Émission du mercredi 19 février 2020
Le Pitch - Cinéma- Émissions culturelles
- 1 min 59 s
- tous publics
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LETTRE À FRANCO de Alejandro Amenábar
Avec Eduard Fernández, Nathalie Poza et Karra Elejalde
Espagne, été 1936. Le célèbre écrivain Miguel de Unamuno décide de soutenir publiquement la rébellion militaire avec la conviction qu'elle va rétablir l’ordre. Pendant ce temps, fort de ses succès militaires, le général Francisco Franco prend les rênes de l’insurrection. Alors que les incarcérations d’opposants se multiplient, Miguel de Unamuno s’aperçoit que l’ascension de Franco au pouvoir est devenue inéluctable.
L'instabilité politique et sociale croissante de l'Espagne pendant la Seconde République (fondée en avril 1931) a ouvert une brèche et divisé la société espagnole en plusieurs antagonismes : catholiques et anticléricaux, propriétaires et ouvriers, Eglise et Etat. Le général Sanjurjoa fait une tentative échouée d’insurrection en août 1932. Le soulèvement de juillet 1936, dirigé par un groupe de généraux, dont le général Francisco Franco, contre le régime républicain, fut un succès partiel. Ce coup d'État militaire a divisé l'Espagne en deux camps, nationalistes et républicains, et déclenché une Guerre Civile qui va durer jusqu’en 1939. « Lettre à Franco » décrit les premiers mois de ce conflit, la lutte pour le pouvoir entre les instigateurs du soulèvement mais aussi les déceptions et les contradictions vécues par le célèbre écrivain Miguel de Unamuno à Salamanque, une ville instable.
Avec « Lettre à Franco », Alejandro Amenábar dresse un portrait inattendu du célèbre général. Le metteur en scène précise : « Le personnage que nous essayons de représenter dans ce film est un Franco rarement vu auparavant, l'homme qui tente secrètement de devenir chef. Un personnage a priori lambda, presque inoffensif. Je me demande dans quelle mesure Unamuno et les gens de l'époque savaient quelle était son intention réelle. À mon sens, très peu l'ont vu venir. Le général Sanjurjo est mort, et lui était présent, les circonstances ont été favorables à son accession au pouvoir. »
Alejandro Amenábar n'a pas cherché à encenser aveuglément la figure d'Unamuno, mais en même temps, il voulait le soutien et la collaboration de sa famille pour mener à bien « Lettre à Franco ». Le réalisateur se rappelle : « Ils ont lu le scénario et se sont montrés respectueux, malgré la controverse générée. Il y a des points sur lesquels tout le monde ne s’accordent pas : notamment l’épisode du don de 5 000 pesetas à l'insurrection. Pour ces questions les plus sensibles liées à la guerre, mon but était de rechercher autant d'informations que possible avant de prendre la décision finale pour le scénario. Je crois sincèrement que le film est un portrait fidèle de ce qu'Unamuno a dû ressentir pendant ces mois, coincé à Salamanque, dans sa maison, rejeté par de vieux amis et adoré par de futurs ennemis. On suit un personnage à la croisée des chemins, qui change, grandit et finalement se rebelle. »
Le titre original de « Lettre à Franco », « While at war », est une expression qui signifie deux choses : elle fait d'abord partie d'un document signé par les Nationalistes au début de la guerre et qui a joué un rôle clé dans la prise du pouvoir de Franco. C’est aussi une phrase qui s’adresse aux spectateurs, affirmant que l'état de guerre est permanent. « Aujourd’hui, on assiste à une résurgence des mouvements fascistes, notamment en Europe. Dans ce sens, le film parle autant du présent que passé », ajoute Alejandro Amenábar.
LE CAS RICHARD JEWELL de Clint Eastwood
Avec Sam Rockwell, Kathy Bates, Jon Hamm, Olivia Wilde et Paul Walter Hauser
En 1996, Richard Jewell fait partie de l'équipe chargée de la sécurité des Jeux d'Atlanta. Il est l'un des premiers à alerter de la présence d'une bombe et à sauver des vies. Mais il se retrouve bientôt suspecté... de terrorisme, passant du statut de héros à celui d'homme le plus détesté des Etats-Unis. Il fut innocenté trois mois plus tard par le FBI mais sa réputation ne fut jamais complètement rétablie, sa santé étant endommagée par l'expérience.
