Émission du mercredi 22 janvier 2020
Le Pitch - Cinéma- Émissions culturelles
- 2 min 8 s
- tous publics
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ADORATION de Fabrice Du Welz
Avec Thomas Gioria, Fantine Harduin et Benoît Poelvoorde
Paul, un jeune garçon solitaire, rencontre Gloria, la nouvelle patiente de la clinique psychiatrique où travaille sa mère. Tombé amoureux fou de cette adolescente trouble et solaire, Paul va s’enfuir avec elle, loin du monde des adultes...
« Adoration » est le 3e film qui clôt la « Trilogie des Ardennes » après « Calvaire » et « Alléluia » centrée sur le thème de l’amour fou, de l’amour monstre et qui dissèque différentes formes de pathologie.
Le réalisateur définit son film comme un conte cruel : « Ça raconte l’histoire d’un gamin un peu simple, un idiot, au sens dostoïevskien. Il est naïf et vit en harmonie avec les éléments, seul à l’écart du monde. Sa maman travaille dans une clinique privée où l’on soigne des gens mentalement malades. Ce gamin cherche de l’affection même s’il vit avec sa maman, qui est quelqu’un de particulier. Un jour, débarque une adolescente. Visiblement troublée et troublante, dont il va tomber fou amoureux. Il va tomber amoureux d’elle jusqu’à s’oublier lui-même. C’est un amour total, un amour absolu. »
Le cinéaste revient sur l’idée de départ du film : « Réaliser un film très épuré. Une sorte de prière, de poème, de rite initiatique. En choisissant des adolescents, on a un regard qui n’est plus tout à fait celui d’un enfant mais pas non plus celui d’un adulte. Tomber amoureux à quatorze ans, c’est dévastateur. C’est un sentiment tellement fort, puissant, destructeur mais aussi constructeur et bouleversant. Ce gamin va au bout de cet amour total, il le vit comme un acte de foi. Je voulais éviter la mignonnerie, le côté moralisateur et plein de bons sentiments. J’avais envie d’un film qui soit à l’aune de la passion, du chamboulement de ce gamin. C’est comme Paul sur le chemin de Damas qui est envahi par l’Esprit Saint. Je pense que j’ai voulu me mettre en danger avec ce film. Je sais que ça fait cliché mais j’ai voulu sortir de ma zone de confort. Je veux aller autre part et autrement. Être déstabilisé. Aller au plus profond de moi-même. J’ai des barrières comme tout le monde, ne fusse que par mon éducation, mais je veux les détruire et aller à l’intime. 'Adoration' me permet d’aller vers l’intime. En tout cas, c’est la direction que ça prend. Je voulais me faire danser sur un volcan. C’est tout ce que je cherche comme cinéaste. »
Le réalisateur se remémore le casting pour trouver le « jeune couple » : « J’ai d’abord rencontré Fantine la veille de son départ à Cannes pour 'Happy End' ; donc ça remonte à mai 2017. Finalement, nous avons tourné à l’été 2018, Fantine a grandi et a encore accumulé de l’expérience et de la maturité. Pour le personnage de Paul, j’ai vraiment cherché partout. J’ai vu quelque chose comme trois cents gamins. Lorsque j’ai rencontré Thomas, j’ai su immédiatement que c’était lui, Paul. Un coup de foudre. En fait, Eric Lavallée, d’Ioncinéma, m’envoie un message en me suggérant de voir 'Jusqu’à la garde'. Je rencontre ensuite Thomas – j’avais au préalable envoyé le scénario à sa maman – et lorsque je lui demande comment il se sent par rapport à son personnage, il me répond simplement : 'Je vais écouter'. Il avait compris qu’il devait se mettre en disponibilité et à l’écoute. Et Thomas, c’est une pureté de l’instant. Il ne sait pas tricher. Quand une situation lui résistait, c’est que la scène était mal écrite. Chaque fois que ça ne fonctionnait pas, c’était uniquement parce que la scène n’était pas bien écrite. Fantine a, de fait, plus d’expérience. Malgré son jeune âge, elle est déjà une actrice, elle se gère elle-même, elle est plus réservée et elle a acquis – probablement avec Haneke – une technique assez impressionnante. Au fur et à mesure du tournage, Fantine s'est abandonnée à ma vision et nous nous sommes de plus en plus amusés. »
Quant à Benoît Poelvoorde – il joue un rôle très émouvant. « J’étais super heureux de faire ce film avec Benoît, j’en avais envie depuis des années. Il m’a fait confiance. Je pense qu’il a trouvé plus hyperkinétique que lui sur un plateau et que ça l’a déstabilisé. Je le poussais à jouer très bas, en lui mettant une pression physique très forte. Il est vraiment incroyable et très puissant. »
On retrouve aussi le fidèle Laurent Lucas, qui était déjà de l’aventure de « Calvaire » en 2004 et « Alléluia » dix ans plus tard. « Le mystère de Laurent me trouble. Je trouve que c’est un comédien qui a une duplicité, une errance, quelque chose de complètement mystérieux. Je ne comprends pas qu’un acteur de cette trempe ne tourne pas plus. Il est plein d’aspérités, il est trouble, magnétique, beau et laid, inquiétant », note le réalisateur.
