulte (prof, psy, cinéaste) mais à un semblable et ça, c’est la vraie vie et c’est plus risqué. »
Par ailleurs, elle défend l’idée qu’il n’y a pas de dimension de portrait ou de confession : « Dans les scènes que j’ai filmées, les adolescents ont compris qu’écouter, c’était être soi dans le récit de l’autre – que c’est à cette seule condition qu’on peut lire des livres, aller voir des films : on se projette dans l’autre, on devient l’autre, du coup on se repose un moment d’être soi et puis à la fin on est devenu l’autre, un peu, un temps, on a voyagé, on a fait une expérience, et cette projection est heureuse, fertile, alors que la projection dans le miroir est mortifère. Le film est le théâtre de cette compréhension. Quand Manon parle de la nécessité d’aller voir un psy, ce sont aussi les parents qui parlent par sa bouche. Face à elle, Hugo est touché différemment par le discours de ses parents qui est fait de silence. Il est tellement traversé par ce qu’il vit qu’un seul mot comme ‘père’ le fait pleurer. Le père qui dîne seul dans son bureau, c’est une image très puissante qu’il dit avec force. Comme la mère de Mélodie regardant son feuilleton asiatique sur son IPad pendant que sa fille est devant la télé. On ‘voit’ mieux ces images que si on les filmait grâce à la brutalité avec laquelle elles surgissent dans les mots d’Hugo ou de Mélodie. »
Dans le documentaire, le manque d’argent est aussi un sujet qui est présent par bribes : « Il n’y a chez ces lycéens aucune revendication de la misère de banlieue. Ils ne se vivent pas comme un monde à part, mais comme étant la France, ou le monde. Et pourtant je pense qu’il y a à Vitry des cités où c’est aussi dur qu’à Aulnay ou Bondy, par exemple celle où habite Lisa. C’est aussi pour ça que j’ai choisi de faire entendre ‘Alors on danse’ de Stromae. J’ai filmé une fête, que je n’ai pas gardée, dans laquelle le moment de ‘Alors on danse’ était formidable. Les paroles font écho à ce que vit Lisa, qui dit’ ce qui est passé est passé, il faut essayer de se construire un présent ou un futur meilleur’ »
Claire Simon s'est aperçue au fur et à mesure des entretiens que la figure du père était centrale pour ces lycéens : « Les mères souffrent, sont abandonnées, ou méchantes, et les filles endossent leur souffrance, mais le père reste incompréhensible, comme une statue fissurée qu’il faut redresser sans cesse, ou abattre définitivement ».
BONUS
CHIEN DE GARDE de Sophie Dupuis
Avec Théodore Pellerin, Jean-Simon Leduc et Maude Guérin
JP et son jeune frère Vincent, un être impulsif et instable, sont comme deux petits princes de la rue. Leur royaume ? Verdun, quartier de Montréal, qu’ils sillonnent en « collectant » pour leur oncle, un petit malfrat plus dangereux qu’il n’y paraît. Dans le même appartement bruyant s’entassent les deux frères, leur mère Joe, alcoolique aux périodes de sobriété fragiles, et Mel, la fiancée de JP, qui, comme lui, aspire à mieux. Mais peut-on jamais échapper à son milieu, à son sang ?
« Chien de garde » est le premier long métrage de Sophie Dupuis
La réalisatrice revient sur la genèse du projet : « J'ai entendue une histoire, un jour, d'une mère dont le fils était collecteur, c’est-à-dire payé pour faire peur à ceux qui avaient des dettes de drogues. Il avait alors éclaté en sanglot parce qu’il se souvenait d’un homme qu’il avait dû frapper devant ses enfants. Il s’en voulait. Ce soir-là, cette mère a appris que son fils, si doux et serviable, avait cette violence en lui et qu’il était capable de choses horribles. Elle a décidé de ne jamais le questionner sur son travail, de fermer les yeux sur cette réalité et de continuer à aller de l’avant par peur de perdre le lien qu’elle avait avec lui. C’est cette histoire qui a fait germer ‘Chien de garde’. S’y est ajouté ma fascination pour les relations familiales et fraternelles. Étant enfant unique, j’ai toujours eu envie d’explorer ce genre de lien que je ne connaîtrai jamais. Je le fantasme, je le tourne dans tous les sens. L’histoire de ‘Chien de garde’ est celle d’une famille pleine d’amour, de gens qui s’aiment immensément mais ont de la difficulté à vivre ensemble. La violence, l’impulsivité de Vincent, la manipulation psychologique de l’oncle Danny polluent la grande affection qu’ils ont les uns pour les autres et les met tous dans un état constant de peur et d’inquiétude. De là, le chien de garde : JP, qui reste toujours à l’affut de cette bombe à retardement risquant d’exploser à tout moment. Le chien de garde qui est essentiel à la protection de sa famille. »
Depuis toute petite, Sophie Dupuis raconte des histoires. « Alors que j’étais adolescente, après avoir touché au théâtre et à l’écriture, c’est le cinéma que j’ai choisi. L’envie de raconter à travers le regard, la peau, un soupir ou un mouvement m’habite depuis longtemps. C’est dernièrement que j’ai compris que je voulais faire un cinéma dynamique et explosif, transporté par une vive énergie et une violence sourde. Étant douce, inoffensive et redoutant la violence, je ne peux pas dire d’où cela me vient. Mais décidément, c’est quelque chose qui dort en moi et qui s’exprime dans mon art. J’ai aussi le désir de faire un cinéma que l’on ressent physiquement, qui donne la chair de poule et qui donne mal au ventre. Un cinéma qui nous tient sur le bout de notre siège et qui ne nous laisse pas une seconde pour reprendre notre souffle. Chien de garde est le résultat de toutes ces explorations. »
