Émission du mercredi 4 mars 2020
Le Pitch - Cinéma- Émissions culturelles
- 2 min
- tous publics
Du même programme
DE GAULLE de Gabriel Le Bomin
Avec Lambert Wilson, Isabelle Carré et Olivier Gourmet
Paris, juin 1940. Le couple de Gaulle est confronté à l’effondrement militaire et politique de la France. Charles de Gaulle rejoint Londres pour tenter de poursuivre la lutte tandis que sa femme, se retrouve avec ses trois enfants sur la route de l’exode. Elle cherche à échapper à l’avancée allemande. Le destin saura les réunir au lendemain du 18 juin 1940.
En 1940, De Gaulle est un homme de 50 ans dont la carrière militaire plafonne au grade de colonel. Ses théories ou ses écrits sur une guerre offensive face à l’Allemagne sont considérés avec condescendance voire mépris par l’ensemble de ses pairs, en dehors de Paul Reynaud qui devient président du Conseil au printemps 1940 et qui lui y est très attentif. C’est donc un homme qui ne parvient pas à faire aboutir ses idées et qui porte en plus la souffrance de la guerre de 14-18 durant laquelle il a été blessé et prisonnier plus de deux ans, donc peu glorieux à ses yeux. C’est à ce moment qu’il va tenter ce que lui-même décrit dans ses mémoires comme « le saut dans l’inconnu » : il choisit la clandestinité en quittant sa vie d’avant, laissant tout derrière lui et entraînant sa famille dans l’aventure, prenant tous les risques et assumant son bannissement (déchu de la nationalité, dégradé, condamné à mort par le gouvernement français). « C’est ce moment de choix, d’engagement et donc d’extrême solitude que nous avons trouvé très romanesque. Ce qu’il y a de fascinant dans ces quelques semaines c’est qu’elles vont déterminer toute sa vision politique future, notamment quand il conçoit la Constitution de la Vème République en donnant au président de la République un pouvoir direct sur les armées », analyse Gabriel Le Bomin.
De Gaulle est aussi l’histoire d’un couple. Yvonne et Charles de Gaulle. Ils avaient une relation forte, très construite et on le voit bien dans les lettres qu’ils s’échangent à cette époque ou dans ses « Mémoires de guerre », qu’il lui dédie « pour vous Yvonne, sans qui rien ne se serait fait ». « Yvonne est très présente dans les choix qu’il fait, notamment dans ces moments où il est fragile. C’est elle qui lui donne alors la force de continuer… En caricaturant, on pourrait voir Yvonne de Gaulle comme la coach d’un boxeur qui lui dirait : ‘n’oublie pas qui tu es’ ! », confie Gabriel Le Bomin.
Pour réaliser le film, Gabriel Le Bomin et son équipe sont partis des « Mémoires de guerre », des témoignages de Philippe de Gaulle et de ce que Charles et Yvonne s’étaient écrits, avec des lettres parfois très émouvantes basées sur des considérations très quotidiennes et personnelles. « Puis nous nous sommes en effet posés la question d’approcher la famille de Gaulle. Mais nous voulions conserver notre libre-arbitre d’auteurs avec un point de vue critique si nécessaire. Le film ne devait pas être une hagiographie ou se placer sur une tutelle quelconque, qu’elle soit familiale ou institutionnelle. Nous ne sommes donc pas allés voir la Fondation Charles de Gaulle ou la famille de Gaulle. Mais nous les avons informés dès le début en prenant contact avec les petits-enfants, Yves de Gaulle et Anne de La Roullière. Faire un film historique c’est emprunter un chemin de crête, un passage délicat, entre le vraisemblable, le réel, le juste. Il faut trouver et assumer l’espace de la fiction à l’intérieur de la rigueur historique. »
Malgré sa stature de figure historique, De Gaulle n'avait encore jamais eu droit à son biopic au cinéma. Seule la télévision a mis en scène le personnage. Selon Gabriel Le Bomin, il est très étrange que le cinéma français n'ait encore jamais sorti de film sur De Gaulle. « Les anglo-saxons eux ont sorti rien que l’année dernière deux films sur Churchill qui, lui, apparait dans 18 films et séries au total depuis les années 60. Je ne vous parle pas des américains qui ont maintes fois traité le sujet de leurs présidents et hauts dirigeants, de Lincoln à Obama en passant par JFK, Nixon, Bush et les autres… Ils ont la capacité à s’emparer de cette matière-là. Pas nous ! Alors devions-nous y aller ? Etait-ce de l’inconscience ? En avions-nous la légitimité ? Nous avons finalement décidé de ne pas trop nous poser ces questions et de suivre notre envie, à partir du moment où cette histoire nous touchait et nous intéressait, en espérant qu’elle toucherait et intéresserait donc aussi les spectateurs. C’est quand même un moment assez incroyable de notre Histoire que nous montrons. »
