Émission du mercredi 16 mai 2018
Le Pitch - Cinéma- Émissions culturelles
- 6 min
- tous publics
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ET MON COEUR TRANSPARENT de Raphaël & David Vital-Durand
Avec Julien Boisselier, Caterina Murino, Serge Riaboukine et Sara Giraudeau
« Je m’appelle Lancelot Rubinstein, ma femme est morte ce jour-là, à cet instant précis. Elle s’appelait Irina. Le plus étrange dans cette histoire c’est de découvrir la personne avec laquelle on vit une fois qu’elle est morte. »
« Et mon coeur transparent » est tiré du roman éponyme de Véronique Ovaldé paru en 2008 et lauréat du Prix France Culture – Télérama.
Les deux réalisateurs proviennent de l’univers de la pub et du clip entre autres, le film est leur premier long métrage : « Le cinéma est notre rêve d’enfant et l’irréel notre approche préférée. La pub, le clip, les courts-métrages ou le documentaire nous ont permis d’accéder doucement mais sûrement à ce rêve avec cette approche de poésie qui nous est chère. Le film de genre nous permettait de raconter une vraie histoire, avec des personnages curieux et un univers visuel expressif. En même temps, le roman joue avec les règles du genre, c’est ce qui nous a plu. »
Le film est constamment à la frontière du réel et de l'inconscient – un choix délibéré des cinéastes. Ils expliquent : « Ce film devait être un peu comme un trip. La mise en scène devait être un rêve surréaliste sur une histoire réaliste afin de basculer le spectateur d’un monde à l’autre en permanence. Nous avons, par exemple, demandé à Julien Boisselier de jouer son rôle comme s'il était un cosmonaute qui arrive sur une planète inconnue ».
C’est aussi pour cette raison qu’ils ont utilisé des effets spéciaux : « Tous les effets spéciaux servent l’histoire dans un sens absurde et faux mais qui doit paraître vrai. Ils rajoutent un humour noir qui ne fait pas rire mais sourire. L’image nous rapproche du rêve et donc nous éloigne de la réalité. »
Concernant le casting : « Julien Boisselier s’est rapidement imposé comme l’acteur de ce film. On s’est très vite entendus sur la façon de jouer ce rôle étrange, ambigu. Julien est crédible dans ce rôle qui bascule entre rêve et réalité. Il s’est largement investi dans ce rôle et nous a apporté énormément d’idées. Nous voulions Caterina Murino, belle et rebelle, une âme forte et engagée. Elle nous a répondu immédiatement oui. Sara est aussi merveilleuse que douée. Serge correspondait parfaitement à son rôle. Tous les personnages mentent avec honnêteté. »
Le titre du film est une référence au poème de Paul Verlaine, « Mon Rêve Familier », qui commence ainsi : « Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime, (...) ».
NO DORMIRÁS de Gustavo Hernandez
Avec Belén Rueda, Eva de Dominici et Natalia de Molina
Le film fait l’objet d’une interdiction en salles aux moins de 12 ans
1984. Dans un hôpital psychiatrique abandonné, une compagnie théâtrale menée de main de maitre par Alma, expérimente une technique extrême de jeu. En privant ses comédiens de sommeil, Alma prétend les préparer à donner le meilleur d’eux-mêmes. Au fur et à mesure des jours d’insomnie, les acteurs ressentent des choses de plus en plus étranges… Bianca, jeune actrice en compétition pour le rôle principal, tente de percer les secrets de cet étrange endroit et devient bientôt l’objet de forces inconnues.
« No dormiràs » est né d'une expérience personnelle du réalisateur Gustavo Hernandez. Après des nuits d’insomnies, où ses sens étaient devenus plus vifs et la perception de son environnement plus aiguë, le metteur en scène a commencé à faire des recherches sur les répercussions du manque de sommeil sur le cerveau et le corps. Il a alors trouvé qu’il serait intéressant de partir du postulat d’une veillée extrême et prolongée.