La réalisatrice se dit amoureuse des acteurs. « Ils sont mon inspiration première, mes muses et mon plus grand plaisir dans toute la production d’un film. J’ai fait des centaines d’auditions pour trouver les acteurs de ‘Chien de garde’. Je suis surtout à la recherche de gens avec qui je vais pouvoir aller plus loin et qui auront l’intelligence émotionnelle suffisante pour construire des personnages complexes, beaux jusque dans leurs travers. J’ai ensuite eu le luxe de faire cinq semaines de répétitions avec eux, au cours desquelles on a pris le temps d’explorer, d’improviser et d’approfondir chaque parcelle des personnages, jusqu'au moment où je suis convaincue que les acteurs atteignent une compréhension de leur personnage qui dépasse la mienne. À partir de là, je remets une partie du contrôle entre leurs mains et je leur laisse une grande liberté. Je leur apporte une vision d’ensemble et eux m’apportent une maîtrise du fragment de cet ensemble qu’ils possèdent. C’est pourquoi ce film donne une impression si vive de réalité. »
FRÈRES DE SANG de Damiano & Fabio D'Innocenzo
Avec Andrea Carpenzano et Matteo Olivetti
Ce film fait l’objet d’une interdiction en salles aux moins de 12 ans
Deux amis d'enfance, livreurs de pizza, se retrouvent liés à la mafia. Ils pensent avoir trouvé le chemin vers une vie meilleure...
« Frères de sang » est le premier long métrage des frères d’Innocenzo. Fabio confie : « C’est bien un premier long métrage, et ça se voit, il y a certaines composantes naïves que l’on ne voulait pas perdre et dont nous sommes fiers ! On sent que c’est un premier long grâce à l’enthousiasme qui s’en dégage. C’est un film très triste si on y pense, mais qui fait rire aussi. On s’est énormément amusés sur le tournage, c’était une expérience incroyable, on travaillait avec le sourire et je pense que ça se voit à l’écran. C’est un premier film qui est fier de l’être. »
Damiano D'Innocenzo et Fabio D'Innocenzo ont tourné le film en 29 jours, mais « C’est comme si on en avait eu 58 à disposition ! Être à deux nous a donné le temps de vérifier ce qu’il se passait dans chaque département, d’aller dans le détail de chaque scène », se rappellent-t-ils.
A l'origine, les deux frères avaient en tête l’image de deux jeunes, dans une voiture, qui parlaient de leurs vies. Les réalisateurs ont ensuite imaginé leur passé, le contexte de leur quotidien et c’est ainsi qu'ils ont trouvé le point de départ de l’histoire. « On a été les premiers spectateurs de notre film, on le voyait naître pendant la phase d’écriture. On avait une vision d’ensemble, le reste s’est écrit tout seul. » Damiano ajoute : « En le relisant aujourd’hui (on l’a écrit il y a six ans !), je le trouve plutôt structuré. D’un point de vue dramaturgique tous les actes sont présents, avec leurs rebondissements et un climax… Mais nous l’avons écrit en nous fiant simplement à notre instinct, sans chercher à suivre des codes. » Fabio conclut : « On voulait raconter une histoire d’amitié. Elle est au coeur de notre histoire. On peut définir ‘Frères de sang’ comme un film de genre, mais pour nous, le monde de la criminalité reste un décor. C’est le rapport entre les deux garçons qui nous intéresse. »
Damiano et Fabio D'Innocenzo ont tout de suite trouvé Andrea Carpenzano, dès le premier jour de casting. Les choses ont été plus difficiles pour le rôle de Mirko. Les deux cinéastes ont ainsi vu plus d’une centaine de jeunes comédiens. Ils se souviennent : « On avait une idée bien précise du couple que l’on voulait voir à l’écran, et aucun d’entre eux ne semblait être le partenaire idéal pour Andrea. Et puis un jour, Matteo Olivetti, un jeune homme de 28 ans, d’apparence un peu trop âgé pour le personnage et sans aucune expérience, est venu nous voir. Il avait un côté extrêmement naïf et il s’est montré ‘merveilleusement imparfait’, il avait encore cette fraîcheur enfantine et cette envie de vivre qui pouvait le rendre incroyable. »
Si le cinéma italien actuel est très centré sur des histoires de criminalité, Damiano et Fabio D'Innocenzo n'ont pas voulu rendre le crime spectaculaire dans leur film. Le premier explique : « Nous aimons bien l’idée de la retenue comme dispositif dramaturgique. Le crime est hors champ, on ne le voit pas, mais on sait qu’il est là. Cela ajoute du suspense. Si on a une histoire qui fonctionne, il est important de ne pas la compliquer ; ça ne sert à rien de la rendre plus spectaculaire, c’est l’histoire qui choisit ses propres ingrédients. La différence, par rapport aux autres films, c’est peut-être la rigueur que nous avons héritée du dessin et de la photographie. Comme nous venons de ces domaines, nous avions déjà notre propre code, bien que n’ayant rien filmé avant. »