Le 27 juillet 1996, pendant les Jeux Olympiques d’été à Atlanta, un vigile du nom de Richard Jewell découvre un sac à dos suspect caché derrière un banc. Très vite, on se rend compte qu’il contient un dispositif explosif. Sans perdre une minute, il fait évacuer les lieux et sauve plusieurs vies en limitant le nombre de blessés. Il est acclamé en héros. Mais trois jours plus tard, la vie de ce modeste sauveteur bascule lorsqu’il découvre, en même temps que le monde entier, qu’il est le principal suspect de l'attentat aux yeux du FBI. Cette histoire, qui évoque la trame d’un thriller à suspense, n’est pas le fruit d’une imagination fertile : il s'agit des événements effroyables qui se sont produits dans la vie de Richard Jewell. Paradoxalement, alors que son acte était désintéressé, il a fait l'objet pendant 88 jours d'une enquête poussée du FBI et a été dans le collimateur de médias particulièrement acharnés. Il n’avait alors aucune certitude d’être disculpé ou de voir sa vie revenir un jour à la normale. Jewell est décédé en 2007 d'une défaillance cardiaque dûe à son diabète.
Très touché par ce héros ordinaire, Richard Jewell, Clint Eastwood a souhaité porter à l'écran l’histoire tragique de cet homme bienveillant, dont la vie a été bouleversée par la presse et par les forces de police qu’il idolâtrait. « On entend souvent parler de gens puissants qui se font accuser de choses et d’autres, mais ils ont de l’argent, ils font appel à un bon avocat et échappent aux poursuites. L’histoire de Richard Jewell m’a intéressé parce que c’était quelqu’un de normal, un monsieur tout-le-monde. Il n’a jamais été poursuivi, mais il a été largement persécuté. Les gens se sont empressés de l’accuser ; il n’a pas pu échapper à ces accusations et pendant longtemps il est resté trop naïf et idéaliste pour se rendre compte qu’il devait sauver sa peau. C’est pour cela que je voulais faire ce film, pour réhabiliter l’honneur de Richard. C’est un homme comme les autres, qui aspirait à devenir policier avant tout pour contribuer au progrès de l’humanité. Le jour où il a commis un acte héroïque, il l’a payé au prix fort et a été jeté en pâture aux lions. »
Le scénariste Billy Ray est parti d’un article de Vanity Fair écrit par Marie Brenner en 1997. La journaliste était sur place juste après le drame et elle a passé du temps avec Richard, sa mère Bobi Jewell et son avocat Watson Bryant. Elle se souvient : « En 1996, la police était obsédée par le profilage et dans la frénésie qui devait régner au sein des bureaux de la police après l’attentat, ils ont regardé ce brave gars un peu excentrique qui avait trouvé la bombe et ils se sont dit : ‘C’est la théorie du terroriste solitaire !’. Ça s’est transformé en une chasse aux sorcières, un terme aujourd’hui galvaudé mais qui désigne parfaitement ce qui est arrivé à Richard. Avec Bobi, ils ont subi une pression démesurée et auraient pu craquer à tout moment. Le séjour que j’ai passé à Atlanta et mes rapports avec Richard ont eu un profond impact sur moi en tant que journaliste. C’est rare qu’une histoire m'obsède à ce point et c’est encore plus rare que je reste en contact avec les personnes sur lesquelles j’ai enquêté. J’ai fini par me donner pour mission de rendre justice à cet homme. C’est très fort de voir son histoire racontée par un réalisateur au talent immense ».
Paul Walter Hauser, qui incarne le rôle-titre, revient sur son expérience : « C’est l’histoire d’un outsider d’une certaine façon. Alors que Richard aurait voulu être policier, il est vigile et il a travaillé pour un shérif mais sans jamais être respecté comme il l’aurait souhaité et comme lui-même respecte l’autorité. Quand il sauve la vie de centaines de personnes au concert de Centennial Park, tout commence comme un moment de gloire. Il s’imagine qu’il va enfin être respecté, mais même à ce moment-là il reste en retrait. Puis, dans un retournement de situation tragique, sa tête se retrouve sur le billot. Très rapidement, la situation empire car il refuse de croire que le FBI et la police l’accusent, lui qui se sait innocent. En tant qu’acteur, j’ai apprécié que le scénario montre l’envers de l’enquête et la façon désastreuse dont Richard a été traité. C’est une rédemption pour cet homme dont la vie a été bouleversée, voire anéantie par ces circonstances tragiques ».