SCANDALE de Jay Roach
Avec Nicole Kidman, Charlize Theron et Margot Robbie
Inspiré de faits réels, Scandale nous plonge dans les coulisses d’une chaîne de télévision aussi puissante que controversée. Des premières étincelles à l’explosion médiatique, découvrez comment des femmes journalistes ont réussi à briser la loi du silence pour dénoncer l’inacceptable.
Inspiré d’un scandale, c’est Gretchen Carlson, l’ancienne co-animatrice de l’influente émission matinale Fox & Friends, qui a mis le feu aux poudres à l’été 2016. Lorsque la jeune femme, récemment congédiée, a attaqué en justice Roger Ailes, le fondateur de Fox News, pour harcèlement sexuel, tout le monde s’attendait à ce qu’elle soit broyée. Après tout, Ailes était le maître incontesté de l’univers des médias, un homme puissant, intouchable, prêt à utiliser son influence, son réseau et ses vastes ressources pour écraser ses ennemis. Pourtant, bien loin de cette défaite annoncée, les événements qui suivront vont trouver un écho surpuissant partout dans le monde. En 16 jours de folie, Roger Ailes a connu l’une des chutes les plus vertigineuses de l’Histoire. C’est la signification profonde de ces événements qui intéressait le plus les trois producteurs de « Scandale » : Jay Roach (aussi réalisateur du film), Charles Randolph (aussi scénariste du film) et Charlize Theron (aussi actrice et qui interprète Megyn Kelly).
Dès qu’elle a lu le scénario de Charles Randolph, Charlize Theron a voulu produire « Scandale ». L’actrice et productrice précise : « Il m’a semblé avant tout important de revenir à l’histoire de ces femmes qui ont catapulté le monde dans ce mouvement qui ne cesse de grandir. C’était l’un des tout premiers procès pour harcèlement sexuel dans le cadre professionnel, et cela plus d’un an avant que n’éclate l’affaire Harvey Weinstein. Ça a donc vraiment été un événement précurseur. Et Charles avait donné vie à tout cela sous la forme d’une histoire qui permet de se mettre en colère et d’être bouleversé, mais qui vous laisse aussi rire de ce qu’il y a d’absurde dans tout ça. J’y ai vu une histoire humaine très complexe et remarquablement complète. »
Megyn Kelly est une figure clé, la personne qui peut le mieux attirer l’attention du public, même si se retrouver sous les feux des projecteurs médiatiques risque de la détruire. Pour l’interpréter, Charlize Theron s’appuie sur sa remarquable faculté à se fondre dans ses personnages. Jay Roach a été impressionné par l’investissement de Charlize Theron, qui a non seulement adopté les robes stretch aux couleurs acidulées de Megyn Kelly, mais aussi sa voix au timbre profond et sa présence physique. Il note : « Charlize s’est consacrée à 110 % à se connecter avec Megyn. Elle a renoncé à de très nombreuses heures de sommeil pour arriver sur le plateau de tournage tôt le matin et endurer l’application d’un maquillage spécial sophistiqué tous les jours. Au début, je lui ai dit qu’elle n’avait pas réellement besoin de faire quoi que ce soit, qu’elle pouvait évoquer Megyn uniquement par son jeu d’actrice. Mais elle m’a répondu qu’elle avait besoin de se voir dans le miroir et de ne pas se reconnaître. Elle avait besoin que cette voix autre que la sienne sorte du visage de Megyn Kelly. Charlize a une maîtrise de son art incroyable, mais quand elle joue, elle ne réfléchit pas à la technique de la comédie ni aux ficelles du métier. Elle trouve le rôle en cherchant la vérité. »
Nicole Kidman, interprète le rôle de Gretchen Carlson. Charles Randolph commente : « Nicole livre une interprétation fascinante de Gretchen, enracinée dans son besoin viscéral d’être reconnue et admirée en tant que lauréate de concours de beauté, et en même temps dans sa confiance en elle typique du Midwest. Son personnage est constamment dans l’autodétermination : elle est convaincue qu’il faut s’en sortir seule, à la force du poignet. » Sur le plateau, Nicole Kidman a été une source d’inspiration. « Elle n’a jamais joué deux prises de la même façon. Elle tente constamment de nouvelles choses et tout ce qu’elle essaie sonne juste et authentique » se souvient Jay Roach.
