Emission du mardi 21 novembre 2017
Le Pitch - Cinéma- Émissions culturelles
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- tous publics
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MADAME de Amanda Sthers
Avec Rossy de Palma, Toni Collette, Harvey Keitel et Michael Smiley
Anne et Bob, un couple d’américains fortunés récemment installé à Paris, s’apprêtent à donner un grand dîner, et convient douze invités triés sur le volet, réunissant la haute société anglaise, française et américaine. Mais lorsque Anne réalise qu’un treizième couvert est posé pour Steven, le fils du premier mariage de Bob, elle panique : pour cet événement mondain, hors de question de provoquer le mauvais sort ! Elle demande à Maria, sa domestique, d’enfiler une robe et de se faire passer pour une riche amie espagnole. Maria se retrouve assise à côté de David, un expert en art issu de la noblesse britannique. Aussi, quand, sous le charme de Maria, il la recontacte le lendemain, révéler sa véritable identité est impossible. Une romance commence, qui va faire trembler les valeurs élitistes et le mariage d’Anne. A moins que cette dernière n’arrive à l’étouffer…
La réalisatrice Amanda Sthers a révélé que le point de départ de « Madame » était Rossy de Palma. La comédienne avait vu sa pièce de théâtre, « Le Vieux Juif blonde », et avait envie de travailler avec la cinéaste. Rossy en a donc parlé à son agent, qui se trouve être le même que Sthers : « Je lui ai dit que j’avais du mal à écrire sur commande, mais que j’étais flattée. J’étais impressionnée que cette actrice emblématique fasse une démarche vers moi. Un peu plus tard est née cette envie d’écrire un personnage de femme à laquelle on puisse s’identifier, qui ne ressemble pas aux images de papier glacé. Je trouvais intéressant de la montrer comme je l’ai vue, et comme l’ont vu tous les membres de l’équipe : une femme dont on tombe amoureux. Parce que sa beauté intérieure illumine la beauté singulière de son physique – pour moi, Rossy, c’est un Modigliani enchanté ! », confie Amanda Sthers.
L’envie d’écrire pour Rossy de Palma est venue se caler sur l’idée d’une histoire singulière : « J’ai remarqué que les femmes de ménage appellent toujours leur patronne ‘Madame’, alors que celles-ci les appellent le plus souvent par leur prénom. C’est une relation très particulière car l’employée pénètre dans l’intimité de ses patrons : elle lave leur linge, elle change les draps, elle sait qui a dormi là ou pas. Mais subsiste néanmoins une forte domination sociale, voire une trace d’une féodalité très ancienne. Si l’on s’y arrête un peu, c’est très dérangeant. Et j’ai extrapolé : que se passerait-il si une employée de maison s’avisait de tomber amoureuse d’un proche de ses patrons ? Si elle était invitée à un dîner, les gens la reconnaîtraient-ils d’emblée comme une femme de ménage ? J’ai imaginé des gens très riches, de ceux qui partent en vacances avec leur domestique. Comme une forme d’esclavagisme contemporain et légal. Et Rossy était parfaite pour ce rôle : je mets quiconque au défi de dîner avec elle et de ne pas avoir envie de devenir son ami ! »
Amanda Sthers a injecté un peu de son histoire personnelle dans « Madame ». Elle explique : « Ce que je fais vivre au personnage de Rossy De Palma, je l’ai ressenti à l’adolescence : j’ai grandi dans une famille plutôt intello, avec un père médecin. L’année de mes 14 ans, il s’est remarié avec une femme qui évoluait dans un monde avec beaucoup d’argent et j’ai été propulsée dans ce milieu dont j’ignorais tous les codes. Quand je les ai appris, ils m’ont assez rapidement dégoûtée. Je passais mes vacances chez mes grands-parents en Bretagne, et tout d’un coup me voilà à Saint-Tropez dans la ‘jet set’. Je n’étais pas du tout à ma place. »
Pour incarner les patrons de Maria, Amanda Sthers a fait appel à Toni Collette et Harvey Keitel : « Il fallait qu’ils soient Américains. En France, c’est compliqué de parler d’argent, de dépeindre des gens d’un milieu social très élevé. Et aussi parce que la situation symbolise les dérives du capitalisme. Voici un pays, les États-Unis, qui promet sa chance à tout le monde, et cet opium fonctionne encore : tout le monde y croit alors que les inégalités sont terribles, l’ascenseur social complètement bloqué. Quand vous parlez aux serveurs, aux chauffeurs de taxi, etc., ils ne se plaignent pas de ne pas avoir eu leur chance, mais affirment que celle-ci n’est pas encore venue !Mes Américains, j’en ai fait des personnages en prison : Bob, interprété par Harvey Keitel, est prisonnier de son niveau de vie. Anne, interprétée par Toni Collette, est prisonnière de son apparence. Elle a épousé l’homme dont elle était la professeure de golf. Elle voit en Maria quelqu’un qui pourrait reproduire son parcours. Elle sait pertinemment qu’elle-même risque d’être remplacée par une femme plus jeune et plus fraîche », analyse la réalisatrice.