Les thèmes principaux que l'on retrouve dans le film sont les limites de l’art et les sacrifices qu’un artiste doit faire pour créer son oeuvre. « C’est quelque chose qui me hantait depuis longtemps et j’avais besoin d’en faire un film. Un artiste est dans une démarche de recherche constante, pour évoluer et créer une oeuvre unique mémorable. Je pense que le sacrifice est propre à tous les grands artistes », raconte Gustavo Hernandez.
En construisant son récit autour du passé, comme c’était déjà le cas dans son précédent film avec « The Silent House », Gustavo Hernández interroge l’inconscient collectif sud-américain. L’histoire de « No dormiràs » se passe, sans qu’on y fasse allusion, dans une période trouble marquée par la dictature dans les années 1980. Il ne s’agit donc plus d’évoquer les fantômes du passé, mais d’y faire face. Comme l’Argentine, l’Uruguay réprimait par le sang toute contestation et les artistes faisaient partie de ses cibles privilégiées. Les hôpitaux psychiatriques étaient parmi d’autres bâtiments publics des lieux de tortures, si bien qu’il est difficile de ne pas avoir en tête ce passé douloureux : la privation de sommeil étant, par ailleurs, une technique de torture bien connue.
« No dormiràs » s’inspire de faits réels et de vraies personnes. Il s'agit d'une fiction mais avec un peu de vérité. Gustavo Hernandez explique : « Evidemment je n’aime pas les expériences extrêmes qui ont un impact trop violent sur les acteurs et les spectateurs. En revanche je crois au risque que prend l’artiste pour le bien de sa création. Le public cherche aussi de nouvelles expériences qui les surprennent, qui les touchent et comme le dit Alma Böhm dans le film : ‘C'est comme au cirque. Nous allons au cirque pour voir le funambule. Il ne doit pas mourir, mais s'il a un filet, on voudra se faire rembourser. Il doit tout risquer. Et s'il tombe, on ne détournera pas les yeux.’ »
Le film fait appel au « Théâtre immersif ». Il s’agit de briser le « quatrième mur » qui sépare traditionnellement l’acteur et le spectateur. Cela suppose la participation physique du spectateur et parfois son interaction avec les acteurs. Le théâtre immersif se popularise durant les années 90 avec l’utilisation des nouvelles technologies, mais des dispositifs plus anciens, au sein desquels la place du spectateur est interrogée, ont été mis en place un peu partout dans le monde. La première expérience d’immersion pourrait être un spectacle d’André Antoine, inventeur de la mise en scène comme acte artistique, en 1895. Il s’agissait d’une immersion sonore, pour un effet de réel. Les autres propositions, très variées, firent référence à une expérience physique du spectateur, à un changement dans son positionnement. Les dispositifs immersifs peuvent être artisanaux et parfois interactif. Il existe divers degrés d’immersion, le long de deux pôles : immersion contemplative ou participative. On observe parfois une mutation des pratiques du spectateur. Ils le placent à un endroit où il est aussi acteur d’un événement réel, parfois sans qu’il le sache immédiatement, c’est vers ça que tend « No dormiràs ». Il est difficile de dire s’il s’agit ou non de théâtre, car la compagnie joue à la limite entre réel et fiction. Il s’agit ici de provoquer une expérience sensible de moment vécu mais aussi une expérience sur soi-même. Depuis le début des années 2000, une compagnie londonienne PunchDrunk a donné un côté glamour au théâtre immersif en collaborant, notamment avec la chanteuse Rihanna.
