Les talibans menacent déjà l'Amérique
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Kaboul n'en finit pas de sombrer dans le chaos. Des milliers d’Afghans désespérés se massent toujours autour de l'aéroport de la capitale dans l'espoir d'embarquer dans un avion pour quitter le pays. Les scènes de confusions et de tensions s'y multiplient. Depuis le retour au pouvoir des talibans en Afghanistan le 15 août dernier, cette porte de sortie du pays est devenue le théâtre de scènes chaotiques, au cours desquelles sept personnes ont déjà trouvé la mort. Les très nombreux candidats à l'exil ne parviennent pas tous à être évacués. Ils sont parfois repoussés par les Américains, qui ont bien du mal à maîtriser la situation. A tel point que le président des États-Unis Joe Biden entrouvre la porte à la prolongation de la présence américaine au-delà du 31 août, date fixée par son gouvernement pour le retrait complet des troupes en Afghanistan. Il espère toutefois que les opérations d'évacuations à Kaboul pourront être terminées avant cette date.
La préoccupation est grande partout en Occident face à ce qui est vécu comme une véritable débâcle.
En Europe, les députés britanniques ont exprimé mercredi dernier leur colère à l'adresse du dirigeant américain, lors d'un débat à la Chambre des Communes, à Londres. Ils se sont montrés très durs contre la débandade des alliés occidentaux en Afghanistan, faisant un constat d’échec militaire et diplomatique sans appel.
Si certains en Europe tapent donc du poing sur la table, au sein de l'Union européenne, une question est sur toutes les lèvres : quelle réponse à apporter au flux migratoire qui pourrait résulter de la prise de pouvoir des talibans ? Aucun consensus ne semble pour l'heure se dessiner. La chancelière allemande Angela Merkel fait preuve de la plus grande prudence à six semaines des élections législatives dans son pays. Elle s’est dit ouverte à un accueil “contrôlé” de réfugiés “vulnérables”. En visite en Espagne dans le centre d'accueil pour les employés afghans de l'UE à Kaboul, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a appelé, samedi, les pays européens à accueillir des réfugiés afghans. Elle a par ailleurs assuré les États membres de l'UE qui apporteront leur aide du soutien financier de l'Europe. Malgré ce discours, la Grèce craint d'être une fois encore abandonnée par ses partenaires face à une importante vague migratoire.
Le ministre grec de la Protection des citoyens, Michalis Chrisochoidis, a ainsi annoncé que son pays mettait tout en place pour “empêcher la même scène d’il y a 6 ans, de se répéter” en faisant référence à l’afflux de migrants syriens en 2015. “Nos frontières resteront sécurisées et inviolables”, a-t-il ajouté.
En France, dans les collectivités locales, les avis sont partagés entre les tenants de l'accueil de réfugiés et ceux pour qui la priorité réside davantage dans le fait de se protéger d'une vague, qu'ils redoutent. Cette dernière opinion fait écho à l'allocution télévisée d'Emmanuel Macron, le 16 août dernier, lors de laquelle le chef de l'État a avancé que “l’Europe ne peut pas à elle seule assumer les conséquences de la situation actuelle.” Le président juge que “nous devons anticiper et nous protéger contre des flux migratoires irréguliers.”
Un afflux de migrants, tout comme une recrudescence des actes terroristes, c'est ce que souhaite éviter Xavier Bertrand. Or, le candidat (ex-LR) à l'élection présidentielle de 2022 craint qu'une situation similaire à celle en cours en Afghanistan ne puisse advenir au Sahel avec la fin de l'opération Barkhane et le départ programmé des troupes françaises du Mali, marquant une réduction progressive de la présence militaire hexagonale. “Protéger les Français, c’est agir en Afghanistan, c’est agir militairement au Mali, et c’est nous protéger sur le territoire national”, a-t-il plaidé ce lundi au micro d’Europe 1, après s'être déjà exprimé sur le sujet dans le JDD. “Combattre les terroristes au Mali aujourd’hui, c’est éviter le terrorisme au coin de la rue demain”.
Xavier Bertrand établit donc un parallèle entre le retrait de l’armée américaine d’Afghanistan et celui des Français du Sahel. Une différence notable existe cependant : la présence militaire française est, elle, censée être remplacée par la task force Takuba, composée de forces spéciales européennes.
Les Américains peuvent-ils encore tenir les délais qu'ils s'étaient fixés ?
Quelle réponse à apporter au flux migratoire qui pourrait résulter de la prise de pouvoir des talibans ?
L’Union européenne se donne-t-elle vraiment les moyens d'accueillir les réfugiés afghans ?
La situation au Sahel peut-elle prendre le même tournant qu'en Afghanistan, avec le départ programmé des troupes françaises ?
Invités :
- Armelle Charrier, éditorialiste en politique internationale - France 24
- Pierre Haski, chroniqueur géopolitique - France Inter
- Marc Hecker, directeur de la recherche à l’IFRI, co-auteur de “La guerre de 20 ans”
- Melissa Bell, correspondante International - CNN
Présenté par : Caroline Roux, Axel de Tarlé