Poutine : guerre du blé… et "ouragan de famines" ?
C dans l'air- 1 h 5 min
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Le blé, nouvel outil de pression dans la guerre en Ukraine ? Lundi, le secrétaire d’État américain Anthony Blinken a affirmé lors d’une conférence de presse que "des rapports crédibles montrent que la Russie pille les céréales ukrainiennes et les exporte pour les vendre à son propre profit". Le même jour de l’autre côté de l’Atlantique, le président du Conseil européen, Charles Michel, a accusé lui aussi la Russie des mêmes faits. L’ambassadeur ukrainien en Turquie avait déjà dénoncé vendredi "la Russie (qui) vole sans vergogne les céréales d’Ukraine et les exporte depuis la Crimée à l’étranger", notamment vers Ankara. La veille, son homologue au Liban estimait que 100 000 tonnes de blé ukrainien avaient été livrées à la Syrie depuis le début de la guerre.
La question des céréales est un enjeu fondamental puisque la Russie et l’Ukraine assurent 30 % des exportations mondiales de blé. Kiev était même en passe juste avant la guerre de devenir le troisième exportateur mondial de blé et assurait à, elle seule, la moitié du commerce mondial de graines et d’huile de tournesol. Or depuis l’attaque de la Russie le 24 février, les ports ukrainiens de la mer Noire sont bloqués par Moscou et 20 à 25 millions de tonnes de grains restent dans les silos ukrainiens.
Confronté à ces accusations de vols, le Kremlin nie et se dit "prêt" à garantir la sécurité des navires quittant les ports ukrainiens en collaborations avec la Turquie. Mais la Russie demande également la levée des sanctions appliquées aux exportations agricoles russes pour faciliter les exportations ukrainiennes. De son côté, l’Ukraine a dit refuser de déminer le port d'Odessa pour permettre la reprise de ses exportations de céréales, car elle craint que les forces russes n'en profitent pour attaquer la ville. Le président Zelensky a par ailleurs expliqué que la quantité de céréales destinées à l'exportation et bloquées en Ukraine en raison de la guerre pourrait tripler d' "ici à l'automne" pour atteindre 75 millions de tonnes. Et l’ONU alerte : entre le blocage dans les ports ukrainiens et la suspension des exportations indiennes, deuxième exportateur mondial de blé, en raison de la sécheresse, le monde se dirige droit vers "un ouragan de famines".
À la guerre en Ukraine s’ajoutent donc la sècheresse et le risque de crise alimentaire mais aussi la poursuite de l’inflation et des problèmes d’approvisionnement à cause du Covid-19. Autant de voyants au rouge qui inquiètent les économistes. La Banque mondiale décrit une tempête économique sur tous les fronts dans son dernier rapport bisannuel sur l’état de l’économie. Elle revoit donc très fortement à la baisse sa prévision de croissance mondiale pour 2022, de 4,1 % anticipé en janvier à 2,9 %. Surtout, elle craint que ce violent coup de frein soit durable, avec un possible retour de la stagflation, soit une période de stagnation économique combinée à une inflation élevée. Mais d’autres vont encore plus loin. Ainsi le patron de la banque JPMorgan, Jamie Dimon, a révélé la semaine dernière qu’il préparait son établissement à faire face à l’"ouragan" économique qui arrive et conseille à tous les investisseurs de faire de même.
Invités :
- Philippe Dessertine, directeur de l’Institut de Haute finance
- Pascal Boniface, directeur de l’IRIS - Institut de Relations Internationales et Stratégiques
- Sylvie Matelly, économiste - Directrice adjointe de l'IRIS - Institut de Relations Internationales et Stratégiques
- Tatiana Kastouéva-Jean, directrice du Centre Russie / NEI - IFRI - Institut Français des Relations Internationales
Présenté par : Caroline Roux, Axel de Tarlé