Émission du mercredi 20 novembre 2019
Le Pitch - Cinéma- Émissions culturelles
- 2 min 25 s
- tous publics
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LES MISÉRABLES de Ladj Ly
Avec Damien Bonnard, Alexis Manenti et Djebril Didier Zonga
Ce film fait l’objet de l’avertissement suivant : « La tension du film est de nature à impressionner un très jeune public »
Stéphane, tout juste arrivé de Cherbourg, intègre la Brigade Anti-Criminalité de Montfermeil, dans le 93. Il va faire la rencontre de ses nouveaux coéquipiers, Chris et Gwada, deux « Bacqueux » d’expérience. Il découvre rapidement les tensions entre les différents groupes du quartier. Alors qu’ils se trouvent débordés lors d’une interpellation, un drone filme leurs moindres faits et gestes...
- Prix des Cinémas Art et Essai– mention
- Prix de la Citoyenneté
- Prix du Cinéma Positif
- Prix CST de l'Artiste-Technicien pour Julien Poupard, Flora Volpelière
- Prix du Jury au Festival de Cannes 2019
- Prix d'Ornano-Valenti au Festival du Cinéma Américain de Deauville 2019
- Meilleur premier film au COLCOA Film Festival
Ladj Ly avait déjà réalisé « Les Misérables » en format court métrage qui suit le parcours difficile d'un membre de la Brigade Anti-Criminalité de Montfermeil (déjà avec Damien Bonnard, Djebril Didier Zonga et Alexis Manenti). Une œuvre choc nommée au César du Meilleur court métrage en 2018 que le cinéaste a décidé d'adapter sur grand écran.
« Les Misérables » est le premier long métrage de fiction de Ladj Ly, produit dans le système classique. Avec ce film, le réalisateur raconte un peu sa vie, ses expériences, celles de ses proches. Il explique : « Tout ce qui est dedans est basé sur des choses vécues : la liesse de la Coupe du monde évidemment, l’arrivée du nouveau flic dans le quartier, l’histoire du drone... Pendant cinq ans, avec ma caméra, je filmais tout ce qui se passait dans le quartier, et surtout les flics, je faisais du copwatch. Dès qu’ils débarquaient, je prenais ma caméra et je les filmais, jusqu’au jour où j’ai capté une vraie bavure. Dans le film, l’histoire du vol du lionceau déclenchant la colère des Gitans propriétaires du cirque est également vécue... J’ai voulu montrer toute la diversité incroyable qui fait la vie des quartiers. J’habite toujours ces quartiers, ils sont ma vie et j’aime y tourner. C’est mon plateau de tournage ! »
Le réalisateur n'a pas voulu montrer de « gentils jeunes contre les méchants flics » ou le contraire. Il a ainsi essayé de filmer chaque personnage sans porter de jugement. « ‘Le Maire’ a un côté éducateur et en même temps un peu crapuleux, les flics pareils, ils sont tour à tour sympas, dégueulasses, humains... On navigue dans un monde tellement complexe que c’est difficile de porter des jugements brefs et définitifs. Les quartiers sont des poudrières, il y a des clans, et malgré tout, on essaye de tous vivre ensemble et on fait en sorte que ça ne parte pas en vrille. Je montre ça dans le film, les petits arrangements quotidiens de chacun pour s’en sortir », confie-t-il.
Côté mise en scène, Ladj Ly a cherché à éviter certaines constantes du film de banlieue, comme le montage clip ou le rap en BO obligatoire. Le metteur en scène souhaitait que les 40 premières minutes du film constituent une immersion tranquille dans le quartier. « Je voulais d’abord amener le spectateur dans mon univers, et ensuite seulement, entrer dans l’action. Mais avant, on se balade, c’est une chronique, on se familiarise avec les personnages et le tissu du quartier... J’ai expurgé des clichés comme la drogue, les armes, et en effet, la musique est plus électro que rap. Même dans la façon de parler, j’ai voulu éviter les poncifs du film-banlieue », précise-t-il.
