Le Pitch Cinéma du 20 septembre 2017
Le Pitch - Cinéma- Émissions culturelles
- 8 min
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MON GARÇON de Christian Carion
Avec Guillaume Canet et Mélanie Laurent
Ce film fait l’objet de l’avertissement suivant : « Une scène particulièrement éprouvante de violence est susceptible de heurter la sensibilité du jeune public. »
Passionné par son métier, Julien voyage énormément à l’étranger. Ce manque de présence a fait exploser son couple quelques années auparavant. Lors d’une escale en France, il découvre sur son répondeur un message de son ex femme en larmes : leur petit garçon de sept ans a disparu lors d’un bivouac en montagne avec sa classe. Julien se précipite à sa recherche et rien ne pourra l’arrêter.
Le thriller « Mon garçon » représente une sorte de virage cinématographique dans la carrière de Christian Carion dont les trois précédents longs métrages étaient des films historiques.
Avec « Mon garçon », son cinquième long métrage, le metteur en scène Christian Carion retrouve Guillaume Canet pour la troisième fois après « Joyeux Noël » et « L'Affaire Farewell » : «Il fallait quelqu’un de sa trempe pour s’embarquer dans un projet comme « Mon garçon ». C’est un acteur généreux, et là je vois l’épaisseur qu’il a prise et qui n’était encore pas la sienne en 2008 quand nous avons tourné « L’affaire Farewell ». J’aime son engagement. J’aime sa façon très physique de jouer, très angoissée aussi. C’est un gros bosseur Guillaume ! »
Mais en raison d’un planning chargé, Guillaume Canet ne pouvait pas participer au film jusqu’à ce qu’il trouve une alternative : « Dans la conversation, nous avons parlé de « Victoria », ce film allemand tourné en un seul plan séquence que Christian m’avait conseillé. Et alors je lui ai dit : « Je ne connais pas le scénario ni ton histoire mais tu ne voudrais pas qu’on le fasse comme ça, en un plan séquence ? » J’ai vu son œil briller mais il m’a répondu que ce n’était pas possible. Je lui ai alors proposé : « Faisons-le en temps réel. Tu prépares tout avant, tu répètes, j’arrive et on tourne ! » Et il m’a répondu ‘Banco !’» se souvient l’acteur.
Le fait de plonger dans l'aventure sans lire le scénario était très excitant pour Guillaume Canet « Christian m’a dit ‘si on le fait dans ces conditions, il ne faut pas que tu lises le scénario. Puisque c’est la quête d’un homme qui ne sait pas ce qu’il va trouver, j’aimerais que tu sois dans la situation d’un homme qui va être surpris, qui ne va pas du tout préméditer ce qui va se passer et qui va être choqué, ému, qui va vivre toutes sortes d’émotions face à l’inconnu’ », confie le comédien.
Pendant le tournage, Christian Carion a même choisi d'isoler Guillaume Canet des autres membres de l'équipe de peur que l'un d'entre eux ne lui parle du scénario. Ainsi, personne ne parlait à l'acteur sauf quand il y avait un problème technique.
