Emission du mercredi 25 avril 2018
Le Pitch - Cinéma- Émissions culturelles
- 8 min
- tous publics
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AMOUREUX DE MA FEMME de Daniel Auteuil
Avec Daniel Auteuil, Adriana Ugarte, Gérard Depardieu et Sandrine Kiberlain
Daniel est très amoureux de sa femme, mais il a beaucoup d'imagination et un meilleur ami parfois encombrant. Lorsque celui-ci insiste pour un diner "entre couples" afin de lui présenter sa toute nouvelle, et très belle, amie, Daniel se retrouve coincé entre son épouse qui le connaît par coeur et des rêves qui le surprennent lui-même.
« Amoureux de ma femme » est une adaptation de la pièce de Florian Zeller, « L'Envers du décor », que Daniel Auteuil a mis en scène et interprété en 2016 aux côtés notamment de Valérie Bonneton, François-Eric Gendron et Pauline Lefèvre.
Avec « Amoureux de ma femme », Daniel Auteuil souhaitait aborder la part d'enfance chez l'adulte et sa capacité intacte à rêver : « Rêver nous fait prendre conscience que nous n'avons qu'une vie alors que nous avons l'appétit pour mille. Ce film n'est rien d'autre qu'une fantaisie amoureuse à travers laquelle se diffuse une question à laquelle chacun pourra répondre : que désire-t-on quand on désire l'autre ? »
L’acteur-réalisateur revient sur le choix des acteurs. Pour Sandrine Kiberlain : « Nous avions joué ensemble il y a quelques années (…) et j'attendais la bonne occasion pour me retrouver face à elle à l'écran... Sandrine est parfaite pour ce genre de personnage qui peut en une seconde passer de la séduction à la colère. La femme qu'elle est ne peut pas tricher, elle est condamnée à la vérité car immédiatement, sa peau montre le contraire de ses pensées... C'est une partenaire formidable et une camarade de jeu remarquable, avec qui il est très facile et agréable de travailler... »
C’est la première fois que Sandrine Kiberlain jouait aux côtés de Gérard Depardieu : « C’était un autre Obélix, plus contemporain ! Mais c'est ce qu'il sait si bien être : Gérard est un grand amoureux de la vie et des gens. C'est pour moi une grande rencontre... Dès que je l'ai vu, j'ai eu envie de le serrer de mes bras, de rire avec lui. Que dire ? Je connaissais évidemment son parcours et sa vie mais ce n'est pas la même chose de le côtoyer et de comprendre qu'en effet c'est un autodidacte qui aime les mots, le jeu et je peux vous dire que quand Gérard n'est pas là, Gérard manque... C'est une force de vie...Je pourrais être intarissable sur lui l Je suis en admiration devant sa manière très personnelle de travailler. Il n'écoute pas, il ne répond pas comme les autres acteurs. C'est très troublant. .. J'ai eu de vrais fous rires sur ce tournage en l'entendant simplement dire une réplique, même quelques mots très banals, sur un ton très particulier... Avec lui, ça peut prendre une dimension inouie » se souvient l’actrice.
