Quelques secondes à peine après sa finale du 100 m en catégorie T38 (mouvement et coordination du bas du tronc et des jambes faiblement limités), samedi 31 août, Dimitri Jozwicki avait un message à faire passer.
"J'espère que les téléspectateurs et le public présents ce soir au Stade de France, qui sont en train de vivre ces Jeux paralympiques, voient qu'on peut mettre le mot performance à côté du mot handicap. On est trop souvent associés aux déficiences", a-t-il lancé au micro de France Télévisions.
Un ambassadeur du handicap invisible
La déception légitime du musculeux Nancéien, cinquième à l'arrivée, a vite laissé place à quelque chose de plus important, ancré dans son travail quotidien de reconnaissance du parasport. Un combat que valide son frère jumeau Rémi, présent dans les tribunes du Stade de France pour évoquer la trajectoire du frangin. "C'est son caractère, il aime donner du temps aux médias, aux partenaires, aux écoles, aux entreprises, pour partager sa vision et lutter contre la vision misérabiliste qu'on a du handicap."
Ce caractère, c'est aussi et surtout son histoire personnelle qui l'a forgé. Atteint de tétraparésie – qui se traduit par un déficit au niveau articulaire, une fatigue musculaire plus importante et des soucis de coordination – il a dû attendre ses 8 ou 9 ans pour qu'un diagnostic médical soit posé. Comptez dix années de plus pour accepter qu'il peut concourir avec d'autres athlètes en situation de handicap "sans piquer la place de personne", et vous avez un champion en devenir, qui fait une razzia chez les jeunes et devient un sportif de haut niveau. Avant de nouvelles embûches.
"En 2020, il se casse un os sous le pied, se rappellent ses proches, dont son père André et sa mère Stéphanie. On lui diagnostique une fracture de fatigue et on lui dit qu'il ne sera plus au niveau. Juste après les Jeux paralympiques de Tokyo, un an plus tard, il fait une grosse occlusion intestinale, les médecins lui disent qu'il ne courra plus. Mais il revient, encore. La résilience, c'est l'histoire de sa vie."
Au stade de France, devant une foule acquise à sa cause, dont plus d'une trentaine de supporters venus exprès de Tourcoing (Nord) pour le soutenir, Dimitri Jozwicki a tout donné pour décrocher un podium. Mais celui-ci le fuira une nouvelle fois, comme au Japon il y a trois ans (4e), comme aux Mondiaux à Paris en 2023 (5e) et à Kobe cette année (4e). Au Stade de France, il lui aurait fallu son meilleur temps (10"99), pour faire aussi bien que le médaillé de bronze.
"C'est super, ça en dit long sur la notion de haute performance, même pour les sportifs en situation de handicap. Ça ne peut que nous permettre de progresser. Et aussi de faire comprendre aux gens de venir remplir les stades, pas seulement pour les Jeux, mais toute l'année."
Dimitri Jozwicki, 5e du 100 m T38à franceinfo: sport
Le regard se porte alors sur son biceps droit, où figure un tatouage en japonais. "Quatrième aux Jeux paralympiques de Tokyo", nous traduit Rémi, son frère. Avant de le charrier gentiment : "Depuis qu'il l'a, il ne fait que cette position ! Je lui ai dit : 'Si tu fais encore quatrième, je te coupe le bras et l'année prochaine, tu n'es plus dans la même catégorie !'" Le principal intéressé a une autre idée, plus romantique. "Peut-être qu'à la place de '5e aux Jeux de Paris', je mettrai : '70 000' avec un petit cœur à côté, pour me rappeler de tout l'amour que j'ai reçu."