La cinéaste Amanda Sthers révèle sa méthode concernant la direction d'acteurs : « Ma méthode est simple : je ne répète jamais, je demande toujours aux acteurs de me livrer la première version de la scène qu’ils ont en eux. Si ce n’est pas ça, rien de grave ; mais, parfois, des toutes premières prises naît une émotion qu’on n’arrive pas à reproduire. Donc la première prise est à eux, et après, si besoin, on retravaille. Sur ‘Madame’, vu le niveau des acteurs, je les laissais y aller au début et ensuite, je modulais. Harvey Keitel est plus instinctif que technique : c’est la vérité du moment qui l’intéresse, il faut qu’il se passe quelque chose, qu’il soit en vie pendant la prise.Ce sont des trucs de vieux roublard : rajouter des accessoires, par exemple, un whisky, des olives, etc., pour se créer des obstacles, donner à la scène un sens physique. Toni Collette est l’actrice la plus technique avec qui je n’ai jamais travaillé : c’est un métronome qui, de prise en prise, peut refaire la même chose, au souffle près. Une horloge ! Rossy de Palma donne le sentiment d’être instinctive, mais c’est aussi une grande technicienne. »
MARVIN OU LA BELLE ÉDUCATION de Anne Fontaine
Avec Finnegan Oldfield, Jules Porier, Grégory Gadebois, Vincent Macaigne et Isabelle Huppert
Martin Clément, né Marvin Bijou, a fui. Il a fui son petit village des Vosges. Il a fui sa famille, la tyrannie de son père, la résignation de sa mère. Il a fui l'intolérance et le rejet, les brimades auxquelles l'exposait tout ce qui faisait de lui un garçon «différent». Envers et contre tout, il s'est quand même trouvé des alliés. D'abord, Madeleine Clément, la principale du collège qui lui a fait découvrir le théâtre, et dont il empruntera le nom pour symbole de son salut. Et puis Abel Pinto, le modèle bienveillant qui l'encouragera à raconter sur scène toute son histoire. Marvin devenu Martin va prendre tous les risques pour créer ce spectacle qui, au-delà du succès, achèvera de le transformer.
« Marvin ou la belle éducation » a pour point de départ le roman autobiographique « En finir avec Eddy Bellegueule » d’Edouard Louis, dans lequel l'auteur parle de son enfance difficile dans un village de Picardie où il subissait les humiliations et la violence de son entourage du fait de ses manières efféminées : « J’ai éprouvé presque aussitôt l’envie de m’emparer de son histoire. J’ai voulu lui réinventer un destin, explorer la manière dont il allait se construire après un départ si difficile dans cette famille – et cette France – socialement et culturellement déshéritée ; lui imaginer des rencontres déterminantes à l’adolescence ; bref, prendre de telles libertés que Marvin ne pouvait plus être une adaptation du roman, pourtant puissant. » explique la réalisatrice.
Dans le roman il existe l'idée que les êtres peuvent échapper à leur condition : « Comment y parvient-on ? Comment réussit-on à transcender ces difficultés ? Ce sont des questions auxquelles il est facile de s’identifier – elles nous concernent presque tous ; des questions auxquelles, moi, qui suis complètement autodidacte, je m’identifie. Le trajet de Marvin m’a passionnée » raconte la réalisatrice.
