Émission du mercredi 4 décembre 2019
Le Pitch - Cinéma- Émissions culturelles
- 1 min 58 s
- tous publics
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SEULES LES BÊTESde Dominik Moll
Avec Laure Calamy, Denis Ménochet, Damien Bonnard, Nadia Tereszkiewicz et Valeria Bruni Tedeschi
Ce film fait l’objet de l’avertissement suivant : « Certaines scènes sont susceptibles de heurter un jeune public »
Une femme disparaît. Le lendemain d’une tempête de neige, sa voiture est retrouvée sur une route qui monte vers le plateau où subsistent quelques fermes isolées. Alors que les gendarmes n'ont aucune piste, cinq personnes se savent liées à cette disparition. Chacune a son secret, mais personne ne se doute que cette histoire a commencé loin de cette montagne balayée par les vents d’hiver, sur un autre continent où le soleil brule, et où la pauvreté́ n’empêche pas le désir de dicter sa loi.
« Seules les bêtes » est adapté du roman de Colin Niel. Le réalisateur explique ce qui l’a séduit dans le roman. « Beaucoup de choses en fait. À commencer par sa singularité. Dans une intrigue excitante et pleine de mystère, le livre explore deux mondes délaissés par la fiction et que tout semble opposer. La campagne française, en l’occurrence les Causses où les éleveurs sont parfois si isolés qu’ils ont du mal à fonder une famille, et à cinq mille kilomètres de là, une métropole africaine de près de cinq millions d’habitants, Abidjan, où certains jeunes rêvent de faire fortune en devenant ‘brouteurs’, c’est à dire cyber arnaqueurs. Colin Niel rend ses personnages si vibrants et attachants que j’avais envie de les voir en chair et en os. Et puis il y a cette structure très particulière du roman, ce récit où chaque chapitre correspond au point de vue d’un personnage différent. Ce qui pourrait n’être qu’une idée formelle raconte quelque chose de profond sur le rapport de chacun des personnages à l’amour… Et produit une jubilation particulière sur la résolution de l’intrigue. »
Le cinéaste revient sur le casting. « Laure Calamy a moins ce côté exubérant dans lequel elle excelle souvent, mais c’est toujours intéressant d’emmener les comédiens hors de leur zone de confort. Pour Denis Ménochet, au moment du casting, j’avais vu ‘Jusqu’à la garde’ où je l’avais trouvé incroyable. Je voulais absolument qu’il joue Michel. Il est heureusement tombé amoureux du scénario et du personnage qu’il a investi pleinement. Avec Gilles, pendant l’écriture, on craignait que Joseph et Michel soient trop semblables : deux éleveurs qui basculent dans des histoires d’amour improbables. Nous avions essayé de les distinguer en faisant de Joseph un vieux fermier solitaire. Et puis finalement, au moment du casting, j’ai envisagé de rencontrer Damien Bonnard… et il s’est imposé naturellement. Il dégage une noirceur, une folie étrange et contenue qui colle parfaitement au personnage de Joseph. Valeria Bruni Tedeschi est une comédienne que j’aime beaucoup. Dans ses films elle joue avec brio et beaucoup d’humour des personnages qui sont assez proches d’elle. Pour 'Seules les bêtes', je voulais qu’elle crée un personnage plus éloigné d’elle, sans doute plus dur. Évelyne est dans le contrôle, elle ne veut pas se laisser déborder par ses sentiments. Elle a sans doute une fêlure, mais comme le disait Valeria lors des lectures : ‘cette fêlure, je n’ai pas besoin de l’appuyer, car je la porte en moi, elle transparaitra quoi qu’il arrive.’ C’est exactement ce qui s’est passé. Et pour Nadia Tereszkiewicz, on a fait des essais avec beaucoup de jeunes femmes et on est parvenu à un choix resserré de trois comédiennes. On les a fait jouer face à Valeria pour voir quel couple fonctionnait le mieux, et il y a eu une alchimie particulière entre Valeria et Nadia. Nadia a une énergie incroyablement positive, ce qui m’importait. Je ne voulais pas que Marion soit perçue négativement, il fallait qu’on la suive dans son coup de foudre, dans ce qu’elle se raconte, qu’on comprenne qu’elle s’accroche à cette histoire, qu’on sente qu’elle y croit. »
