Barnier : un Premier ministre plus fort qu'on ne le croit ?
C dans l'air- Décryptage & investigation
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Il aurait aimé rester plus longtemps. Hier soir, lors de sa passation de pouvoir avec le nouveau Premier ministre Michel Barnier, le locataire sortant de Matignon Gabriel Attal a dit toute sa déception de quitter son poste après seulement huit mois, dont deux à expédier les affaires courantes. "Huit mois, c’est court. C’est trop court. Il y a une frustration", a admis l’élu de Vanves (Hauts-de-Seine), littéralement deux fois plus jeune que son successeur. Le plus jeune Premier ministre de la Ve République a répété son amour des Français, "Je veux dire aux Français combien je les aime !", mais a aussi regretté de ne pas avoir pu mener à termes des chantiers engagés sous son mandat, comme la lutte contre la délinquance des mineurs, ou la réforme de l'assurance-chômage (suspendue). "Dans d’autres circonstances, nous aurions mené ce travail à bon port", a-t-il déclaré, ajoutant : "Les mesures sont sur votre bureau" à l'adresse de Michel Barnier. De son côté, le nouveau chef de Matignon a donné quelques pistes sur les priorités de son gouvernement : l'école, l'accès aux services publics, mais aussi la sécurité et la maîtrise de l'immigration, lui qui avait proposé "un moratoire de 3 à 5 ans" sur l'immigration lors de la primaire des Républicains en 2021. Michel Barnier a aussi promis de "dire la vérité aux Français" sur la dette financière et écologique, promettant "des changements et des ruptures". La gauche, qui guettait avec intérêt la première prise de parole du Premier ministre, n'a pas hésité à sauter sur la formule des "gens d'en bas", employée par Michel Barnier, pour critiquer son mépris des Français. "Les 'gens d’en bas' n’existent pas. Les méprisants oui. Barnier en est un, manifestement", a tancé l'élu parisien Ian Brossat. "Tout est dit sur 'l’humilité' rabâchée par l’usurpateur de Matignon", a aussi écrit Jean-luc Mélenchon. À l'extrême droite, en revanche, on a fait plus attention à ne pas dénigrer d'entrée celui dont on attend quelques mains tendues. Hier matin, le député RN Jean-Philippe Tanguy s'est fait remonter les bretelles par le parti après avoir qualifié à la radio Michel Barnier de "l'un des plus stupides hommes politiques que la Ve République ait donné". Il faut dire que Michel Barnier est l'un des rares noms sorti par l'Élysée qui ne menait pas à une censure immédiate du Rassemblement national. Si le parti d'extrême droite s'est montré discret cet été, il a lourdement pesé lors des consultations politiques de ces dernières semaines. Avec 126 députés RN (et 142 avec ceux d'Eric Ciotti), le RN se positionne en faiseur de roi. "Notre nombre nous rend incontournables, c’est nous qui dictons désormais la tendance à l’Assemblée nationale", s'est targué Alexandre Sabatou, député (RN) de l’Oise dans les colonnes du Monde. C'est même Marine Le Pen qui a fait capoté la nomination de Xavier Bertrand à Matignon, lui qui a fait de la lutte contre l'extrême droite l'un de ses combats dans les Hauts-de-France. Quant à Thierry Beaudet, dont le nom a agité fait la une pendant quelques heures, il a été jugé trop proche des syndicats réformistes, et "insultant" envers le RN. Aussitôt Michel Barnier nommé, Marine Le Pen s'est félicité d'avoir un interlocuteur "respectueux des différentes forces politiques" et pas d'"un immigrationniste dingue" à Matignon. Les prochaines semaines, et notamment la rentrée parlementaire, permettront de mesurer l'influence réelle du RN sur le futur gouvernement. En attendant, Michel Barnier connaîtra samedi la première grande manifestation sociale de rentrée. La France insoumise s'est jointe à l'appel des syndicats étudiants "face au coup de force de Macron". Les organisateurs prévoient des marches dans 150 communes. Si la gauche s'est indignée dans son ensemble après la nomination de Michel Barnier, seul le Parti socialiste a refusé de se joindre à la manifestation, son porte-parole, Pierre Jouvet, estimant que "l'urgence est à ce stade dans le débat, la discussion politique". L'alliance du Nouveau Front populaire risque-t-elle d'imploser en cette rentrée ? Une chose est sûre, les revendications de la gauche sont nombreuses et la rentrée sociale s'annonce brûlante pour Matignon.
Que retenir de la passation de pouvoir entre Gabriel Attal et Michel Barnier ? Quel rôle peut avoir le Rassemblement national avec la nomination de ce Premier ministre ? Et la gauche va-t-elle sortir renforcée ou désunie après cet échec ?
Nos experts :
• Carl MEEUS - Rédacteur en chef - "Le Figaro Magazine"
• Éric ALBERT – Journaliste, ancien correspondant à Londres - "Le Monde"
• Caroline VIGOUREUX - Journaliste politique - "La Tribune Dimanche"
• Brice TEINTURIER - Directeur général délégué - Institut de sondages Ipsos
Présenté par : Caroline Roux, Axel de Tarlé
Maison de production : France Télévisions / Maximal Productions