Émission du mercredi 1 janvier 2020
Le Pitch - Cinéma- Émissions culturelles
- 1 min 59 s
- tous publics
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LES VÉTOSde Julie Manoukian
Avec Noémie Schmidt, Clovis Cornillac, Carole Franck
Au cœur du Morvan, Nico, dernier véto du coin, se démène pour sauver ses patients, sa clinique, et sa famille. Quand Michel, son associé et mentor, lui annonce son départ à la retraite, Nico sait que le plus dur est à venir. « T’en fais pas, j’ai trouvé la relève. » Sauf que… La relève c’est Alexandra, diplômée depuis 24 heures, brillante, misanthrope, et pas du tout d’accord pour revenir s’enterrer dans le village de son enfance. Nico parviendra-t-il à la faire rester ?
La réalisatrice revient sur la genèse du projet : « Elle m’a été soufflée par le producteur Yves Marmion. Nous avions travaillé ensemble sur un projet qui n’avait pas abouti mais qui avait créé des liens entre nous. Trois ans environ après, Yves m’a rappelée pour me dire qu’il cherchait quelqu’un pour raconter une histoire sur les vétérinaires de campagne. ‘C’est un métier qui touche beaucoup de gens de plus en plus sensibles au bien-être animal. Je suis sûr qu’on peut raconter une belle histoire’ m’avait-t-il dit. Et il avait ajouté que si j’arrivais à l’écrire, il m’en confierait la réalisation. J’en étais restée presque sans voix : réaliser est le rêve de ma vie, depuis l’enfance ! »
Julie Manoukian explique pourquoi elle a choisi de traiter du sujet des vétérinaires de campagne : « Ce sont des gens qui ont mis leur vie au service des autres. Ils travaillent dans des conditions difficiles, avec des horaires de dingue, pour des salaires sans rapport avec le boulot qu’il leur a fallu fournir pour avoir leur diplôme, l’un des plus difficiles à obtenir. Un véto de campagne doit savoir soigner pratiquement tous les animaux, domestiqués ou pas, de compagnie ou sauvages, sans compter ceux qui appartiennent à des espèces exotiques. Il doit être disponible jour et nuit, aussi bien pour les mises bas que les autres urgences. En plus d’aider à donner la vie, ils sont en outre les seuls à supporter cette responsabilité exorbitante du droit d’euthanasie sur leurs ‘patients’. Ce n’est pas rien ! Je suis tombée en admiration pour leur métier, qu’ils exercent toujours avec passion et abnégation, malgré un statut qui se délite et des clients qui leur en demandent plus qu’avant. »
La réalisatrice revient sur une scène délicate qu’elle a dû tourner. « La scène du vêlage par exemple nous a beaucoup préoccupés. J’y tenais beaucoup parce que c’était une des scènes pivot du film, celle qui fait tout basculer pour Alex. On avait prévu de devoir la truquer et fait fabriquer de fausses pattes de veau au cas où. Mais j’espérais de tout mon cœur qu’on arrive à la tourner en vrai. On a eu une chance folle. Quand nous sommes arrivés dans le Morvan, nous avons trouvé l’étable qui allait nous servir de décor. Dedans, il y avait quinze vaches, toutes primo parturientes, ce que nous voulions, car ces vaches ont souvent besoin de l’aide d’un vétérinaire pour vêler. Elles devaient toutes mettre bas pendant le tournage, ce qui était parfait. Et puis au fur à mesure qu’elles passaient des échos de contrôle, le véto, qui était aussi notre consultant, réduisait le nombre de vaches qui tombaient dans nos dates : de 15, on est passés à 5, puis à 3, puis à une ! La date est arrivée, c’était un vendredi. Et puis, Maxime, notre consultant, est venu nous prévenir que nous devions nous tenir prêts, que l’événement était imminent. On a installé la lumière dans l’étable et on a attendu dehors, devant la table régie, et petit à petit, tout le monde s’est mis à raconter ses histoires de naissances, c’était vraiment chouette. Et puis Maxime nous a dit que c’était le moment. On est entrés en équipe réduite, dans un silence quasi religieux, pour ne pas effrayer la vache. Noémie s’était préparée, et elle a vécu le vêlage du début à la fin, en faisant certains gestes elle-même. Le plan que je voulais à tout prix, c’était le premier regard du nouveau-né sur celle qui l’a mise au monde, et on a pu le filmer. L’émotion nous a submergés. On s’est tous mis à pleurer en silence dans nos mouchoirs. Noémie a été formidable de sang-froid. Elle n’est même pas tombée dans les pommes ! »