Le film offre à l'actrice espagnole Adriana Ugarte, révélée au grand public par « Julieta » de Pedro Almodovar, son premier rôle en français. Un défi pour la comédienne qui a trouvé « très excitant de devoir jouer pour la première fois dans une autre langue que la mienne. »
Sandrine Kiberlain rajoute : « Elle a pris à bras le corps un rôle en français et elle est parvenue à s'amuser autant que Daniel, Gérard et moi. C'était très intéressant : nous sommes tous différents mais nous avions en commun l'envie de jouer au sens propre du terme. Adriana ne nous a jamais fait sentir ses difficultés qui, j'en suis sûre étaient pourtant réelles, d'affronter une langue qui n'est pas la sienne. Elle a vite trouvé sa place au milieu de nos personnalités, sans paraître intimidée et mieux, elle n'a pas hésité à dévoiler la sienne... J'aime beaucoup cette jeune femme. Elle a tout pour elle : l'humour, la gravité, la beauté et l'esprit. »
Adriana parle de sa collaboration avec Daniel Auteuil : « Pour moi, Daniel est un génie ! Non seulement il a l'intelligence et le talent mais en plus c'est quelqu'un d'attentif et de protecteur. J'avais un peu peur en effet qu'il soit avant tout metteur en scène, occupé à diriger son film, et qu'il néglige les liens à créer sur un plateau entre comédiens mais en fait pas du tout. Daniel a réussi à tenir ces deux rôles en même temps. Il avait l'autorité du réalisateur et la générosité de l'acteur, c'était extraordinaire... »
Daniel Auteuil a confié la bande-originale de son film à Thomas Dutronc. Le musicien raconte : « Nous nous étions croisés il y a quelques années et cet été, nous nous sommes revus lors de la tournée des ‘Vieilles canailles‘ et nous avons passé un peu de temps à discuter... Et puis au printemps dernier, un peu par hasard, j'ai croisé Daniel en bas de chez moi l Nous sommes voisins en fait et il faisait des repérages pour son film. Et là, d'un coup, il m'a demandé si ça m'intéressait de composer la musique. J'ai dit oui de manière tout aussi impulsive, en lui demandant de me raconter l'histoire, de me parler du casting... ». S'il travaille peu pour le cinéma, Dutronc reconnaît que c'était « une formidable expérience, avec un vrai beau budget de travail pour la musique ».
MILLA de Valérie Massadian
Avec Séverine Jonckeere, Luc Chessel et Ethan Jonckeere
Milla, 17 ans, et Leo, à peine plus, trouvent refuge dans une petite ville au bord de la Manche. L'amour à vivre, la vie à inventer. La vie à tenir, coûte que coûte et malgré tout.
Prix spécial du jury international et Prix Audentia de la meilleure réalisatrice au Festival du film de Locarno
Valérie Massadian considère « Milla » comme le dernier volet d'un triptyque sur trois âges charnières. Son précédent et premier long métrage, « Nana », suivait une enfant de 4 ans. « Milla, c’est le troisième volet, une fille-mère de 17 ans. Le prochain ira fouiller les tempêtes des 11-13 ans. »
Tout comme son précédent film, « Milla » reprend la thématique de la disparition. La réalisatrice explique : « Parce que j’ai l’arrogance de vouloir parler de la vie, et que la vie sans la mort pour moi n’existe pas ! C’est sûrement dû à mes origines, l’Arménienne et la Française qui cohabitent en moi ! La mort dans mon éducation a toujours été entourée de rituels. Je crois beaucoup aux rituels de manière générale. »
« Milla » marque les premiers pas devant une caméra de Séverine Jonckeere. La réalisatrice l'a rencontrée à Cherbourg parmi d'autres jeunes mères : « On avait déposé des flyers un peu partout, dans les boulangeries, les marchés, les centres sociaux de Cherbourg. Comme les femmes de la MJC ont fini par nous laisser les clés, on disposait d’un mini-théâtre pour rencontrer les gens. Certaines de ces jeunes mères venaient des foyers. Séverine elle, se débrouillait seule et quand elle est entrée dans la pièce… c’était comme avec Kelyna, je savais…. Je lui ai dit les seules choses dont j’étais sûre. Que c’était une histoire d’amour et de solitudes en trois mouvements. Une fugue amoureuse, qui se finit par la mort de l’amant. Un no man’s land dans le monde du travail et la rencontre avec une autre femme comme elle, plus âgée. Et puis la vie qui reprend le dessus, l’enfant qui dévore tout, mais avec lequel elle se construit. Séverine souriait en grimaçant, elle savait très bien de quoi je parlais. Tout ce que j‘ai pu raconter à ces jeunes mères venues avec leurs enfants, résonnait en elles. Chez Séverine encore plus que je ne le savais. »
