Cinq semaines de compétition plus tard, il est l’heure de tirer le bilan de l'édition 2024 du Six nations. Après quatre premières victoires et une montée en puissance, les Bleues ont clôturé leur Tournoi, samedi 27 avril, par une défaite contre les Red Roses dans le match pour le titre, et une deuxième place au classement général, comme depuis trois ans.
Les satisfactions
Un projet de jeu validé
Au cours de ce Tournoi, les Bleues ont testé et affiné un projet de jeu résolument offensif, fondé sur une volonté presque constante de faire vivre le ballon (incarné par les 72 passes après contact réalisées par les Françaises, plus que n’importe quelle autre équipe). "On voulait se libérer des rails qu’on avait mis en place, on voulait être plus libres", a résumé après l'Angleterre la troisième ligne tricolore Charlotte Escudero, pour qui cette progression dans le jeu est la satisfaction à retenir de ce Tournoi.
Car après deux premiers matchs à se régler et quelques ajustements, les joueuses ont proposé deux prestations plus complètes face aux Italiennes et aux Galloises. Et même menées face aux Anglaises, elles se sont démenées et ont envoyé du jeu, notamment à 14 contre 15. "On est à 200% convaincus qu’on est sur le bon chemin. On avait des intentions, on l’a montré tout au long du Tournoi, on l’a encore montré aujourd’hui, a d’ailleurs affirmé David Ortiz après le Crunch samedi soir. Le projet avance fort, et les joueuses avec".
Un état d’esprit positif à conserver
La défaite sur la dernière marche n’a pas entamé le bel état d’esprit qui s’est construit dans le groupe. Pendant tout le Tournoi, les Bleues sont apparues appliquées et unies, à l’image de la dernière grosse demi-heure disputée en infériorité numérique contre les Anglaises.
"On a su montrer une détermination, même à 14", a souligné Charlotte Escudero à la sortie du match. "On était mortes de faim, on avait vraiment envie de leur faire mal [...] notre état d’esprit a été très bon sur ce match", a également assuré Pauline Bourdon Sansus.
"On a de la chance d'avoir des joueuses résilientes, qui en demandent tout le temps plus. On ne va rien lâcher et on va revenir, a promis la co-sélectionneuse Gaëlle Mignot. Les premiers mots sur le terrain [après la défaite], ça a été de repartir fort au travail.""L’état d’esprit y est, on sent des filles travailleuses, qui ne vont pas se décourager", confirme Marie Sempéré, consultante France Télévisions.
Un groupe qui se soude et prend de l’expérience
Pendant ce Tournoi, les Bleues se sont aussi construites une histoire collective et ont continué à prendre des repères sur le terrain. Le groupe a confirmé ce bon mélange de générations, entre des cadres qui confirment et des jeunes qui prennent la lumière. Dans la première catégorie, les Françaises ont notamment pu compter sur les sœurs Marine et Romane Ménager, 108 sélections à elles deux et indispensables chacune dans leur zone, ou sur une Pauline Bourdon Sansus impressionnante de justesse tout au long du Tournoi.
"Nous, les cadres et les leaders, on est de plus en plus en confiance, il faut que ça continue comme ça, on essaye d’apporter au groupe", a-t-elle déclaré après le match contre l’Angleterre. Dans l’autre catégorie, il y a ces "jeunes joueuses qui se mettent au diapason, qui ont explosé, à l’image d’Assia Khalfaoui qui fait un Tournoi fabuleux, de Lina Queyroi qui a quand même pris les clés du camion en charnière", liste Marie Sempéré. Autant de promesses pour le futur.
La déception
Le plafond de verre face aux Anglaises
C'est évidemment la grande déception de ce Tournoi, d'autant plus difficile à digérer qu'elle est venue clôturer l'aventure. Dominées par les Red Roses anglaises (42-21), les Bleues ont laissé échapper leur rêve de Grand Chelem. Un revers que les principaux acteurs et actrices du Tournoi expliquent par un manque de maîtrise et une accumulation de petits détails qui les ont finalement plombés.
Une défaite avec un air de déjà-vu, puisque c'est la troisième année de suite que les Bleues perdent la finale annoncée du Tournoi face à leurs meilleures ennemies, et terminent à la deuxième place. "C'est un peu l'histoire qui se répète : les Françaises montent en puissance de match en match, mais la dernière marche face aux Anglaises et toujours un peu trop haute", résume Marie Sempéré, qui explique cette défaite par un "manque de maîtrise", un "manque de lucidité sur le carton rouge", et le fait que les Bleues ne sont "pas encore à leur niveau".
Statistiquement, sur cette édition, Anglaises et Françaises ne boxent en effet pas dans la même catégorie. En cinq rencontres, les premières ont inscrit deux fois plus d'essais (44 contre 22) et 118 points de plus (270 contre 152) que les secondes, un monde d'écart. Les Red Roses ont aussi multiplié les gros scores, du 48-0 en Italie lors de la première journée à la correction et aux 88 points infligés à l'Irlande une semaine avant la finale.
Les Bleues, qui ne se sont plus imposées dans le Crunch depuis 2018 et sont donc sur une série de 13 revers de rang, attendent encore de briser ce qui est devenu un solide plafond de verre. "On essaye à chaque match, mais on voit qu’à l’heure actuelle, elles sont meilleures que nous", a regretté Pauline Bourdon Sansus, qui estime tout de même que "l'écart se resserre". Rendez-vous dans un an pour voir ce qu'il en est, et tenter de mettre fin à la mauvaise série.