Le Pitch Cinéma du 17 octobre 2017
Le Pitch - Cinéma- Émissions culturelles
- 7 min
- tous publics
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KNOCK de Lorraine Levy
Avec Omar Sy, Alex Lutz et Ana Girardot
Knock, un ex-filou repenti devenu médecin diplômé, arrive dans le petit village de Saint-Maurice pour appliquer une « méthode » destinée à faire sa fortune : il va convaincre la population que tout bien portant est un malade qui s'ignore. Et pour cela, il va trouver à chacun la maladie réelle ou imaginaire dont il souffre. Passé maitre dans l'art de la séduction et de la manipulation, Knock est sur le point de parvenir à ses fins. Mais il est rattrapé par deux choses qu'il n'avait pas prévues : les sentiments du cœur et un sombre individu issu de son passé venu le faire chanter.
« Knock » est la quatrième adaptation au cinéma de la pièce de Jules Romains « Knock ou le triomphe de la médecine » (1923) après les films de René Hervil (en 1925) avec Fernand Fabre dans le rôle-titre, et ceux de Roger Goupillières (en 1933) et de Guy Lefranc (en 1951), tous deux avec le mythique Louis Jouvet dans la peau de Knock.
Lorraine Levy a consacré huit ans à ce projet. La cinéaste a écrit le scénario seul et n'avait pas les moyens d’acheter les droits de la pièce qui ne sont pas encore dans le domaine public. Lorsqu'elle est parvenue à une première version du scénario, elle est allée voir Frédérique Massart, la responsable audiovisuelle de Gallimard, et lui a dit : « Je voudrais que ce film existe et pouvoir travailler sereinement pour cela. Lisez mon scénario et s’il vous convainc, acceptez une somme symbolique en guise d’option pour me bloquer les droits. Si le scénario ne vous convainc pas, votre avis m'aidera à oublier ce projet ». Frédérique Massart y a alors cru et a convaincu l’ayant droit de Jules Romains d’y croire aussi.
Lorraine Lévy a voulu adapter cette pièce au cinéma pour lui faire « rencontrer notre époque », selon ses propres mots. « Jules Romains avait écrit « Knock » en 1923, et derrière le rire se cache l’angoisse d’un auteur qui sent se profiler l’une des plus grandes menaces de tous les temps : la montée en puissance du NSDAP (Parti national-socialiste des travailleurs allemands), régime totalitaire et expansionniste fondé trois ans plus tôt par Hitler et qui prône la suprématie de la race aryenne. Pour imposer au monde ces théories abjectes, les nazis font dire à la science ce qu’elle n’a jamais dit ni même pensé, et jouent sur la crédulité des peuples et la fascination exercée par un tyran mégalomane », explique la cinéaste.
Lorraine Levy a cherché à faire un film solaire, ludique, avec un héros fragile, faillible et humain différent de celui de la pièce et c’est Omar Sy qui a été choisi dans le rôle de Knock pour sa modernité « Qui pour redonner une virginité à Knock et l’emmener vers plus d’humanité ? Un seul. Omar. Sa force singulière, qui n’exclut jamais sa fragilité, son rayonnement hors norme en faisaient tout naturellement mon héros» confie la réalisatrice.
Elle a par ailleurs situé l'histoire dans les années 1950 pour s’éloigner de cette période des années 1920 avec la montée du totalitarisme et pour se rapprocher de la place de l'Etranger dans la Cité, thématique actuelle fondamentale.
