Dimanche 14 juillet, après la démonstration de Tadej Pogacar, Jonas Vingegaard était encore loin de s'avouer vaincu. "Je pense que la victoire est toujours possible. Je ne vais pas me rendre sans me battre. J'ai gagné le Tour de France à deux reprises et je ne vais pas me contenter de la deuxième place", disait-il, pourtant largement battu par le Slovène.
Il lui restait deux étapes de haute montagne pour renverser la vapeur et on pouvait imaginer que le tenant du titre jetterait toutes ses forces dans la bataille. Mais le Danois et son équipe, Visma-Lease a bike, ont finalement opté pour une autre tactique, clairement aperçue à l'occasion dans la montée vers Isola 2000 lors de la 19e étape, vendredi 19 juillet, conscient qu'il leur serait trop difficile de battre un Tadej Pogacar toujours plus impitoyable avec la concurrence. Voici pourquoi.
Parce que l'équipe a choisi de viser l'étape plutôt que de tout miser sur lui
Pour la première fois sur cette édition, la formation de Jonas Vingegaard avait décidé d'envoyer dans l'échappée les deux meilleurs lieutenants du Danois : Matteo Jorgenson (14e au général) et Wilco Kelderman (25e).
Une tactique surprenante qui a fragilisé leur leader, isolé dans le groupe des favoris, et qui pouvait signifier deux stratégies : soit placer ces deux hommes en rampe de lancement pour Jonas Vingegaard, soit viser la victoire d'étape. Dans le premier scénario, le Danois aurait attaqué, puis lâché Tadej Pogacar, avant de retomber sur ses équipiers plus haut, qui l'auraient alors tracté un moment pour creuser l'écart.
Mais c'est bien le deuxième qui a finalement été choisi : à 13,5 km de l'arrivée, informé que son leader ne serait pas en mesure de le rejoindre, Jorgenson a attaqué dans le groupe d'échappés. "A la base, on voulait aller dans l'échappée pour Jonas, mais nous avons eu le signal pour aller gagner l'étape", a dévoilé l'Américain.
Le signe que la formation néerlandaise, qui n'a gagné qu'une fois sur cette édition, a préféré laisser Jonas Vingegaard, "pas dans une bonne journée", se débrouiller afin d'aller cueillir un deuxième bouquet. Raté, l'Américain s'est fait avaler sans même un regard par Tadej Pogacar dans les dernières pentes.
"Quand j'ai vu qu'ils roulaient vite devant, je me suis dit qu'ils jouaient l'étape, finalement. Je suis super content, c'est une marge conséquente. Demain, je pourrai juste profiter et laisser filer l'échappée", a racontéle maillot jaune.
Parce que Vingegaard a préféré se concentrer sur Evenepoel que sur Pogacar
Derrière l'échappée, Tadej Pogacar est passé à l'attaque à 8,7 km de l'arrivée. Depuis le début du Tour, Jonas Vingegaard avait toujours tenté d'accrocher le Slovène lors de ses démarrages, quitte à le faire en plusieurs temps. Cette fois, il n'a même pas essayé. Le Danois s'est calé dans la roue de Remco Evenepoel, son principal (et seul) adversaire pour la deuxième place.
Visiblement fatigué, en régression sur cette fin de Tour, le double tenant du titre s'est rendu à l'évidence : il ne peut pas gagner, et a donc adopté une position défensive pour conserver sa place de dauphin. "J'ai dû changer d'état d'esprit : plutôt qu'attaquer, essayer de suivre", a avoué le Danois ensuite.
De quoi agacer le Belge, puisque le Danois ne l'a pas relayé, se contentant de contenir ses attaques. Arrivé avec 1'42'' de retard sur le maillot jaune, le duo n'a jamais pu lutter. "C'est terminé pour la première place, mais pas pour la deuxième et la troisième", a-t-il estimé.
Ereinté à l'arrivée, prostré de longues minutes sur son vélo pour récupérer, Jonas Vingegaard semblait déjà content d'être là, trois mois et demi après sa terrible chute. "Si vous m'aviez dit que je serais sur le podium, j'aurais été très content", a-t-il assuré. Vingegaard est un peu plus fort que Remco Evenepoel, mais beaucoup moins que Tadej Pogacar, qui file vers un troisième sacre sur la Grande Boucle. Un de plus que lui.