Emission du mardi 27 mars 2018
Le Pitch - Cinéma- Émissions culturelles
- 7 min
- tous publics
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CARNIVORES de Jérémie & Yannick Renier
Avec Leïla Bekhti et Zita Hanrot
Ce film fait l’objet de l’avertissement suivant : « Une scène violente est susceptible de choquer le jeune public »
Mona rêve depuis toujours d’être comédienne. Au sortir du Conservatoire, elle est promise à un avenir brillant mais c’est Sam, sa sœur cadette, qui se fait repérer et devient rapidement une actrice de renom. À l’aube de la trentaine, à court de ressources, Mona est contrainte d’emménager chez sa sœur qui, fragilisée par un tournage éprouvant, lui propose de devenir son assistante. Sam néglige peu à peu son rôle d'actrice, d'épouse, de mère et finit par perdre pied. Ces rôles que Sam délaisse, Mona comprend qu'elle doit s'en emparer.
Le sujet de « Carnivores » vient d'une anecdote assez drôle qui est arrivée à Jérémie et Yannick Renier lorsqu'ils revenaient de la Mostra de Venise où « Nue Propriété » de Joachim Lafosse était sélectionné en compétition officielle. Le film marquait la première collaboration entre les deux frères et aussi la première expérience sur un long métrage pour Yannick alors que Jérémie était déjà très connu. « Nous étions à l’aéroport avec nos bagages et Jérémie a reçu un appel, je l’ai donc débarrassé de ses sacs pour l’aider », se souvient ce dernier. « Et quand j’ai raccroché et me suis retourné vers Yannick, j’ai vu toute l’équipe du film qui nous regardait comme un cliché vivant : l’acteur de cinéma suivi de son frère aîné, comédien lui aussi mais moins connu, encombré des bagages des deux. C’était aussi pathétique qu’hilarant parce que ça ne reflète absolument pas la nature de nos rapports, mais nous tenions notre sujet et ce serait une comédie. »
Mais pendant l'écriture du scénario, le film a basculé vers le thriller : « Le mythe des frères ennemis est le sujet des plus grandes tragédies, c’est un mythe fondateur parce que tout le monde l’a expérimenté ne serait-ce qu’une fraction de seconde. Alors l’élan un peu naïf avec lequel nous avons entrepris l’écriture s’est transformé progressivement en une introspection plus sombre. Très vite le mythe d’Abel et Caïn ou encore celui d’Etéocle et Polynice se sont imposés comme une source d’inspiration majeure car au fond c’est bien ce drame qui se joue entre Sam et Mona, elles ne peuvent pas briller ensemble, l’une éclipse l’autre. Et ça ne dépend pas de leur volonté. C’est donc assez logique que la comédie initiale ait glissé vers le film de genre, qui allait nous donner la latitude nécessaire pour laisser libre cours à nos pulsions, même les plus sombres. » explique Yannick.
Les réalisateurs ont opté pour des cadres assez froids, presque cliniques, de telle sorte que la syntaxe du film épouse la rigueur psychologique du personnage de Mona. Ils voulaient aussi jouer sur la lenteur des travellings qui permettent d’accentuer la sensation d’étouffement et augmenter la tension. « Plus ils seraient lents, plus elle serait forte. Avec George Lechaptois, nous avons pris le parti de peu découper nos plans : la caméra devait être posée, soutenue, solide. On a préféré faire peu de plans pour que tout soit stylisé et maîtrisé, à l’image du contrôle que Mona cherche à toujours garder », explique Jérémie.
Les frères metteurs en scène ont voulu que leurs héroïnes soient deux comédiennes parce que dans ce métier d’image (qu'ils connaissent bien), où il est question de représentation, les rapports de compétition sont plus forts. « Mais nous avons bien conscience qu’à travers ce film nous nous sommes exprimés l’un et l’autre sur notre profession. Jouer la comédie n’est pas un acte anodin, cela peut énormément fragiliser et même aller jusqu’à vous briser. C’est le cas de Sam, qui arrive au point de rupture et qui va jusqu’à abandonner son enfant… C’est difficile d’éprouver de l’empathie pour elle. On se demande si le jeu en vaut vraiment la chandelle, surtout si c’est pour tout abandonner », explique Jérémie Renier.