BONUS
14 POMMES de Midi Z
Shin-hong est un jeune entrepreneur birman qui souffre d’insomnies. Un jour, sa mère se rend chez un diseur de bonne aventure afin de l’aider à surmonter ses problèmes. Celui-ci conseille au jeune homme d’acheter quatorze pommes puis de se rendre dans un monastère situé dans le centre du pays, en pleine campagne. Shin-hong devra ensuite vivre comme un moine pendant quatorze jours et manger une pomme par jour…
Réalisateur d’origine birmane naturalisé taïwanais, Midi Z fut moine durant une courte période de sa vie. C’est là qu’il a vu des pommes pour la première fois, ce fruit restant trop cher pour les couches inférieures de la population birmane, aujourd’hui encore. Car devenir moine est un moyen rapide de s’extraire de la pauvreté mais aussi de servir de mentor, faisant bénéficier aux habitants de sa sagesse et de ses conseils. Avec un tel pouvoir et un tel contrôle sur la population, les moines sont les piliers de la société birmane. À travers ce film, Midi Z pointe du doigt les limites du bouddhisme qui ne prévient pas les maux de la société et montre le grand écart existant entre les idéaux et la réalité – voir cette scène où les moines se plaignent du peu d’aumônes qu’ils reçoivent et où l’un avoue qu’il dépense l’argent reçu au loto. Mais le cinéaste ne s’érige pas en juge, il observe en silence car, pour lui, c’est l’observation qui amène à la compréhension. En témoignent les multiples plans-séquences qui composent le film : la voiture de Shin-hong que les enfants tentent d’extraire de la boue, la cérémonie d’intronisation du jeune moine, les femmes ramenant l’eau du puits… Midi Z est le témoin silencieux de ce village et de ses coutumes qui laissent entrevoir de fortes disparités. Bien que la plupart des Birmans vivent dans la pauvreté, ils n’hésitent pas à donner aux moines leurs biens les plus chers car, selon leur croyance, cela permet d’augmenter leur karma et, à terme, de transformer leur vie.
« 14 Pommes » est un documentaire aussi fascinant que troublant sur la Birmanie d’aujourd’hui et le pouvoir du bouddhisme sur la population. Le pays tout entier dort à poings fermés… ceux qui souffrent d’insomnies parviendront-ils à le tirer de son sommeil ?
Le réalisateur revient sur son film : « En mars 2017, lorsque je suis revenu en Birmanie pour rendre visite à ma mère, j’ai appris que Shin-hong, l’un de mes grands amis, allait devenir moine dans un endroit où je n’avais jamais mis les pieds. Le monastère était situé dans un village reculé appelé Aungda, dans la région de Magway, au centre de la Birmanie. Il se trouve à environ dix kilomètres de Natmauk, ville natale du général Aung San, considéré comme le Père de la Birmanie moderne. Nous avons roulé un jour entier, traversant des montagnes et des rivières arides avant d’arriver enfin au village et à son monastère fraîchement bâti. Entouré d’une barrière de bambous, le monastère est fait de paille et de boue avec un toit en tôle ondulée. Durant des siècles, les villageois avaient rêvé d’avoir un monastère au village afin que ceux qui étaient revenus des mines d’or et ceux qui s’apprêtaient à quitter leur maison aient un endroit où faire leurs prières. Dès notre arrivée, le moine supérieur est parti en voyage, laissant à Shin-hong, qui venait tout juste d’être sacré moine ce jour-là, la responsabilité de ses fonctions. Shin-hong, un citadin venu rechercher la paix à la campagne, n’a pas eu d’autre choix que d’offrir ses conseils aux villageois. Avant de partir pour les mines d’or, ramenant avec eux des scooters fabriqués en Chine, les villageois étaient pauvres mais autosuffisants ; tout ce qu’ils avaient, comme les vêtements ou la nourriture, étaient produits localement. De nos jours, beaucoup de gens sont partis travailler dans les mines d’or ou en Chine. Comme dans beaucoup d’autres villages à travers le monde, ceux qui sont restés à Aungda sont les personnes âgées ou les enfants, mais il y avait aussi un fou qui était revenu des mines. Courant à travers les champs asséchés, le fou tenait un lecteur MP3 à la main qui diffusait en boucle la chanson ‘I Want to Borrow a Scooter to Take My Girlfriend on a Date’ [‘Je veux emprunter un scooter pour sortir avec ma copine ‘]. »
MANHATTAN STORIES de Dustin Guy Defa
Avec Abbi Jacobson, Michael Cera, Philip Baker Hall et Bene Coopersmith
Une journée à Manhattan. Dès le réveil, Benny, fan de vinyles collectors et de chemises bariolées n’a qu’une obsession : aller récupérer un disque rare de Charlie Parker. Mais il doit aussi gérer la déprime de son coloc Ray qui ne sait comment se racheter après avoir posté en ligne, en guise de vengeance, des photos de nu de sa copine. Pendant ce temps, Claire, chroniqueuse judiciaire débutante passe sa première journée sur le terrain aux côtés de Phil, journaliste d’investigation pour un tabloïd ayant des méthodes douteuses pour obtenir un scoop. Leur enquête va les mener jusqu’à Jimmy, un horloger qui pourrait détenir, sans le savoir, les preuves d’un meurtre. Quelques blocks plus loin, Wendy, une étudiante désabusée du monde actuel, tente de persuader sa meilleure amie Mélanie qu’idéaux féministes et désirs sexuels ne sont pas incompatibles. S’ils ne se croisent pas toujours, une connexion existe entre tous : l’énergie de New-York.