Pour elle, le fait que son Docteur Knock soit noir n’es pas une raison pour traiter la question du racisme – elle s’explique : « Des films sur le racisme, il y en a eu beaucoup, et tous ont eu leur importance. J’avais envie d’avancer. En un mot, Knock est noir, très bien, et alors ? Passons à autre chose ! Je n’ai pas occulté sa négritude, je l’ai traitée différemment. En partant du postulat que toutes les différences se valent et qu’on doit cesser de les hiérarchiser pour diviser. Fille ou garçon, grand ou petit, gros ou maigre, blanc ou noir ou jaune, musulman ou juif ou chrétien, hétérosexuel ou homosexuel, etc. Toutes les différences se valent, et leur addition est constitutive de la diversité des êtres humains. C’est pourquoi, dans le film, les habitants se questionnent. Ils cherchent naturellement la différence de Knock. Et chacun propose une différence qui le renvoie à sa propre histoire. Je voudrais qu’un acteur noir, beur, asiatique puisse incarner le « Dom Juan » de Molière, « Le Prince de Hombourg » de Kleist ou « Le Cid » de Corneille sans que cela soulève une autre question que celle de son talent. Il serait temps, non ? »
THE SQUARE de Ruben Östlund
Avec Claes Bang, Elisabeth Moss et Dominic West
Christian est un père divorcé qui aime consacrer du temps à ses deux enfants. Conservateur apprécié d’un musée d’art contemporain, il fait aussi partie de ces gens qui roulent en voiture électrique et soutiennent les grandes causes humanitaires. Il prépare sa prochaine exposition, intitulée « The Square », autour d’une installation incitant les visiteurs à l’altruisme et leur rappelant leur devoir à l’égard de leurs prochains. Mais il est parfois difficile de vivre en accord avec ses valeurs : quand Christian se fait voler son téléphone portable, sa réaction ne l’honore guère. Au même moment, l’agence de communication du musée lance une campagne surprenante pour The Square : l’accueil est totalement inattendu et plonge Christian dans une crise existentielle.
Palme d'or au Festival de Cannes 2017
Le film a été choisi par la Suède pour tenter sa chance à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère.
Ruben Östlund explique les origines du projet « The Square » : « 2008 a marqué l’apparition du premier quartier fermé en Suède, un lotissement sécurisé auquel seuls les propriétaires en ayant l’autorisation peuvent accéder. Il s’agit là d’un exemple extrême qui montre que les classes privilégiées s’isolent du monde qui les entoure. C’est également un des nombreux signes de l’individualisme grandissant dans nos sociétés européennes, alors que la dette du gouvernement s’alourdit, que les prestations sociales diminuent et que le clivage entre riches et pauvres ne cesse de se creuser depuis une trentaine d’années. Même en Suède, pourtant reconnue comme l’un des pays les plus égalitaires au monde, le chômage croissant et la peur de voir son statut social décliner ont poussé les gens à se méfier les uns des autres et à se détourner de la société. Un sentiment général d’impuissance politique nous a fait perdre confiance en l’État et nous a poussés à nous replier sur nous-mêmes. Mais est-ce l’évolution que nous souhaitons pour nos sociétés ? C’est cette réflexion qui nous a poussés, Kalle Boman – producteur - et moi, à développer le projet de ‘The Square’. »
Ruben Östlund se confie sur le choix du titre de son film, « The Square » (le carré) : « Le titre du film, tient son nom d’un projet artistique que nous avons exposé au « Vandalorum Museum », dans le sud de la Suède. Cette exposition qui illustre l’idéal de consensus censé gouverner la société dans son ensemble, pour le bien de tous, est devenue une installation permanente sur la place centrale de la ville de Värnamo. Si l’on se trouve à l’emplacement du Carré, il est de son devoir d’agir – et de réagir – si quiconque a besoin d’aide. Ce qui est nouveau, c’est seulement la manière que nous avons choisie d’évoquer ces valeurs. Le carré est un espace aux valeurs altruistes, fondé selon l’éthique de réciprocité commune à presque toutes les religions (la règle d’or : ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse) et la Déclaration universelle des Droits de l’Homme (« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité »). L’exposition de Värnamo joue sur l’idée que l’harmonie sociale dépend d’un simple choix fait par tout un chacun au quotidien : « j’ai confiance en la société » ou « je me méfie de la société ». Les visiteurs du musée avaient le choix entre deux portes : si l’on passait à gauche, c’est que l’on avait confiance en la société, et si l’on choisissait celle de droite, non. La plupart des gens choisissaient d’avoir « confiance en la société », mais étaient ensuite réticents lorsqu’à l’étape suivante, il leur était demandé de poser leur portable et leur portefeuille sur le sol du musée. Cette contradiction illustre bien à quel point il est difficile d’agir selon ses principes. »