L’acteur reconnaît qu’il a vécu un tournage incroyable : « Le dernier jour, j’ai dit à toute l’équipe un grand, grand merci de m’avoir fait vivre une expérience pareille, parce que c’est ma plus belle expérience cinématographique à ce jour. J’ai appris en tant qu’acteur comme jamais. Maintenant j’ai l’impression que rien ne peut plus me faire peur sur un plateau. J’ai vécu des trucs tellement dingues que je suis prêt pour n’importe quelle situation. Voilà ça m’a appris plein de choses, ça m’a donné plein de réponses, et surtout ça m’a donné très, très envie de le faire un jour en tant que réalisateur ! De faire vivre cette expérience, de l’offrir à un acteur. Parce que c’est un cadeau monumental ! »
Voici comment le réalisateur définit son film : « Pour moi « Mon garçon » est un film de genre. Et c’est effectivement la première fois que je n’ai pas une histoire vraie à défendre. Ça m’a donné une liberté, un plaisir de raconter en jouant avec les codes d’un genre. Les seuls comptes que j’ai à rendre sont avec ce genre justement. C’est à dire faire en sorte que le héros évolue dans une certaine atmosphère, que le spectateur soit plongé dans une histoire où il se demande : ‘Qu’est-ce qui va se passer maintenant ?’ C’était une de mes angoisses que les spectateurs devinent à l’avance. Donc j’ai essayé de casser ça. De jouer avec ça ! « Mon garçon » pour moi c’était le bonheur de revenir à des envies de cinéma sans obligation historique à respecter, sans cahier des charges. Et c’était génial à vivre ! »
KISS AND CRY de Chloé Mahieu & Lila Pinell
Avec Sarah Bramms, Xavier Dias et Dinara Droukarova
Sarah, 15 ans, reprend le patin de haut niveau au club de Colmar, sans trop savoir si elle le fait pour elle ou pour sa mère. Elle retrouve la rivalité entre filles, la tyrannie de l’entraineur, la violence de la compétition. Tandis que son corps est mis à l’épreuve de la glace, ses désirs adolescents la détournent de ses ambitions sportives…
L'idée de « Kiss & Cry » est venue aux cinéastes Chloé Mahieu et Lila Pinell en 2012 après réalisé un court métrage documentaire sur le patin, « Boucle piqué » (2012) : « Le cadre du tournage était un stage sur glace organisé par Xavier, l’entraîneur dans « Kiss & Cry », auquel participait une dizaine de jeunes filles âgées de 10 à 13 ans, toutes patineuses de haut niveau déjà. C’est là que nous avons fait aussi la connaissance de Sarah Bramms qui allait devenir l’héroïne de « Kiss & Cry ». L’univers du patinage artistique est très inspirant : paillettes, compétition, complicité, violence… C’est ce documentaire qui nous a donné envie de passer à la fiction. Des possibilités de cinéma très excitantes s’offraient à nous, sur l’adolescence, sur la manière dont on a envie de s’affranchir des contraintes quand on est adolescent, sur le rapport entre le désir des adultes et celui des enfants » explique Pinell.
« Kiss & Cry » n’est pas un titre pris par hasard puisqu’il s’agit de l’endroit où, après avoir terminé leur programme, les patineurs attendent les résultats donnés par le jury. C’est un lieu assez symbolique de l’environnement dans lequel le film évolue. «Et le terme désigne évidemment assez bien certaines réalités de l’adolescence ! » selon la réalisatrice Chloé Mahieu.
Au-delà du film sur le patinage, « Kiss & Cry » est aussi un portrait de la jeunesse d'aujourd'hui : « On trouvait ça intéressant de filmer ces jeunes filles, qui rêvent de la jeunesse d’aujourd’hui, mais qui sont finalement un peu out. Les choix sportifs qu’elles ont faits les enferment un peu, certaines sont un peu en retard par rapport à l’évolution d’une fille à la vie ‘normale’. Avec la technologie actuelle, la principale différence avec notre époque, c’est que tout est beaucoup plus rapide : avec Snapchat, les selfies qui circulent, on s’expose à beaucoup plus de gens, ce qui est particulièrement difficile à gérer lorsqu’il y a des dérapages » analyse Lila Pinell.