Le scénario a été comme un aimant pour l’actrice. « Ce qui m’a intéressée, explique-t-elle, c’est que le script saisit un moment de l’Histoire qui a été le catalyseur d’un changement. Le récit a une force colossale et il est ancré dans un point de vue féminin. Le fait qu’il soit divertissant tout en étant percutant m’attirait énormément. »
Le scénariste Charles Randolph a créé le personnage fictif de Kayla Pospisil en s’inspirant des expériences rapportées par un certain nombre de femmes et c’est Margot Robbie qui l’interprète. Jay Roach note son approche : « Margot est très analytique et elle s’est préparée en posant beaucoup de questions. Lors de notre première rencontre, elle avait codé chaque scène par couleur et annoté toutes les répliques. Ses questions étaient si judicieuses que Charles et moi les avons utilisées pour explorer davantage le personnage. »
Pour incarner Roger Ailes, un homme capable de colères redoutables qui possédait aussi un charme très personnel, il fallait un acteur d’une dextérité inhabituelle. Le personnage était particulièrement riche en contrastes. Ailes était un homme aimé pour sa générosité, mais il avait aussi fait installer des caméras en circuit fermé pour espionner ses employés. Il était connu pour donner leur chance à de jeunes talents, mais aussi pour contrôler la longueur de leurs jupes. Certains l’admiraient pour être un brillant stratège, et d’autres lui reprochaient d’avoir transformé les actualités télévisées en tribunes partisanes au service de ses propres convictions. En dépit de son impressionnante filmographie, John Lithgow confie : « C’est le meilleur ensemble d’acteurs et d’actrices avec lequel j’aie jamais travaillé. On vit des moments merveilleux en tant qu’acteur quand on a le sentiment de prendre part à quelque chose d’important, d’aider à faire bouger les choses, tout en faisant le bonheur des gens. »
Pour Jay Roach, John Lithgow a été une révélation dans ce rôle. « Il aurait pu jouer Roger Ailes comme un homme tapageur, un prédateur sexuel, un narcissique odieux et enragé. Mais nos recherches ont montré que les gens aimaient Roger Ailes. Pas seulement des gens de droite ; des gens de gauche aussi m’ont parlé de sa générosité, de sa chaleur et de l’humour dont il pouvait faire preuve. Et ce que John a réussi à faire, c’est révéler son côté le plus sombre, tout en gardant une part de charme. John est capable de ça. Il peut être désarmant tout en s’aventurant dans les ténèbres. »
Quand Charles Randolph a commencé à rédiger le scénario, il ne pouvait pas savoir qu’un changement culturel d’une pareille ampleur se profilait à l’horizon. Et pourtant, il confie qu’il sentait de plus en plus quelque chose se préparer. Il n’arrêtait pas d’entendre des amies parler de la pression sexuelle systématique et même des agressions qu’elles subissaient au travail, y compris dans le secteur de l’information. Puis, en 2016, il a appris comment Roger Ailes, un véritable faiseur de stars, était tombé en disgrâce et avait été conduit à démissionner de la chaîne qu’il avait contribué à créer. « J’ai senti que cette histoire était destinée non seulement aux femmes mais aussi aux hommes. Je voulais amener le public masculin au coeur de l’expérience subjective du harcèlement, lui faire éprouver de l’intérieur ce que cela signifie et comment on se sent quand on y est confronté. Voilà ce que je désirais vraiment faire avec ce film. Les femmes reconnaîtront ces expériences parce qu’elles ont pu les vivre, mais les hommes pourront découvrir quelque chose dont ils n’avaient pas forcément pleinement conscience. »
** BONUS **
K CONTRAIRE de Sarah Marx
Avec Sandor Funtek, Sandrine Bonnaire et Alexis Manenti
Quand Ulysse, 25 ans sort de prison, il doit gérer sa réinsertion et la prise en charge de sa mère malade. Sans aide sociale, il lui faut gagner de l’argent et vite. Avec son ami David, ils mettent en place un plan. Mais rien ne se passe comme prévu.