Acteur très recherché, Sam Rockwell interprète l’avocat au tempérament bien trempé qui est pris au dépourvu lorsque son client est la cible de forces qui les dépassent. Il explique : « J’ai d’abord accepté le rôle parce que c’était un film de Clint Eastwood. Ensuite, quand j’ai appris que Paul Walter Hauser allait jouer Richard, j’étais ravi car je savais que c’était la bonne personne pour le rôle. J’ai beaucoup aimé le personnage de Watson Bryant. C’était un rôle nouveau pour moi, un personnage très intéressant et un type profondément intelligent. Sans compter que le scénario était fantastique ».
Clint Eastwood se souvient du jour où Bobi Jewell, mère de Richard (jouée par Kathy Bates) a fait la connaissance de l’homme qui allait jouer son fils : « L'avocat Watson Bryant et Bobi Jewell étaient présents dans le studio et notre directeur de casting leur a présenté Paul Walter Hauser. Ça a été un choc pour elle car Paul ressemble beaucoup à Richard. Une fois passée cette première impression, elle a admis que Paul serait parfait pour le rôle ». Bobi Jewell se souvient précisément de ce jour-là : « Watson et moi avons pris l’avion pour la Californie le 1er mai. On nous a emmenés faire un tour des bureaux de Clint Eastwood. Dans l’une des pièces, il y avait le portrait de Richard au mur, puis ils ont amené le portrait de Paul. J’ai donné un coup à Watson, il s’est retourné et m’a dit : ‘Mon dieu, il ressemble tellement à Richard’. Ensuite j’ai rencontré Paul et ça m’a fait tout drôle. J’ai compris qu’il avait beaucoup visionné les vidéos car il avait même adopté sa démarche ». « Ça m’a plus intimidé de rencontrer Bobi Jewell que de rencontrer Clint Eastwood parce qu’elle est la mère du héros de notre histoire. Elle aurait pu se méfier de moi ou être distante. Elle a été tout le contraire et la seule assurance dont j’avais besoin c’était de savoir que la mère de Richard était d’accord pour que je joue son fils » souligne Hauser.
Le tournage du « Cas Richard Jewell » s'est déroulé à l'été 2018 à Atlanta et dans ses environs où les faits se sont déroulés. Comme le signale Clint Eastwood, « quand on raconte une histoire vraie, il faut la restituer en étant fidèle à la réalité ». Les collaborateurs de son équipe ont obtenu des autorisations de tournage sur plusieurs des sites des événements, à commencer par Centennial Park où a eu lieu l'explosion. D’ailleurs pour lui redonner l'allure qu'il avait en 1996, il fallait mobiliser trois à quatre semaines en pleine saison estivale. Un vrai défi mais, par chance, la production a pu disposer du même laps de temps que la durée des JO d'été de 1996.
« LeCas Richard Jewell » permet de révéler la vérité d'un homme – un homme qui, au bout de 88 journées atroces – dont aucune en prison – comprend la notion de culpabilité jusqu'à preuve du contraire. Si l'équipe du film a souhaité porter l'affaire Richard Jewell à l'écran, c'est notamment parce que sa mère, Bobbi Jewell – qui l'a soutenu au cours de ces 88 jours –, tenait à ce que l'histoire de son fils soit racontée, que son nom soit réhabilité et que ses actes héroïques soient enfin immortalisés. Quand elle a su qu'Eastwood était aux commandes du projet, et que Hauser camperait le rôle-titre, elle a été parfaitement rassurée. Son rêve allait bientôt se concrétiser.
Hauser signale : « Je pense que cette histoire est importante parce qu'on vit dans une société où chacun se prend pour un petit procureur et condamne autrui de manière expéditive avant même que les faits soient tous connus. Richard a été jugé par les médias et c'est pour ça que tout ce qu'il avait accompli dans sa vie – sa formation à l'école de police, la période où il entraînait une équipe de base-ball, sa volonté d'être un citoyen exemplaire – a été balayé avec un gros titre. C'est une vraie prise de conscience parce que, à l'heure actuelle, on n'a toujours pas vraiment réparé ces injustices. Et cela peut arriver à n'importe qui. J'espère que ce film poussera les gens à ne pas caricaturer les autres et à ne pas nier leur humanité. J'espère que ce film permettra de rendre hommage à l'humanité de Richard et à son geste courageux ».
« Il suffit d'une mauvaise information, même minime, pour faire de la vie de quelqu'un un véritable cauchemar, et quand la vérité finit par éclater, personne n'est prêt à l'affronter – et c'est regrettable. Il n'est jamais trop tard pour rendre hommage à nos héros et je pense qu'il était grand temps de le faire. Espérons que ce film reconnaisse Richard à sa juste valeur » conclut Eastwood.
