C’est un fait, les émotions de nos tout-petits sont parfois intenses et difficiles à comprendre. Comment décrypter les émotions des enfants de 0 à 6 ans ? Comment y réagir ? C’est scientifiquement prouvé par les neurosciences : les parents ont un rôle clé dans le développement du cerveau des enfants. Pour nous aider à y voir plus clair, le Docteur Catherine Gueguen, pédiatre, répond aux questions de La Maison des maternelles.
LMDM : Est-ce vrai que dès la grossesse, le fœtus ressent déjà des émotions ?
Catherine Gueguen – Le cerveau du bébé in utéro est extrêmement fragile. Il vit déjà des émotions intenses. Lorsque la mère est stressée pendant la grossesse, cela retentit sur le cerveau du bébé. Tenter de se débarrasser un maximum des mauvaises tensions chez la mère, c’est de la prévention pour le bien-être du futur bébé !
Quand on n’est pas bien, le seul fait de dire des choses peut apaiser et calmer la structure cérébrale qui active la molécule du stress. L’haptonomie ou la méditation peuvent être d’une grande aide.
De la naissance jusqu’à 6 ans, l’enfant est submergé par de véritables tempêtes émotionnelles. Comment les expliquer ?
Le cerveau est constitué de plusieurs parties en charge de nos émotions :
Il y a le cerveau archaïque. La partie en charge de notre survie. Dès que nous sommes en danger, en insécurité émotionnelle, il va se déclencher. Chez les tout-petits, le cerveau archaïque domine le reste. S’il se met à taper, griffer ou mordre, ce n’est pas de la méchanceté ! C’est que le cerveau de l’enfant est très immature.
Il y a le cerveau émotionnel. Nous l’avons en commun avec tous les mammifères, et domine chez les enfants jusqu’à 6-7 ans.
- Le cortex orbito-frontal. C’est la partie qui permet de prendre du recul, de trouver des solutions et de s’apaiser. Il n’est pas encore mature chez l’enfant petit et c’est ce qui explique ces tempêtes émotionnelles. Dire cela aux parents permet de changer leur regard sur l’enfant.
Comment aider son enfant à progresser dans la gestion de ses émotions ?
On sait que l’empathie va faire maturer le cerveau de façon très profonde. Au lieu de punir l’enfant et d’être offensif, il faut comprendre ses émotions, l’apaiser et ensuite l’aider à s’exprimer. Si on ne l’apaise pas, le cortisol sécrété est très nocif pour son cerveau. Il n’y a pas besoin de faire de grands discours. Mais tous les chercheurs le disent : à chaque fois que l’on encourage son enfant, le cerveau se mature. Évidemment il faut parfois bousculer ses habitudes, son regard, et avoir de la patience.
Sachant que l’attitude du parent ou de l’enseignant influe sur le développement du cerveau des enfants, comment peut-on se rassurer s’il y a des ratés ?
J’estime qu’on a beaucoup de chance d’avoir toutes ces recherches sur les neurosciences aujourd’hui. Évidemment, c’est une grande responsabilité mais ça nous donne aussi beaucoup de « pouvoir » sur l’enfant. Les parents vont faire des erreurs, mais ce n’est pas grave. Mais il faut savoir le reconnaître et le verbaliser !
Les enfants vont apprendre que la vie est faite d’essais, d’erreurs et qu’on peut progresser toute sa vie dans une relation. Ne pas reconnaître ses erreurs, c’est à mon sens ça qui est très négatif. Le cerveau est extrêmement malléable. À chaque fois qu’on se trompe et qu’on s’excuse, cela fait du bien à l’enfant. Dans ce cas, c’est aussi bon pour son cerveau !
Quand on a un petit bébé, comprendre les émotions n’est pas chose facile. Sur quoi faut-il se concentrer ?
C’est un point très important. Afin de comprendre les émotions de son enfant, il faut prendre le temps d’être avec lui. C’est-à-dire qu’il ne faut rien faire d’autre et être dans le plaisir véritable d’être intime avec son enfant. Les chercheurs parlent de « synchronie » avec l’enfant. On détecte les émotions par 3 choses :
- Le regard. C’est le reflet de nos émotions, il dit tout, il est connecté aux structures cérébrales au niveau de nos orbites. Il est aussi connecté à tous les réseaux qui permettent l’expression des émotions. C’est la seule émanation direct du cerveau !
- L’expression du visage. Il faut prendre le temps de comprendre ce que veut dire le visage de son bébé.
- Et enfin, son attitude corporelle.
Enfin, il est important que le parent parle des émotions à son enfant. À la naissance, l’enfant est un véritable livre ouvert. Bien qu’il soit difficile de décoder les pleurs de son bébé, on peut lui dire : « Est-ce que tu es fatigué ? C’est bien ça ». Le bébé va le confirmer si c’est cette émotion-là. Tout cela permet de créer une vraie relation affective avec l’enfant.