Paralympiques 2024 : "Je vois mon dentiste plus régulièrement que la moyenne"... Guillaume Toucoullet, l'archer qui tirait avec la bouche

Le Basque est le favori pour le titre en individuel dans la catégorie Open arc classique, mercredi.

Son objectif était de "tirer à son meilleur niveau" et il a marqué les esprits d'entrée. Aux Invalides, Guillaume Toucoullet part à la conquête de la médaille d'or en individuel, mercredi 4 septembre, six jours après avoir établi un nouveau record paralympique (652 points) lors du tour de classement de sa catégorie. Logiquement, il a terminé en tête des qualifications et s'est ouvert un tableau plus simple en vue de la phase à élimination directe. En Open arc classique – classification qui regroupe tous types de handicaps physiques –, le Français est l'un des rares à tirer avec la bouche.

"Je vois mon dentiste plus régulièrement que la moyenne, se marrait-il en zone mixte le 26 août. Ma préparation est un peu différente des autres archers. Je ne peux pas tirer 500 flèches par jour, sinon mes dents font un peu la tronche et j'ai des douleurs. Du coup, je rajoute souvent un entraînement physique ciblé au niveau des cervicales et je joue au badminton qui, en plus du cardio, m'aide à renforcer toute cette partie autour du cou".

Argenté pour ses premiers championnats de France

C'est cette façon si particulière de tirer qui a séduit Guillaume Toucoullet quand il a commencé le tir à l'arc en 2017. Paralysé du bras gauche dans un accident de moto sept ans plus tôt, cet amateur de pelote basque accro à l'effort physique admet avoir été "crétin" au début. Après avoir longtemps pratiqué l'aviron avec les valides puis le para-aviron (il s'est qualifié pour Rio 2016 mais n'a pas été sélectionné par la Fédération), il pensait que la dépense énergétique serait minime sur le pas de tir.

"A la base, je voulais juste trouver quelque chose à faire avec un seul bras. Je n'avais pas trop d'idée donc je suis allé à un forum des associations à Anglet. Quand on m'a proposé de tirer avec la bouche, j'ai trouvé ça incroyable."

Guillaume Toucoullet, archer paralympique

en zone mixte

Le colosse basque de 39 ans est désormais habitué à décocher ses flèches en tirant avec ses dents sur une languette en cuir fixée à la corde de son arc. D'abord, c'était simplement pour le plaisir, mais le démon de la compétition s'est vite réveillé en lui et il s'est retrouvé, à la surprise générale, en argent pour ses premiers championnats de France. De quoi susciter l'intérêt de Vincent Hybois, l'entraîneur de l'équipe de France : "Après la compétition, il est venu me voir et m'a dit : 'Mais d'où est-ce que tu sors, toi ?' Au début, je n'étais pas très chaud à l'idée de rejoindre la sélection, puis j'ai infusé. En 2019, j'étais partant."

Pour peaufiner sa technique, Guillaume Toucoullet a pris exemple sur l'Américain Eric Bennett, également présent en France cet été. Mais il s'est approprié certains aspects. "Je voulais vraiment que mon tir soit le plus proche de l'esthétique du tir à l'arc. Moi, tu n'as qu'à me rajouter un bras et c'est pareil", souligne-t-il, tandis que son modèle arizonien a davantage tendance à se contorsionner.

Reste qu'avec un laps de temps trop court pour préparer l'échéance des Jeux de Tokyo, l'archer tricolore s'est incliné dès son entrée en lice. "Je ne l'ai pas super bien vécu, sachant que j'avais cassé mon arc quelques jours avant par manque de connaissance du matériel. C'est quelque chose que j'ai pris en compte et que j'ai rectifié", détaille le barbu, qui s'arrache régulièrement des poils sur les volées.

Emploi du temps aménagé avant les Jeux

Son handicap étant assez peu répandu dans sa discipline, il a appris à beaucoup écouter son corps et à se fier à ses sensations pour effectuer ses réglages. "Le vent, c'est vraiment ma bête noire. Je n'ai pas autant de stabilité donc tout est fait avec la nuque et la force du cou. Il suffit qu'il y en ait un peu pour que je me décale et que la flèche parte loin", raconte-t-il. 

Pour continuer sa progression une fois devenu vice-champion du monde 2022 et détenteur du record du monde (665 points, battu depuis), il a rejoint le club des Archers de Compiègne (Oise), faute d'une concurrence à sa mesure dans son Sud-Ouest adoré. Il y a ajouté une nouvelle médaille d'argent aux championnats d'Europe de 2023. Grâce à un emploi du temps aménagé dans le cadre d'une convention d'insertion professionnelle (CIP), ce chargé d'études à Enedis a ensuite pu se concentrer pleinement sur sa préparation à Paris 2024 depuis janvier.

"Je ne voulais pas faire du sport un boulot, mais ça s'est bien passé. Cela m'a permis d'avoir plus de souplesse et de m'organiser avec ma famille. J'ai un petit garçon. J'ai trouvé mon équilibre et les progrès se sont vite vus."

Guillaume Toucoullet, archer paralympique

en zone mixte

En guise de porte-bonheur, il garde d'ailleurs une flèche en bois avec une petite balle jaune que son fils, Patxi, a un jour mis dans son carquois. De nature joviale et boute-en-train, le numéro 2 mondial est "naturellement devenu le chef de file de l'équipe de France avec son charisme et sa personnalité", dixit Benoît Binon, le directeur technique national de la fédération, qui espère également un bon résultat en équipe mixte, jeudi. Guillaume Toucoullet sait qu'il a tout mis en œuvre pour légitimement viser l'or à domicile. Il ne lui reste plus qu'à croquer la concurrence, cette semaine.

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