Dominik Moll revient sur le choix du titre de son film : « C’est un titre qui m’a toujours plu par sa beauté mystérieuse, et chaque fois que je croise Colin, l’auteur du roman, j’oublie de lui demander quel en est pour lui le sens exact. Il y a bien sûr la présence des bêtes dans le film, et peut être sont-elles les seules à savoir ce qu’il s’est réellement passé cette nuit de tempête... Dans le scénario, Cédric, le gendarme, philosophait sur le regard des bêtes, il se demandait ce qu’il se passait dans leurs têtes quand elles nous regardent : 'on ne sait pas si elles sont stupides ou juste désolées de nous voir...' Peut-être faut-il préserver la beauté de ce mystère et laisser chacun y voir sa propre interprétation. »
BROOKLYN AFFAIRS de Edward Norton
Avec Edward Norton, Bruce Willis, Alec Baldwin et Willem Dafoe
Lionel Essrog, détective privé souffrant du syndrome de Gilles de la Tourette, enquête sur le meurtre de son mentor et unique ami Frank Minna. Grâce aux rares indices en sa possession et à son esprit obsessionnel, il découvre des secrets dont la révélation pourrait avoir des conséquences sur la ville de New York. Des clubs de jazz de Harlem aux taudis de Brooklyn, jusqu'aux quartiers chics de Manhattan, Lionel devra affronter des voyous et des personnages corrompus - mais aussi l'homme le plus redoutable de la ville. Car il en va de l'honneur de son ami disparu et de celui de la femme qui lui assurera sans doute son salut...
Il y a près de vingt ans, Edward Norton a découvert le roman de Jonathan Lethem « Les orphelins de Brooklyn » : « J'ai été très touché par cet orphelin qui a grandi dans les quartiers interlopes de Brooklyn, souffrant du syndrome de Gilles de la Tourette et de troubles obsessionnels compulsifs. Ce qui ne l'empêche pas d'être extrêmement intelligent et d'avoir un point de vue fascinant sur le monde. Sa nature obsessionnelle a un côté positif : il ne peut rien oublier et il explique qu'il a l'impression 'd'avoir des morceaux de verre dans la tête'. Il est tout simplement incapable de laisser les choses en plan : il ne peut s'empêcher de prendre les problèmes à bras-le-corps et de tenter de les régler. Du coup, en tant que détective, il ne lâche rien et il a cette volonté chevillée au corps de comprendre ce qui se passe que je trouve fascinante et émouvante. Jonathan a imaginé un personnage à la fois drôle et poignant, auquel on s'attache instinctivement parce qu'on découvre sa vraie nature. J'ai toujours été attiré par les outsiders et je me suis pris de passion pour Lionel qui est un vrai anti-héros. Secondaire par rapport au personnage qu'il avait en tête et si je souhaitais plonger Lionel dans un autre univers, il en était ravi. »
Si l'intrigue du roman se déroule en 1999, Edward Norton a choisi de la transposer dans les années 1950. Le metteur en scène justifie ce choix radical : « C'est une période au cours de laquelle les choses changeaient. On associe souvent New York à une ville libérale, progressive et cosmopolite. Mais dans les années 50, il y avait énormément d'anti-démocratie, de racisme, ce qui a eu un important impact sur le reste du siècle, jusqu'à aujourd'hui. Et je crois que choisir cette période m'a permis d'évoquer ce qui se passe aujourd'hui sans en parler directement. »
Alors que le réalisateur s'apprêtait à tourner le film qu'il mûrissait depuis près de vingt ans, le casting s'est révélé une étape cruciale. « L'état d'esprit dans lequel on est quand on réalise un film est presque aux antipodes de celui qu'on adopte lorsqu'on fait l'acteur. Quand on joue la comédie, on peut partir dans son délire, alors qu'il faut tout superviser et ne rien lâcher quand on est metteur en scène. Du coup, si on a les deux casquettes, il faut parfaitement s'approprier le personnage bien avant de l'interpréter. Mais si on veut aussi pouvoir se concentrer sur son jeu, il est essentiel d'avoir une vraie stratégie et de s'entourer de collaborateurs aguerris qui, au moment du tournage, ont déjà posé toutes leurs questions et sont immédiatement opérationnels. »
