Le Pitch Cinéma du 06 septembre 2017
Le Pitch - Cinéma- Émissions culturelles
- 4 min
- tous publics
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Barbara de Mathieu Amalric
Avec Jeanne Balibar et Mathieu Amalric
Prix de la poésie du cinéma à un Certain Regard du Festival de Cannes 2017
Prix Jean Vigo - Long métrage au Prix Jean Vigo 2017
Une actrice va jouer Barbara, le tournage va commencer bientôt. Elle travaille son personnage, la voix, les chansons, les partitions, les gestes, le tricot, les scènes à apprendre, ça va, ça avance, ça grandit, ça l'envahit même. Le réalisateur aussi travaille, par ses rencontres, par les archives, la musique, il se laisse submerger, envahir comme elle, par elle.
On a souvent proposé à Jeanne Balibar d’interpréter la chanteuse Barbara mais elle a toujours refusé car « les projets que l’on me soumettait ne rendaient pas justice à l’amour que je lui portais. Jusqu’à ce que Pierre Léon, avec qui j’avais déjà tourné, me parle du sien. Interpréter Barbara avec lui devenait possible. Nous avons cherché ensemble un réalisateur qui pourrait lui donner forme. Mathieu, évidemment ! »
Mathieu Amalric et Jeanne Balibar ont appréhendé le personnage de Barbara de manière différente. L’actrice se souvient « Lui s’interrogeait beaucoup, et de façon magnifique, sur la façon d’en restituer le caractère sacré. J’étais davantage intéressée par la figure de la République Française qu’elle a représenté - son côté ‘Marianne’. Comment, par sa vie, ses choix, les responsabilités qu’elle prend, une petite Juive d’Ukraine en vient-elle à incarner l’histoire de la France de 1930 à 1997 ? Ces différences nous amusaient. Ce n’était pas un problème, il nous semblait même que c’était une richesse du film. »
Afin d’incarner au mieux le personnage, l’actrice s’est beaucoup préparée : « pendant plus d’un an, j’ai appris à jouer du piano, à comprendre comment Barbara composait ses mélodies, pourquoi elle passait de tel accord à tel autre, j’ai travaillé ses chansons. Pourtant, je ne connaissais pas la musique mais Barbara non plus : c’était important de me mettre au même endroit qu’elle. »
Si la ressemblance physique est assez flagrante, il en est rien pour Jeanne Balibar : « on me dirait la même chose si j’avais interprété Ava Gardner. Bouclez-moi les cheveux, mettez-moi des boucles d’oreille et des vêtements des années cinquante, et vous verrez. En réalité la ressemblance physique n’est rien. Non seulement nous ne nous ressemblons pas mais nous n’avons même aucun point commun. Rien. Zéro. C’était d’ailleurs amusant de mesurer à quel point nous sommes différentes. Je suis aussi lente qu’elle est rapide, c’est un soprano qui baisse, je suis un mezzo qui monte ; corporellement, pareil. C’est bien simple, toutes les décisions qu’elle a prises dans son existence sont absolument à l’opposé des miennes. C’est formidable de découvrir cela : cela ouvre un immense espace de jeu. La seule chose qui nous réunit peut-être et qui explique qu’on m’ait choisie pour le rôle, est de l’ordre de la concentration, de l’intensité : la foi dans ce qu’on fait au moment où on le fait. Cela commande beaucoup d’autres choses, et notamment la singularité. Le film joue là-dessus, bien plus que sur une ressemblance ou un mimétisme, et c’est pour cela qu’il est réussi : il essaie de proposer une singularité équivalente. »
Pour « Barbara », tout a commencé en juin 2016, quand Mathieu Amalric contacte l'Institut national de l’audiovisuel (INA). Le réalisateur et acteur sait ce qu'il veut : son film n’est pas un biopic « classique » de la chanteuse Barbara, mais plutôt une mise en abyme du processus de création. Les images d’archives seront intégrées à la narration et certaines scènes mélangeront fiction et réalité.
