Émission du mercredi 6 novembre 2019
Le Pitch - Cinéma- Émissions culturelles
- 1 min 58 s
- tous publics
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LA BELLE ÉPOQUE de Nicolas Bedos
Avec Daniel Auteuil, Doria Tillier, Guillaume Canet et Fanny Ardant
Victor, un sexagénaire désabusé, voit sa vie bouleversée le jour où Antoine, un brillant entrepreneur, lui propose une attraction d’un genre nouveau : mélangeant artifices théâtraux et reconstitution historique, cette entreprise propose à ses clients de replonger dans l’époque de leur choix. Victor choisit alors de revivre la semaine la plus marquante de sa vie : celle où, 40 ans plus tôt, il rencontra le grand amour...
L'idée de « La Belle époque » est venue d’une situation qui a paru à la fois pathétique et comique pour Nicolas Bedos : un type vieillissant est chez lui, il se dispute avec sa femme qui lui reproche sa misanthropie, son côté dépassé par l’époque, la technologie, Macron, ses enfants, bref, le type sort de la cuisine, traverse un couloir et rentre dans une petite pièce où tout le ramène dans les années 70, de la déco aux magazines disposés devant lui. Une sorte de bulle de protection régressive qu’il s’est lui même fabriqué. « Je le voyais allumer une gauloise, mater une speakerine dans un téléviseur en bois et pousser un soupir de soulagement. Voilà : un homme qui se noie dans le présent et qui fuit dans une époque dont les codes le rassureraient, le protégeraient. Je voulais filmer ce vertige que l’on ressent parfois autour de soi, cette défaite psychologique, et cette solution à la fois grotesque et assez bouleversante. Je me suis dit que cette image contenait quelques promesses de cinéma. »
Dans le film, la société créée par Antoine (Guillaume Canet) offre à chacun de ses clients une plongée dans une époque du passé qu’il veut vivre ou revivre. « L’idée m’est venue de ma propre saturation face à l’inflation de séries, comme si la fiction 'classique', c’est-à-dire des images dans un écran, n’impactait plus assez le spectateur. J’ai imaginé cette boîte de reconstitution théâtrale qui immergerait physiquement le spectateur dans l’histoire. L’innovation d’Antoine repose sur de simples éléments de décor, une documentation, des comédiens. Je voulais montrer des coulisses, comme celles dans lesquelles j’évolue depuis que je suis né. Ça nous a permis, à moi et mon équipe, de mettre en valeur l’aspect artisanal du cinéma et du théâtre ! Habilleurs, décorateurs, machinos, assistants, comédiens : le film présente une équipe au travail ! », se souvient Nicolas Bedos .
Nicolas Bedos revient sur le choix du casting. Choisir Daniel Auteuil pour le rôle de Victor était une évidence. Il fallait un acteur auquel le public s’identifierait très facilement, dès les premières minutes. D’autre part, le scénario oscillait sans cesse entre comédie et drame, parfois au sein d’une même scène, et rares sont les acteurs à maîtriser ce mélange des tons, selon le réalisateur. « Daniel a tourné avec Claude Sautet et André Techiné, deux metteurs en scène que je place au sommet de mon panthéon du cinéma français. Je savais donc son respect des répliques, des silences, des rapports ambivalents entre les personnages. Je cherchais également un homme dont l’âge mûr ne rendrait pas pour autant pathétique ou grotesque ce retour à sa jeunesse, aux costumes cintrés des années 70 ! Un homme sans âge. Qui nous ferait croire à son histoire d’amour avec une très jeune femme, sans que cela paraisse jamais libidineux, prosaïque. Je dois dire que Daniel a largement dépassé tous les espoirs que je mettais dans ce personnage », confie le cinéaste. Le comédien explique les raisons qui l’ont poussé à accepter le rôle : « Il y avait tout d’abord l’envie de rencontrer un jeune metteur en scène qui avait prouvé avec son premier film 'M. et Mme Adelman', qu’il avait quelque chose d’original à raconter. Et surtout qu’il s’y employait avec souffle et beaucoup d’envergure. Puis quand j’ai lu son scénario de 'La belle époque', j’ai tout de suite aimé la manière dont il parlait de nostalgie