Poutine : Les chars occidentaux "brûlent de bon coeur"
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Après la destruction du barrage de Kakhovka le 6 juin dernier, l'Ukraine s'inquiète au sujet de la centrale de Zaporijia. Volodymyr Zelensky a accusé ce jeudi la Russie de préparer un "attentat terroriste" impliquant une fuite "de radiations" à la centrale nucléaire occupée par les troupes russes dans le sud du pays. "Ils ont tout préparé pour cela", a déclaré sur Telegram le président ukrainien, dont le pays avait été le théâtre du pire accident nucléaire de l'histoire après l'explosion d'un réacteur à la centrale de Tchernobyl en 1986. "Nous transmettons ces informations à tous nos partenaires dans le monde entier, toutes les preuves (…) Le monde est prévenu, le monde peut et doit agir", a-t-il exhorté.
"C'est un nouveau mensonge" a immédiatement réagi la Russie. "On vient juste d'avoir des contacts avec l'Agence internationale de l'énergie atomique", dont le directeur Rafael Grossi est attendu en Russie vendredi et s'est rendu la semaine dernière dans la centrale ukrainienne, a expliqué le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Cette installation, la plus grande d'Europe, se trouve depuis plus d’un an au cœur de la guerre lancée par la Russie contre l'Ukraine. Tombée aux mains de l'armée russe en mars 2022, elle a été visée par des tirs et a été coupée du réseau électrique à plusieurs reprises. Mais la destruction du barrage de Kakhovka a ravivé les inquiétudes et suscité des interrogations sur la pérennité du bassin servant à refroidir les six réacteurs de la centrale. En visitant le site le 15 juin dernier, le directeur de l’AIEA a estimé que la situation y était "grave" mais en cours de stabilisation.
Alors quelle est la situation dans la centrale de Zaporijia ? Y a-t-il un risque d’"attentat" ? Et où en est la contre-offensive ukrainienne ? Alors que la bataille de communication se poursuit entre Kiev et Moscou, sur le terrain les combats font rage. Les troupes ukrainiennes cherchent à percer les épaisses lignes des forces russes : champs de mines, tranchées, fortifications, aviations… Mais l'avancée est lente et très difficile. Même Volodymyr Zelensky le reconnaît : la contre-offensive de l’armée de Kiev, entamée le 4 juin, connaît des progrès "plus lents que ce qui était souhaité". "Certaines personnes pensent qu’il s’agit d’un film hollywoodien et attendent des résultats immédiats. Ce n’est pas le cas", a-t-il affirmé, dans un entretien publié mercredi 21 juin sur le site de la chaîne britannique BBC.
Si les premiers jours de la contre-attaque ont permis à Kiev de récupérer une dizaine de villages et environ 100 kilomètres carrés de territoire, la progression s’est depuis ralentie. Mercredi, Vladimir Poutine a déclaré à la télévision d’Etat que la contre-offensive ukrainienne n’a "aucune chance" de réussir, ajoutant que les chars de combat "Leopard, les blindés sur roue français et les chars américains brûlent de bon cœur". Mais le même jour, le chef du groupe Wagner, Evgueni Prigojine, a accusé la hiérarchie militaire russe de "cacher" les difficultés rencontrées par son armée. "L'ennemi occupe Piatykhaty, le nord de Robotyné, et Urojaïné, ce qui veut dire que de grands pans de territoire ont été perdus au profit de l'ennemi (…) Tout cela est complètement caché à tout le monde. Un jour la Russie se réveillera et s'apercevra que la Crimée est ukrainienne " a-t-il affirmé. Depuis on a appris qu’une frappe ukrainienne a touché le pont de Tchongar, reliant la Crimée à la région de Kherson. Un point stratégique : la Crimée sert notamment de base arrière logistique aux forces russes déployées dans le sud de l'Ukraine.
Parallèlement, la bataille se mène aussi sur le front diplomatique. Quelques jours après la mission de médiation de sept pays africains à Kiev et Saint-Pétersbourg, Emmanuel Macron accueille ce jeudi et vendredi à Paris un "Sommet pour un nouveau pacte financier mondial". Au total, une cinquantaine de chefs d'État sont réunis pour tenter de relancer la coopération Nord-Sud. Officiellement les discussions devraient porter sur l'aide à la lutte contre le réchauffement climatique, mais la guerre en Ukraine sera également un élément central de cette rencontre. Emmanuel Macron devrait chercher à rallier les pays du Sud à la cause ukrainienne.
Car la guerre a mis en lumière des lignes de fracture au sein de la communauté internationale. Avec d'un côté, les pays occidentaux unis autour de Kiev face à ce qu'ils qualifient d'agression russe. De l'autre, en Asie, en Afrique, au Moyen-Orient et en Amérique du Sud, un certain nombre de pays qui ont opté pour un positionnement plus ambigu, refusant ou s’abstenant de condamner la Russie. Une neutralité souvent calculée, liée à la défense de leurs propres intérêts (énergie, céréales…) mais aussi à la diatribe de Moscou qui ne cesse d'évoquer la création d'un ordre mondial multipolaire contre l'hégémonie de l'Occident.
Les experts :
- Général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l’ONU
- Bruno Tertrais, directeur adjoint de la FRS, conseiller géopolitique à l’Institut Montaigne
- Anthony Bellanger, éditorialiste, spécialiste des questions internationales France Inter
- Iryna Dmytrychyn, maîtresse de conférences à l’Inalco, Institut National des Langues et Civilisations Orientales
Présenté par : Caroline Roux, Axel de Tarlé