Elle revient sur la composition du couple atypique de Milla et Léo : « Au scénario, il n’y avait que Séverine dans mon histoire et une femme plus âgée qu’elle dans un hôtel. Puis, j’ai rencontré Luc Chessel dont je connaissais le visage, pour l’avoir vu dans des films. Je me suis toujours demandé pourquoi il ne tournait pas davantage. Parce que je trouve qu’il crame la pellicule. Je n’avais pas fait le rapprochement avec ce type dont je lisais les textes sur le cinéma que je trouvais incroyables. J’ai compris quand on s’est rencontré à une fête que ces deux personnes étaient la même ! Alors tout a changé, comme tout change en permanence, tout se cherche jusqu’au dernier point de montage. Le film voit la confrontation de deux intelligences radicalement opposées. Milla n’est pas très éduquée, elle a une intelligence de survie. Léo est beaucoup plus structuré. Il a les mots, les livres. Leur relation oscille entre des moments de grande complicité et des tensions. Au-delà de leur histoire d’amour, c’est la relation amoureuse que je voulais tenter de travailler. Ses possibles et ses impossibles. On passe de leurs rires, de leur joie partagée, à des éloignements secs et froids, des incompréhensions totales. Et puis il me fallait respecter le rapport à son corps qu’a Séverine, je ne l’aurais jamais forcée à une nudité qui la mettrait mal à l’aise et dont je n’avais pas plus envie que ça. L’intimité du couple est venue d’ailleurs, ce qui était beaucoup plus intéressant. De leurs rapprochements et de leurs profondes différences. »
La cinéaste a délibérément choisi de faire des ellipses dans le récit du film. Elle explique : « C’est un choix très instinctif. Tout est faux dans le film, dans le sens où se mêlent réalisme et onirisme. Je mets en scène des jeunes gens mais j’évacue les accessoires du monde moderne. Le vivant vient s’infiltrer dans ce qui est fabriqué. Et puis le cinéma a pour moi quelque chose de l’ordre de la mémoire. Quand on se raconte, on peut s’attarder sur un détail, distordre la chronologie, sauter dans le temps pour arriver à la finalité de l’histoire. On se moque de savoir comment on est arrivé là, à l’autre de remplir les creux. C’est la base d’un échange. C’est ce qui amène une rythmique et crée des formes différentes dans le film. Le premier mouvement de Milla, l’histoire d’amour, est très sec. C’est comme un morceau punk. La partie centrale du film s’étire, comme un morceau baroque. Puis, ça devient de la vie... L’ellipse, comme une forme de résistance sûrement, dans un monde où l’on explique tout, tout le temps, en disant beaucoup de conneries. »
Si « Milla » met en scène deux jeunes gens précaires, la réalisatrice refuse d'inscrire son film dans un registre politique et social : « Je n’aime pas cette idée de ‘cinéma social’... Toute classification, quelle qu’elle soit m’angoisse un peu, autant pour mon travail que celui des autres. Mais surtout parce que ce qui est nommé cinéma social part souvent d’une position qui est celle de l’observateur. Observer, c’est déjà être à un autre endroit que ceux que l’on filme. Presque supérieur. Et moi, j’ai plutôt la démarche inverse. Je me perds dans mes acteurs pour trouver en eux ce que je cherche. »
BONUS
FOXTROT de Samuel Maoz
Avec Lior Ashkenazi, Sarah Adler et Yonaton Shiray
Michael et Dafna, mariés depuis 30 ans, mènent une vie heureuse à Tel Aviv. Leur fils aîné Yonatan effectue son service militaire sur un poste frontière, en plein désert. Un matin, des soldats sonnent à la porte du foyer familial. Le choc de l’annonce va réveiller chez Michael une blessure profonde, enfouie depuis toujours. Le couple est bouleversé. Les masques tombent.