et jouait avec ce sentiment par le prisme de la quête de mon personnage pour retrouver les seuls sentiments réellement éternels : les sentiments amoureux. Avec ce film, Nicolas raconte brillamment comment malgré les années qui passent, profondément, on ne change pas. Ce dont je suis intimement persuadé. La force du film tient dans le regard que pose un jeune homme comme lui sur une époque qu’il n’a pas connue mais dont il a pourtant la nostalgie. C’est un film éminemment personnel, émouvant mais jamais larmoyant et qui arrive à parler à tout le monde. Et qui, en plus, m’offrait le plaisir de retrouver Fanny (Ardant). J’ai donc accepté sa proposition avec enthousiasme. »
Concernant le choix de Guillaume Canet, le réalisateur confie : « Parce qu’il est très bon ! Le fait qu’il soit lui-même réalisateur et qu’il ait dirigé sa compagne a été aussi décisif. Le quotidien d’Antoine, ses impatiences, tout ça lui est très familier et il a su en jouer. Et puis il m’avait exprimé son envie de tourner avec moi. Or j’essaie de m’entourer de gens bienveillants et enthousiastes, aussi bien devant que derrière la caméra. » Le comédien revient sur la direction d’acteurs : « Avant de travailler avec lui, j’imaginais un metteur en scène aimant travailler dans un rapport conflictuel. Or c’est tout le contraire qui s’est produit ! J’ai eu face à moi un cinéaste à l’écoute et très concerné par ses acteurs, avec un regard bienveillant sur le travail de chacun. Tu sens tout de suite qu’il n’a qu’une envie : t’embellir, te porter vers le meilleur mais dans une atmosphère de travail chaleureuse. Et puis, il a une autre qualité majeure à mes yeux. Nicolas est quelqu’un de cash avec qui, donc, on ne perd pas de temps. Il dit tout de suite si quelque chose ne lui convient pas. Il ne tergiverse pas. C’est quelqu’un d’extrêmement précis, un vrai chef d’orchestre. Il ne vit que pour son film du matin au soir. Et sa passion pour ce qu’il fait lui donne une énergie qui porte et emporte tout le monde sur son plateau. »
Pour Fanny Ardant : « Fanny m’enchante. C’était l’une des seules données préalables du scénario que je voulais écrire : qu’il comporte un rôle assez riche pour cette actrice que j’ai le privilège de fréquenter depuis quelques années. Je suis fou de cette femme, dont la poésie, la folie, l’humour et la fragilité me fascinent. Sur le tournage, Fanny n’entretenait pas toujours des rapports pacifiés avec son personnage : elle redoutait la gratuité de sa méchanceté et il m’a fallu sans cesse lui rappeler à quel point la dureté apparente de Marianne prend sa source dans la peur de sombrer, de mourir. Ce que Marianne reproche à Victor et à son refus de l’avenir, c’est de la faire crever à petit feu. La perfidie dont elle fait preuve au début du film est une révolte, un cri de survie. L’avantage du regard inquiet que Fanny posait sur Marianne au début, c’est qu’elle a redoublé d’émotion et de talent pour qu’on l’aime à la fin ! »
Et enfin Doria Tillier : « Il ne fait aucun doute qu’elle m’a copieusement inspiré son propre personnage ! Il eut été ingrat de le confier à une autre ! Contrairement à 'M. et Mme Adelman', qui présentait Sarah sous un jour très cérébral, très littéraire, j’ai cette fois-ci mis l’accent sur la sensualité de Doria. Margot est bien plus impulsive, plus animale. Nos rapports ont été très apaisés sur le plateau. On apprend à se connaître ! Doria s’abandonne complètement car elle sait que nous partageons le même goût, qu’elle ne regrettera pas le résultat. »
J'AI PERDU MON CORPS de Jérémy Clapin
Ce film fait l’objet de l’avertissement suivant : « Quelques scènes sont susceptibles
d’impressionner un très jeune public »
À Paris, Naoufel tombe amoureux de Gabrielle. Un peu plus loin dans la ville, une main coupée s’échappe d’un labo, bien décidée à retrouver son corps. S’engage alors une cavale vertigineuse à travers la ville, semée d’embûches et des souvenirs de sa vie jusqu’au terrible accident. Naoufel, la main, Gabrielle, tous trois retrouveront, d’une façon poétique et inattendue, le fil de leur histoire...