C’est donc tout naturellement que l’Ina met tout son savoir-faire, son expertise et ses archives au service de la réalisation de ce drame biographique. Au total, près de 15 min d’images issues de ses fonds ont été insérées dans le film.
Pour s'imprégner de l'ambiance des années 70, l'équipe technique du film est notamment venue visionner à l’Ina le documentaire de Gérard Vergez, « Barbara ou ma plus belle histoire d’amour » (48 min), réalisé en 1973 et restauré pour l’occasion par les équipes de l’Institut. Plus de cinq minutes d'extraits de ce film ont été insérées dans le long métrage « Barbara ».
Une collaboration technique s'est alors instaurée entre les équipes du film et les équipes de l’Ina pour obtenir une fluidité entre archives et prises de vue réelles. Restauration mécanique des pellicules, scanner en 2K, étalonnage, restaurations image et son ont été assurés par des techniciens Ina, « sur mesure » et en étroite collaboration avec le directeur de la photo Christophe Beaucarne et le directeur de la post-production du film.
« L’Ina est fier de cette étroite collaboration dont le résultat est bluffant. Archives et scènes de tournage se superposent si bien que l’on se perd dans ce puzzle fascinant. J’espère que nous aurons encore de nombreuses occasions de mettre nos archives et notre savoir-faire à la disposition des réalisateurs et des producteurs. » déclare Laurent Vallet, président-directeur général de l’Ina.
Le chemin de Jeanne Labrune
Avec Agathe Bonitzer, Randal Douc et Somany Na
Camille a rejoint une mission catholique au Cambodge avec l’intention de rentrer dans les ordres. Chaque matin elle emprunte un chemin… Un jour, elle y rencontre un homme Cambodgien, Sambath, dépositaire d’un secret. Un rituel de rencontre s’établit entre eux. Le chemin qui longe la rivière, traverse les ruines et se poursuit dans la jungle, devient alors une initiation à la vie, en ce qu’elle a de plus douloureux mais aussi de plus vibrant.
C'est la productrice Catherine Dussart qui a fait lire « La Fiancée du roi », un roman de Michel Huriet publié en 1967, à Jeanne Labrune. Ce livre comportait une idée simple et forte : celle d’un croisement occasionnel puis rituel, d’un homme et d’une femme sur un chemin. La réalisatrice explique : « Cette structure offrait beaucoup de possibilités. Catherine m’a proposé de faire l’adaptation. J’ai lu une seconde fois le roman et puis je l’ai refermé pour prendre de la distance et je ne l’ai jamais relu. Cette distance, ce ‘respectueux irrespect’ du texte, est pour moi la base du travail d’adaptation. Il s’agit de travailler avec l’écho que le roman produit en soi-même. »
Le film devait être tourné au Japon mais cela ne fut pas possible. Jeanne Labrune est alors parti en repérage au Cambodge, a visité les hauts lieux touristiques, les temples d’Angkor à proximité de Siem Reap et d’autres endroits moins connus beaucoup plus sauvages. Parmi ces derniers, il y a le village de Ta Om où se trouvait la vieille église du film, un bâtiment qui sert d’école, et tout près, une rivière et une communauté villageoise.
Au sujet des lieux et des sons du « Chemin », Jeanne Labrune explique : « Les paysages du Cambodge sont mystérieux, il me fallait trouver les axes, les lumières, les heures, qui permettaient de capter leur mystère. Les sons aussi y sont mystérieux, à cause de la sécheresse qui fait craquer les feuilles, des insectes qui ont parfois des chants métalliques, des mouches qu’un fruit attire en nombre, des insectes nocturnes qui s’agglomèrent autour de la moindre torche allumée. Il y avait le son des rivières courantes et celui des eaux stagnantes, les silences peuplés. Nous avons reconstitué tous ces climats sonores. Le son est la troisième dimension de l’image, c’est l’élément qui la sculpte. C’est un climat construit comme une musique très subtile dans laquelle le spectateur doit baigner, avec plaisir. Et si c’est réussi, personne n’a conscience du travail, le son paraît « naturel », bien qu’il ne le soit pas. »
BONUS
Une famille syrienne de Philippe Van Leeuw
Avec Hiam Abbass, Diamand Bou Abboud et Juliette Navis
Ce film est interdit en salles aux moins de 12 ans
Rester enfermé jour et nuit, ne pas sortir, ne pas même oser regarder dehors, c'est trop dangereux. Ce n'est pas la prison, c'est le quotidien d'une famille de Damas en Syrie, en pleine guerre. Une famille parmi d'autres qui fait ce qu'elle peut pour continuer à vivre, au jour le jour. L'appartement est devenu une sorte de blockhaus. Tout y est organisé en fonction de la pénurie. Il s'agit tous les jours de tenir un jour de plus.