Pour Gabriel Le Bomin, Lambert Wilson en De Gaulle était une évidence. « Quand vous commencez à réfléchir aux acteurs qui peuvent incarner le personnage à cette époque-là, (un homme de 50 ans, grand, avec de l’allure, de l’autorité et de la présence), les choses vont assez vite ! Ajoutez-y la notoriété du comédien qui doit rassurer les investisseurs et la liste se raccourcit encore. Lambert a fait la différence d’autant qu’il a le goût de jouer des personnages romanesques et des figures de l’Histoire comme l’Abbé Pierre ou le Commandant Cousteau. C’est un acteur qui ne recherche pas forcément le naturalisme, il aime construire un rôle. Etant nourrit de cette tradition anglo-saxonne, il n’a pas peur de jouer avec son corps, avec les artifices. Lambert a beaucoup aimé chercher ‘l’incarnation’ et collaborer avec les prothésistes et les maquilleurs durant les longues heures quotidiennes de sa transformation. »
Yvonne De Gaulle est un personnage dont les traces historiques sont plus diffuses. Ce sont souvent des images qui datent des années 60. Or, à l’époque du film, « c’est une femme qui a 40 ans, assez belle, assez féminine. Elle est caustique, piquante : on imagine bien les joutes avec Charles ! La caricature de Tante Yvonne assise docilement et silencieusement au coin du feu à l’Elysée est une fixation médiatique qui ne correspond pas à la réalité. À la mort de Charles, Yvonne a fait en sorte que peu de choses restent du personnage privé : seule l’oeuvre de l’homme d’Etat devait lui survivre. Yvonne s’est ensuite retirée dans une institution religieuse du 7e arrondissement de Paris où elle a vécu dans une minuscule cellule jusqu’à sa mort en 1979. Pour ce personnage, nous étions plus libres. La sensibilité et le talent d’Isabelle Carré nous ont déterminé à lui proposer le rôle », confie Gabriel Le Bomin.
MONOS de Alejandro Landes
Avec Julianne Nicholson, Moises Arias et Julián Giraldo
Ce film est interdit en salles aux moins de 12 ans
Dans ce qui ressemble à un camp de vacances isolé au sommet des montagnes colombiennes, des adolescents, tous armés, sont en réalité chargés de veiller à ce que Doctora, une otage américaine, reste en vie. Mais quand ils tuent accidentellement la vache prêtée par les paysans du coin, et que l'armée régulière se rapproche, l'heure n'est plus au jeu mais à la fuite dans la jungle...
Le réalisateur revient sur la genèse du projet : « La Colombie a été en proie à une guerre civile pendant soixante ans - une guerre déployée sur plusieurs fronts (les militaires, paramilitaires, narcotrafiquants, guérillas) qui a fini par atteindre un seuil critique. La paix se profile enfin, mais elle aura mis longtemps à venir. ‘Monos’ explore ce moment par le biais du genre, en particulier le film de guerre. »
La situation de la Colombie a directement inspiré le film. Le cinéaste explique en quoi : « Le président de la République a reçu l’an dernier le prix Nobel de la paix pour avoir signé un accord entre les FARC, le principal groupe de guérilla, et le gouvernement. Mais la paix, en Colombie, est toujours en suspens. Les combattants qui brandissaient des mitraillettes dans les montagnes ou dans la jungle jettent désormais les armes pour rejoindre les villes. Mais les gens ne savent pas comment les recevoir – les accueilleront-ils à bras ouverts ou vont-ils se venger en les tuant dans la rue ? Personne ne le sait. Ces questions sont des bombes à retardement. Qui plus est, malgré l’accord avec les commandants de la guérilla, beaucoup ont peur que les escadrons dissidents se soient divisés pour faire la guerre chacun de leur côté, comme on commence à le voir dans ‘Monos’ ».