Julie Manoukian revient sur le casting : « Quand le scénario a été terminé, le premier nom qui a surgi pour le rôle de Nico a été celui de Clovis Cornillac. Le consensus autour de son nom était tel qu’on aurait même été prêt à abandonner le projet s’il avait refusé. Clovis est un comédien que j’adore. Ado, j’allais voir tous ses films en compagnie de ma mère qui, elle aussi, est une de ses fans. Après lui avoir envoyé mon texte, nous avons convenus d’un déjeuner. Ce jour-là, j’étais presque aussi stressée que le jour de mon mariage ! (rire) Il y a un phénomène Clovis Cornillac. Quand nous sommes allés faire les repérages dans le Morvan et qu’on nous demandait qui allait jouer dans le film, dès qu’on prononçait son nom, instantanément, les visages s’ouvraient. En plus d’être un comédien incroyable, qui a tourné dans tout le pays, je crois qu’il a laissé de bons souvenirs de lui partout où il est passé. Sur un plateau, c’est un partenaire hors pair et le plus attentionné des camarades. Il est drôle, patient et sait remonter le moral des troupes. Qu’il ait accompagné mon premier film a été pour moi une vraie chance. Je suis très touchée qu’il m’ait accordé sa confiance. »
Le comédien explique les raisons qui lui ont donné envie de participer à cette aventure. « Quand j’ai reçu le scénario, j’ai tout de suite été accroché par son titre : 'Les vétos'. Depuis trente-cinq ans que je fais du cinéma, c’était la première fois que je voyais un projet qui parle de ce métier si populaire auprès des enfants, et que, personnellement, j’admire depuis toujours en raison de l’abnégation qu’il demande à ceux qui l’exercent, puisque les animaux ne peuvent pas dire merci ! Que personne n’ait encore jamais pensé à mettre ces gens-là en vedette d’un film m’a soudain paru ahurissant ! Avant même d’ouvrir le scénario, j’avais déjà trouvé l’idée formidable. À sa lecture, mon enthousiasme n’est pas retombé. »
Pour incarner Alex, la réalisatrice a choisi Noémie Schmidt. « Je connaissais le travail de Noémie et j’ai été complètement emportée par les essais qu’elle a passés pour nous. Pour le rôle d’Alex, il fallait aussi une comédienne capable de jouer avec un rat sur l’épaule, ce qui n’est pas le cas de tout le monde, mais Noémie l’avait déjà fait : à tout point de vue, c’était une évidence de lui demander de jouer Alex. Sur le plateau, elle nous a bluffés, par sa gentillesse, sa disponibilité et son cran, notamment, je l’ai déjà dit plus haut, pour la scène du vêlage. »
La comédienne revient sur sa collaboration avec la metteur en scène : « Julie est une femme extraordinaire, intelligente et très à l’écoute. Elle a un grand sens des relations humaines. Je l’ai aimée le premier jour où je l’ai rencontrée, c’est-à-dire au moment du casting. C’était son premier film, mais sur le plateau, je l’ai toujours sentie à sa place. Elle était à la fois forte, calme, courtoise et courageuse. Elle ne s’est jamais laissée abattre. Elle m’a impressionnée. »
LE MIRACLE DU SAINT INCONNU d'Alaa Eddine Aljem
Avec Younes Bouab, Salah Bensalah, Bouchaib Essamak
Au beau milieu du désert, Amine court. Sa fortune à la main, la police aux trousses, il enterre son butin dans une tombe bricolée à la va-vite.
À sa sortie de prison, l’aride colline est devenue un lieu de culte où les pèlerins se pressent pour adorer celui qui y serait enterré : le Saint Inconnu. Obligé de s’installer au village, Amine va devoir composer avec les habitants sans perdre de vue sa mission première : récupérer son argent.