Parce qu’il cherchait à retravailler avec son ami Bene Coopersmith qui avait joué dans son court-métrage, la genèse d’un nouveau film s’est alors profilée pour le réalisateur : « Bene Coopersmith est quelqu’un quia un charisme très particulier. Je n’avais pas particulièrement l’objectif d’en faire un long métrage, mais c’est un film que j’ai aimé et sur lequel j’ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec lui. J’ai donc voulu de nouveau travailler avec Bene, et en même temps développer d’autres personnages, avec d’autres comédiens. »
La structure de « Manhattan Stories » est singulière, avec un tissu narratif qui repose sur cinq histoires individuelles distinctes et qui se chevauchent plus ou moins. C'est ce qui a plu à Dustin Guy Defa, qui avait ces histoires au départ en tête, et qui s'est demandé comment il pourrait les connecter entre elles. Il confie : « J’ai donc rassemblé plusieurs histoires qui auraient pu être autant de films différents, et tirer ces fils disparates devenu un exercice assez passionnant.»
Le point commun entre les personnages du film, c’est qu’ils cherchent tous quelque chose : « Claire, par exemple, qui se lance dans ce nouveau travail de journaliste d’investigation, cherche d’abord sa place dans la société, car elle ne sait pas exactement où elle se situe. Mais c’est pour se retrouver dans la position la moins confortable qui soit : son chef Phil, qui l’accueille, abandonne une affaire simple pour une enquête sur un meurtre, une entrée en matière très dure pour Claire. Au fur et à mesure que l’enquête avance, elle prend conscience que là n’est pas forcément sa place. » dit Dustin Guy Defa.
Un certain nombre d’indices dans le film - les petits commerces fragiles, des bureaux vétustes, les disques de collection - indiquent un goût prononcé pour le versant le plus vintage de NewYork… Dustin Guy Defa explique que ce n'est pas délibéré mais qu'il s'agit tout de même du genre de choses qui l'attirent : « Le côté passé, ‘analogique’ des choses, même si ce truc rétro des années 70 et 80 peut me sembler parfois un peu déprimant ! Mais je savais par exemple que chez l’horloger on ne trouverait pas de montres ni d’horloges à affichage digital. C’est aussi pour ça que j’ai tourné en pellicule 16mm, pas tant pour situer le film dans une époque, comme ils ont choisi de le faire pour Jackie par exemple, que pour conserver une cohérence avec ce goût qu’ont mes personnages pour les vieilles choses. »
Le film est régulièrement ponctué de moments comiques. Le réalisateur confie : « Il est délibérément léger et peut être considéré en première lecture comme un divertissement. Mais le temps qui passe est clairement un thème sur lequel j’ai construit le film, ainsi que la tendresse que peuvent éprouver les gens dans un monde qui ne les pousse pas nécessairement dans ce sens. J’ai une tendresse particulière pour les personnages qui vont spontanément vers les autres, qui ressentent ce besoin d’affection ou d’amour. Tous les personnages ont cela en commun, à divers degrés, autant que ce besoin de trouver leur place dans la société. Ce que j’ai voulu montrer dans le film est assez simple : la construction et les tourments de l’amitié. »