La réforme passe, la colère monte
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Le dossier des retraites est loin d'être clos. Au lendemain de l'adoption du texte au Parlement, consécutivement au rejet des deux motions de censure à l'Assemblée nationale, l'Élysée a annoncé que le chef de l'État, jusqu'ici resté très silencieux, donnera une interview à TF1 et France 2 ce mercredi 22 mars à 13 heures, en direct.
Cette annonce intervient alors que le président de la République va consulter tous azimuts ce mardi. Il a reçu ce matin la Première ministre qui a échappé de peu la veille à un renversement de son gouvernement, avec le rejet à neuf voix près d'une motion de censure transpartisane à l'Assemblée. "Je suis déterminée à continuer à porter les transformations nécessaires à notre pays", a assuré lundi soir Élisabeth Borne, conviée à l'Élysée avec plusieurs membres du gouvernement et les chefs de la majorité. Emmanuel Macron a ensuite déjeuné avec Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, présidents de l'Assemblée et du Sénat, avant une réunion en soirée avec les parlementaires du camp présidentiel.
Si les motions de censure ont été rejetées, les oppositions réclament toujours la démission de la Première ministre et le retrait du texte. Elles comptent notamment sur des recours devant le Conseil constitutionnel et ont soumis une demande de référendum d'initiative partagée (RIP), dont les Sages doivent examiner la recevabilité.
Les opposants à la réforme appellent également à poursuivre la mobilisation dans la rue : la prochaine journée de grèves et de manifestation à l’appel de l’intersyndicale est prévue ce jeudi 23 mars. Mais d’ici là les rassemblements et blocages se poursuivent partout dans le pays. Hier soir, des rassemblements et des défilés ont eu lieu une nouvelles fois dans plusieurs villes, en particulier dans la capitale. Des poubelles ont été renversées et brûlées, des barricades et des fumigènes ont marqué certains des rassemblements. Mais alors que 287 interpellations ont été recensées dans le pays dont 234 à Paris, plusieurs vidéos de cette soirée diffusées sur les réseaux sociaux mettent en cause les forces de l’ordre et soulèvent la question de la stratégie du maintien de l’ordre adoptée. L’une d’elles fait particulièrement réagir. Filmée à Paris, elle montre un homme auquel un policier administre un coup de poing. La personne tombe au sol, mise KO. Et le policier s’éloigne. La députée Raquel Garrido (LFI) a demandé sur Twitter au ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, d’arrêter le massacre. Son collègue Thomas Portes a fait part de sa "honte" de la police. Il a dénoncé par ailleurs le "silence radio" du ministre.
Dans un communiqué, le Syndicat de la magistrature a déploré également la manière dont sont gérées les manifestations des derniers jours. "Des centaines d’interpellations et de mesures de garde à vue ont été décidées depuis jeudi dernier. La très grande majorité de ces mesures n’a reçu aucune suite judiciaire (à Paris, après la manifestation de jeudi place de la Concorde, sur 292 gardes à vue de manifestants, seules 9 ont donné lieu à des poursuites pénales)", écrit-il. "Nous avons vu ces scènes indignes d’une démocratie : des policiers exerçant des violences illégitimes contre des manifestants et des street medics (NDLR : des personnes effectuant des soins dans les manifestations), des interpellations collectives de manifestants enjoints de s’asseoir par dizaines à terre, mains sur la tête, des journalistes faisant leur métier menacés ou brutalisés", dénonce le syndicat.
A l’opposé de ces prises de position, la préfecture de police de Paris a communiqué ce mardi matin sur sa satisfaction. Invité par la suite sur BFM TV, le préfet Laurent Nunez a justifié l’usage des nasses. Il a également indiqué que l’IGPN a été saisie dans l’affaire du coup de poing et que "toutes les investigations seront menées pour savoir si ce coup était adapté ou pas".
Des images et une crise politique scrutées depuis plusieurs jours par la presse étrangère qui anticipe un avenir orageux pour les institutions françaises et une fin de mandat infernale pour Emmanuel Macron contre qui la "colère" est dirigée. Une colère, d’après le New York Times, qui "s'est intensifiée" après "le passage en force sur les réformes". Même tonalité dans le Süddeutsche Zeitung de Munich : "Le calme ne revient pas, la résistance ne s'arrête pas." Revenant sur le 49.3, le journal de Berlin Der Tagesspiegel évoque lui une "catastrophe politique". Quand en Espagne, où une autre réforme des retraites vient d’être validée mettant davantage à contribution les revenus les plus élevés et les entreprises, le quotidien madrilène El País estime que "le 49.3 menace d’empoisonner la vie politique et sociale pour des mois, sinon des années". "Macron s’est mis à dos la majorité du pays. Il a nourri la défiance envers les institutions et alimenté les accusations contre des dirigeants jugés déconnectés des réalités sociales."
Alors comment gouverner après avoir échappé de neuf voix à la censure ? Que va-t-il se passer chez LR alors qu’un tiers des députés n’a pas suivi la ligne du parti édictée par Eric Ciotti ? Comment sortir de la crise politique ?
Nos invités :
- Jérôme Jaffré, politologue et chercheur associé au CEVIPOF
- Nathalie Schuck, Grand reporter "Le Point"
- Caroline Michel-Aguirre, Grand reporter au service politique "L’Obs"
- Jérôme Fourquet, directeur département Opinion - Institut de sondages, auteur de "La France sous nos yeux"
Présenté par : Caroline Roux, Axel de Tarlé