Lion d'Argent - Grand Prix du Jury à la Mostra de Venise
Le réalisateur Samuel Maoz revient sur la genèse du projet : « C’est une histoire vraie et personnelle, survenue en 1994, qui est à l’origine du film. Ma fille avait l’habitude de traîner au lit le matin et d’arriver à l’école systématiquement en retard. Au départ, j’avais décidé de lui payer le taxi pour lui éviter des problèmes à l’école, mais après m’être rendu compte que ce luxe devenait trop cher pour nous, je lui ai dit : ‘plus de taxis ! A partir de demain, tu prends le bus n° 5 qui s’arrête près de l’école’. Ma fille a un peu protesté, mais elle a été contrainte d’accepter. Le lendemain matin, elle est partie prendre le bus n° 5, et une heure plus tard, on a annoncé à la radio un attentat-suicide sur la même ligne (un attentat terrible qui a fait 22 morts et plus de 100 blessés).
Vous imaginez mon état de panique, d’autant qu’il m’a été impossible de joindre ma fille pendant plus d’une heure, parce que toutes les lignes téléphoniques étaient saturées. Je peux vous dire que ce fut la pire heure de ma vie. J’ai souffert comme je n’ai jamais souffert. C’était bien pire que toutes les épreuves de la guerre du Liban. Ma fille a finalement réussi à me joindre pour m’annoncer qu’elle avait raté de justesse le bus en question et qu’elle était en fait montée dans le suivant. C’est cette histoire terrible, où hasard et destin se sont mêlés, qui m’a inspiré le scénario de ‘Foxtrot’. »
Si le film n’est pas directement autobiographique, il l’est tout de même, à sa manière. « La question du traumatisme de la Shoah et la manière dont cette expérience s’est enracinée dans la société israélienne, reflètent ma propre vie. Ma mère est une rescapée de la Shoah, et durant mon enfance et mon adolescence, je n’ai jamais eu le droit de me plaindre, parce que les pires choses qui auraient pu m’arriver n’étaient rien à côté de ce qui était arrivé aux victimes de la Shoah. L’obligation de refouler une souffrance est terrible pour un enfant et il développe nécessairement des séquelles liées à ce refoulement. De plus, on a exigé de nous de réparer le traumatisme de la génération des survivants : nous avions le devoir d’être forts et virils. Le rêve de chaque enfant de ma génération était de devenir un jour un soldat courageux de l’armée israélienne, pour que ce qui était arrivé aux victimes de la Shoah ne se reproduise plus jamais. Mais tous les enfants n’étaient pas faits pour coller à ce modèle, et ce processus de formation idéologique a laissé de profondes cicatrices chez beaucoup d’entre nous… Chez moi, entre autres, et chez le personnage de Michael dans le film, dont la réussite professionnelle et ce magnifique appartement dans lequel habite sa famille est une sorte de cage dorée qui cache une souffrance et une grande fragilité. »
Lior Ashkenazi et Sarah Adler incarnent les personnages principaux de « Foxtrot » : « Il faut dire que ces grands acteurs ont des qualités qui servent parfaitement les contours de leurs personnages. Lior Ashkenazi est très technique, très méthodique. Sur ce plan, c’est un acteur très classique. Le jeu de Sarah Adler relève plus d’un style jazzy : il est davantage porté sur l’improvisation, il est plus intuitif, plus inattendu, plus émotionnel aussi... Par ailleurs, comme la clé du personnage de Michael est cette ambivalence entre une apparente réussite et une grande blessure, le travail avec lui consistait souvent à l’épuiser jusqu’à ce que la technique et la maîtrise cèdent la place à une fragilité, à une émotion non contrôlée. J’ai tourné ainsi sans couper, laissant la caméra filmer en continuité des scènes très longues, jusqu’à ce qu’il ait fini par oublier la présence de l’appareil. Je n’ai pas inventé cette méthode, mais je dois dire que cette fois, elle m’a été particulièrement utile », relate Samuel Maoz.