Les réalisateurs ont donc choisi Zita Hanrot et Leïla Bekhti pour interpréter les deux sœurs. Les deux comédiennes se sont tout de suite trouvées : « Nous avions besoin d’avoir en face de nous deux actrices qui éprouvent un plaisir similaire à celui que Yannick et moi avions de travailler ensemble. On devait éprouver leur amour bien que le film comporte peu de scènes de tendresse. Nous avons eu la chance que Leïla et Zita, qui se connaissaient peu, s’entendent comme deux soeurs. Au fil des jours, nous avons vu une véritable alchimie se créer entre elles deux. Elles avaient confiance et sont allées très loin l’une avec l’autre. »
MARIE MADELEINE de Garth Davis
Avec Rooney Mara, Joaquin Phoenix et Chiwetel Ejiofor
Marie Madeleine est un portrait authentique et humaniste de l’un des personnages religieux les plus énigmatiques et incompris de l’histoire. Ce biopic biblique raconte l’histoire de Marie, une jeune femme en quête d’un nouveau chemin de vie. Soumise aux mœurs de l’époque, Marie défie les traditions de sa famille pour rejoindre un nouveau mouvement social mené par le charismatique Jésus de Nazareth. Elle trouve rapidement sa place au cœur d’un voyage qui va les conduire à Jérusalem.
La vie de Jésus a toujours été une grande source d’inspiration, en particulier pour les réalisateurs. La richesse et l’ouverture interprétative de ce récit connu de tous ont poussé les producteurs du film à revisiter le mythe sous un angle différent.
Iain Canning et Emile Sherman, les producteurs du film, nous expliquent comment la découverte archéologique des fragments de parchemins qui ont été attribués à Marie Madeleine, en Grèce et en Égypte, a décidé de cette approche inédite, celle de repenser la Bible à travers le regard d’une femme. Ils commentent : « Chaque génération amène sa relecture des grands mythes sur lesquels est basée notre société. Le cinéma se doit d’adopter une vision contemporaine afin de faire écho aux problèmes actuels et d’être capable d’interpeller et intéresser le public. La relecture de la destinée du Christ à travers le regard d’une femme nous a semblé amener un nouvel éclairage sur le passé tout en faisant écho à des problèmes très actuels ».
Le fait de porter une telle histoire à l’écran était assez complexe car, en plus des textes consultés, de l’Évangile selon Saint-Marc à celui de Marie, ou des nombreuses versions du 1er siècle, chaque consultant avait une version différente, selon sa confession (catholique, juive, orthodoxe, ou protestante) ou sa formation (historien, religieux, archéologue). Mais ils se retrouvaient tous sur un point : le fait que Marie Madeleine ait sa place parmi les apôtres. Liz Watts, la productrice précise que le film n’a aucune prétention théologique ou historique, mais qu’il s’agit seulement d’une version artistique ouverte à toutes les interprétations et ce dans le respect de la confession de chacun. Elle précise : « Le film trouve son inspiration principale dans l’Évangile de Marie qui se démarque des autres évangiles. Il se présente sous forme de débat avec les apôtres, soulignant l’importance de sa place auprès de Jésus, et la pertinence de sa compréhension de la sainte parole, qu’elle tente de transmettre. Le fait qu’elle soit la seule femme au milieu d’hommes tend le débat, notamment avec Pierre, créant une dynamique fascinante à explorer. Les concepts chrétiens de pardon, pitié et humanité qu’on retrouve dans la Bible sont ceux pour lesquels Marie Madeleine luttait pour les mettre en avant. »
Pour les producteurs du film, il était important d’éviter les polémiques, ne pas se mettre à dos les Chrétiens, sans pour autant renoncer au discours paritaire. La religion, l’Histoire et le genre peuvent facilement attiser les controverses, mais au-delà de la compression historique des évènements et du traitement de la fonction de Judas, c’est vraiment le point de vue féminin qui changeait la perspective. Garth Davis se veut un réalisateur à la parole humaniste. L’histoire de Marie Madeleine a fait écho en lui avec celle de Malala Yousafzai, la jeune fille qui s’est battue pour être scolarisée au Pakistan et que les talibans avaient tenté de tuer pour l’en dissuader. Le discours de cette survivante à l’occasion de la remise de son prix Nobel était axé sur le pardon de ses agresseurs. Pour le réalisateur, le pardon, en sa qualité d’ultime acte d’amour, est le centre du film.
