Combien de points rapporte un "supplément d'âme" ? C'est ainsi que David Ortiz, co-sélectionneur du XV de France, a défini l'apport des 27 000 supporters attendus au Stade Chaban-Delmas de Bordeaux (nouveau record pour un match de rugby féminin en France), samedi 27 avril contre l'Angleterre (à 17h45 en direct sur France 2 et france.tv). Ils seront un soutien précieux pour renverser les quintuples vainqueures en titre du Tournoi des six nations, fortes de quatre victoires en autant de match comme les Bleues, qui les avaient dominées dans un Stade Twickenham bondé l'année dernière (38-33). Mais les joueuses de l'équipe de France ont beaucoup d'autres qualités à faire valoir.
Tenir tête à la conquête
Certaines Tricolores joueront plus à domicile encore que les autres. A commencer par la première ligne indéboulonnable et cent pour cent bordelaise, Deshaye-Sochat-Khalfaoui, qui a montré toutes ses qualités de perforation contre l'Italie (38-15). Les avants françaises peuvent rivaliser dans l'affrontement physique, à l'image d'une mêlée invincible au pays de Galles (9 mêlées disputées et remportées), mais elles se cherchent encore dans d'autres secteurs de la conquête. Contre les Galloises comme contre les Ecossaises, les Bleues ont perdu quatre munitions en touche. Un secteur défini comme "prioritaire" par le staff avant d'affronter les Anglaises, qui peuvent compter sur l'une des meilleures sauteuses en touche, Zoe Aldcroft, qui est aussi un poison dans les rucks.
"On n'a pas toujours pris les bonnes décisions, on a mis du temps à se régler, on a eu pas mal de lancés un peu lobés, ce sont des fautes qui s'accumulent", a expliqué la pilier Assia Khalfaoui au sujet de la touche, en zone mixte après la rencontre contre l'Ecosse. Il faudra aussi trouver la recette pour déjouer les mauls destructeurs des Red Roses, arme maîtresse d'une équipe qui ne s'est plus inclinée contre une nation de l'hémisphère nord depuis 2018, date du dernier sacre des Bleues dans le Tournoi et de leur dernière victoire sur les Anglaises (18-17).
Allier créativité et efficacité
Contre l'Italie (38-15), les Tricolores avaient brillé par leur jeu de passes mais péché dans la concrétisation, avant de se montrer impitoyables sur chaque action au pays de Galles (40-0) sans avoir autant la maîtrise du ballon. Il faudra le meilleur des deux matchs, samedi contre l'Angleterre. Depuis le début du Tournoi, la charnière composée de Pauline Bourdon-Sansus et Lina Queyroi, distribue le jeu à merveille. La première, expérimentée, dicte le tempo tandis que la seconde, qui vit son premier Tournoi dans la peau d'une titulaire, a remplacé avantageusement la retraitée Jessy Trémoulière grâce à ses qualités d'animation du jeu et d'accélération, couplées à un jeu au pied fiable.
"Le but va être d'imposer son rugby, de respecter le plan de jeu, a annoncé l'ailière Joanna Grisez, qui est finalement forfait, remplacée par Anne-Cécile Ciofani. À partir du moment où on y arrive, on peut être dangereuses partout. On a cette capacité à jouer debout, les avants comme les trois-quarts. On a beaucoup d'options avec ce jeu."
Contenir la furia anglaise
La Rose est revenue à la mode. Sous l'égide de John Mitchell et Lou Meadows, nouveau sélectionneur et nouvelle entraîneuse de l'attaque, les Red Roses ont diversifié leur jeu, variant leurs ballons portés et leur jeu d'avants caractéristiques avec des séquences de passes ouvertement influencées par la sélection masculine irlandaise d'Andy Farrell. "Si nous continuons à porter le ballon avec les avants, nous devenons prévisibles et faciles à défendre, expliquait Lou Meadows au Telegraph le 11 avril dernier. Quand on libère les couloirs extérieurs ou qu'on transmet à l'une des avants à hauteur ou après contact, cette continuité offensive est vraiment difficile à défendre."
Les Anglaises ont déjà inscrit 38 essais dans la compétition, soit deux fois plus que les Françaises, et ont remporté leurs quatre rencontres avec 52 points d'écart en moyenne. Réputées pour leur rigueur défensive, les joueuses de Gaëlle Mignot et David Ortiz ont les qualités physiques et le tempérament pour tenir tête à l'attaque anglaise. Il faudra notamment contenir l'arrière Ellie Kildunne, qui survole le Tournoi avec neuf essais inscrits et 630 mètres gagnés, soit plus du double de la deuxième dans ce classement (Abby Dow, autre Anglaise).
Rester disciplinées et finir fort
C'est presque le seul point noir des quatre premiers matchs, aussi bien côté français qu'anglais : la discipline. Les Bleues ont récolté trois cartons jaunes la semaine dernière, et les Red Roses comptent déjà deux cartons rouges et quatre jaunes dans le Tournoi. Les Françaises sont dans l'ensemble moins souvent pénalisées que leurs adversaires du jour, et devront les pousser à la faute pour obtenir de précieuses pénalités, dans une rencontre qui pourrait se jouer sur ce genre de détails.
Parmi les détails qui comptent, l'apport des remplaçantes pourrait faire basculer le match. Trois membres de l'équipe de France de rugby à 7 sont venues prêter main-forte au XV pour la fin du Tournoi des six nations. Toutes titulaires contre le pays de Galles la semaine dernière, elles se sont surtout illustrées offensivement, à l'image du doublé de Joanna Grisez. L'ailière est d'ailleurs la seule à être reconduite dans le XV de départ. "Nous avons souhaité garder de la continuité, mais aussi garder un équilibre pour l'ensemble de la rencontre à venir, a expliqué le co-sélectionneur David Ortiz. Anne-Cécile Ciofani et Chloé Jacquet auront leur rôle de finisseuses." Pour apporter leur "rage de vaincre", telle que décrite par Gaëlle Mignot, dans les dernières minutes de la finale.