On y est. Après la petite finale, remportée par l'Angleterre devant l'Argentine (26-23) vendredi, place à la grande finale, samedi 28 octobre au Stade de France. Et quelle affiche, puisqu'elle oppose les deux seules nations triples championnes du monde dans l'histoire, la Nouvelle-Zélande (1987, 2011 et 2015) et l'Afrique du Sud (1995, 2007 et 2019). Les Springboks ne se trouvent plus qu'à une marche de conserver leur titre, ce que seule... la Nouvelle-Zélande a réussi dans l'histoire. Les All Blacks justement, sont redevenus la bête noire qui fait frémir ses adversaires. Ce choc promet un grand final après presque deux mois de compétition. Voici quatre clés qui devraient décider du nouveau champion du monde.
La défense des All Blacks va-t-elle tenir ?
L'Afrique du Sud, portée par un banc de grande qualité et très puissant, a pris l'habitude de faire craquer ses adversaires en fin, voire en toute fin, de match dans la compétition. Les Bleus comme les Anglais ont été progressivement asphyxiés par les remplaçants des Springboks, encaissant des essais quasiment au même moment (67e pour la France, 69e pour le XV de la Rose), là où la fraîcheur prend le pas sur les qualités naturelles. "Leur dimension physique représente un immense défi, ils excellent dans ce domaine. Ils ont apporté de la variation dans leur jeu avec une très bonne touche et une défense féroce. Ils mettent leurs adversaires sous pression et brillent dans les rucks. Ils ont amélioré toutes les facettes de leur jeu pour cette finale", note Jason Ryan, entraîneur des avants néo-zélandais.
Les Sud-Africains le savent, et viseront sans doute la même tactique en finale, mais ils vont rencontrer une grande adversité : les All Blacks, qui avaient encaissé 27 points de la France en match d'ouverture, n'ont plus encaissé plus de 24 points (face à l'Irlande) depuis, et seulement six en demi-finale. Face à l'Argentine, les avants néo-zélandais ont dégoûté leurs homologues des Pumas dans la conquête et en mêlée, alors que les trois-quarts, notamment Rieko Ioane, ont parfaitement coulissé pour bloquer les offensives sur les ailes. Si le score est serré, l'intensité et la rigueur en défense des dernières minutes vont être déterminantes pour sceller l'issue, qui tourne très souvent en faveur des Springboks dans cette configuration.
Qui remportera le duel des ailes ?
Les flèches néo-zélandaises Will Jordan et Mark Telea face aux bolides sud-africains Cheslin Kolbe et Kurt-Lee Arendse. Cette finale va sans doute proposer ce qui se fait de mieux en termes de duo d'ailiers dans cette Coupe du monde. A eux quatre, ils comptabilisent 15 essais dans cette édition, dont huit pour le seul Will Jordan. "C’est un joueur incroyable. Il peut taper à suivre et récupérer le ballon… En fait, il sait tout faire et il est capable de marquer de n’importe où", prévient Willie Le Roux, l'arrière sud-africain.
Dans ce duel, avantage aux All Blacks, qui ont beaucoup plus trouvé leurs ailiers dans cette compétition. La clé sera une nouvelle fois de dépasser en vitesse le pack sud-africain pour amener le surnombre sur l'aile et conclure le long de la ligne de touche. Mark Telea a également été très présent en défense, et il faudra contrôler de près Cheslin Kolbe, dont les appuis et le centre de gravité très bas le rendent insaisissable, sans parler de sa vitesse. Thomas Ramos, qui avait vu sa transformation contrée par l'ancien ailier du Stade toulousain et du RC Toulon, en sait quelque chose.
L'intelligence tactique et les ballons portés
Cette finale sera un jeu d'échecs. Peut-être pas du niveau de Magnus Carlsen, mais la bataille tactique entre Ian Foster et le duo Nienaber-Erasmus sera décisive. Dans cette édition, avantage aux Springboks, qui ont su prendre des risques tactiques payants, comme sortir leur ouvreur à la 45e minute en quarts puis à la 30e minute en demie, jouant souvent le bluff dans leur composition d'équipe pour brouiller les pistes. "Ce duo envisage les choses différemment de ce que l’on pourrait attendre d'eux. On est constamment en train de parler tactique, de manière informelle, que ce soit en réunion ou dans la box des entraîneurs. Il s’agit simplement d’un autre point de vue que, dans la plupart des cas, les gens n’auront pas pris en compte", observe l'entraîneur adjoint de l'Afrique du Sud, Felix Jones. Les All Blacks ont arboré une tactique plus lisible et personne, hormis la France dont les caractéristiques sont éloignées de celles des Boks, n'a pu leur passer plus de 24 points.
Dans la guerre tactique, les Springboks auront deux éléments à surveiller de près : les actions tout en vitesse jusqu'à l'aile, et les ballons portés en sortie de touche. Peu utilisés face à des adversaires plus faibles, les All Blacks les ont remis dans leur stratégie en phase éliminatoire, avec réussite. Quoi qu'il en soit, les Springboks devront résister à la rapidité d'exécution des Néo-Zélandais. "Cette équipe a l’air très complète. Leur jeu au pied s’est aussi développé. Ils savent très bien mettre l’adversaire sous pression, non seulement avec leur jeu de passes, mais aussi grâce à leur capacité à utiliser leurs pieds. Selon moi, ces deux domaines vont être déterminants", souligne Felix Jones.
La gestion émotionnelle d'une finale mondiale
Enfin, et c'est un point très spécifique à une finale, la gestion de l'événement et de l'enjeu qui l'accompagne – un quatrième titre mondial record pour l'une des deux équipes – aura forcément un impact. Aucune autre nation n'a autant d'expérience de ce rendez-vous que les Springboks et les All Blacks, qui ont remporté à eux deux six des neuf éditions. "C’est le sommet de la montagne que chaque enfant a envie de gravir. Quand tu es gamin, tu te dis que tu aimerais bien vivre et jouer ce genre de match. Le fait que ça devienne une réalité, ça remet en perspective tous les efforts. C’est énorme. Certains ont dit qu’il s'agissait peut-être du match le plus important de l’histoire de la Nouvelle-Zélande. On a été critiqués par les médias, les amis et parfois la famille. Tout ça, ça nous a soudés. On ne pensait même pas arriver en finale, et pourtant on y est !", s'est félicité Dalton Papali'i, le troisième ligne aile.
Question expérience, six Néo-Zélandais présents samedi étaient déjà là lors du titre de 2015 (glané face aux Springboks justement), alors que côté sud-africain, huit titulaires samedi l'étaient déjà lors de la finale 2019. Il faudra notamment surveiller le buteur Richie Mo'unga qui, s'il a de l'expérience à revendre, va découvrir une finale mondiale. Ses acolytes à la mêlée, Aaron Smith – qui prendra sa retraite internationale samedi soir – et Faf de Klerk, sont eux déjà champions du monde et devront se servir de leur expérience pour gérer les temps forts et faibles de leur équipe.