- Prix de la Critique et Prix du Public au COLCOA Film Festival 2019
- Cristal du long métrage et Prix du public au Festival du Film d’animation d’Annecy 2019
- Grand Prix Nespresso à la Semaine Internationale de la Critique à Cannes
Le producteur Marc du Pontavice revient sur la genèse du projet : « 'J’ai perdu mon corps' est né de ma lecture du roman de Guillaume Laurant, 'Happy Hand'. D’abord interloqué par la capacité du texte à incarner ce membre esseulé, puis fasciné par cette conscience en quelque sorte séparée, je me suis senti enfin très ému par son désir de complétude. J’ai tout de suite pensé qu’il y avait là un véritable défi que seul l’animation pouvait emporter. Comme si le terme même 'animer' (donner une âme) pouvait ainsi s’accomplir dans cette entreprise. Caractériser un personnage qui n’a ni yeux, ni bouche, ni visage, à qui il ne reste finalement que cinq doigts, et produire chez le spectateur une empathie à son égard, me paraissait toucher au comble de mon métier. Pour autant, l’enjeu dépassait aussi le défi artistique. Car je pressentais dans cette histoire une puissance métaphorique qui pouvait emmener le spectateur bien au-delà du spectacle, à l’intérieur de lui-même. Dans cette expérience de la séparation, je voyais bien qu’il s’agissait moins d’altérité que de notre rapport à la mémoire, à notre mémoire intime, et plus singulièrement à celle qui nous vient de l’enfance. En inversant le point de vue, le texte dotait cette mémoire d’un pouvoir autonome, tout à la fois destructeur et libérateur. C’est à ces questions vertigineuses que Jérémy Clapin a apporté à sa manière des réponses non moins singulières. Son univers décalé, poétique, tel que je l’ai découvert dans ses courts-métrages, et particulièrement 'Skhizen', offre évidemment une clé pour comprendre son engouement pour ce livre. Nous avons longuement et passionnément débattu du processus artistique et technique qui rendrait justice à ce récit. Et j’ai aimé l’idée proposée que l’imaginaire soit traité comme une irruption dans le réel. Pour que la main emporte sa charge poétique, il fallait que le monde (dans lequel elle fait irruption) soit habité par le réel. Ce qui est un paradoxe pour un film d’animation. Jérémy a donc eu cette idée de simuler le réel par l’usage d’une grammaire filmique très proche de la prise de vue réelle, mais aussi et surtout en choisissant d’animer les personnages en images de synthèse (comme les décors), lesquelles seraient ensuite habillées par le dessin traditionnel. Ce processus inhabituel en long-métrage qui efface les frontières entre animation et prises de vues crée un trouble visuel à la fois magnétique et poétique. Et qui étonnamment nous fait très vite oublier que nous sommes dans un film d’animation. C’est aussi là qu’on reconnaît les grands artistes en animation, quand la direction artistique et technique l’emporte sur la seule performance de l’animation ou l’exploit pictural. Et permet de produire un film très accompli sans être asservi aux contraintes du spectacle. Il faut aussi souligner ici deux caractéristiques qui emmènent ce film ailleurs. La première a trait à la représentation de l’intime et du trivial. Cette représentation est presque inédite dans l’histoire de l’animation occidentale. Celle-ci s’est jusqu’ici emparée surtout du merveilleux, du fantastique ou plus récemment du politique. Seuls les japonais ont osé très tôt animer le réel, le quotidien, l’intime. Takahata a presque théorisé cette singularité. C’est l’une des grandes audaces de Jérémy dont le récit et la mise en scène s’attardent ainsi sur d’infimes détails qui ancrent ses personnages beaucoup plus profondément dans notre imaginaire. L’autre caractéristique également absente de l’animation occidentale, c’est la déconstruction du récit. En multipliant les temporalités, Jérémy tisse son récit d’une manière qui est à la fois sensorielle et impressionniste. Il faut dire que le processus même de fabrication de l’animation privilégie le récit linéaire. Dans la mesure où, pour des raisons économiques, on ne fabrique quasiment que des plans utiles, le montage en animation se fait en amont et le récit filmique se trouve alors inéluctablement proche de la trame scénaristique. En prises de vues réelles, on dispose à l’inverse d’un champ immense des possibles qui permet parfois d’arracher le récit à sa linéarité. Dans le cas de notre film, nous avons bénéficié de circonstances exceptionnelles : d’une part le scénario lui-même avait affirmé sa singularité en empruntant résolument la voie d’une multi-temporalité (ce qui en a surpris plus d’un), mais aussi et surtout la longueur très inhabituelle du temps de la pré-production (presque trois ans) a permis à Jérémy et son monteur de tenter de multiples possibilités, de faire un vrai travail de recherches qui, au final, a permis de tisser le récit d’une manière très inhabituelle et qui engage très fortement le spectateur dans l’expérience. »
