"Un succès organisationnel, populaire et sportif." Les mots de la ministre des sports Amélie Oudéa-Castéra, dimanche 8 septembre, résument l'avis général des représentants du sport et du parasport français présents au Club France pour dresser le bilan des Jeux paralympiques de Paris.
2,5 millions de billets vendus, des stades pleins, aucun problème majeur et des objectifs de médailles atteints ou presque... Tous les feux semblent au vert. Mais "le travail doit continuer", précise Marie-Amélie Le Fur, la présidente du Comité paralympique et sportif français (CPSF), alors que d'autres chantiers (plus d'athlètes femmes en équipe de France, rebond attendu du para-athlétisme tricolore, ouverture de la pratique sportive à beaucoup plus de personnes en situation de handicap...) vont se présenter dans les semaines et mois à venir.
Les objectifs de 20 médailles d'or et 80 médailles au total pour la délégation française sur ces Jeux de Paris seront presque atteints. Est-ce qu'il y a tout de même un regret, notamment sur le taux de conversion à l'or (un peu plus de 25%), plus élevé chez d'autres nations comme les Pays-Bas (près de 50%) ?
Marie-Amélie Le Fur : Nous n'avons pas vraiment la même stratégie que les pays qui sont devant nous. La stratégie des Pays-Bas, par exemple, c'est d'avoir très peu d'athlètes sélectionnés, et uniquement les "titrables". Nous avons fait le choix d'avoir une délégation plus large, de donner leurs chances à des primo-sélectionnés qui sont finalistes à Paris en 2024 et peuvent potentiellement devenir des médaillés dans le futur. Cela ne nous empêche pas d'être au rendez-vous de notre ambition de ce top 8. Maintenant il faut faire perdurer cette ambition dans le temps, faire en sorte que ces résultats exceptionnels – avec un triplement des médailles en huit ans depuis Rio – s'inscrivent dans la durée. Et il y a aussi des sports où il va falloir analyser ce qu'il s'est passé pour être au rendez-vous. On sait que si on veut durablement réussir dans le modèle paralympique, il faut remonter en athlétisme, c'est mathématique. C'est le sport qui porte le plus d'épreuves.
Comment ce "creux" (cinq médailles, aucune en or) pour le para-athlétisme tricolore peut-il s'expliquer ?
On est sur une transition générationnelle qui prend un peu de temps. La jeunesse est en train de monter, on le voit avec la médaille d'Antoine Praud. Des athlètes attendus comme Timothée Adolphe ne passent pas loin. L'athlétisme est un sport qui a une grande exigence. On voit que la natation a commencé à monter en puissance à Tokyo et ils ont été totalement présents cette année. On peut se dire que l'athlétisme fait sa mue, dit au revoir à certains grands champions (Nantenin Keïta, Arnaud Assoumani, Trésor Makunda). J'espère qu'on aura ce sursaut. Il faut continuer la détection, aller chercher plus de femmes, des lanceurs également.
Justement, comment analyser le fait que seulement trois médailles d'or sur les 19 aient été remportées par des femmes ?
Il n'y en a que trois, mais c'est trois quand même ! A Tokyo, on n'avait eu aucune championne paralympique. C'est déjà une progression. Sur la représentation féminine des médaillés de l'équipe de France, la proportion est bien trop faible. Quand on regarde les nations devant nous, elles sont à 50-50, autant d'hommes que de femmes. On doit, dans nos délégations, avoir plus de dirigeantes femmes, une incitation plus forte pour les jeunes filles... On doit aussi travailler sur ce modèle de l'incarnation. Il y a 15médaillées féminines lors de ces Jeux, peut-être qu'il faut mettre plus l'accent médiatique sur elles, pour qu'elles puissent porter des messages très forts et ouvrir le champ des possibles à toutes les autres femmes et filles en situation de handicap.
Est-ce que les mesures financières et budgétaires mises en place par l'Agence nationale du sport autour de la haute performance vont être pérennisées pour les athlètes ?
Ce qui nous attend dans les prochains mois, c'est de faire le bilan des choix que nous avons faits, des programmes mis en place et de déterminer avec toutes les parties prenantes la nouvelle stratégie pour 2026 et 2028. Des études d'impact sont en cours pour étudier ce qui a fonctionné. On doit réinterroger ce modèle budgétaire. Est-ce qu'il a aidé les athlètes ? Je pense que quand vous sécurisez leur projet socioprofessionnel, que vous les aidez à obtenir des conventions d'insertion professionnelle (CIP) dans des entreprises et qu'ils savent, pour ceux qui sont dans le cercle de la haute performance, qu'ils auront 40 000 euros par an assurés... Il n'y a pas de raisons pour qu'on revienne en arrière. C'était une nécessité. Les discours sur la précarité lors des précédents Jeux ne sont pas entendables, on a besoin que nos athlètes puissent être orientés vers la performance sportive, qu'ils n'aient pas de soucis financiers pour se préparer. C'est ce qui était prévu à la fois par ces 40 000 euros, et pour ceux qui ne seraient pas dans le cercle de haute performance, les 15 000 euros garantis pour la sélection.
On vous a entendu dire, avec Michaël Jérémiasz, chef de mission de la délégation française, que ces Jeux de Paris 2024 feront date, qu'il y aura un avant et un après...
En effet. Quand les Britanniques vous disent : "Vos Jeux sont plus que réussis et vous ferez date dans l'histoire", vous savez que vous avez franchi un grand cap ! La raison du succès, c'est le modèle du Comité d'organisation. Ce sont des sportifs qui ont mené cette candidature et cette organisation, et ils savaient ce qu'étaient les Jeux et les besoins des athlètes pour réussir des Jeux. On avait du monde dans la commission des athlètes qui ont su porter la voix. La ferveur du public, le président du Comité paralympique international, Andrew Parsons, l'a évoquée en personne. On est à 2,5 millions de billets vendus, on n'est pas sur un record de vente, mais jamais on n'avait eu une ferveur aussi forte parce que le public français est extraordinaire. Les spectateurs ont été conquis, se sont affranchis des classifications car ils avaient juste envie de partager un moment avec ces sportifs.