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Violences conjugales : les enfants, premières victimes

Marie-Estelle Dupont, psychologue clinicienne, nous éclaire sur l'impact des violences conjugales sur les enfants.

L'emprise : un mécanisme neurobiologique complexe

« Le mot clé, c’est le mot emprise », explique Marie-Estelle Dupont. Sous l'effet de l'emprise, les mécanismes neurobiologiques liés à la peur sont bloqués. “La peur du pire” place le parent dans un état de sidération, comme si la victime observait la situation de l'extérieur de son corps. Pour supporter l'insupportable, le cerveau se dissocie et le corps libère des hormones anesthésiantes, créant un état de passivité totale.

Dans ces conditions, si une mère ne réagit pas face aux violences de son conjoint, c'est peut-être parce qu'elle n'est pas équipée pour affronter de telles menaces. Le manipulateur exploite les points sensibles de sa victime, et dès qu'il perçoit une réaction, il induit le doute pour la rendre incapable de réagir. Cette incapacité psychologique est accentuée par la dissociation, rendant encore plus difficile la reconnexion aux émotions, nécessitant un important travail de thérapie pour restaurer la fonction parentale.


La parentification de l'enfant : un rôle sacrificiel

Il n’est pas rare que, face à un parent victime de violences conjugales, l’enfant prenne le rôle de protecteur, de « parent de son parent ». Ce parent, coupé de ses émotions et de son discernement, dans un état de dissociation, ne peut plus exercer son rôle parental. Les rôles sont alors inversés, explique Marie-Estelle Dupont :

« Quand l’enfant voit que sa mère -c’est-à-dire son amour absolu, sa figure d’attachement- est en souffrance, il va se mettre en position de sauveur, de héros, de psychothérapeute, quelque part. Il y a une « parentification » de l’enfant quand le parent est en incapacité : il y a une inversion des rôles. 

Le retour vers l'agresseur : le syndrome de Stockholm et le syndrome du sauveur

Pourquoi certaines femmes retournent-elles vers leurs agresseurs ? Les menaces de représailles jouent un rôle majeur. « Elles se resoumettent pour éviter le pire », précise Marie-Estelle Dupont. Les manipulateurs, dans leur stratégie, reviennent souvent au moment où la victime commence à guérir, utilisant des éléments sensibles pour raviver la culpabilité. Cela conduit au syndrome de Stockholm, où la victime développe une relation de dépendance avec l'agresseur.

Le syndrome du sauveur est également en jeu : « Avec mon amour, je vais sauver cet homme », pensent certaines femmes, oubliant que l'amour, à lui seul, ne peut pas aider l’autre à sortir de ses mécanismes toxiques.


Les signes non physiques de maltraitance chez l'enfant

Repérer les signes de maltraitance chez un enfant est crucial. Outre les signes physiques, un enfant battu peut être anormalement angoissé, craindre la réprimande et présenter une attente anxieuse de la punition ou de l'humiliation. Il peut également adopter des comportements d'évitement, se retirer, par exemple en participant moins en classe et en se montrant absent lorsqu’on évoque la violence.


Comment réagir au mieux ?

Face à un enfant potentiellement maltraité, il est essentiel de ne pas poser de questions intrusives en public. Il faut montrer une neutralité apparente face à tout changement de comportement apparente tout en offrant un soutien discret. Maintenir l'intégrité de l'enfant et un lien de confiance est primordial pour lui permettre de se sentir en sécurité et d'envisager une sortie de la situation de maltraitance.

Les numéros d'urgence à contacter si vous êtes victime ou témoin de violences :

  • 119 : Pour les enfants confrontés à une situation de risque et de danger (appel gratuit)

       ·  3919 : Numéro d'écoute, d'information et d'orientation pour les femmes (appel gratuit)


Marie-Estelle Dupont auteure de « Être parents en temps de crise : comment restaurer l’équilibre psychique de nos enfants », publié par les Éditions Odile Jacob.

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