Le cinéaste suédois Ruben Östlund revient sur ses intentions en lançant le projet : « Tout comme « Snow Therapy », « The Square » est un film dramatique et satirique. Je voulais faire un film élégant en me servant de dispositifs visuels et rhétoriques pour bousculer le spectateur et le divertir. Sur le plan thématique, le film aborde plusieurs sujets, comme la responsabilité et la confiance, la richesse et la pauvreté, le pouvoir et l’impuissance, l’importance croissante que l’on accorde à l’individu par opposition à la désaffection vis-à-vis de la communauté et la méfiance à l’égard de l’État en matière de création artistique et de médias. »
Le réalisateur revient sur l’humanité du personnage de Christian interprété par Cales Bang : « Christian a de nombreuses facettes : il tient des propos idéalistes mais agit en cynique, il est à la fois puissant et faible, etc. Tout comme moi, il est divorcé, père de deux enfants, travaille dans le secteur culturel et est très attaché aux questions existentielles et sociales soulevées par « Le Carré ». Il est convaincu que celui-ci est une idée révolutionnaire et compte sur l’art pour faire réfléchir les gens. Mais en même temps, c’est sur le plan social un véritable caméléon, qui sait aussi jouer son rôle éminent dans l’institution et cerner les attentes des mécènes, visiteurs, artistes, etc. Christian se pose des questions auxquelles nous sommes tous confrontés : la prise de responsabilités, la confiance en l’autre, la fiabilité, ainsi que la conduite morale sur le plan individuel. Et lorsqu’il se trouve face à un dilemme, ses actes sont en contradiction avec les valeurs morales qu’il défend. Christian incarne un véritable paradoxe, comme la plupart d’entre nous. À la fin du film, on doit se demander s’il a tiré une leçon de ce qui s’est passé. »
Ruben Östlund a souhaité, avec « The Square », attirer l'attention sur la dangerosité avec laquelle les médias jouent avec l'actualité en biaisant l'information : « De nos jours, les médias défendent rarement un point de vue. En effet, les articles peu scrupuleux ayant recours à des images racoleuses sont désormais la norme, et sont diffusés partout à travers le monde via les réseaux sociaux. « The Square » aborde ce sujet d’une terrible actualité avec légèreté et en ayant recours à l’absurde. La vidéo YouTube, manifestement truquée et créée par les experts en marketing pour assurer la promotion des valeurs morales de l’exposition, illustre combien les médias influencent notre perception du monde et nous poussent à mal le comprendre. Je trouve essentiel d’en analyser les effets, car je suis convaincu que l’image vidéo est le moyen d’expression le plus efficace que nous n’ayons jamais eu, et par conséquent, le plus dangereux. Pour autant, le cinéma nous offre un accès privilégié au reste du monde : il y a d’innombrables choses que nous n’avons jamais faites nous-mêmes, mais dont nous avons pu faire l’expérience mentalement grâce aux films. Ceux-ci peuvent, par exemple, nous inciter à penser de manière critique aux conventions et à ce que nous prenons pour argent comptant. Je suis fou de joie lorsque quelqu’un me dit qu’il a passé la nuit entière à discuter de mon film avec des amis, car cela signifie que ce dernier a amorcé un changement qui ne se cantonne pas qu’à la salle de cinéma. »
BONUS
LES NOUVELLES AVENTURES DE CENDRILLON de Lionel Steketee
Avec Marilou Berry, Josiane Balasko et Arnaud Ducret
C’est l’anniversaire de Julie mais elle semble être la seule à s’en souvenir… Jusqu’à ce que Marco, l’homme qu’elle aime secrètement, l’appelle et lui annonce qu’il va passer chez elle pour lui déposer son fils car la baby-sitter a eu un contretemps. Julie est effondrée, tout le monde la considère comme une boniche. Seule avec ce petit garçon, particulièrement odieux, Julie décide de lui raconter l’histoire de Cendrillon… enfin presque.
« Les Nouvelles Aventures de Cendrillon » fait partie d'un univers étendu lié aux « Nouvelles Aventures d'Aladin » mais les films n'ont pas de connexion entre eux. Le seul point commun est la relecture moderne et décalée de contes à travers un personnage racontant une histoire ainsi que le parti pris esthétique haut en couleurs.