Dans son film, le cinéaste a pris pour sujet les enfants-soldats : « On a tous rêvé, un jour ou l’autre, de partir au milieu de nulle part avec des amis pour faire ce dont on avait envie, sans règles ni qui que ce soit qui nous surveille ; en même temps, les adolescents se sentent si seuls à cet âge. Dans ‘Monos’, la jeunesse est aussi une métaphore de la Colombie en tant que nation. C’est un pays relativement jeune, qui cherche encore son identité, et le rêve de paix est fragile et hésitant. Au-delà du thème des enfants-soldats, qui a déjà été exploré dans d’autres films, je voulais me pencher sur l’adolescence, car c’est un âge où l’on cherche toujours qui on veut devenir. »
Le réalisateur revient sur le casting notamment sur celui des enfants-soldats : « On a vu huit-cents jeunes venus de toute la Colombie, puis on en a sélectionné trente qu’on a mis dans une sorte de camp, où ils avaient cours d’improvisation, le matin, et entraînement militaire, l’après-midi. Ils ont appris à porter une arme, à sauter, à faire des sauts périlleux, et ont ainsi acquis une corpulence de soldat. Tout s’est vraiment joué durant la préparation. Le fait d’avoir été confinés ensemble pendant des semaines, sans même pouvoir prendre une douche, a créé une sorte de fraternité, gommant les disparités liées à leurs différences de parcours et créant une dynamique exceptionnelle. Ces jeunes, venant de différents milieux socio-économiques, cohabitent ici sous la même tente militaire, en pleine jungle. Certains n’avaient absolument aucune expérience d’acteur, d’autres en avaient une petite, et l’un d’eux venait même d’Hollywood – Moisés Arias, qui interprète Bigfoot, vient d’une famille colombienne, mais a déménagé aux États-Unis, avant d’entamer une carrière d’enfant-acteur dans la série ‘Hannah Montana’. Moisés venait juste de tourner dans le remake de ‘Ben-Hur’ à Rome, où il était logé dans un hôtel de luxe et jouait devant des écrans verts. Sofia Buenaventura est une skateuse issue d’un environnement cosmopolite et urbain. Un autre membre du casting, lui, vient du fin fond de la campagne, où il vit du transport de légumes, aux côtés de son père… »
Les scènes de jungle ont été tournées à quatre heures de Medellín « dans un coin qui, jusqu’à récemment, était totalement inaccessible, car c’était une zone de combat entre guérilleros et paramilitaires, et qu’il y avait de l’or dans la rivière – elle attirait donc les chercheurs d’or. C’était un endroit très dangereux. Grâce aux accords de paix, on a pu établir un camp près de la rivière et y tourner. On a tout transporté jusqu’à la rivière à dos d’ânes, puis on est descendus en rafting jusqu’à l’endroit où l’on devait tourner, avec comme équipage l’équipe nationale colombienne de kayak. On n’avait pas de réfrigérateur, on dormait à même le sol, sous des tentes, et on se nourrissait de pois chiches et de lentilles. Notre équipe se composait de soixante personnes, avec un seul téléphone, avec lequel Julianne appelait ses enfants. Dans un sens, on s’est vraiment perdus dans la jungle…» précise le réalisateur.
