La voix tremblotante, puis quelques sanglots. Pour Thibaut Pinot comme pour son manager Marc Madiot, l’émotion était à son comble, samedi 22 juillet, à l’arrivée au Markstein, pour la dernière étape de montagne du coureur franc-comtois sur le Tour de France. Une émotion teintée de fierté pour l’ensemble de son équipe, qui a vibré et a cru à la victoire du futur retraité, en tête pendant plusieurs kilomètres.
Une nuée de journalistes habituellement réservée à l’équipe victorieuse se trouvait autour du bus de la Groupama-FDJ, samedi soir. L’attroupement donnait l'impression que Thibaut Pinot s’était imposé au Markstein. Il n'a pas levé les bras en signe de victoire, mais il a été le héros de la journée. Au sein du collectif, l'ambiance était calme, mais remplie d'émotions après ce nouvel épisode de la carrière Pinot, loin de l'exubérance d'un succès.
"Quand on arrive au bout du chemin, on se rappelle qui est l’homme derrière le champion, et je souhaite à tous mes confrères de connaître des Thibaut Pinot, résume, en sanglots, Marc Madiot. C’est un drôle de mec, qui gagne à être connu. Ça n'a pas toujours été facile, je pense qu’il m’a offert quelques cheveux blancs, mais au bout du compte ce n’est pas le palmarès qui fait la différence. Le palmarès ce sont des lignes sur un bout de papier, Thibaut va laisser autre chose, des frissons, des trucs dont on croit qu’ils n’arriveront jamais, et qui arrivent avec lui".
Un virage acquis à sa cause
Le "virage Thibaut Pinot", situé à deux kilomètres du sommet du Petit Ballon, où s’étaient donné rendez-vous ses supporters ultras, a basculé dans la folie. L’idole, passée en tête, a fendu la foule sous des encouragements dont les pics de décibels devaient atteindre des hauteurs dignes du sommet du Tourmalet, où il a signé sa plus belle victoire sur le Tour, en 2019.
"C’était comme un stade en contrebas, on aurait dit qu’ils fêtaient un but, décrit Benoît Drujon, assistant à la Groupama-FDJ, qui a assuré des ravitaillements sur la 20e étape. Il y avait tellement de bruit qu’il n’a pas entendu les informations dans l’oreillette pour lui indiquer qu’il y avait des bidons disponibles, et il a tendu la main trop tard".
Passé quelques minutes plus tôt dans le virage, en voiture siglée du logo de l’équipe, Sébastien Joly a vécu "une dinguerie, comme disent les jeunes". "Je n’ai jamais vécu ça sur un vélo, je n’ai jamais vu un tel public sur une telle distance dans un col, même sur le Tour de France", ajoute Quentin Pacher, coéquipier de Thibaut Pinot. "Ils ont fait les choses en grand, on a pris beaucoup de plaisir", se réjouit Valentin Madouas, longtemps à l’avant avec le Franc-Comtois.
Un plaisir dont Warren Barguil, lui aussi dans l’échappée, n’a pas voulu priver le coureur de la Groupama-FDJ. "J’ai bien joué avec (Tom) Pidcock, à ne pas trop le relayer, pour éviter de rentrer sur Thibaut. Je ne voulais pas passer pour le mec qui ramène Pidcock et qu’il batte deux Français à l’arrivée", a justifié le coureur de l’équipe Arkéa-Samsic. Si le Breton n’a pas insisté dans la poursuite de son compatriote, l’équipe UAE Team-Emirates, qui visait la victoire d’étape, s’en est chargée, et Thibaut Pinot n’a pas pu suivre.
"Il me manquait un peu de jambes pour accrocher le groupe des meilleurs. Mais l’important pour moi était ailleurs, j’ai pris du plaisir, ce n’était que du bonheur, a réagi Thibaut Pinot à l’issue de l’étape, avant de fondre en larmes. Le cœur va se serrer sur le podium, surtout que, je suis à la maison. Je ne pensais pas que ça me ferait autant d’effet, je pensais que ce serait au Tour de Lombardie que j’aurai le cœur serré, mais j’ai l’impression que c’est une page de mon histoire qui se termine ce soir. C’est plus fort que ce que je pensais".
Elu plus combatif du jour, le coureur de la Groupama-FDJ pourrait monter sur le podium à Paris, dimanche, s’il est élu super combatif du Tour de France, et s'il réussit à redescendre du sommet au Markstein, où il a eu du mal à faire deux mètres sans être arrêté par le public.