En lisant le script il a reconnu le message que portait en lui le discours de la jeune Pakistanaise, le même que celui de Marie Madeleine. Il développe : « Au-delà de la teneur spirituelle et humaniste du film, je voulais aussi dépoussiérer les représentations cinématographiques des textes bibliques, réactualiser un message qui est au-delà des époques et des cultures. Je voulais éviter le désert et les stéréotypes, en faire quelque chose de plus moderne, de plus à propos, que le public puisse s’y reconnaître et comprendre la modernité d’un message toujours d’actualité. Je ne connaissais pas bien l’histoire de Marie Madeleine, et je pense que le public non plus. Revisiter la vie de Jésus à travers la vision d’une femme qui se bat pour ses convictions, en dehors du rôle que la société veut lui faire tenir, me semblait un pari intéressant. »
La plupart des films sur la vie du Christ mettent Jésus au centre de l’histoire, mais ici, si le récit ne change pas, il bénéficie d’une nouvelle perspective et d’un nouvel éclairage. Et si Marie Madeleine est considérée par beaucoup comme une prostituée, on découvre avec ce film qu’il n’en est rien et on en apprend un peu plus sur ses origines. Fille de pêcheurs, avant même de rencontrer Jésus elle avait une connexion forte avec Dieu. Elle ne comprenait pas vraiment ce lien qui la rendait différente des autres. Alors que tous la poussaient à remplir son rôle social d’épouse et de mère, avant qu’il ne soit trop tard, elle ne se reconnaissait pas dans ce schéma et se sentait très incomprise. Quand Jésus arrive, il est le seul à comprendre sa solitude, ce qui l’incite à tout abandonner pour le suivre.
Rooney Mara venait de tourner « Lion » avec Garth Davis, qui a tout de suite pensé à elle pour le rôle. Il confie : « Le jeu de Rooney a un côté éthéré, qui semble être connecté à une autre dimension. Pour interpréter Marie Madeleine qui possède une connexion réelle avec Dieu, mais ne sait pas comment l’exprimer, c’était un atout primordial. Ce n’est pas une femme qui cherche qui elle est, mais qui possède une lumière intérieure forte qui la guide. Rooney lui a amené son calme et sa grâce. »
Si Marie Madeleine est le centre du film, le trio qu’elle forme avec Jésus et Pierre donne sa dynamique au film. Pour jouer Jésus, il fallait un acteur au charisme et au magnétisme indéniables. Pour Garth Davis, il n’y avait aucun autre acteur possible en raison non seulement de son talent et de la force de sa présence à l’écran, mais aussi de la sensibilité, la bienveillance et la gentillesse de l’homme. Il avait prévenu la production : « C’est lui ou personne d’autre ! » Joaquin Phoenix a la particularité d’amener un supplément d’humanité à ses personnages et, dans le cas de Jésus, c’est ce qu’il fallait pour casser la figure emblématique d’un tel personnage. Derrière le mythe, les écritures ou l’institution, il y avait avant tout un homme simple. Un acteur de la trempe de Joaquin Phoenix pouvait lui amener une profondeur et beaucoup de nuances, tout en brisant et sublimant à la fois son côté iconique.
Pierre est une figure clef du Christianisme. C’était un homme du peuple, simple, en qui le spectateur peut facilement s’identifier. Le comédien Chiwetel Ejiofor nous explique : « Je n’étais pas persuadé que la vision d’une femme apporterait un changement drastique aux nombreuses lectures déjà existantes de la Bible. Je trouvais cela intéressant, mais n’attendais aucune révélation. Mais à la lecture du script, tant de choses ont résonné avec notre époque et nos cultures, en ce qui concerne les relations hommes / femmes et surtout la banalisation de la misogynie. L’aspect patriarcal ancestral de nos sociétés modernes m’a sauté à la figure. L’autre élément intéressant pour moi était la désacralisation de ces évènements, et la manière terre à terre dont ils étaient traités dans le script. C’est la mise en pratique du message même de la Bible : revenir aux basiques, à l’honnêteté, la simplicité et la vérité. L’implication de Pierre était profonde et sincère, il était la main droite du Christ, dirigeait les hommes vers le nouvel ordre qu’il pensait que Jésus allait leur offrir. Il pensait plus en termes de révolution sociale externe qu’en révolution interne. Et si la présence de Marie était problématique, c’est qu’il ne voulait pas qu’on pense que leur groupe arrachait des jeunes vierges à leurs familles. »
BONUS
APRÈS L’OMBRE de Stéphane Mercurio
Une longue peine, comment ça se raconte ?