Anne Fontaine et son co-scénariste Pierre Trividic n'ont pas cherché à représenter négativement la famille de Marvin et ont même voulu lui conférer une certaine humanité malgré sa dureté. La cinéaste développe : « C’était important pour moi de ne pas coller ces personnages à terre et les épingler comme des papillons. C’est l’inculture qui dépose en eux les phrases parfois terrifiantes qu’ils prononcent. Ils le font presque à leur insu : ils pensent de là où ils sont, avec des codes enfermants. Pierre Trividic, mon co-scénariste, et moi, ne voulions pas les juger. »
C’est la première fois que la réalisatrice aborde ce milieu dans ces films : « N’en étant pas issue, je me suis posé la question de ma légitimité. Mais je l’ai balayée très vite. Il n’est pas nécessaire d’être dedans pour en parler. L’essentiel est de ressentir les choses. Et je les connaissais d’une certaine façon par l’une de mes grands-mères, une petite commerçante aux conditions de vie très dures, culturellement très proche des Bijou – anti-homo, anti-Noir, anti-tout. Enfant, cette misère intellectuelle m’avait beaucoup marquée. Mais c’était aussi une femme généreuse, d’une humanité incroyable. J’aimais beaucoup cette grand-mère et m’en suis inspirée, bien sûr. Tout comme je me suis inspirée des familles que j’ai rencontrées dans la région d’Epinal – des gens oubliés, aux abois, d’une pauvreté incroyable et souvent très proches du FN. Je me suis véritablement incrustée dans ce pays et n’en ai plus bougé : c’était la meilleure façon de le comprendre de l’intérieur. Sans être obsédée par l‘aspect documentaire, ce que je montrais devait être juste. »
Anne Fontaine nous parle du choix de Marvin, interprété tour à tour par Finnegan Oldfield (adulte) et Jules Porier (enfant) : « Finnegan est quelqu’un de singulier – son histoire est singulière, sa beauté aussi. J’ai aimé son rapport indécidable à la féminité et à la virilité, sa façon de marcher, presque en lévitation. Et j’ai eu un vrai coup de foudre pour Jules Porier. J’avais commencé mes recherches très en amont – le rôle était complexe, le comédien qui allait l’interpréter devait faire passer énormément d’émotions, une certaine vulnérabilité aussi – tout cela sans beaucoup de mots. Il devait également avoir une certaine ressemblance physique avec Finnegan. Jules participait déjà à des cours d’improvisation et c’est lui qui, de lui-même, avait répondu à l’annonce que nous avions passé sur internet. Il avait vraiment envie de faire du cinéma. »
Afin que la gémellité soit claire, la cinéaste les a teint tous les deux en roux, a travaillé leur carnation, leurs tâches de rousseur et les a longuement filmés ensemble.
Le personnage qu'interprète Isabelle Huppert porte le même nom que la comédienne. Anne Fontaine justifie ce choix : « Je trouvais intéressant que Marvin rencontre une femme de théâtre, et Isabelle s’est imposée dès l’écriture. C’était comme une évidence. Je ne savais pas si elle accepterait ; mais je ne voyais personne d’autre pour ce rôle, à la fois très court et très important, qui fait littéralement basculer le destin de Marvin. Je crois qu’elle a été très touchée par le film. »
Pour ce film, la cinéaste retrouve Vincent Macaigne qui avait déjà tourné dans « Les innocentes ». Mais c’est la première fois qu’elle dirigeait Grégory Gadebois, Catherine Salée et Catherine Mouchet : « J’aime de plus en plus mélanger des gens connus et moins connus. Grégory Gadebois m’a tellement plu que nous allons nous retrouver très bientôt sur un tournage. Et j’aime la sympathie que dégage Catherine Salée. Bien qu’elle ne comprenne rien à son fils, je tenais à ce qu’on éprouve de l’empathie pour la mère de Marvin. Quant au personnage de Catherine Clément, ce ne pouvait pas être une principale lambda – ce n’est pas Madame Tout-le-monde. J’ai vu plusieurs actrices pour le rôle mais lorsque j’ai rencontré Catherine Mouchet, je n’ai pas pu résister : elle a une flamme dans le regard, une poésie, un décalage et surtout un mystère qui font que, même avec un rôle aussi court, elle réussit à frapper les esprits. C’est une actrice rare. »
En endossant les personnages de ses parents, Marvin revit des scènes de son enfance, il les prolonge, les développe jusqu’à en faire une œuvre de théatre qu’il joue aux côtés d’Isabelle Huppert « Le récit fonctionne de manière interactive. Au fur et à mesure qu’il construit son spectacle, Marvin met de la distance avec les événements qu’il revisite. Il n’invente rien, il transcrit ce qu’il a éprouvé – ‘Parfois, les choses n’existent que pour ceux qui les ressentent’, dit-il à la journaliste qui l’interviewe. La souffrance est toujours présente mais il la transcende, et lui donne une théâtralité qui la libère. » confie la réalisatrice.
