Il s'inscrit un peu plus dans la légende de son sport. Avec maestria sans lâcher un set du tournoi, Lucas Mazur a mené à bien la défense de son titre paralympique en simple, lundi 2 septembre, dans la catégorie SL4, réservée aux athlètes avec un handicap affectant un membre inférieur. Et ce, une dizaine d'heures seulement après s'être paré de bronze en double mixte avec Faustine Noël.
Presque la routine pour le badiste tricolore, qui avait déjà réalisé une prouesse similaire à Tokyo. Si le bilan est légèrement moins bon, car la paire avait pris l'argent il y a trois ans, ces deux podiums parisiens garderont une saveur inégalée pour Lucas Mazur. Celle d'une mission accomplie à domicile, devant des tribunes de l'Arena Porte de La Chapelle qui n'avaient d'yeux que pour lui.
"C'est le plus beau jour de ma vie. Dans mes rêves les plus fous, je n'avais jamais pu imaginer cela. A Tokyo, j'étais resté avec le goût de la défaite car le double mixte se jouait après... Je préfère cette journée avec cette ambiance fabuleuse", a-t-il réagi tout sourire après cette heureuse issue. Malgré l'horaire matinal, le public avait d'ailleurs répondu présent lors de son premier rendez-vous du jour pour accompagner sa paire vers la victoire contre les Thaïlandais Siripong Teamarrom et Nipada Saensupa.
Une belle récompense pour les deux badistes après plusieurs stages ensemble – une semaine tous les mois environ – et des séances de préparation mentale pour retrouver leur connexion d'antan sur le terrain. "On avait un groupe ultra difficile, dont on a réussi à se sortir, mais il y avait plus fort cette année, donc on n'a vraiment pas de regrets", assurait Faustine Noël dans la foulée de leur succès dans la petite finale, alors qu'elle expliquait encore récemment avoir du mal à trouver sa place aux côtés de son partenaire, souvent trop "dominant" dans l'échange.
"Une magnifique médaille de bronze ici devant nos familles, ça n'a pas de prix", confirmait de son côté Lucas Mazur, déjà tourné vers son deuxième objectif. La veille, le Loirétain n'avait pas caché sa frustration face à cet enchaînement peu propice à la récupération. Mais à le voir avaler une banane en zone mixte sur les coups de 10 heures, puis se servir de la peau comme d'un micro tendu vers sa comparse pour faire rire les journalistes, il avait visiblement anticipé son programme avec sérénité. A savoir faire des soins, retourner au village pour déjeuner, se reposer et faire de l'analyse vidéo.
Vocabulaire martial et physique de golgoth
Pas émoussé pour un sou en finale du simple, l'athlète de 26 ans n'a laissé aucune chance à l'Indien Suhas Lalinakere Yathiraj, enfilant les points avec une facilité déconcertante. De quoi se venger de celui qui lui avait barré la route d'un quatrième titre mondial en février en l'éliminant en demi-finales. "Cette défaite m'a fait du bien, ça m'a permis de me remettre en question", jugeait a posteriori le champion, qui a changé d'entraîneur et de lieu d'entraînement pour s'isoler à Salbris (Loir-et-Cher) à quatre mois des Paralympiques. Un choix vite payant, car il a ensuite gagné deux finales d'Open en Espagne et en Ecosse contre son rival.
"Je suis bien content d'avoir rendu la monnaie de sa pièce à mon adversaire. Cela a été quatre mois très longs, très éprouvants dans le Loir-et-Cher. Mais quand je vois ce si beau résultat, je serais prêt à recommencer dix fois."
Lucas Mazur, double champion paralympiqueen zone mixte
Lundi, Lucas Mazur a encore prouvé qu'il n'était pas du genre à simplement rentrer sur le court pour disputer un match de badminton. Non, lui était là pour "combattre dans l'arène", "conquérir" et "asseoir sa domination" sur sa discipline, selon ses termes choisis tout au long de la semaine écoulée. "Il a un mental d'acier, c'est un guerrier toujours prêt à en découdre. Dans son regard, tu vois qu'il veut 'tuer' ses adversaires, ça leur met beaucoup de pression", rappelait, fin août, son coéquipier Charles Noakes, qui le considère comme "son mentor".
Il faut dire que ce fan de football, inconditionnel ultra de Toulouse, en impose par son physique robuste (1,92 m sous la toise). "Il a un gabarit hors-normes pour les Paralympiques, où l'on imagine toujours des athlètes touchés physiquement. Il en joue très bien en impressionnant ses adversaires ou en se posant près de l'arbitre", analyse Elisa Chanteur, responsable du parabadminton de haut niveau à la fédération française.
Victime d'un AVC à l'âge de trois ans, à l'origine d'une raideur de sa cheville droite, Lucas Mazur a même longtemps fouetté les volants avec les valides. Tandis que sa discipline faisait son apparition aux "JP", son titre à Tokyo l'a fait changer de statut – "je suis passé de quasi-inconnu à la une de L'Equipe" – pour finalement devenir une sorte de grand frère pour l'ensemble de l'équipe de France.
"C'est un levier de motivation, parce qu'il est là dans les bons et les mauvais moments. Il a su m'apprendre à devenir un champion avec ses astuces. On le remercie pour tout ce qu'il nous a transmis pour nous aider à devenir de grands athlètes."
Charles Noakes, parabadiste engagé en finale du simple SH6en zone mixte
Ce rôle de leader, Lucas Mazur l'a, de fait, également rempli avec brio. Pour conclure sa journée parfaite, il a assisté depuis le kop des supporters à la victoire de son coéquipier Charles Noakes en finale SH6 contre le Britannique Krysten Coombs. Un immense exploit pour lui qui n'avait jamais remporté de titre majeur. Preuve que les conseils du patron des Bleus ont porté leurs fruits.