Jérémy Clapin explique comment il a choisi adapté le roman et les changements qu’il a souhaité apporté : « Écrire à quatre mains était une première pour moi, et un exercice d’autant plus délicat que d’habitude j’intègre assez tôt la création du storyboard dans le processus de développement de l’histoire. Je passe sans cesse du dessin au script et du script au dessin, et de ce fait, inclure un autre scénariste dans cette méthode de travail est assez difficile. Dans un premier temps, nous avons travaillé ensemble, Guillaume et moi, et je pense que j’ai fait fausse route en respectant un peu trop le récit du roman au détriment du projet d’animation. J’ai donc retravaillé seul autour du dispositif et de l’idée maîtresse du film. L’enjeu, pour moi, c’était la gestion du point de vue de la main, qui était l’élément inédit le plus fort et le plus intéressant à mettre en scène. Tout le récit et les personnages devaient s’articuler autour de cela. Je suis reparti du pitch – une main part à la recherche de son corps – et j’ai tout repensé et réinventé. Au final, le récit du film est devenu très différent de celui du roman et je remercie Guillaume de m’avoir laissé autant de liberté. »
Le réalisateur revient sur l’univers sans mot de la main : « Dans le livre, la main est la narratrice de sa propre histoire. Elle prend la parole. Quand j’ai réfléchi à l’adaptation, je me suis demandé si c’était à garder ou pas, mais dans les premières versions du script, nous avons quand même inclus une voix off. Petit à petit, il est devenu clair que c’était une faiblesse car la main ne pouvait pas être à la fois la narratrice du récit, et se trouver au cœur de l’action à l’image, dans les péripéties qu’elle vivait. Comme cela nuisait au film, nous avons éliminé tous les dialogues de la main, puis renforcé ce monde sans mot. Nous aboutissons à deux récits : celui de cette main – que nous avons surnommée Rosalie – qui s’échappe du réfrigérateur pour tenter de retrouver son corps et qui se souvient de sa vie passée lorsqu’ils étaient encore liés, et celui de Naoufel qui veut se rapprocher de Gabrielle. Mêler ces deux trames narratives en une seule histoire m’a permis d’utiliser l’approche sensorielle pour bondir dans les flashbacks. J’ai tenté d’imaginer comment une main pouvait se rappeler de sa vie. Je me suis demandé quels étaient ses fragments de souvenirs. J’ai voulu que les cadrages soient toujours à la hauteur d’une main, que les visages soient souvent morcelés pour suggérer qu’elle ne voit pas le monde de la même manière. Tout est relié à des anecdotes et des sensations tactiles. Je crois que c’est tout cela qui apporte de l’originalité et de la force à ces séquences. »
C’est Dan Levy qui a composé la musique originale. Le réalisateur revient sur cette collaboration : « J’avais envie de musique électronique pour ce film et c’est mon assistant réalisateur Matthieu Garcia qui m’a parlé du travail que Dan Levy avait fait pour le cinéma. Je connaissais Dan par le biais des albums du groupe The Dø, qu’il a créé avec Olivia Merilhati. Au fil de nos discussions, Dan m’a confié qu’il n’avait pas eu que des bonnes expériences dans le domaine de la musique de films, et qu’il s’était senti parfois dépossédé de ses créations. Il avait quasiment renoncé à composer pour le cinéma, mais comme il aimait beaucoup le projet, il m’a dit 'OK, je vais travailler pendant une semaine sur des propositions en regardant ton film en boucle'. Il a préféré explorer ce que pourrait être l’univers musical entier du film plutôt que de tenter de coller à des scènes précises. Au début, j’avais sélectionné deux séquences qui ont été envoyées aussi à un autre compositeur, mais Dan m’a vite appelé pour me dire qu’il ne procéderait pas comme cela, et qu’il préférait composer plus de musique pour ce test, pour me présenter une proposition beaucoup plus ample. J’ai trouvé cette approche picturale très intéressante, et une semaine plus tard, il m’a livré dix morceaux qui m’ont convaincu. Et c’est bien le ressenti émotionnel global qui transparaît dans la musique, plutôt que l’accompagnement précis des péripéties d’une scène, comme on a tendance à le faire traditionnellement dans l’animation… Effectivement. Dan est un véritable artiste et je l’ai accueilli et accepté comme un auteur. J’ai ouvert la porte du film pour que nous puissions la franchir tous les deux. Il a exalté la dimension romantique du récit, et donné de l’ampleur à toutes les émotions du film. Je dois dire que le projet a fédéré beaucoup d’énergies positives dans les autres départements aussi, et que tout le monde est allé au-delà de ce que je demandais : les décorateurs, les animateurs, toute l’équipe. Ils ont pris plaisir à s’investir dans le projet, et ce plaisir a démultiplié la qualité du film. Au-delà des rencontres artistiques et humaines incroyables que j’ai faites au contact des équipes, leur forte implication a été un formidable soutien pour moi tout au long du projet. »
** BONUS **
UNE COLONIE de Geneviève Dulude-De Celles
Avec Émilie Bierre, Irlande Côté et Jacob Whiteduck-Lavoie
Mylia, une enfant timide et farouche de 12 ans, s’apprête à quitter sa campagne natale pour la grande école. À la recherche de repères dans ce milieu qui lui semble hostile, elle apprendra à mieux se connaître à travers la rencontre de Jimmy, un jeune autochtone marginal de la réserve voisine. Mylia avancera comme elle peut, parfois maladroitement, en se frottant à l’absurdité de l’adolescence, à ses malaises et à ses petites victoires.
