Timoré pendant une bonne partie de la rencontre entre la France et la Colombie (1-0), jeudi 5 septembre, le public du stade tour Eiffel a mis du temps avant de soutenir à fond les Bleus du cécifoot. Ce n'est pas faute, pourtant, d'avoir été harangué pendant tout le match par le capitaine tricolore, qui demandait de la voix lors de chaque arrêt de jeu. Sans doute un peu rattrapés par l'enjeu – une place en finale des Jeux paralympiques à la maison – les supporters ont fini, comme ses coéquipiers sur le terrain, par suivre le guide Frédéric Villeroux.
"Il mène cette équipe comme un vrai maestro"
A la 26e minute, sa frappe surpuissante à bout portant, sous la barre du portier colombien, délivrait les 12 000 personnes présentes dans les tribunes, et bien plus devant leur télévision. Un but victorieux célébré par le natif de Montpellier avec un grand dégagement du ballon dans les tribunes, devant sa famille, dès le coup de sifflet final prononcé. Sans nul doute, des émotions similaires à son doublé réalisé face à l'Espagne en demi-finales des Jeux de Londres en 2012 – "mon plus beau moment" – l'ont alors traversé.
"On a un petit monstre qui s'appelle Frédéric Villeroux, notre "capi", notre numéro 10. Il mène cette équipe comme un vrai maestro. Nous on est là, on complète, on joue avec lui." Dix minutes, montre en main, après la qualification des Bleus pour leur deuxième finale paralympique, les mots forts du défenseur français Hakim Arezki allaient directement vers lui. "C'est un extraterrestre, il est... imprévisible", complétait le portier Alessandro Bartolomucci, lui aussi auteur d'un grand match.
Un génie du cécifoot
Pour mieux comprendre ces éloges, il faut avoir vu évoluer le joueur de 41 ans sur un terrain. "On a l'impression qu'il voit, c'est fou", pouvait-on entendre dans les travées, quand le qualificatif de "Zizou du cécifoot" n'était pas prononcé. "Aujourd'hui, il est dans le top 3 des meilleurs joueurs mondiaux avec [les Brésiliens] Ricardinho et Jefferson", analyse Sébastien Munos. Ancien gardien de l'équipe de France lors des Jeux à Athènes en 2004, celui qui est consultant pour France Télévisions à Paris a vu l'éclosion de ce talent étincelant. "Il était tout jeune, il avait 20 ans. Le voir maintenant en tant que pièce maîtresse de cette équipe, c'est émouvant."
Ses qualités ? "Il a une ouïe très développée, il sent le jeu, les joueurs, le ballon... Toutes ses frappes, ce n'est jamais du pointu, c'est travaillé, poursuit Sébastien Munos. Et il participe à l'équilibre de l'équipe avec toutes ses récupérations de ballons." Un rôle à mi-chemin entre un numéro 6 et un numéro 10, capable d'aller de l'avant et de casser les lignes adverses, qui fait de lui un maillon essentiel du collectif du sélectionneur Toussaint Akpweh. Jeudi soir, toutes les occasions de but sont venues de lui, un peu comme contre la Turquie (2-0), mardi soir en poules.
Ces derniers jours, des internautes pleins d'humour soulignaient sur la plateforme X que Frédéric Villeroux, atteint d'une maladie congénitale aux yeux, était "le meilleur joueur de foot de Bordeaux", sous-entendu joueurs des Girondins compris. Un statut qui en dit long pour l'éducateur sportif au Sport athlétique mérignacais, dans la banlieue de la capitale aquitaine, qui n'a de cesse de rappeler en interview les sacrifices réalisés pour résister face aux meilleures nations internationales.
"On est une équipe amateur, comparé aux autres. On prend sur nos vacances et nos boulots pour se réunir entre nous, expliquait-il de nouveau après le match face à la Colombie. On s'entraîne 45 jours par an, le Brésil c'est trois ou quatre mois par an. Et pourtant, on est en finale des Jeux, chez nous, en France. C'est merveilleux !"
Une médaille d'or pour finir ?
Pas prétentieux pour un sou, Frédéric Villeroux se verrait bien décrocher l'or après vingt-cinq ans d'une carrière débutée au siècle dernier. D'autant plus face aux champions du monde argentins qui ont fait tomber en demi-finales l'ogre brésilien, pourtant invaincu depuis l'apparition de la discipline aux Jeux paralympiques, en 2004. "Ce sera un gros match", glissait-il dans un sourire jeudi soir. En revanche, ce sera peut-être le dernier du capitaine avec l'équipe de France. "Je pense que ce sera la fin, oui, le corps commence à piquer. Je ne récupère pas autant et aussi bien."
"Est-ce qu'on voit vraiment un mec qui va prendre sa retraite ? Je vous laisse juger, je ne sais pas, je ne suis pas sûr", s'interrogeait Hakim Arezki après la demi-finale. "Moi, je n'annoncerai pas sa retraite, se montrait tout aussi prudent Sébastien Munos. A 41 ans, il est encore jeune ! Le sélectionneur a dit qu'il poursuivrait jusqu'à Los Angeles. Elle est tellement fabuleuse, cette équipe, qu'il va peut-être motiver ses gars à continuer..."