C’est étrange ce mot qui signifie punition et chagrin en même temps.
Ainsi s’exprime Didier Ruiz lorsqu’il entreprend la mise en scène de son dernier spectacle monté avec d’anciens détenus de longue peine. Dans le temps suspendu des répétitions on voit se transformer tous ces hommes – le metteur en scène y compris.
Le film raconte la prison, la façon dont elle grave dans les chairs des marques indélébiles et invisibles. Il saisit le travail rigoureux d’un metteur en scène avec ces comédiens « extraordinaires ». Et surtout il raconte un voyage, celui qui va permettre à cette parole inconcevable de jaillir de l’ombre pour traverser les murs.
Ce n'est pas la première fois que la réalisatrice Stéphane Mercurio pose sa caméra dans le monde carcéral. En 2008, elle signe « À côté » qui s'intéresse aux familles de prisonniers qui viennent au parloir et plus particulièrement aux femmes de prisonniers. Quatre ans plus tard, elle réalise « À l’ombre de la république », qui lui a permis de pénétrer au coeur de l’enfermement, dans les quartiers disciplinaires, les cours de prison, les cellules, ... Elle y rencontre des prisonniers purgeant de longues peines. Marquée par cette expérience, elle décide de s'intéresser à « l'après prison ». Grâce à Bernard Bolze, cofondateur de l’OIP (Observatoire International des Prisons), elle entre en contact avec le metteur en scène de théâtre Didier Ruiz qui allait commencer à collaborer avec d’anciens détenus sur une pièce intitulée « Une longue peine ».
Aucun casting n'a été effectué pour choisir les prisonniers, comme le précise la réalisatrice : « Didier [Ruiz] a pris les gens avec lesquels, il était possible de travailler : ceux qui avaient reçu du juge l’autorisation de changer de région – puisque certains étaient encore sous contrôle judiciaire, ceux qui en avaient envie, ceux qui étaient disponibles pour participer à cette aventure et que leur travail n’empêcherait pas de faire la tournée. »
Les prisonniers, qui n'avaient jamais joué la comédie, se sont retrouvés à participer à une pièce de théâtre dans laquelle ils racontent leur propre histoire. Le défi était double pour eux car ils étaient suivis par l'équipe du film. Pourtant, la caméra a vite su se faire oublier, comme le précise la réalisatrice : « Ils étaient si absorbés par leur travail. Ils savaient qu’on était là bien sûr, mais ils nous oubliaient. »
La réalisatrice a fait le choix de ne pas dévoiler les raisons exactes de l'incarcération des prisonniers afin de ne pas polluer la réflexion sur la prison : « Le motif de la condamnation risque de dévorer toute la pensée autour de la prison : on le juge grave, ou pas si grave que cela. Chacun a son échelle de valeur mais la question n’est pas là. Il faut se demander : doit-on être traité de la sorte en prison ? Les durées des peines sont-elles justifiées ? Que fabrique la prison ? De toute manière, ces hommes ont été condamnés, ils ont purgé leur peine. »
Au-delà d'être un film sur la prison, « Après l'ombre » aborde également le collectif, la confiance mais aussi la libération de la parole. Un sujet cher à la réalisatrice : « Prendre cette parole a eu très certainement pour certains d’entre eux un rôle important dans la confiance en soi, l’estime de soi tellement mise à mal par l’incarcération. »
THE RIDER de Chloé Zhao
Avec Brady Jandreau, Tim Jandreau et Lilly Jandreau
Le jeune cowboy Brady, étoile montante du rodéo, apprend qu'après son tragique accident de cheval, les compétitions lui sont désormais interdites. De retour chez lui, Brady doit trouver une nouvelle raison de vivre, à présent qu'il ne peut plus s'adonner à l'équitation et la compétition qui donnaient tout son sens à sa vie. Dans ses efforts pour reprendre en main son destin, Brady se lance à la recherche d'une nouvelle identité et tente de définir ce qu'implique être un homme au coeur de l'Amérique.
