"Ce n’est pas un fait divers". Jean-Luc Mélenchon a ainsi titré une note sur son blog publiée ce lundi 26 décembre. Il demande au parquet antiterroriste de se saisir après la fusillade de la rue d’Enghien à Paris, qui a fait trois morts le 23 décembre. Un homme de 69 ans y a ouvert le feu devant un centre culturel kurde avant de reconnaître en garde à vue sa volonté de tuer des étrangers. L'auteur présumé était déjà connu de la police et de la justice, notamment pour une attaque au sabre dans un camps de migrants dans le 12e arrondissement en 2021. Placé en détention provisoire pendant un an, il venait d'être libéré et placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de détenir une arme.
Mais si le parquet de Paris a ouvert une enquête pour assassinat, le parquet national antiterroriste ne s’est pas saisi de l’affaire, ce qui suscite l'incompréhension de nombreux représentants de la communauté kurde en France. Des manifestations en hommage aux victimes ont eu lieu ce week-end à Paris, mais aussi dans plusieurs autres villes comme à Marseille. Parfois émaillées de violence, ces rassemblements ont aussi rappelé que cette nouvelle attaque a eu lieu presque 10 ans jour pour jour après l’assassinat à Paris de trois militantes kurdes. Celles-ci étaient proches du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), considérée comme une organisation terroriste par la Turquie, l'Union européenne et les États-Unis.
Ce dimanche 25 décembre justement, un conseiller d'Erdogan a incriminé le PKK. "Maintenant, ils brûlent les rues de Paris. Allez-vous toujours garder le silence?", a-t-il lancé aux autorités françaises. Après l’attentat perpétré le 13 novembre à Istanbul, le président turc crie vengeance et veut attaquer les Kurdes en Syrie. Il y a deux semaines, il a aussi demandé à Vladimir Poutine de "nettoyer" le nord de la Syrie des forces kurdes. Fragilisé à quelques mois de la présidentielle turque, Erdogan semble surtout vouloir jouer sur la fibre nationaliste et faire preuve d'autoritarisme sur la scène internationale.
Qu'en est-il plus largement de la menace terroriste sur notre territoire ? "Il y a une menace terroriste extrêmement importante dans notre pays", rappelait le 14 décembre dernier le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. 39 attentats islamistes auraient ainsi été déjoués depuis 2017. Une menace qui toucherait aussi les écoles, où la sécurité est particulièrement renforcée depuis l'assassinat il y a deux ans de Samuel Paty. Le terrorisme gagne aussi du terrain au Sahel depuis le départ de l'armée française.
Alors, comment analyser la fusillade de vendredi dernier contre des Kurdes ? Faut-il y voir, comme le suggèrent les Kurdes réfugiés en France, l'ombre de la Turquie? À quoi joue Erdogan vis à vis de cette communauté ? Comment être plus efficace dans la lutte contre le terrorisme islamiste ?
Invités :
- Guillaume Perrier, journaliste au service international - Le Point et auteur de "Les loups aiment la brume"
- Évelyne Sire-Marin, magistrate honoraire er membre du bureau de la Ligue des droits de l'Homme
- Raphaëlle Bacqué, Grand reporter - Le Monde
- Pascal Boniface, directeur de l'IRIS, Institut de Relations Internationales et Statégiques