Les réalisatrices nous parlent du casting : « La plupart des personnages ont été choisis pour ce qu’ils sont, afin qu’ils improvisent avec leurs réactions, leurs mots. Mais nous avons pris garde à ne pas confondre totalement leurs vies et le film. Même si beaucoup de situations décrites dans le film ont réellement eu lieu, elles n’ont pas été vécues par ceux qui les jouent. Nous avons donc dû installer des situations, des conditions, des enjeux, des émotions, des relations, retrouver une authenticité des événements et des rapports, et ensuite nous orchestrions les improvisations. La scène du début, avec l’histoire de la fille blessée qui arrête, n’est pas totalement fidèle à la réalité. Cette jeune fille était vraiment blessée au moment du tournage, mais nous avons demandé à sa mère d’imaginer qu’elle ne pourrait plus jamais patiner, ce qui n’était pas le cas. La mère s’est mise à pleurer en tournant la scène, parce que le patin est tellement important dans ces familles que l’idée même que ça pourrait être fini l’a bouleversée. On a refait la scène trois fois, chaque fois elle était en larmes. »
Il y a une comédienne professionnelle dans le film : « Dinara Droukarova, qui joue la mère de Sarah. On ne voulait pas faire jouer la vraie mère de Sarah, déjà parce qu’elle n’aurait sûrement pas accepté, mais surtout parce qu’on voulait que leur relation décolle un peu du réel. On s’est nourries des histoires récoltées en amont du tournage ou de nos propres expériences pour imaginer leur relation. C’est dans ces scènes là qu’on s’est rendues compte que Sarah était vraiment devenue comédienne, et que Dinara a eu une capacité d’adaptation et d’improvisation immense. »
BONUS
DES RÊVES SANS ÉTOILES de Mehrdad Oskouei
À Téhéran, dans un centre de détention et de réhabilitation pour mineurs, des adolescentes détenues pour crimes et délits, voient leur vie s’écouler ou gré des rires, des chants et de la mélancolie. L’ennui de leur vie et la peur de ce qui les attends dehors, rythment leur quotidien. Le cinéaste Mehrdad Oskouei, filme avec une grand proximité et beaucoup d’empathie, l’atmosphère et l’humeur de ces jeunes filles désabusées.
Le documentaire a reçu plus de 25 prix internationaux dont notamment :
Prix Amnesty International à la Berlinale 2016
Grand Prix Nanook au Festival International Jean Rouch2016
Mehrdad Oskouei voulait réaliser depuis des années un film sur les enfants des centres. Sa première tentative de tournage remonte à 2006, année durant laquelle le metteur en scène avait essayé pendant six moins d'obtenir une autorisation, sans succès. Il se rappelle : « Finalement, j'ai porté en dernière requête les deux pages du concept original au bureau de la justice fédérale. J'ai exposé toutes les recherches que j'avais faites et déposé une demande de tournage pour une courte période. Ils ont gardé mes notes et m'ont renvoyé à la maison. J'étais en voiture en train de dire à mon assistant qu'après tous ces mois de démarches le projet allait s'arrêter, quand mon portable a sonné. »
La principale difficulté de tournage pour Mehrdad Oskouei a été d'obtenir la confiance des jeunes filles mais aussi des autorités. Si le cinéaste avait gagné par le passé la confiance de l'Organisation de Prison d'Etat grâce à ses deux premiers films, « Les Derniers jours de l'hiver » et « It's always late for freedom », il a dû promettre à l'instance que « Des rêves sans étoiles » ne serait pas diffusé à la télévision en Iran et qu'il serait réservé aux festivals, aux universités et aux centres culturels.
La plupart des jeunes filles du centre ont eu des problèmes avec les hommes dans le passé. Lorsque Mehrdad Oskouei a tenté de créer un climat de vérité et d'intimité, il s'est présenté à elles en tant qu'oncle paternel (« Amoo »), ce qui n'a pas bien marché puisque dans la majorité des cas ce sont eux qui leur ont fait le plus de mal. Le réalisateur est alors devenu l'oncle maternel (« Daei ») et le climat de confiance a peu à peu pu s'installer.
C'est pendant la phase de montage que le cinéaste a bâti le scénario du film, en essayant d'apporter une réponse à la question suivante : pourquoi ces enfants, à cet âge, se retrouvaient dans ce lieu ? Il développe : « Une fois dans le centre, j'avais besoin de trouver les personnages de mon histoire. C'était l'épine dorsale du film. J'ai trouvé les protagonistes après avoir tenu de longs entretiens, pour déterminer le film conducteur. Les membres du personnel ont aussi été d'une grande aide. Certains protagonistes ont quitté l'histoire, parce qu'elles ne voulaient pas partager leur histoire avec la caméra, ou pour d'autres raisons. Quand nous avons commencé, je ne savais pas à quoi m'attendre et, sur ce film particulièrement, il y a eu des surprises tout le temps. »
Voici comment le réalisateur voit son film : « Le film tente de faire entendre la voix de filles innocentes qui ont été amenées à la délinquance par les mauvais traitements qu’elles ont subis et la dureté de leur éducation. Personnellement, je pense qu’en tant que société, nous sommes plus coupables que ces filles et j’espère que mon film aidera à changer notre attitude envers elles ».