**BONUS**
UNE MÈRE INCROYABLE de Franco Lolli
Avec Carolina Sanín, Leticia Gómez et Antonio Martínez
À Bogota, Silvia, mère célibataire et avocate, est mise en cause dans un scandale de corruption. À ses difficultés professionnelles s'ajoute une angoisse plus profonde. Leticia, sa mère, est gravement malade. Tandis qu'elle doit se confronter à son inéluctable disparition, Sylvia se lance dans une histoire d'amour, la première depuis des années.
Le réalisateur revient sur la genèse du projet : « Après la sortie en salles de mon premier film, ‘Gente de bien’, j’ai commencé à réfléchir à un nouveau projet, à prendre des notes éparses sur ce qui me venait en tête. Et ce qui me venait, c’étaient des figures féminines. Ma mère était là quelque part, dans sa jeunesse, ou plus âgée. Je pensais aussi à des lieux bourgeois, feutrés, là où se prennent les décisions importantes pour mon pays, la Colombie. À peu près en même temps, je préparais un voyage avec ma mère en Islande. Avant notre départ, elle a du passé un examen médical qui a révélé un possible cancer. Nous sommes partis en vacances avec l’idée qu’elle allait peut-être mourir bientôt. Je suis fils unique et cette idée me terrifie. Ma mère et moi avons une relation certes parfois difficile mais très proche. Pour moi, le thème du film s’est imposé à ce moment précis. À notre retour, le diagnostique de sa maladie a été confirmé. »
« Une mère incroyable » aborde le sujet difficile de la fin de vie mais le cinéaste a voulu y apporter de l’élan et de la vitalité. Il s’explique « Plus on s’approche de la mort, plus la vie est nécessaire, importante. Je viens d’un pays dangereux: la Colombie, où la mort n’est jamais loin, parce qu’il y a de la violence, parce que les hôpitaux marchent mal... Le rapport à la vie est différent. On fait la fête autrement, on vit autrement qu’en Europe. Il y a un état d’esprit du style ‘si je meurs demain, au moins j’aurais vécu, dansé, pris du bon temps…’. Quand ma mère a été informée de son cancer, je me suis dit inconsciemment: il faut vivre ! Je me suis à écrire ce film très vite, j’ai lancé plein d’autres projets avec ma société de production, j’ai ressenti l’envie d’avoir un enfant aussi. J’ai déployé une énergie colossale dans le travail et dans ma vie personnelle en me disant que si ma mère venait à mourir, j’aurais bâti des choses pour ne pas m’effondrer. Le film raconte ça : quand Sylvia comprend que sa mère peut mourir, elle change énormément de choses dans sa vie qu’elle n’aurait pas changées sinon. Elle rencontre un homme, quitte son travail, se rapproche de son fils… »
Pour le rôle de la mère Leticia, le réalisateur a choisi sa propre mère : Leticia Gómez. « Je l’avais déjà fait jouer dans mon court-métrage ‘Rodri’, où elle interprétait son propre rôle, dans son propre appartement. L’expérience avait été compliquée et les disputes nombreuses, mais on est toujours heureux de filmer les gens qu’on aime. De plus, c’est une actrice née même si elle est non-professionnelle. Je n’ai jamais hésité sur le fait de lui faire jouer le rôle de Leticia. J’ai même réalisé il y a peu que la principale raison de faire ‘Une mère incroyable’ était probablement de la filmer. C’est ma façon de me préparer à sa mort mais aussi de laisser une trace de sa vie. C’est drôle parce que dans sa jeunesse, elle aurait voulu devenir actrice mais sa propre mère l’en a dissuadée parce que les actrices étaient mal vues à l’époque, dans son milieu. Elle est devenue avocate. Jouer dans mes films est sans doute une forme de réparation de cette vocation contrariée. »
Le réalisateur a choisi de montrer une Colombie sans cartel, Farc, fusillades et misère. Il s’explique : « Je n’avais pas spécialement envie de montrer la pauvreté, qui est là en effet, en bas des appartements que je filme, car je n’avais rien d’intéressant à en dire. Pour filmer la misère, comme pour filmer n’importe quoi d’autre, il faut avoir une bonne raison de le faire. Pour moi un film, c’est avant tout une trace, une archive. Et je n’ai pas d’archive à créer sur les cartels de la drogue, ou sur les indigènes en Amazonie, parce que je n’ai pas de rapport particulier à ça. Le jour où j’en aurais un, je le filmerai. Sinon, ce serait de l’imposture. »