L'idée de faire ce film centré sur la journée d’une famille syrienne vivant confinée dans son appartement est venue à Philippe Van Leeuw d'un sentiment d'injustice. Le metteur en scène explique : « Quand la Communauté Internationale s’est engagée en Libye avec tous les moyens nécessaires, militaires et politiques, au même moment, en Syrie, les manifestations pacifiques étaient réprimées par la terreur, et là, personne n’a bougé. Comme pour mon premier film, ‘Le Jour où Dieu est parti en voyage’, qui abordait le génocide au Rwanda, je suis parti de cette colère, de ce sentiment d’impuissance face à des choses terribles qui se passent sous nos yeux. »
Si la réalité de la guerre est très présente dans « Une famille syrienne », elle reste essentiellement hors-champ. On voit ainsi beaucoup d’images des conflits armés à la télévision, mais on ne voit pas comment les gens se débrouillent au quotidien dans cette réalité dont ils sont otages. Philippe Van Leeuw confie : « Dans ‘Une famille syrienne’, je voulais mettre des images sur ces personnes qui subissent la guerre au jour le jour, quelles que soient leurs convictions politiques. Qu'on ne se méprenne pourtant pas, je pense bien entendu que Bachar Al-Assad est un tortionnaire, que ceux qui le soutiennent sont encore pires que lui. Mais dans ‘Une famille syrienne’, je ne fais pas de politique, ou plutôt j’essaie de me situer en dehors des polémiques partisanes, ce n’est pas mon propos. Je veux être au cœur de l’humain, avec un contexte historique et géopolitique aussi réduit que possible. »
Le film a été tourné à Beyrouth parce qu'il était impossible pour Philippe Van Leeuw de le réaliser en Syrie et qu'il voulait garder une proximité socio-culturelle aussi forte que possible avec ce pays. Il précise : « Aussi bien au niveau de la langue ou de l'histoire récente que des détails du quotidien tels qu’une cafetière, un meuble... Le Liban étant le jardin – ou la cour – de la Syrie, l’idée d’y tourner s’est imposée tout de suite. Et puis j’avais déjà fait deux films à Beyrouth en tant que chef opérateur, je connaissais bien la ville. »
La célèbre comédienne israélienne Hiam Abass explique comment elle est arrivée sur ce projet par le biais du rôle de Oum Yazan, une femme qui fait face à sa vie, à son destin, au destin de sa famille et de cette voisine qui vient trouver refuge chez elle : « Philippe Van Leeuw pensait à moi en écrivant, en tout cas, c’est ce qu’il m’a dit ! Et quand, à un moment donné, il m’a fait lire son scénario, j’ai dit : ‘Il faut le faire !’. Il n’avait pas encore le budget, il n’était pas encore sûr de pouvoir réaliser le film mais on a gardé le contact, il me tenait au courant des avancées du projet. Il y a eu une vraie rencontre avec Philippe autour de ce projet très important pour moi politiquement. La guerre en Syrie dure et continue de durer, on ne comprend pas très bien ce qui se passe, on se demande si et quand elle va s’arrêter. »
Dans un recoin du monde de Sunao Katabuchi
Mention du Jury au Festival d’animation d’Annecy 2017
Suzu Urano est née à Hiroshima. Après son mariage elle va vivre dans la famille de son mari à Kure, une ville qui dispose d’un port militaire. La guerre s’installe et le quotidien devient de plus en plus difficile pour Suzu. Malgré cela, la jeune femme garde une certaine joie de vivre. Gestion de la maison, ravitaillement, vie de famille et de couple… autant de paramètres à prendre en compte dans ces conditions difficiles qui ne semblent pas s’améliorer avec les premiers bombardements. Ces épreuves permettront-elles à Suzu de préserver la joie de vivre qui la caractérise ? (Source Manga édition Kana)
« Dans un recoin de ce monde » est adapté du manga de Fumiyo Kōno sorti en 2008. Une œuvre pour laquelle la mangaka a d’ailleurs reçu le Prix d’Excellence catégorie manga lors du Japan Media Arts Festival en 2009.