FAUTE D’AMOUR de Andrey Zvyagintsev
Avec Maryana Spivak, Alexey Rozin et Matvey Novikov
Boris et Genia sont en train de divorcer. Ils se disputent sans cesse et enchaînent les visites de leur appartement en vue de le vendre. Ils préparent déjà leur avenir respectif : Boris est en couple avec une jeune femme enceinte et Genia fréquente un homme aisé qui semble prêt à l’épouser... Aucun des deux ne semble avoir d'intérêt pour Aliocha, leur fils de 12 ans. Jusqu'à ce qu'il disparaisse.
Prix du Jury au Festival de Cannes 2017
Andrey Zvyagintsev avait depuis longtemps en tête cette idée d’un couple qui, après une douzaine d’années de vie commune, s’éloigne et finit par tomber dans un abîme. Le metteur en scène a ensuite découvert l’existence du mouvement Liza Alerte créé en 2010, composé de volontaires bénévoles qui cherchent les personnes disparues de tous âges, des enfants aux seniors. Il se rappelle : « En 2016, Liza Alerte a été sollicitée pour retrouver 6150 personnes, dont 1015 enfants. C’était exactement ce que je cherchais, une interaction entre deux motivations qui nous animaient : l’explosion d’une famille et une histoire qui nous appartienne. Il fallait aller de l’avant, car on piétinait avec notre projet de remake comme avec nos projets à gros budget. Oleg a donc écrit un synopsis de deux pages, que j’ai transmis à Alexandre Rodnianski. Il a tout de suite dit banco et nous avons lancé la machine sur la base de ces deux pages. Le tournage a débuté le 5 septembre 2016. »
C’est la troisième fois que Andrey Zvyagintsev travaille avec le comédien Alexeï Rozine. Au début, le metteur en scène ne savait pas s’il correspondrait vraiment au profil de Boris. Il précise : « Il a donc passé des essais, au même titre que bon nombre d’autres acteurs, jusqu’à ce que je finisse par me dire qu’il saurait appréhender ce rôle, qu’il saurait être différent des personnages qu’il avait incarnés dans « Elena » et « Leviathan ». J’aimais son côté passe-partout, sans prétention, son côté Russe moyen, ni beau ni laid, aux antipodes de l’amant héroïque : un citadin tout ce qu’il y a de plus ordinaire, avec une petite bedaine, qui s’ennuie avec les siens. »
« Faute d'amour » décrit une société russe dans laquelle prédominent égoïsme et individualisme. Pour Andrey Zvyagintsev, ce constat est à mettre en parallèle avec le capitalisme qui voit sans cesse l'autre comme un concurrent et non un camarade : « Cette concurrence est plus aiguë en Russie qu’en Occident, dans des pays tout aussi capitalistes. Je ne sais pas pourquoi nous sommes si différents de vous dans des contextes analogues. »
Andrey Zvyagintsev montre clairement la carence de l’Etat et le fait que la société, devant ce manque, décide de se prendre en mains et de chercher elle-même l’enfant. Le réalisateur confie : « Il ne s’agit aucunement d’un appel révolutionnaire à s’unir, mais ce sont les signes de la prise de conscience de la société civile. Les gens savent que la police est indifférente face à ces disparitions. « Mon » policier est quelqu’un de particulièrement gentil : il donne des conseils utiles à Genia, lui dit qu’ils ne feront rien eux-mêmes. En vérité, à de rares exceptions près, la police ne fait strictement rien : elle est là pour séparer le pouvoir des gens. Elle protège celui-là de ceux-ci. »