Le thème du deuil est un thème fréquemment abordé dans la culture israélienne. Samuel Maoz a choisi un angle inattendu pour s'attaquer au sujet, celui du hasard qui prédomine notre vie : « Le deuil est en quelque sorte une fausse piste dans le film. On croit au début qu’il s’agit de cela, mais très rapidement on repart sur des enjeux bien différents. Je voulais en fait placer le spectateur face à une scène mythique, presque banale, de l’existence israélienne (l’annonce de la perte d’un soldat), puis le déstabiliser au moyen de l’erreur et du hasard, pour repartir ensuite vers d’autres directions, disons plus politiques. Le début du film est donc censé créer chez le spectateur une tension émotionnelle pour qu’il réagisse au questionnement politique du film d’une manière qui ne soit pas seulement intellectuelle, mais aussi émotionnelle et quasi physique », explique le cinéaste.
Le film a soulevé une énorme polémique en Israël à cause de la critique de la ministre de la Culture, Miri Regev, qui a proclamé qu’il donnait une mauvaise image de l’armée israélienne : « Miri Regev n’a jamais vu le film, ce qui ne l’a pas empêché de l’attaquer avec des arguments absurdes en falsifiant complètement son contenu dont elle se moque complètement : la seule chose qui l’intéresse c’est de flatter son électorat de droite, quitte à véhiculer des fake news... Paradoxalement, elle a beaucoup aidé ‘Foxtrot’ en assurant sa promotion dans les médias, et le film est devenu un succès commercial en Israël. Mais sur le fond, bien que le film soit une fiction, je peux évoquer des cas dont j’étais témoin durant mon service militaire où les autorités de l’armée ont couvert des dérives, parfois des crimes, commis par des soldats. La réaction de Miri Regev ne fait que confirmer le propos du film, à savoir que chaque oeuvre qui remet en question ce mythe de la menace permanente qui pèse sur Israël, est immédiatement perçue elle-même comme une menace qu’il faut absolument écarter », déplore Samuel Maoz.
Le metteur en scène Samuel Maoz explique le choix du titre Foxtrot : « On peut le voir comme une métaphore du film. C’est la seule danse que je connais où les danseurs reviennent toujours à leur point de départ, en tournant en quelque sorte en ronde, comme dans un cercle fermé (et vicieux) qui se répète à l’infini… C’est la situation de mes personnages, et peut-être aussi de la société israélienne dans son ensemble. C’est le mouvement obsessionnel qu’Israël ne cesse de répéter depuis sa création, génération après génération. »
LA ROUTE SAUVAGE de Andrew Haigh
Avec Charlie Plummer, Steve Buscemi et Chloë Sevigny
Charley Thompson a quinze ans et a appris à vivre seul avec un père inconstant. Tout juste arrivé dans l’Oregon, le garçon se trouve un petit boulot chez un entraineur de chevaux et se prend d’affection pour Lean on Pete, un pur-sang en fin de carrière.
Le jour où Charley se retrouve totalement livré à lui-même, il décide de s’enfuir avec Lean on Pete, à la recherche de sa tante dont il n'a qu’un lointain souvenir.