Dans le casting, on retrouve Bruce Willis, Gugu Mbatha-Raw, Bobby Cannavale, Cherry Jones, Michael Kenneth Williams, Leslie Mann, Ethan Suplee, Dallas Roberts, Josh Pais, Robert Ray Wisdom, Fisher Stevens, Alec Baldwin et Willem Dafoe. Le producteur Bill Migliore indique que « Tous ceux qu'Edward a sollicité ont répondu présents à l'appel et ont donné le meilleur d'eux-mêmes. C'est ce qui a encore enrichi le film. Concernant Edward Norton, le succès du film repose sur la faculté du spectateur à aimer ce personnage hors normes et à s'identifier à lui. Et voir Edward interpréter Lionel était palpitant. J'ai souvent eu la chance de voir Edward se métamorphoser en un personnage hors du commun en temps réel sur le plateau et, à mes yeux, c'est comme le croisement entre un exercice de maths sophistiqué et des accords de jazz ! Et ensuite, c'était tout simplement extraordinaire de le voir mobiliser discipline, réflexion et sens artistique pour être capable de passer de son travail d'acteur à celui de metteur en scène et d'être à même de diriger tous ses partenaires. »
Pour interpréter Frank Minna, ce type orgueilleux qui a l'habitude de s'exprimer sans filtre, Norton exigeait un acteur au charisme hors normes et a aussitôt songé à Bruce Willis. Il y a près de vingt ans, les deux hommes s'étaient rencontrés et avaient envisagé de collaborer à l'avenir. L'accord de Bruce Willis, intervenu très en amont du projet, a été déterminant. « C'est dans une large mesure grâce à Bruce que le film a pu se faire. Aux yeux des financeurs, c'est très rassurant que Bruce soit au casting. C'est un engagement magnifique que Bruce a pris en faveur du film il y a plusieurs années. Personne d'autre que lui n'aurait pu mieux incarner Frank Minna, qui est la quintessence du détective placide à l'ancienne. Dès l'instant où il est à l'écran, sa relation avec Lionel est palpable. C'est lié au plissement des yeux de Bruce, à son rire et à la teneur de ses propos. C'est fascinant de voir la rapidité avec laquelle Bruce est capable de séduire le spectateur », souligne le réalisateur.
** BONUS **
IT MUST BE HEAVEN de Elia Suleiman
Avec Elia Suleiman, Tarik Kopty, Kareem Ghneim et Ali Suliman
ES fuit la Palestine à la recherche d'une nouvelle terre d'accueil, avant de réaliser que son pays d'origine le suit toujours comme une ombre. La promesse d'une vie nouvelle se transforme vite en comédie de l'absurde. Aussi loin qu'il voyage, de Paris à New York, quelque chose lui rappelle sa patrie. Un conte burlesque explorant l'identité, la nationalité et l'appartenance, dans lequel Elia Suleiman pose une question fondamentale : où peut-on se sentir « chez soi » ?
• Prix Fipresci + Mention spéciale au Festival de Cannes 2019
Le réalisateur revient sur sa note d’intention : « Plutôt que de se focaliser sur une vision d’ensemble, du type de celles dont les médias n’ont de cesse de nous abreuver, faites de généralisations, d’occultations et de falsifications, ce film se penche sur des instants banals, décalés, restant habituellement hors-champ. Par là même, il s’immisce dans l’intime, le tendre, le touchant. Des histoires humaines et personnelles qui, par un processus d’identification, posent question et suscitent de l’espoir. Comme dans mes précédents films, il y a peu de dialogues. Ce qui est dit est plutôt de l’ordre d’un monologue visant à insuffler du rythme et de la musicalité. Le récit se tisse par un montage subliminal, des scènes s’articulant autour de mouvements chorégraphiques ; un burlesque tiré de l’univers de l’absurde ; des images ouvrant à la poésie du silence qui est au cœur du langage cinématographique. »
Si dans les précédents films d'Elia Suleiman, la Palestine pouvait s’apparenter à un microcosme du monde, son nouveau film, « It Must Be Heaven », tente de présenter le monde comme un microcosme de la Palestine. « Le film donne à voir des situations ordinaires de la vie quotidienne d’individus vivant à travers le monde dans un climat de tensions géopolitiques planétaires. La violence qui surgit en un point est tout à fait comparable à celle qui s’observe ailleurs. Les images et les sons qui véhiculent cette violence ou cette tension imprègnent tous les centres du monde, et non plus seulement, comme autrefois, quelques coins reculés du monde. Les checkpoints se retrouvent dans les aéroports et les centres commerciaux de tous les pays. Les sirènes de police et les alarmes de sécurité ne sont plus intermittentes mais constantes. »