Le metteur en scène revient sur le casting. Djebril Zonga, qui joue Gwada, est un ami de Ladj Ly venant de Clichy-sous-Bois. À l'origine, il faisait une carrière de mannequin et le cinéaste ne savait pas qu’il était acteur. Il se rappelle : « Je cherchais un ‘renoi’, j’avais du mal à trouver, les acteurs noirs ne courent pas les rues, sorti de Omar Sy ou Jacky Ido, on les compte sur les doigts d’une main. Quand il a su que je faisais un casting, Djebril m’a appelé. Non seulement j’ignorais qu’il était comédien mais en plus, il est beau, alors que je cherchais plutôt un type à sale tronche pour faire le flic de la BAC. Je lui ai quand même proposé de faire des essais sans trop y croire, et là, wouah ! »
Alexis Manenti, qui a le mauvais rôle du flic beauf et raciste, fait partie de la bande du collectif Kourtrajmé et connaît donc Ladj Ly depuis longtemps. Le réalisateur explique au sujet de son personnage : « C’est vrai que le rôle n’est pas facile, son personnage est un gros connard, mais avec quand même sa part d’humanité qu’on essaye de montrer aussi. Il porte super bien le rôle et malgré son côté détestable, les spectateurs s’attachent quand même à lui. »
« Damien Bonnard est le plus connu et joue impeccablement le « bizuth » qui débarque dans un nouvel univers... Je ne le connaissais pas du tout. Alexis avait tourné avec lui et m’avait conseillé de le rencontrer. J’ai fait un rendez-vous avec lui, il semblait arriver d’une autre planète, comme dans le film. C’est la première fois qu’il venait en banlieue, il s’est pris une tarte ! Et ça se sent à l’image, il est très juste et très touchant. Avec lui, j’avais mes trois flics. »
Quant à Jeanne Balibar, elle joue une commissaire. « Elle tournait son film à Montfermeil, je ne la connaissais pas, on m’a appelé pour l’aider et on s’est liés d’amitié. Je lui ai proposé ce rôle, elle a joué le jeu. C’est une belle rencontre. C’est vrai que c’est une surprise dans le film, on ne s’attend pas à la voir là. »
Avec des marqueurs évidents comme son titre (qui fait référence au roman de Victor Hugo) ou encore les drapeaux français le soir de la Coupe du monde, Ladj Ly a voulu faire un film non seulement sur les banlieues mais aussi sur la France. Il raconte : « Nous, on est nés ici, on a toujours vécu ici... À certains moments, certains nous ont dit que nous n’étions peut-être pas français, mais nous, on s’est toujours senti français. Je suis un peu plus vieux que les ‘microbes’ du film et le 12 juillet 98 m’a marqué à vie. Je m’en souviens encore, j’avais 18 ans, c’était magique ! Le foot était parvenu à tous nous réunir, il n’y avait plus de couleur de peau, plus de classes sociales, on était juste tous français. On a ressenti ça à nouveau lors de la dernière Coupe du monde, comme si seul le foot parvenait à nous rassembler. C’est dommage qu’il n’y ait pas d’autres ciments du peuple mais en même temps, ces moments sont géniaux à vivre, et à filmer. »
« Les Misérables » est un film humaniste et politique au sens où Ladj Ly ne juge pas ses personnages et dénonce implicitement un système dont tout le monde finit par être victime. Le réalisateur explique : « La responsabilité première incombe aux politiques. Depuis trente ou quarante ans, ils ont laissé pourrir la situation, ils nous ont baratinés avec des dizaines de paroles et de plans - plan banlieue, plan politique de la ville, plan ceci, plan cela, et le résultat, c’est que je n’ai jamais rien vu changer en trente ans. Seule petite exception, le plan Borloo : la rénovation de l’habitat est le seul résultat concret que j’ai remarqué. Ça, ça a changé notre vie quotidienne. Donc merci à lui, mais à part ça, je n’ai jamais vu de réelle avancée et même à la limite, c’est de pire en pire. Malgré tout, on a appris à vivre ensemble dans ces quartiers où coexistent trente nationalités différentes. »
LES ENFANTS D'ISADORA de Damien Manivel
Avec Agathe Bonitzer, Manon Carpentier, Marika Rizzi et Elsa Wolliaston
Après la mort de ses deux enfants en avril 1913, la danseuse mythique Isadora Duncan a composé un solo intitulé La mère. Dans un geste d'une grande douceur, une mère y caresse et berce une dernière fois son enfant avant de le laisser partir. Un siècle plus tard, quatre femmes font la rencontre de cette danse.
