L'amnésie écologique, également appelée amnésie environnementale, désigne un phénomène où, d'une génération à l'autre voire d'une période de vie à une autre pour un individu, on s'habitue à une détérioration du climat et/ou de la biodiversité au point de considérer cela comme normal.
L'amnésie du climat
Cela se traduit par le fait de considérer comme banale une température qui aurait auparavant été jugée exceptionnelle. Pour prendre Paris en exemple : entre les années 60 et 90, atteindre 35°C en été était rare. Cela arrivait une fois tous les 5 ans et marquait la journée de canicule. Depuis 2009, cela se produit tous les ans. Ainsi, une personne dans la vingtaine a presque uniquement connu cela, considérant ces températures comme normales.
En 2021, dans le nord de la France, les températures n'ont pas dépassé 35°C, ce qui a été perçu comme un été "pourri" alors que c'était normal. En moyenne, on observe que les personnes mettent 5 ans à s'habituer à des températures exceptionnelles.
L'amnésie de la biodiversité
On s'habitue à voir moins d'animaux ou à voir des animaux plus petits. Un article de référence sur le sujet explique ainsi comment, au fil du temps, les pêcheurs s'habituent à la diminution des stocks de poissons : lorsqu'une génération de pêcheurs débute leur carrière, les stocks ont déjà diminué, mais ce sont ceux de la génération précédente qui servent de référence.
D'autres exemples incluent la disparition des insectes qui se heurtent au pare-brise pendant un trajet en campagne, la surprise de voir des oiseaux dans les champs ou encore la désignation d'un spécimen mesurant moins d'un mètre comme un "gros poisson".
Quels problèmes pose l'amnésie écologique ?
Un moteur d'inaction
À force de s'habituer aux températures extrêmes, pourquoi agir ? L'amnésie écologique pousse à l'inaction, que ce soit au niveau individuel ou politique, car nous ne percevons plus ces événements anormaux comme étant réellement anormaux.
Comme le résume Anne-Caroline Prévot, chercheuse au CNRS et au Muséum National d'Histoire Naturelle : "Si nous ne savons même plus ce qu'est une nature en bon état de fonctionnement, comment pourrions-nous la protéger ?"
Une perte de repères
Même si nous sommes conscients du problème, l'amnésie écologique ne nous aide pas à le résoudre. Nous savons que la situation actuelle n'est pas normale, mais nous n'avons pas d'objectif clair car nous n'avons jamais connu de situation normale.
"Le 'bon état de la biodiversité' de nos grands-parents n'est pas celui d'aujourd'hui, et nous ne pouvons pas imaginer comment c'était. Nous ne pensons pas qu'il puisse exister autre chose", explique Anne-Caroline Prévot.
Comment lutter contre l'amnésie écologique ?
- Réviser les "normales" météorologiques : Avec le changement climatique, les normales de température sont de plus en plus élevées, ne nous permettant plus de saisir le problème.
- Adapter le langage météorologique : Éviter de qualifier la météo de "belle" ou "mauvaise", plutôt utiliser les termes "ensoleillée" ou "pluvieuse".
- Renouer avec la nature : Réapprendre à connaître les plantes, les espèces et renouer avec le vivant, où que nous soyons.
- Rendre la nature plus présente : Impliquer la nature dans les décisions politiques et l'intégrer davantage dans la vie quotidienne.