Tous les codes du conte sont réunis comme la pantoufle, la marâtre ou la fée mais tout est détourné, plus moderne, plus actuel et plus assumé. Cela va jusqu’à l’image même de la princesse comme l’explique l’actrice Marilou Berry « La princesse d’aujourd’hui n’est plus celle décrite dans les contes de fées c’est-à-dire la jeune fille qui attend son prince pour vivre une vie »
Marilou Berry, fille de Josiane Balasko, joue aux côtés de sa mère dans le film. Balasko y incarne la belle-mère de Cendrillon. Jouer ensemble sur le même plateau n’est pas une première pour les deux femmes puisqu’elles ont déjà travaillé ensemble sur « Ma vie est un enfer » en 1991 et « Cliente » en 2008. Pour « Les Nouvelles aventures de Cendrillon », c’est Marilou Berry qui a proposé à ce que Josiane Balasko participe au projet : « Ils cherchaient une marâtre et ma fille a glissé « pourquoi pas ma mère ? » J’ai eu envie tout de suite. Comme Marilou était Cendrillon, j’avais envie d’être sa marâtre ! » se souvient Josiane Balasko.
Le film a été tourné dans le département de l'Essonne et au château de Pierrefonds dans l’Oise. Le cinéma et Pierrefonds, c’est une grande histoire d’amour. « Le Bossu », avec Jean Marais et Bourvil, y a ainsi été tourné en 1959, au cœur de l’édifice. Un peu plus de dix ans après, c’est l’adaptation du conte de Charles Perrault, « Peau d’âne » (1970), réalisé par Jacques Demy et avec Catherine Deneuve, qui prenait place au sein de la bâtisse construite au Moyen Âge. Plus récemment, c’est le deuxième volet des « Visiteurs », avec Jean Reno et Christian Clavier, qui y a été tourné en 1997. Enfin, la série fantastique britannique « Merlin » (5 saisons entre 2008 et 2012) a elle aussi eu Pierrefonds pour décor.
LA BELLE ET LA MEUTE de Kaouther Ben Hania
Avec Mariam Al Ferjani, Ghanem Zrelli et Noomane Hamda
Lors d'une fête étudiante, Mariam, jeune Tunisienne, croise le regard de Youssef. Quelques heures plus tard, Mariam erre dans la rue en état de choc. Commence pour elle une longue nuit durant laquelle elle va devoir lutter pour le respect de ses droits et de sa dignité. Mais comment peut-on obtenir justice quand celle-ci se trouve du côté des bourreaux ?
La réalisatrice Kaouther Ben Hania a commencé par faire des films documentaires parce qu'elle considérait la fiction comme quelque chose d’extrêmement difficile. La cinéaste explique : « la fiction est construite de plusieurs « éléments mensongers ». Et c’est pourtant à partir du mensonge que doit émerger une certaine authenticité. Filmer le réel à travers le documentaire m’a permis de reconsidérer cette idée et d’avoir des outils qui m’ont aidée pour aborder la fiction. Ainsi, lorsque je tournais, je pensais au montage qui ne correspondait évidemment pas à la réalité telle qu’elle est puisque c’était une recomposition du réel avec les outils connus de la fiction. »
« La Belle et la Meute » est adapté d'un fait divers avec lequel Kaouther Ben Hania a pris beaucoup de liberté. Les personnages du film ne ressemblent ainsi pas aux personnes réelles et tous les événements qui se déroulent dans le scénario ne se sont pas produits comme tels dans la réalité. La cinéaste s’en explique : « C’est un fait divers qui m’avait énormément touchée à l’époque et qui avait fait beaucoup de bruit, avec de nombreuses manifestations de soutien à la victime. J’ai pris l’événement de départ qu’était le viol. Mais les personnages du film ne ressemblent pas aux personnages réels. Tous les événements qui se déroulent dans le scénario ne se sont pas produits comme tels dans la réalité : ainsi, la victime du viol croise ses bourreaux durant la nuit même, mais pas pour les mêmes raisons que j’ai choisies dans le scénario. Je ne souhaitais pas rencontrer la victime réelle de ce viol, qui a écrit un livre dont la production du film a acheté les droits afin de conserver ma