- Léopard pour la meilleure réalisation au Festival du film de Locarno
Damien Manivem a été danseur avant d’être cinéaste. Il revient sur la genèse du projet : « C’est un sujet qui m’est cher et ça m’a pris du temps pour trouver la bonne approche. J’ai commencé par faire des films où la danse est présente de façon souterraine, en observant les gestes de mes acteurs avec la même attention que s’ils dansaient. Et puis, il y a eu la rencontre d’Isadora Duncan qui a déclenché ce nouveau film. Nous avons commencé par faire des essais avec Agathe Bonitzer et une amie chorégraphe, Aurélie Berland. Un jour, au cours d’une improvisation, Agathe a fait un geste très lent, comme un adieu, bras tendu. Aurélie s’est tournée vers moi et m’a dit que ce geste lui rappelait le solo ‘La Mère’ d’Isadora Duncan. Elle m’a alors appris la mort tragique de ses deux enfants d’où cette danse tire son origine et j’ai écouté la musique de Scriabine qui m’a touché. J’ai tout de suite compris que j’avais trouvé là le point d’ancrage, la source à partir de laquelle je pourrais construire un récit à la fois personnel et ample. »
Selon Damien Manivel, « il y a une démesure chez Isadora Duncan, quelque chose de plus grand que nature, une exigence artistique et en même temps une injonction constante à être toujours plus libre.Comme le dit Marika dans le film : ‘Tu dois trouver ta propre danse’. Il faut travailler avec ce paradoxe apparent : traiter son art avec toute l’admiration qu’il suscite, mais avoir une vision personnelle. Assez vite, par exemple, il m’est apparu qu’il fallait éviter toute mimique – il ne s’agit pas ici de danser comme Duncan le faisait en 1921, en portant d’amples tuniques grecques – mais d’observer concrètement cette danse qui, comme en surimpression, se déploie dans des corps contemporains. D’autre part, ma finalité étant le cinéma, je ne filme jamais le solo comme une forme achevée mais comme une danse en travail, à l’état d’esquisse, comme un croquis de gestes qui apparaissent sur l’écran nous dévoilant l’intériorité de ces femmes et le rapport que chacune entretient au sentiment maternel. Après la perte de ses enfants, Isadora n’a eu de cesse d’essayer de fonder son école, c’était le grand rêve de sa vie. Avec ce film, j’essaye par l’imaginaire de poursuivre cette filiation. »
Plutôt qu’un personnage, c’est la danse elle-même qui est le fil conducteur à travers la succession surprenante de quatre personnages. Le metteur en scène s’explique : « Il n’existe ni film d’époque, ni photographie d’Isadora Duncan qui danse ce solo. Tel un récit légendaire, il s’est transmis grâce aux disciples de Duncan qui en ont gardé la mémoire et le seul élément qui subsiste aujourd’hui est une partition écrite en notation Laban. C’est une danse qui porte en elle une émotion très ancienne, qui remonte à mon avis bien avant l’époque d’Isadora Duncan. Il y est question de la tragédie de la perte, de lamentation et du pouvoir consolatoire de l’art. J’ai alors pensé à une structure en trois temps, qui tel un mouvement centrifuge, partirait de la redécouverte de ce solo jusqu’à son déploiement final. Le récit démarre naturellement par une jeune danseuse qui déchiffre cette partition et découvre peu à peu ces gestes qui la bouleversent. Il m’a alors semblé nécessaire que cette danse traverse des corps différents et porteurs d’autres histoires. J’ai eu envie de donner à voir ce qui se joue dans une authentique situation de transmission du solo entre une chorégraphe, Marika Rizzi, et une jeune danseuse trisomique, Manon Carpentier. Et puis enfin, de nous placer du point de vue d’une spectatrice, une vieille dame qui assiste à une représentation, interprétée par Elsa Wolliaston. Sur le chemin du retour, comment l’émotion de ces gestes continue à vivre en elle ? La suite appartient aux spectateurs qui verront le film. »
** BONUS **
LES ÉBLOUIS de Sarah Suco
Avec Camille Cottin, Jean-Pierre Darroussin, Eric Caravaca et Céleste Brunnquell
Camille, 12 ans, passionnée de cirque, est l’aînée d’une famille nombreuse. Un jour, ses parents intègrent une communauté religieuse basée sur le partage et la solidarité dans laquelle ils s’investissent pleinement. La jeune fille doit accepter un mode de vie qui remet en question ses envies et ses propres tourments. Peu à peu, l’embrigadement devient sectaire. Camille va devoir se battre pour affirmer sa liberté et sauver ses frères et sœurs.
- Prix Cinéma 2019 de la Fondation Barrière.