Dans l'espoir de trouver enfin un foyer, ils entament ensemble un long voyage…
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« La route sauvage » est adapté du roman « Lean on Pete » (publié en français sous le titre « Cheyenne en automne ») de l'écrivain américain Willy Vlautin. À sa lecture, Andrew Haigh a été séduit par la solitude du personnage principal et le potentiel cinématographique des grands espaces de l’Ouest américain : « Il y avait une simplicité dans le roman que je voulais retrouver dans le film. Le voyage de Charley n’est pas qu’un classique récit d’apprentissage qui le conduirait vers l’âge adulte. Il y a quelque chose de plus fondamental : ce qui l’entraîne est un besoin désespéré d’appartenance à un foyer, une famille - la quête d’un lieu où il se sentirait protégé. »
Andrew Haigh s'est rendu à Portland pour rencontrer l'auteur Willy Vlautin. Celui-ci lui a montré quelques lieux du roman, notamment le champ de course. Puis le cinéaste a décidé de suivre la route de Charley et de son cheval : il a traversé l’Oregon, l’Idaho, le Wyoming, l’Utah et le Colorado. Il s'est totalement immergé dans la culture locale en assistant à des courses de chevaux, en dormant dans des motels, en campant, ... « Ce serait ridicule de penser que j’ai pu ressentir ce que Charley éprouve au cours de son voyage, mais les trois mois de ‘road-trip’ m’ont au moins donné une idée du monde que Willy décrit dans ses romans. Les paysages que j’ai traversés sont magnifiques. Connaître le pays tout entier prendrait des années mais cette région a une identité radicalement différente de l’Europe. Et je peux même dire que l’Utah est très différent du Colorado, que Portland n’a rien à voir, socialement et politiquement, avec l’est de l’Oregon. La diversité est prodigieuse. »
La principale difficulté a été de trouver un adolescent capable de jouer le rôle de Charley Thompson, qui est de toutes les scènes du film. Cette tâche a été confiée à la directrice de casting Carmen Cuba. « Nous avons vu très tôt Charlie Plummer, mais nous avons continué à recevoir de jeunes acteurs. Mais nous savions qu’il avait quelque chose de spécial, notamment grâce au film ‘King Jack’, dans lequel il s’était fait remarquer (…). Les qualités que je demande à mes acteurs sont toujours les mêmes : sensibilité et subtilité. Charlie possède les deux. Beaucoup de comédiens auraient pu trouver en eux les émotions du personnage, mais Charlie a quelque chose en plus, d’à peine visible : quelque chose de délicat, difficile à nommer, mais qui paraît toujours sincère. »
Charlie Plummer a puisé dans sa propre vie la matière de son interprétation : « Enfant, j’ai beaucoup bourlingué, explique-t-il, j’ai connu huit ou neuf écoles différentes. J’ai pu comprendre la quête de Charley d’un foyer stable. Ce qui me frappait, c’est son refus d’abandonner, quelles que soient les circonstances. Je n’ai pas vécu ce qu’il traverse mais moi aussi j’ai appris à ne jamais renoncer, même quand les choses paraissent insupportables. Cela en fait un personnage plein d’espoir. »
Pour les besoins du film, il a fallu une vingtaine de chevaux de race pour la course de Portland Meadow, et six « chevaux acteurs », dont Starsky, qui fait ses débuts à l’écran. Les dresseurs Lauren Henry et Roland Sonnenburg, ainsi que Terry Bechner, conseiller spécial pour les scènes de course, ont travaillé de près avec l’équipe avant et pendant le tournage. « C’est un défi d’essayer d’obtenir deux choses différentes d’un cheval, précise le producteur Tristan Goligher : d’une part, une interaction émotionnelle avec un acteur humain, de l’autre des actions simples comme les courses ou même l’accident ». Les deux réclament un entraînement intensif pour les acteurs et pour les chevaux. Charlie Plummer est arrivé à Portland trois semaines avant le début du tournage pour rencontrer Andrew Haigh et discuter du personnage, tout en s’acclimatant avec le fait de travailler avec son partenaire principal, une bête de 700 kilos ! Des exercices très spécifiques ont permis une alchimie palpable entre le garçon et l’animal. « Les chevaux sont intelligents et ils sentent si vous vous sentez à l’aise ou non avec eux », raconte le jeune comédien.
Au fil des exercices de familiarisation avec son partenaire, Charlie Plummer s’est particulièrement attaché à Starsky. « Une amitié sincère s’est développée au cours de l’histoire. Charley est en recherche constante d’amour - de la part de son père, de Del, de Bonnie, et finalement de sa tante. Quand Lean on Pete lui donne cet amour, un peu différemment, c’est le sentiment le plus extraordinaire qu’il puisse ressentir. » Andrew Haigh complète : « Tous les matins, dès son réveil, Charlie apprenait à s’occuper du cheval. Quand j’ai vu la connexion entre eux et la façon dont il protégeait Starsky, j’ai su que tout irait bien. »