En apprenant que le réalisateur Sunao Katabuchi souhaite réaliser l’adaptation animée du manga, le producteur Masao Maruyama contacte aussitôt la maison d’édition Futabasha. Il apprend qu’un projet d’adaptation en prise de vue réelle est déjà en cours. Katabuchi écrit alors à l’auteure, Fumiyo Kōno, pour lui manifester son désir d’adapter son œuvre. Kōno, qui connaît le travail du réalisateur accepte sa demande. Elle dira plus tard que c’était une rencontre du destin.
Le réalisateur revient sur sa volonté de mettre en scène « Dans un recoin de ce monde » : « Mon intention était de montrer du mieux que je pouvais dans un film de cinéma, les adorables qualités qui rendent Suzu irrésistible, le destin qui la mène dans un recoin de ce monde et le temps très précieux qu’elle passe là. Dans mes œuvres animées, je souhaite reproduire le plus fidèlement possible les scènes du quotidien dans tous leurs aspects. Pour ce film, la trame de fond étant la guerre, ce qui ressort est cette volonté de vivre de façon imperturbable. La vie quotidienne est mise en avant. On admire avec un amour profond cette façon de célébrer le quotidien. C’est une œuvre pour laquelle je me devais de relever le défi.Tous les jours, je me dis que notre métier ne consiste pas seulement à produire des images, mais surtout à offrir un film complet qui raisonne dans le cœur des spectateurs. Mon objectif est de faire ressentir aux spectateurs ce qui se passe en dehors du cadre de la caméra. La poursuite du réalisme dans mes films n’est pas limitée au monde réel. Au contraire, mon but est de faire croire que ce monde imaginaire existe et que tout ce qui l’entoure est vrai. »
Sunao Katabuchi a réalisé pendant quatre ans de nombreuses recherches grâce aux archives, écrits et plans des lieux et de l’époque où se déroule l’action. Ainsi, les lieux et les dates sont traités avec précision. Il s’est aussi rendu sur place pour observer les lieux, dans l’optique de retranscrire fidèlement la réalité. Le quartier de Nakajima Honmachi à Hiroshima, que l’on voit au début du film, a nécessité énormément de temps. Le lieu ayant été proche des bombardements, il est aujourd’hui classé comme lieu de mémoire de guerre. C’est là que se trouve le bâtiment Rest House de Hiroshima, un des rescapés de la bombe atomique. En 1933, c’était une boutique de vêtements, Taishôya. Pour dessiner ce bâtiment de face avec son entrée principale, il fallait dessiner la boutique voisine qui vendait du tissu en coton, Ootsuya. Hélas, il n’existe aucune photo de la boutique en question. Le réalisateur a demandé l’aide des habitants de Hiroshima. Il a recueilli de précieuses informations, telles que les matériaux de construction, la couleur ou encore la sensation des rambardes en métal au touché. Grâce à ces souvenirs, Katabuchi a dessiné un nombre incalculable de fois ce à quoi pouvait ressembler la boutique, afin de présenter le quartier Nakajima Honmachi tel qu’il est dans les mémoires. Dans le film, la rue est très animée et parmi la foule, certains personnages sont inspirés des souvenirs collectés auprès des gens rencontrés sur place.