Le film met l’accent sur la spirale du déclassement puisqu’à sa sortie de prison, Ulysse doit faire face à l’urgence de sa situation économique et celle de sa mère malade. La situation d’Ulysse et de Gabrielle résonne justement avec celles de beaucoup de Français. Ces dernières décennies, la paupérisation des classes moyennes s’est ainsi accélérée. L’angoisse des fins de mois, la précarisation du travail, la montée du chômage, la crise économique et la politique d’austérité, l’accès de plus en plus difficiles aux aides sociales minent le quotidien d’une part considérable de la population.
En 2017, près d’un adulte de 18 à 75 ans sur dix a déclaré avoir vécu un épisode dépressif caractérisé (EDC). Ce trouble touche deux fois plus les femmes que les hommes, les plus exposées étant également ceux aux revenus plus modestes. Dans « K contraire », la réalisatrice Sarah Marx montre, tout en finesse, les troubles de Gabrielle, ses passages du rire aux larmes, ses accès colériques. Elle souligne également la charge, tant émotionnelle qu’économique, qui pèse sur l’entourage. Car pour les aidants, qui soutiennent un parent ou un enfant en situation de dépendance (maladie, handicap, âge), c’est une double peine. Chaque jour, comme Ulysse malgré lui, ce sont 11 millions de français qui accompagnent un proche pour les soins, les démarches administratives, les petits actes du quotidien. 300 000 enfants et adolescents de moins de 25 ans seraient concernés. Rôles inversés, vies bouleversées : face au manque de reconnaissance du statut d’aidant, la fatigue et les pressions peuvent parfois devenir trop fortes.
Le personnage principal de « K contraire » est joué par un certain Sandor Funtek, qui s'était déjà illustré dans deux films traitant de la délinquance : « Dheepan » et « Les Derniers Parisiens ». À noter que le comédien a été choisi pour se glisser dans la peau de Kool Shen dans « Suprêmes ».
Qui est réalisatrice ? À 15 ans, Sarah Marx prend une caméra et interviewe ses proches pour raconter la vie de sa grand-mère qui vient de mourir. Elle enchaine alors les stages en agence de presse et réalise des vidéos pop–culture. Sur des plateaux de fiction, elle approche ensuite toutes les étapes de la mise en image. Pendant dix-huit mois aux USA, elle suit des artistes (Eminem pour shady 45, Wycleef…), réalise des reportages sur des gens de la rue avec le souci d’être au plus proche de leurs réalités. De retour en France, elle réalise des clips de rap et parallèlement, écrit et réalise un court métrage, « Fatum », dont, déjà, le héros tente de se réinsérer. Ce questionnement sur l’inégalité des chances, l’enfermement et l’échec de la réinsertion conduit Sarah Marx à la prison de Nanterre où elle réalise un documentaire en immersion. Elle y filme pendant huit mois des hommes aux parcours chaotiques. Avec une cellule familiale fragile, ils ne sont pas nés loups, ils le sont devenus par manque d’horizon. Le cinéma doit leur redonner une dignité que la société leur refuse. « K contraire » se situe dans la continuité de ce travail. Plus qu’un film, c’est un engagement.