BONUS
LA LUNE DE JUPITER de Kornél Mundruczó
Avec Zsombor Jéger, Merab Ninidze et Gyorgy Cserhalmi
Un jeune migrant se fait tirer dessus alors qu'il traverse illégalement la frontière. Sous le coup de sa blessure, Aryan découvre qu'il a maintenant le pouvoir de léviter. Jeté dans un camp de réfugiés, il s'en échappe avec l'aide du Dr Stern qui nourrit le projet d'exploiter son extraordinaire secret. Les deux hommes prennent la fuite en quête d'argent et de sécurité, poursuivis par le directeur du camp. Fasciné par l'incroyable don d'Aryan, Stern décide de tout miser sur un monde où les miracles s'achètent.
Grand Prix Nouveau Genre à l’Etrange Festival 2017
« La Lune de Jupiter » mêle drame social et fantastique. C'est pourquoi le réalisateur a choisi un titre qui évoque la science-fiction tout en inscrivant son histoire dans un contexte précis : « La planète Jupiter a plusieurs lunes, qui ont été découvertes par Galilée, et l‘une d‘elles s‘appelle Europe. Il était important pour moi de considérer ce film comme une histoire européenne, ancrée dans une Europe en crise, notamment en Hongrie. Nous avons aussi creusé la notion d‘étranger, en nous demandant qui est le véritable étranger. Tout est question de point de vue. Jupiter est suffisamment éloignée de nous pour qu‘on puisse se poser de nouvelles questions sur la foi, les miracles, et la différence. »
A l’origine, le film devait se dérouler dans le futur, mais le temps de trouver les financements nécessaires la situation des migrants racontée dans le film était devenue réelle, comme l'explique le réalisateur : « Nous avons débattu pendant longtemps sur la question de savoir si le sujet des réfugiés n‘était pas devenu trop actuel. Personnellement je me méfie des récits idéologiques qui s‘inscrivent dans une actualité brûlante. Je crois davantage en l‘idée d‘un art classique, agissant comme l‘eau sur le béton : elle le ronge et le fait s‘effriter peu à peu. À mes yeux, l‘art fondé sur des faits réels et des opinions politiques est moins intéressant, alors quand nous avons retravaillé le scénario, nous avons tenté de prendre de la distance, au niveau du récit comme du langage du film. »
Le héros a la capacité de voler, mais ce n’est pas tant de mettre en scène un conte fantastique qui intéressait le réalisateur : « L‘un de mes livres préférés lorsque j‘étais enfant était ‘Ariel’ d‘Alexandre Beliaïev, un roman sur un petit garçon qui sait voler. Imaginez un être doté de pouvoirs surhumains, et les contrastes et tensions fantastiques que cela peut engendrer autour de lui. Avec le temps, je m’interroge de plus en plus sur la question de la foi. D‘une certaine façon, j‘ai toujours pensé qu‘il existe une foi plus grande, totale et universelle, au-delà de la foi relative dictée par une culture et une période données, une foi qui peut avoir un réel impact sur les gens, en particulier à une époque où nous semblons vouloir régler nos comptes avec la religion traditionnelle, ou avec Dieu. Au lieu de cela, nous sommes définis par l‘argent et la réussite, par le dieu omniprésent du populisme et de la satisfaction immédiate. Et bien sûr, mettre en avant un individu capable de voler soulève des interrogations sur la possibilité de ce en quoi nous croyons (…). Le film parle des réfugiés, mais c‘est aussi une quête de Dieu, au sens où nous devons reconnaître que nous rencontrons parfois des choses absolues ou mystérieuses. Le personnage d‘Aryan en est en réalité la matérialisation : une figure christique dans le corps d‘un réfugié, qui pourrait être un ange. Les miracles ne surgissent jamais où on les attend, et peut-être ne les utilisons-nous jamais comme on le devrait. »
Le personnage principal se déplace à 40 mètres au-dessus du sol. Un défi pour le réalisateur qui a pris soin de ne pas abuser d'effets numériques : « À mes yeux, les effets spéciaux n‘ont pas la même valeur selon ce qu‘on choisit d‘en faire. Utilisés à bon escient, ils peuvent constituer un immense espace de création. Dans le cas contraire, le résultat fait kitsch et artificiel. Ce film est un mélange de classique et de moderne, tourné en 35 mm. Nous n‘avons eu recours aux effets spéciaux que lorsque nous l’avons jugé nécessaire, toujours en lien avec le réel. »
THELMA de Joachim Trier
Avec Eili Harboe, Henrik Rafaelsen et Ellen Dorrit Petersen
Ce film fait l’objet d’un avertissement CNC : « Certaines scènes et le climat de ce film peuvent impressionner le jeune public ».