Alejandro Landes revient sur le titre du film :« ‘Monos’ signifie ‘seul’ en grec, et c’est le nom du commando, dans le film. En termes d’arche narrative, on parcourt un long chemin allant des ‘frères d’armes’, au début, au ‘dernier homme debout’, à la fin du film. »
*****BONUS*****
LA COMMUNION de Jan Komasa
Avec Eliza Rycembel, Aleksandra Konieczna et Tomasz Zietek
Ce film est interdit en salles aux moins de 12 ans
Daniel, 20 ans, se découvre une vocation spirituelle dans un centre de détention pour la jeunesse mais le crime qu'il a commis l'empêche d'accéder aux études de séminariste. Envoyé dans une petite ville pour travailler dans un atelier de menuiserie, il se fait passer pour un prêtre et prend la tête de la paroisse. L'arrivée du jeune et charismatique prédicateur bouscule alors cette petite communauté conservatrice.
« La Communion » est inspirée de faits réels. Le réalisateur revient sur la genèse du projet : « Il y a eu un cas qui a fait la une des journaux en Pologne : un jeune homme s’est fait passer pour un prêtre pendant environ trois mois. Il s’appelait Patryk et il avait 19 ans à l’époque. Mateusz Pacewicz, mon scénariste qui est aussi journaliste, avait écrit un article sur cette histoire et c’est de là que vient le film. Nous avons changé son nom en Daniel, mais les personnages sont similaires, ainsi que son parcours dans une petite ville de province. Le jeune homme avait célébré des mariages, baptêmes et enterrements. Il était fasciné par tout ça et voulait réellement devenir prêtre. Nous avons construit le film à partir de cette histoire, mais Mateusz a rajouté la partie dans le centre de détention pour mineurs et aussi la tragédie qui avait frappé ce village. Toute la polémique est née du fait qu’il s’était révélé bien plus efficace que son prédécesseur. C’est ça qui est intéressant, c’était quelqu’un qui n’avait pas baigné dans l’Eglise et qui ne se préoccupait pas du dogme officiel, mais les gens étaient satisfaits de son travail. Certains se sont sentis trahis, mais il a réussi à attirer de nouveaux croyants. En réalité, des cas similaires se produisent tous les ans, et pas qu’en Pologne. En Espagne, un homme s’est fait passer pour un prêtre pendant une douzaine d’années. Les raisons qui les poussent à ça sont diverses, mais souvent ils essayent d’échapper au système judiciaire, et c’est bien plus facile dans les petites communautés où l’on ne pose pas trop de questions. »
Bartosz Bielenia qui interprète Daniel a dû se préparer pour endosser ce rôle complexe : « Bartosz vient de Bialystok, ville de l’Est de la Pologne tristement célèbre depuis que des ultranationalistes ont frappé des militants LGBT lors de la Gay Pride en juillet dernier. Il est venu s’installer à Varsovie, après avoir étudié le théâtre à Cracovie dans l’une des meilleures écoles de la ville. Son physique atypique explique qu’on ne lui propose pas de rôles dans des productions de cinéma standards. En ce qui me concerne, je l’ai tout de suite aimé. Il est très intelligent, lit beaucoup et connaît tout. Il a une vie spirituelle intense et pratique le bouddhisme. Pour se préparer au rôle, il a lu énormément d’ouvrages sur la religion catholique dont les ‘Encycliques’ rédigées par Jean-Paul II et le Pape François. Nous nous sommes intéressés aussi aux figures de révolutionnaires car dans l’Eglise, il y a toujours eu des rebelles qui ont voulu changer les choses. Nous nous sommes concentrés là-dessus. Bartosz a improvisé les scènes de messe. Il savait quoi faire et parlait comme un prêtre. Ce n’est pas un souci pour lui car il est très charismatique et zélé. »
Si La majeure partie du film a été tournée dans un petit village dans le Sud-est de la Pologne, la prison en revanche se trouve à Varsovie. « Nous ne voulions pas tourner dans une vraie prison car elles ont beaucoup changé et ressemblent aujourd’hui à des dispensaires ou à des écoles. Nous avons donc trouvé une école à Varsovie et nous avons ajouté des barreaux pour apporter une touche primitive et sauvage au décor. Nous nous sommes inspirés de la violence du ‘Prophète’ de Jacques Audiard au début et la fin de mon film. Son style visuel et ses couleurs nous ont également influencés. »