liberté d’interprétation. La rencontre a pourtant eu lieu et la lecture du scénario ne l’a guère satisfaite, ce que je comprends aisément : lorsque l’on a vécu une expérience traumatique, on peut se sentir trahi de ne pas voir la retranscription fidèle de ce vécu. Or, je souhaitais, plus qu’adapter fidèlement un fait divers, parler du courage de nombreuses femmes qui luttent pour faire respecter leurs droits, en utilisant la fiction. Derrière le courage qu’elle a eu à témoigner devant la Justice et par son livre, je souhaitais aussi parler dans mon film de toutes ces femmes dont on n’entendait pas la voix. »
« La Belle et la Meute » est composé de plusieurs plans-séquences qui plongent le spectateur dans le réel d'une manière très forte. La réalisatrice a voulu procéder de la sorte pour placer le spectateur dans le même état d'esprit que le personnage de Mariam qui subit un véritable calvaire. Elle précise : « le plan-séquence a cette vertu de nous plonger dans le temps réel. Celui de la vie. Notre vie est un plan-séquence ininterrompu depuis la naissance jusqu’à la mort. On ne peut exercer « le montage » que sur nos souvenirs ou nos souhaits d’avenir. La vie est linéaire et en plan-séquence, on ne peut y échapper. Je veux remettre les spectateurs dans ce même état d’esprit, le supplice que subit Mariam est en plan-séquence et elle ne peut y échapper qu’en comptant sur elle-même. L’usage du plan-séquence permettait de générer une tension et de plonger le spectateur dans la sensation du temps réel, même si le film est composé de neuf fragments. Le défi était de mettre en cohérence le jeu d’acteur avec cette idée de fragment du réel. Tout s’est préparé en amont dans une configuration proche du théâtre. De nombreuses répétitions furent nécessaires pour coordonner le jeu des acteurs et les mouvements de caméra. »
Kaouther Ben Hania n'a pas voulu faire de Mariam un personnage militant qui croit fermement à un Etat de droit issu du nouvel ordre apparu après la fin du régime de Ben Ali en Tunisie (contrairement à Youssef qui est davantage politisé). La réalisatrice raconte : « Lorsque l’on subit une injustice, de fait on devient militant, comme un réflexe de survie. Mariam a besoin que les personnes qui l’ont violée se retrouvent en prison. Si l’on parle d’un processus de vengeance sous couvert de prise en charge de la justice civile, on n’est pas du tout dans le militantisme. Mais celui-ci commence à apparaître face à un ordre social qui dénie totalement le respect des droits élémentaires d’un citoyen. »
La réalisatrice a effectué un casting très long et a choisi de prendre des acteurs de théâtre car ils pouvaient absorber des plans séquences hormis le personnage principal. Elle explique : « Il me fallait une personne qui porte sur son visage à la fois la tragédie et l’innocence, qui mélange un côté enfantin et une affirmation de femme adulte. Mariam Al Ferjani, l’actrice principale, était très motivée pour jouer ce rôle alors qu’elle avait peu d’expérience. Nous avons beaucoup travaillé ensemble et je suis heureuse du résultat. Je suis également fière des rôles secondaires ; je trouve que chacun d’entre eux incarne bien des personnages que je connais dans la vie réelle avec toutes leurs ambiguïtés. Il est évident que ce film n’aurait pas pu être réalisé avant 2011 en Tunisie. Le film, qui ne fait pourtant pas un portrait tendre des garants de l’ordre en Tunisie, est soutenu par le ministère de la Culture. C’est pour moi un symbole de soutien fort à une époque où règne en Tunisie un pessimisme général. C’est le signe que les choses sont en train de changer dans le pays. Comme le personnage principal du film, désormais rien ne peut plus être comme avant. Le film veut surtout dire aux personnes qui fonctionnent encore comme sous le régime de Ben Ali, que l’ordre de la société ne peut plus être le même. »