- Ours d'Argent du Meilleur Film au Festival de Berlin Sélection Generation KPlus
- Meilleur film + Meilleure actrice pour Émilie Bierre au Canadian Screen Awards
La réalisatrice revient sur la genèse du projet : « D’abord, Une colonie est la suite logique de mes deux précédents films. J’avais envie d’écrire une histoire autour d’une jeune fille, approfondir la thématique de la transition entre le monde de l’enfance et l’âge adolescent. En ayant passé plus de deux ans au sein d’une école secondaire et été en contact avec plusieurs jeunes qui se sont confiés à moi, j’avais de la matière pour nourrir l’écriture d’'Une colonie'. Ensuite, il y a certainement mon expérience à moi. J’ai été marquée par cette époque. J’avais envie de la revisiter, peut-être pour faire la paix avec la préadolescente que j’ai été, à la recherche de repères dans un milieu qui lui semblait étranger. Oui il y a déjà beaucoup de films faits sur le sujet, mais il me semblait que l’image de l’adolescence qu’on en faisait m’apparaissait romancée. En m’approchant d’un mode documentaire, j’avais envie de faire un film à la hauteur de mon expérience et de celles des jeunes que j’ai rencontrés, sans fard ni censure, un portrait qui puisse être plus fidèle à cette réalité. »
Retour sur le choix du titre : « J’aime le sens polyphonique du mot qui à mon avis représente bien les deux niveaux de lecture du film : il y a cette réflexion sous-entendue qui rejoint tout à la fois l’idée du collectif, c’est-à-dire une 'colonie' comme un groupe de personnes vivant dans une communauté et le clin d’oeil à l’aspect historique et territorial, évoqué à travers le cours d’histoire et la relation de Mylia et Jimmy. »
La distribution compte majoritairement des jeunes, la cinéaste explique son choix sur le casting : « J’avais le désir de travailler avec des jeunes de la région où se déroule le film, c’est-à-dire Sorel-Tracy et ses environs, d’où je suis originaire. Le travail de casting sauvage demande par contre beaucoup d’énergie : ça a été un très long processus qui s’est échelonné sur cinq mois. Nous avons reçu un nombre important de candidatures (plus de 600) et rencontré plus de 200 candidats. Bien sûr nous avons aussi fait le tour des agences. Au final, le film compte un bon équilibre de comédiens non professionnels et de comédiens d’expérience. Émilie Bierre (Mylia) avait par exemple déjà plusieurs années d’expérience de jeu. Même si elle ne cadrait pas tout à fait avec l’image que je me faisais de Mylia au départ, car je la voyais plus jeune, nous avons eu un coup de coeur pour Émilie qui nous a fait pleurer en audition. Même chose pour Irlande qui joue sa petite soeur; dès notre première rencontre, nous avons tout de suite su que c’était notre Camille. Nous avons répété pendant deux mois, ce qui pour moi est très important : c’est réellement là que je crée les scènes, en faisant du travail d’improvisation, des exercices de jeu pour construire une complicité entre les acteurs et développer une relation de confiance avec moi. Je vois cette période comme un laboratoire. Je me sens chanceuse d’avoir eu ce temps avec les acteurs, car ce n’est habituellement pas le cas sur de nombreuses productions cinématographiques. Pour les non professionnels qui en étaient à leur première expérience de jeu, nous avons fait du coaching d’acteur. Comme nous avions sélectionné des jeunes qui avaient des profils similaires à leurs personnages, j’ai adapté parfois le dialogue en fonction de ce qu’ils avaient à offrir. C’était mon attache à la réalité, ça me permettait d’actualiser le scénario pour le mettre plus en phase avec l’actualité. »