« Les Éblouis » est le premier film de Sarah Suco en tant que réalisatrice. Il est autobiographique et est dédié à ses frères et soeurs. Elle revient sur la genèse du projet : « J’ai moi-même vécu avec ma famille dans une communauté charismatique pendant dix ans. L’idée d’en faire un film germait dans ma tête depuis très longtemps, et arrivée à la trentaine, la nécessité l’a emporté et je me suis sentie prête à me lancer. J’ai rencontré Dominique Besnehard à qui j’ai raconté mon projet. Il a tout de suite été très enthousiaste et m’a fait confiance dès le début de l’écriture. »
La cinéaste explique comment elle a abordé l’écriture : « D’emblée, je savais que je voulais écrire avec quelqu’un, parce que je ne voulais pas écrire dans la haine ni la colère. Je voulais prendre de la distance, notamment vis-à-vis de la figure parentale. Je voulais transformer cette montagne de souvenirs en une histoire de fiction, de cinéma, avec des personnages auxquels on puisse s’attacher. Je savais que la distance et la pudeur seraient mes points d’entrée dans le coeur de ce sujet violent. J’ai choisi d’écrire avec Nicolas Silhol, qui a eu une formation de scénariste, parce qu’il se positionnait à l’endroit qui me convenait : raconter cette histoire sans chercher le sensationnalisme. Nous étions très complémentaires car nous ne nous situions pas sur les mêmes plans émotionnels et structurels. »
Le film parle de l’embrigadement dans une communauté. « Je voulais qu’on assiste à l’entrée de cette adolescente, Camille, et de ses parents dans cette communauté, qu’on n’ait pas d’emblée toutes les clés du fonctionnement de ce lieu et des raisons pour lesquelles les gens y entrent, et décident d’y rester. On les comprend petit à petit, à travers le regard de Camille, dont j’ai vite choisi de ne jamais sortir. J’étais très attachée au point de vue de ce personnage, de manière presque obsessionnelle ! Je voulais qu’on soit toujours à hauteur d’enfant, dans le ressenti de Camille, ses perceptions. Et puis j’avais très envie que l’ambiguïté des personnages et du lieu communautaire se reflètent à l’image. Je ne voulais pas que ce soit tout joyeux au début puis de plus en plus glauque. Je voulais que ce glissement arrive sans qu’on s’en rende compte, sans que cela devienne systématique. C’est ce qui est complexe et qui fascine dans l’emprise et la dérive sectaire. La folie se niche dans les détails. Rapidement, on voit que cette communauté est assez spéciale et les parents de Camille sont eux-mêmes un peu décontenancés. Mais ils surmontent leur surprise et décident de rester, en connaissance de cause. Contrairement aux clichés et aux idées reçues, la plupart des gens qui entrent dans ces communautés sont intelligents et cultivés et trouvent dans ces lieux des personnes capables de répondre à leurs aspirations. Ces communautés et leurs responsables sont très doués pour mettre en valeur vos compétences, s’infiltrer dans vos manques et dans vos failles. Dans le film, on voit combien le père de Camille est heureux de mettre son savoir au service du cours biblique, lui qui ne se sent pas très considéré dans son lycée. Pareil avec la mère de Camille, qui se sent enfin entendue et utile : elle sert des repas, elle fait la comptabilité de la communauté. »
Malgré les dérapages, Sarah Suco a tenu à montrer que tout n’est pas négatif dans la communauté qu’intègrent Camille et ses parents. « Moi-même, j’aimais vivre dans ce lieu quand j’étais enfant, j’en ai gardé plein de bons souvenirs. Je n’ai pas l’impression d’avoir fait un film à charge contre ces communautés et encore moins contre l’Eglise catholique. Mais j’ai fait pour sûr un film de combat. Car il est primordial aujourd’hui de protéger les enfants qui sont les plus grandes victimes de cet embrigadement et le subissent de plein fouet en se retrouvant face à des parents qui deviennent peu à peu fous en pensant faire le bien de leurs enfants. Ensuite, je laisse chacun libre de penser ce qu’il veut. »