Grand Prix au Festival du Cinéma Américain de Deauville 2017
Art Cinema Award à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes
C’est en 2013 à la réserve indienne de Pine Ridge que Chloé Zhao a rencontré un groupe de cowboys Lakota. Ils portent des plumes à leurs chapeaux en l’honneur de leurs ancêtres Lakota – des cowboys indiens – une réelle contradiction américaine. Ils ont exercé sur Chloé Zhao une fascination telle, que certains ont été retenus pour des rôles secondaires dans son film.
En 2015, lors d’une visite dans un ranch de la réserve de Pine Ridge, la réalisatrice a rencontré un cowboy Lakota âgé de vingt ans, nommé Brady Jandreau. Brady est un membre de la tribu Sioux des Brûlés. Dresseur et adepte de la discipline du cheval sauvage, il vit en homme de la terre. Il chasse sur sa monture, pêche dans les eaux de la White River, passe le plus clair de son temps à travailler auprès des chevaux sauvages, s’appliquant à les débourrer et les dompter jusqu’à ce qu’ils soient aptes à la vente. Depuis ses huit ans où il a commencé à être en contact avec des chevaux, Brady semble comprendre chaque mouvement de ces animaux, comme s’il était relié à eux par une chorégraphie télépathique. Chloé Zhao a immédiatement été captivée et s’est mise à rassembler des idées pour réaliser un film sur Brady. Le 1er avril 2016, Brady a intégré la PRCA (Professional Rodeo Cowboys Association) de Fargo, dans le Dakota du nord. Il devait concourir dans la catégorie du cheval sauvage mais ce soir-là, il a été projeté par un cheval qui s’est cabré et a piétiné sa tête, écrasant son crâne de manière presque fatale. Son cerveau a subi une hémorragie interne. Aujourd’hui, Brady a une plaque de métal dans la tête et souffre de problèmes de santé corrélatifs, associés à un grave traumatisme crânien. Les médecins lui recommandent de ne plus monter du tout mais il a fallu peu de temps pour que Brady ne recommence à dresser des chevaux sauvages.
Lorsqu'il était à l'hôpital, Chloé Zhao a rendu visite à Brady et ils se sont entretenus par rapport à ce qui l’anime dans le rodéo au point de risquer sa vie. Au-delà des difficultés financières qui ont découlé de cet accident, la réponse de Brady a fait réfléchir Chloé sur l’impact psychologique que ces blessures peuvent causer sur des jeunes hommes comme lui. La cinéaste a alors décidé de tourner un film sur le combat de Brady, tant sur le plan physique qu’émotionnel.
Tout le monde dans le film provient de la réserve ou de ses environs. Parmi eux, Tim, le père de Brady, est un cowboy traditionnel qui a transmis à son fils tout ce qu’il sait. Sa petite soeur Lilly, douée et pleine d’entrain, atteinte du syndrome d’Asperger, s’est exprimée sans inhibition aucune. On trouve également ses amis de rodéo, qui partagent avec Brady ses espoirs, ses craintes et ses rêves ainsi que son ami Lane, entièrement paralysé depuis un accident qui a brisé définitivement sa carrière prometteuse de monte de taureau. « Le tournage s’est déroulé en cinq semaines à l’intérieur de la réserve et dans ses alentours, la région des Badlands. Nous avons travaillé en équipe réduite, tournant chez les gens des situations et des événements réels. C’est la seconde fois que je collabore avec le directeur de la photographie Joshua James Richards. Nous nous sommes efforcés de capturer certains moments de manière organique autant que cinématographique, dans l’idée d’insuffler au récit un sentiment de réalité. À travers le voyage de Brady, tant à l’écran que dans la vie, j’aspire à explorer notre culture de la masculinité et à offrir une version plus nuancée du cowboy américain classique. Je souhaite également proposer un portrait fidèle du coeur de l’Amérique, rocailleux, véritable et de toute beauté, que j’aime et je respecte profondément. »