• Sélectionné en Compétition à la Semaine de la Critique - Cannes 2019
« Le Miracle du Saint Inconnu » est une sorte de fable burlesque. Le réalisateur explique : « Ce qui définit mieux ce film, c’est son ton, un mélange de situations, certaines comiques, d’autres plus dramatiques. C’est une fable moderne teintée d’absurde, qui emprunte au conte. C’est un film choral, bâti autour de plusieurs personnages, une histoire burlesque sur le rapport à la foi et l’observation de la transformation d’une microsociété. L'avantage du burlesque est qu'on peut être sérieux tout en restant léger à la surface. Cela permet d'avoir une écriture sur deux degrés. Un premier, accessible à un grand public et un deuxième, qui nécessite de l'interprétation et une certaine cinéphilie. C'est un des défis de ce film, arriver à un juste équilibre entre le premier et le deuxième degré, entre le drame et la comédie. D'autant plus, qu'avec une touche d'humour et de légèreté j'ai l'impression qu'on peut aborder tous les sujets même les plus sensibles et tabous sans être dans la provocation. »
Le réalisateur revient sur son idée d’un village adorant un « Saint Inconnu ». « Ma mère est du sud du Maroc, que l’on a beaucoup traversé quand j’étais enfant, et des images me restent : ces petites constructions blanches, parfois au sommet d’une colline, parfois isolées au milieu de terrains vagues. Je trouvais ça très beau, sans savoir vraiment pourquoi. Et bien plus tard, alors que j’étais en repérages pour un autre film, j’ai vu l’un de ces mausolées. Je m’approche. Il n’y a pas de nom. J’interroge le gardien : 'Qu’est-ce que c’est ?' 'Un mausolée d’un saint très puissant', me répond-il. 'Mais qui ?' 'Franchement, je ne sais pas'. Il y a beaucoup de mausolées comme ça au Maroc. Les saints qui s’y trouvent n’ont pas été canonisés selon le long processus de l’Église catholique ! On les appelle aussi des marabouts : le mot désigne à la fois le mausolée et celui qu’il abrite. Il y en a un très connu au Maroc, dont l’histoire est amusante : un villageois possédait un âne qu’il adorait. À sa mort, il a voulu lui donner une sépulture. Bien sûr, il ne pouvait pas l’enterrer dans le cimetière des villageois alors il l’a fait plus loin, à la sortie du village. Plus tard, des gens ont construit un mausolée au-dessus de sa tombe, et c’est devenu un saint très connu dans le pays, même si on sait qu’en fait il s’agit d’un âne. »
Bien que le film soit une satire de la crédulité, il n’est en aucun cas une charge contre la religion, comme l’explique le cinéaste : « Il n’est jamais question de la religion. Il est question de la croyance. Qu’il s’agisse de croire en une pluie qui n’arrivera jamais, en un médicament qui soignerait tous les maux, en la possibilité de récupérer un sac d’argent enterré depuis des années. Ou encore croire aux miracles d’un saint dont on ignore l’histoire… Plusieurs personnages sont confrontés aux questions de croyance, à l’absurdité de la vie, et leurs chemins se croisent autour d’un lieu qui symbolise tout cela. J’aurais pu faire le même film au Mexique ou en Italie, personne ne l’aurait vu comme une charge contre le christianisme... Quand j’ai commencé à faire lire 'Le Miracle du Saint Inconnu', j’ai beaucoup entendu que le ton comique était vraiment risqué, et surtout que l’histoire n’était pas assez sociale. Mais les réalisateurs de ma génération en ont assez d’entendre qu’un film venant de cette région du monde doit nécessairement parler de la condition de la femme ou du terrorisme ou de la religion ou de l’immigration. Alors qu’il y a beaucoup d’autres choses à raconter sur nos sociétés. Mon rôle n’est pas de donner à voir ce que le public de l’autre côté de la Méditerranée s’attendà voirmais de lui faire découvrir d’autres choses sur la culture d’où je viens. »
Le réalisateur revient sur la direction d’acteurs. « Certains comédiens sont des débutants, d’autres sont très connus au Maroc, comme le médecin, joué par Anas El Baz. J’ai évité la psychologie, on ne sait rien du passé des personnages. Chacun d’entre eux est identifié par sa fonction et ça suffit pour comprendre leur place dans l’histoire. La plupart n’ont pas de nom, ce sont des archétypes : le père, le barbier, le voleur, etc. Je voulais les caractériser à minima, je ne voulais pas aller chercher de l’émotion par un ressenti ou un arc narratif propre à chacun d’entre eux. Les situations devaient suffire. J’ai fait quelques séances de répétitions avec les acteurs et je leurs ai expliqué le ton et le registre du film. Comment ils devaient jouer plus avec leurs corps et leurs regards que les expressions de leurs visages. J’ai cherché à leur expliquer puis à les habituer à cette mise en scène, parfois un peu chorégraphiée dans les déplacements et les échanges de regards, qui les oblige à être dans la retenue. Intérioriser les ressentis et les émotions et jouer avec les silences et les temps morts. »
** BONUS **
SÉJOUR DANS LES MONTS FUCHUN de Xiaogang Gu
Avec Youfa Qian, Fengjuan Wang, Zhang Renliang
Le destin d’une famille s’écoule au rythme de la nature, du cycle des saisons et de la vie d’un fleuve.
