C'est sans doute celui qui a attiré le plus les regards. Et le plus de sifflets sur la pelouse du Stade de France. Désigné par World Rugby pour arbitrer la deuxième demi-finale de la Coupe du monde entre l'Angleterre et l'Afrique du Sud remportée par les Springboks (16-15), samedi 21 octobre, dans l'enceinte de Saint-Denis, le Néo-Zélandais Ben O'Keeffe a reçu un accueil particulier du public. Il a aussi beaucoup parlé avec les joueurs, et chacun de ses gestes a été scruté. Certainement marqué par les critiques, mais aussi par le cyber-harcèlement dont il a été victime durant la semaine, il n'était pas dans les meilleures conditions pour officier.
S'il s'est retrouvé au cœur de toutes les attentions, c'est parce que l'homme en noir était de retour sur le pré dyonisien moins d’une semaine après avoir arbitré le quart de finale opposant la France et l’Afrique du Sud, et l’élimination des Bleus (28-29). Auteur de décisions arbitrales pas toujours comprises par les joueurs tricolores et leur public, il a été montré du doigt comme responsable de la fin de l’aventure française par de nombreux supporters.
"Le match de dimanche est encore tout frais, il y a de la colère, de la frustration, on va siffler par principe", confiaient ainsi Ben et Néo, plusieurs heures avant le coup d'envoi, sur le chemin en direction de leur porte. "C'est le moyen d'extérioriser, mais aussi de se faire entendre auprès des instances, de World Rugby", abondaient Jeanne, Tiphaine et Florent avant de rejoindre leur siège. "On est bien conscient que ce n'est pas le seul responsable, c'est dommage qu'il prenne tout ça, mais c'est le moyen de s'exprimer."
Des sifflets à son entrée et sur chaque pénalité
Les sifflets sont rapidement descendus des tribunes, peu après l'ouverture des portes du stade, alors que les acteurs de la rencontre venaient reconnaître la pelouse. Ce ne seront pas les derniers. Le bal des huées s'est poursuivi à son entrée sur le terrain pour l'échauffement, pendant de longues minutes, l'annonce de la composition du corps arbitral, dont on a eu du mal à entendre distinctement les noms sous les cris, et dès que sa silhouette est apparue sur les écrans géants. Une réaction répétée à chaque pénalité sifflée par l'officiel néo-zélandais.
Dans un Stade de France à l'accent étonnamment anglais, entre quelques Marseillaises, on n'a pas toujours su si les supporters tricolores rescapés sifflaient l'arbitre en lui-même ou ses prises de décision, en écho à celles qui ont manqué et fait défaut il y a six jours face aux Français.
Autant de pénalités sifflées en première période que lors de France-Afrique du Sud
"Les arbitres ne sont jamais parfaits, on commet forcément des erreurs dans le jeu", s'était défendu Ben O'Keeffe dans la semaine, auprès de la chaîne néo-zélandaise Neshub. Pas le meilleur moyen d'être serein pour un tel match. Il a aussi été particulièrement surveillé par les joueurs, avec qui il a, presque tout au long du match, longuement discuté.
Sous la pression des critiques, il a un peu modifié sa façon d'officier, et surtout son attitude face aux rucks, le nerf de la guerre franco-sud-africaine. Au cœur d'un jeu plus lent et moins rythmé (voire très hâché) que lors du quart de finale, donc certainement plus facile à décrypter, il s'est montré plus vigilant dans les combats au sol. Mais ses décisions n'ont pas toujours plu aux joueurs, notamment le capitaine Anglais Owen Farrell, qu'on a vu discuter et parfois s'énerver en première période.
A la 34e minute, le Néo-Zélandais avait sifflé autant de pénalités (12) que lors du quart de finale. La dernière qu'il aura sifflée (la 19e de la rencontre), pour les Springboks, à trois minutes du coup de sifflet final, qui a permis à Handré Pollard de donner l'avantage aux siens pour la première fois de la rencontre, synonyme de victoire, va certainement faire couler beaucoup d'encre de l'autre côté de la Manche. Les sifflets ont encore accompagné Ben O'Keeffe à sa sortie du terrain. Les supporters anglais s'étaient peut-être joints aux Français, dans une Entente cordiale inhabituelle en rugby.