Thelma, une jeune et timide étudiante, vient de quitter la maison de ses très dévots parents, située sur la côte ouest de Norvège, pour aller étudier dans une université d'Oslo. Là, elle se sent irrésistiblement et secrètement attirée par la très belle Anja. Tout semble se passer plutôt bien mais elle fait un jour à la bibliothèque une crise d'épilepsie d'une violence inouïe. Peu à peu, Thelma se sent submergée par l'intensité de ses sentiments pour Anja, qu'elle n'ose avouer - pas même à elle-même, et devient la proie de crises de plus en plus fréquentes et paroxystiques. Il devient bientôt évident que ces attaques sont en réalité le symptôme de facultés surnaturelles et dangereuses. Thelma se retrouve alors confrontée à son passé, lourd des tragiques implications de ses pouvoirs...
Le réalisateur Joachim Trier avait en tête une histoire de sorcières située à Oslo. Avec son co-scénariste Eskil Vogt, ils visionnent bon nombre de gialli, ces films d'horreur italiens des années 70 : « C’était une démarche purement visuelle. Je me souviens avoir eu une conversation avec Eskil sur la façon dont ces films touchent à quelque chose de très humain, qui a à voir avec l’anxiété, la mort et toutes sortes de questions existentielles, mais par le biais du genre. »
Ils travaillent ensuite autour de quelques idées, notamment sur la conception de scènes et d’images précises. Le personnage de Thelma finit par s'imposer « On s’est retrouvé à jongler avec deux choses : une dont nous étions assez familiers - le récit d’apprentissage, qui renvoie au personnage du frère cadet de ‘Back Home’ ou à la mélancolie dela solitude dans ‘Oslo, 31 août’ - et l’autre, qui était cet élément de genre. C’était le côté amusant du processus, d’avoir recours à ce type de narration spécifique, qui est centré sur les personnages et auquel je suis plus habitué, et de le porter visuellement vers un univers qui laisse davantage de place à l’imagination », relate Trier.
Pour trouver sa Thelma, Joachim Trier a vu pratiquement 1000 personnes : « Quand on a rencontré Eili Harboe, il était évident qu’elle avait un talent hors norme. Ce mélange de maturité et d’innocence qu’elle est capable d’interpréter permettait de dépeindre la trajectoire d’un personnage de son entrée dans l’âge adulte à sa maturité. La question était de savoir dans quelle mesure elle pouvait gérer la pression d’un rôle si exigeant physiquement. Elle devait travailler avec des serpents et suivre un entraînement sous-marin intensif. Elle voulait réaliser la plupart de ses cascades. Il fallait également qu’elle parvienne à simuler des convulsions et des spasmes. On l’a initiée à la méthode TRE (Tension & Trauma Release Exercises), utilisée contre le stress post-traumatique, et à l’auto-induction de crises, qui se pratique généralement avec les soldats. Elle a appris à faire ces crises auto-induites. Je n’avais jamais vu un acteur aller aussi loin physiquement pour son rôle », se souvient le metteur en scène.
Le cinéaste revient sur la direction d’acteurs : « M’attelant à un thriller surnaturel, je me suis demandé ce que je pourrais apporter qui soit, si possible, original. Ça a été, je crois, de dresser des portraits de personnages plus nuancés et détaillés. Même s’il y a une intrigue à faire avancer, j’essaie de combiner ça avec un espace ouvert où les acteurs ont des directions précises, mais où on explore quelque chose. On écrit une version du scénario, on travaille ensuite sur certaines scènes, on écrit alors une nouvelle version avant de tourner, puis après avoir tourné les scènes telles que prévues initialement, on refait une prise plus librement, où les acteurs peuvent tenter des choses. Je m’efforce toujours de créer de la place pour ces moments d’improvisation. »