• Semaine de la critique - Cannes 2019 - Film de clôture
Le réalisateur revient sur l’idée de départ du film : « Mes parents possédaient un restaurant à l’endroit où fut peint le tableau. Mais la rénovation et la démolition de la ville ont contraint mes parents à finir leur carrière comme simples gérants de ce restaurant. Au départ, je voulais écrire une histoire qui commémorerait leur vie et ce restaurant. Je suis donc revenu dans ma ville natale afin d’y faire des recherches. Lorsque je me suis remis à vivre dans cette ville, j’ai constaté l’ampleur des mutations, ce qui a développé mon inspiration et m’a conduit à écrire une toute autre histoire. La Chine et l’Occident ont leur propre esthétique artistique. Rien n’est mieux ou moins bien, il y a simplement des différences. La peinture occidentale cherche à exprimer l’espace, tandis que la peinture de paysage traditionnelle chinoise tente de capter le passage du temps afin de garder la trace de quelque chose d’universel : l’éternité du temps et l’infinité de l’espace. Pour ce faire, il sacrifie parfois volontairement d’autres éléments, tels qu’une représentation réaliste des ombres et des lumières. Huang Gongwang, le peintre de 'Séjour dans les Monts Fuchun', ajustait constamment le point central de son tableau et construisait divers angles afin de créer une expérience visuelle complète et unifiée. Les anciens déroulaient ces tableaux, lentement, dans un mouvement allant de droite à gauche. Le déroulement permet d’observer, au fur et à mesure, davantage d’images et de scènes. C’est un peu comme un film. »
Le film est le premier volume d’une trilogie. « Dans l’introduction de ce premier film, j’ai mis un indice qui concerne 'La rivière du Printemps rejoint la mer de la Chine de l’Est à Qiantang'. Pour les films suivants, d’abord, il y aura un changement de décor, car nous irons le long du fleuve Yangtsé, faisant ainsi apparaître une nouvelle ville dans ce grand tableau qu’on déroule. Les films suivants raconteront de nouvelles histoires. Certains des personnages du premier film pourraient être développés dans la nouvelle histoire du second. Cela ressemble beaucoup à la célèbre peinture chinoise : 'Le long de la rivière pendant le festival de Qingming'. Cette peinture de cinq mètres de long montre l’aspect urbain de l’ancienne capitale chinoise et les conditions de vie des habitants de toutes les classes à cette époque. On y voit toutes sortes de gens, de plantes, d’animaux et de constructions. Il y a tellement de détails sur cette toile que vous pouvez passer des jours devant sans en faire le tour. »
Gu Xiaogang revient sur le casting : « J’ai choisi principalement des personnes originaires de la région. Ce sont ma famille et mes amis, ainsi que des locaux repérés dans la rue. Je suis persuadé que chaque kilomètre de paysage, chaque personnage, une fois représenté à l’écran, y gagne de la dignité, au fil du temps. »
Le réalisateur a rencontré quelques difficultés à financer son film. Il explique : « Comme c’était mon premier film, j’étais très idéaliste au départ. Mais face aux difficultés, il faut se confronter à la réalité. La passion risque constamment de s’user. Nous avons emprunté de l’argent à des amis pour terminer le tournage de l’été. Avant de rembourser la dette, nous avons commencé à nous préoccuper du tournage de l’automne. J’ai fait de mon mieux pour survivre au tournage d’automne, mais à peine terminé, le tournage d’hiver et de printemps débutaient. J’étais désespéré. La première année fut une véritable bataille avec le film. Quand nous ne tournions pas, nous nous préparions pour la prochaine étape tout en restant en relation avec les acteurs, tout en priant chaque jour que tout le monde soit en sécurité et heureux. Nos acteurs avaient tous un travail. Par exemple, quand un pêcheur tournait, il prenait le temps de livrer du poisson à ses clients. Si nous avions besoin de lui, nous devions attendre qu’il revienne sur le lieu de tournage. Et comme le cycle de tournage était très long, certains acteurs étaient psychologiquement épuisés. Nous avons fait beaucoup d’efforts pour maintenir leur enthousiasme tout au long du tournage. Heureusement, avec l’aide de ma famille, le soutien de l’équipe de production et de l’équipe, tout s’est très bien fini. »