Pourquoi la première séparation est si difficile ?
Elle est redoutée par certains parents. Cette grande première où après des mois d’état fusionnel avec le nourrisson, il va falloir le faire garder par une tierce personne afin de reprendre le travail. Selon les cas, cette première séparation n’est pas évidente et pour certains, elle peut être source de beaucoup d’angoisses.
Ce premier au revoir est délicat. Le sentiment de culpabilité peut être intense pour le parent. Selon le passif de la maman ou du papa, cela peut être plus difficile que pour d’autres parents. Le parcours personnel va rendre ce moment plus ou moins douloureux, comme l’explique Eve Piorowicz, psychologue clinicienne :
« Par exemple lorsque l’accouchement ne s’est pas bien passé, s’il y a eu un décès pendant la grossesse ou encore pour une maman qui a été adoptée. Le jour de la séparation avec l’enfant peut réveiller ces choses qui sommeillent en la mère et n’ont pas eu le temps de cheminer. »
La confiance, la clé d’une séparation facilitée
Évidemment, afin de faciliter la séparation et qu’elle soit bien vécue, il faut confier l’enfant à quelqu’un ou à une structure de confiance. Que ce soit en crèche ou à une nounou, les parents doivent être en accord total avec leur choix. Pour la spécialiste, ce choix doit être complètement validé par les parents :
« Les parents doivent se faire confiance ! Si vous ne sentez pas l’assistante maternelle, cela vaut le coup de chercher quelqu’un d’autre. Souvent les parents s’inquiètent qu’il n’y ait qu’un référent pour quatre bébés. Par exemple, ils craignent que si les petits pleurent, le référent ne puisse pas tous les porter dans les bras. Cependant, il pourra tous les porter par la voix, leur parler. Les parents doivent se rassurer à propos du mode de garde ! »
Il est parfois difficile pour les mamans de confier le bébé à l’assistante maternelle de peur que cela provoque de la confusion chez l’enfant. Il est surtout compliqué pour elles de s’imaginer quelqu’un d’autre « prendre sa place » et donner des soins à son enfant. Mais il est important que le nourrisson puisse avoir un attachement fort envers la personne qui va lui prodiguer des soins physiques, psychiques, émotionnels. Il n’est pas question de remplacer la mère ou le père, l’enfant saura les reconnaître.
Préparer la séparation à l’avance
Afin de préparer l’enfant petit à petit, il est nécessaire d’anticiper et de penser à une période d’adaptation. Eve Piorowicz affirme que l’anticipation passe par la parole :
« Quand il est bébé on peut lui dire : "Tu sais quand tu auras 3 mois, tu iras dans une crèche qui est géniale, mais on a le temps d’en reparler, là tu es encore petit". Je pense qu’il faut lui dire que pour nous c’est difficile mais il ne faut pas lui transmettre toutes nos angoisses. Quelques jours avant, il faut le préparer à ce nouvel endroit en lui disant, par exemple : "Je vais devoir te laisser mais c’est un endroit super, on a rencontré la directrice, j’ai acheté de nouveaux chaussons pour toi". Il faut dire à l’enfant qu’on est partenaire dans la découverte de ce qui va se passer. Mais que l’on a tout prévu, que c’est un endroit accueillant, que ce sera pour des périodes pas trop longues au début... »
Pour rendre la séparation moins douloureuse pour le bébé, il est astucieux de préparer un objet qui va l’aider à faire sa transition. Le doudou est une bonne option. Par exemple, le parent donne l’objet 1 mois ou 3 semaines avant la séparation pour que l’enfant se familiarise avec l’odeur de la maman quand elle n’est pas là. L’idée est d’apporter un peu de familier dans un endroit étranger.
Une étape essentielle vers l’autonomie de l’enfant
Déposer son tout-petit à la crèche peut être synonyme de pleurs. Mais quitter précipitamment la crèche pour éviter ses larmes est une fausse bonne idée. Les bébés sont intuitifs et instinctifs. Alors, il faut opter pour la sécurité et la préparation. Il est donc conseillé de rester un peu à la crèche malgré les sanglots même si ce n’est pas un moment très agréable à vivre.
Lorsque le parent vient chercher l’enfant le soir, certains bébés vont pleurer, d’autres vont ignorer leurs parents. Pas de panique ! C’est tout à fait naturel selon notre psychologue clinicienne :
« Les petits ont le droit de ne pas être contents, l’idée c’est de reprendre la main avec la parole. Il faut expliquer à l’enfant que dans ce nouvel endroit, il va pouvoir faire plein de choses. C’est hyper important. C’est lui faire comprendre que l’on valide ce qu’il ressent mais que si on le dépose dans cet endroit, c’est parce que ça a du sens. Pour les bébés qui n’ont pas pleuré de la journée, et qui pleurent dès que le parent arrive, soit cela veut dire : "J’ai retenu mes larmes toute la journée, et la personne en qui j’ai le plus confiance est là donc je lâche tout !". Soit cela peut signifier : 'Maman tu es là ! Je pleure car j’ai trop peur que tu repartes !" ».
La séparation avec l’enfant est une première étape vers l’autonomie de l’enfant. C’est-à-dire qu’il va commencer des expériences loin de son cercle familial. Il va découvrir de nouvelles odeurs, un nouveau champ lexical, explorer un autre monde. À la crèche, les bébés ont un espace adapté : ils sont libres de leurs mouvements, vont expérimenter de nouvelles postures et rencontrer d’autres bébés !
Bien que cette étape puisse être angoissante pour les mamans et les papas, elle est absolument nécessaire pour la construction du nourrisson. Il s’agit de l’anticiper et de trouver un espace d’accueil dans lequel les parents se sentiront en confiance. Si le parent est en accord avec sa décision, le bébé vivra la séparation aussi bien que sa maman ou son papa.