Les rituels de la communauté qu’elle a choisi de filmer sont toujours sur le fil de l’étrange, du ridicule, et de la peur. La réalisatrice s’explique : « Il était important pour moi de rester toujours sur le fil, que le spectateur puisse s’y projeter, avoir son propre ressenti. J’ai fait attention de préserver en permanence cette ambivalence, dès l’écriture, puis en préparation, en tournage, au montage, dans le jeu des acteurs... Mais le film est bien en deçà de la réalité. Je suis restée plus de 10 ans dans cette communauté. Nous n’avions pas de télé, pas de radio, pas de téléphone portable. J’ai su qui était Michael Jackson quand je me suis enfuie, à 18 ans. Tout ce que je montre dans mon film a existé et de manière encore plus violente. Le jeudi soir par exemple, on faisait un repas Lucernaire et on servait Jésus, sur une icône. On lui donnait à manger et on attendait qu’il mange, s’il arrivait... On ne parlait pas. On s’adressait à lui. J’aurais des dizaines d’autres exemples à vous donner que je n’ai pas mis dans mon film… Quand j’ai décidé de faire un film de fiction, j’ai accepté de ne pas pouvoir tout raconter. J’ai choisi et, cinématographiquement parlant, il m’a semblé indispensable de filmer ces scènes de bêlements ou d’exorcisme et de montrer que le ridicule de ces rituels n’empêche pas nos personnages d’entrer dans cette communauté. La dérive sectaire commence par là. Ces scènes folles, peut-être dérangeantes vues de l’extérieur, sont hélas bien réelles. Les ambiguïtés des situations et la cocasserie présente dans beaucoup de ces scènes surprennent le public par le rire. Et c’était capital pour moi de garder ces deux dimensions. Car c’est ce mélange-là qui embrouille, qui raconte la secte. C’est notamment pour cette raison que Dominique Besnehard a très vite insisté pour que je réalise moi-même le film. Il me disait que j’étais la seule qui pourrais diriger les acteurs au plus juste de ce que j’avais vécu et de ce que je voulais exprimer. »
Sarah Suco revient sur le choix du casting, « Céleste peut être à la fois très enfantine et féminine. Dans la vie, c’est un petit bout, on pense qu’elle a douze ans alors qu’elle en a quinze et dégage beaucoup de force et de maturité. Le choix de Céleste a vite été évident. Elle était très juste et délicate, je ne me lassais pas de la regarder pendant les essais et c’était important pour moi car beaucoup de choses devaient passer uniquement à travers son visage, son regard. Je trouve que Céleste a une manière unique de regarder, de parler, d’être à l’écoute tout en restant mystérieuse, en retenue et comme encombrée. Elle est très belle et en même temps étrange. Elle a une intuition dingue, elle aime la caméra et la caméra l’aime. J’aimais la manière dont elle-même était au combat pour incarner Camille, cette manière d’aller un peu contre, de ne pas jouer seulement ce qui est écrit. »
Concernant le casting des adultes, elle avoue que le premier à qui elle a pensé c’était Jean-Pierre Darroussin : « Pour jouer le berger, il me fallait un acteur qui puisse comme lui être charismatique tout en restant a priori sympathique et bonhomme. Jean-Pierre a accepté très tôt, sur une première version, en me disant : ‘Ce qui me plaît dans le film c’est qu’il y a un sujet ET une histoire.’ Son accord m’a beaucoup encouragée. Pour le rôle de la mère, l’important était de trouver une actrice joyeuse et douce, avec une grande force intérieure, sur le front de laquelle il n’est pas tout de suite écrit qu’elle est dépressive. Je trouve que Camille Cottin porte tout cela en elle. Elle est d’une grande finesse et sa délicatesse laisse entrevoir tous les possibles jusqu’au bout de l’histoire. Tout ceci était d’autant plus fort pour moi qu’on ne l’a jamais vue dans un registre aussi dramatique. Quant à Eric Caravaca, c’est en le voyant durant la promotion de son documentaire ‘Carré 35’ que j’ai eu le déclic. C’est un acteur que j’ai toujours admiré pour sa multitude d’incarnations, sa vérité. Je trouvais qu’il portait en lui la gentillesse et la bienveillance du père de Camille. Jusqu’au bout, on espère qu’il va vaincre sa lâcheté et aider sa fille. Je voulais que les parents de Camille nous plongent dans la dualité, que malgré ce qu’ils imposent à leurs enfants, ils restent des parents sympathiques et touchants à plein d’égards, que l’on comprenne l’amour que leur porte leur fille. Camille Cottin et Eric Caravaca dégagent tous deux une humanité et des failles qui me faisaient penser qu’on ne les détesterait pas de manière péremptoire. »