Avion détourné : l'Europe peut-elle "recadrer" Poutine ?

C dans l'air

Terminé les avions biélorusses dans le ciel européen. Les dirigeants de l'Union européenne, réunis en sommet à Bruxelles, lundi, ont décidé de fermer l’accès à l’espace aérien européen à la Biélorussie. Les compagnies européennes ont aussi été invitées à contourner le pays. Cette décision des Vingt-sept survient au lendemain du détournement par un avion de chasse biélorusse d’un vol Ryanair entre Athènes et Vilnius suivi de l’arrestation sur le tarmac de l’aéroport de Minsk du journaliste et opposant biélorusse Roman Protassevitch. De nouvelles sanctions économiques vont également être adoptées contre le régime d’Alexandre Loukachenko. Mais c’est d’abord la "libération immédiate" de Roman Protassevitch et de sa compagne qui est exigée par les Européens.   Lundi soir, la porte-parole du ministère de l’Intérieur biélorusse a affirmé que l’ancien rédacteur en chef de l’influent média d’opposition biélorusse Nexta se trouvait en détention provisoire dans une prison de Minsk. Alors que la mère de l’opposant a déclaré à des médias biélorusses que son fils était peut-être hospitalisé à cause de problèmes cardiaques, la porte-parole a assuré qu’ "il n'y [avait pas eu e plaintes sur son état de santé". Quelques minutes après cette déclaration, la télévision publique biélorusse a diffusé une vidéo – dont on ignore l’heure et les conditions d’enregistrement – dans laquelle on peut voir Roman Protassevitch, au visage apparemment tuméfié, affirmer "être passé aux aveux sur l’organisation de troubles massifs", en référence au vaste mouvement de contestation post-électoral de 2020 réprimé par le régime, et collaborer avec les autorités biélorusses.   Dénonçant une vidéo diffusée par "les chaînes de propagande du régime", la cheffe de l'opposition biélorusse Svetlana Tikhanovskaia a affirmé que Roman Protassevitch "a été frappé", et estimé qu'il est "urgent d'agir". Par le passé, les autorités biélorusses ont déjà été accusées d'avoir diffusé des confessions de détenus obtenues sous la contrainte. En août dernier, Svetlana Tikhanovskaïa avait elle-même appelé dans une vidéo diffusée par les médias d’État à ne pas manifester, à un moment où la Biélorussie était secouée par un mouvement de contestation historique après la réélection d'Alexandre Loukachenko.   Éxilée désormais en Lituanie, Svetlana Tikhanovskaia a demandé aux États-Unis et au G7 d’augmenter la pression sur le régime d'Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, et a réclamé "la participation des forces démocratiques biélorusses" lors du prochain G7 prévu en juin au Royaume-Uni. La France a apporté son soutien à la demande de l’opposition biélorusse, dont les membres depuis dimanche se sentent menacés quel que soit leur lieu d'exil. Le détournement d’un avion de ligne leur ayant prouvé que la répression ne s’arrêtait aux frontières de la Biélorussie, soutenue par la Russie de Poutine.   Une Russie dont l’implication dans l’opération apparaît évidente pour nombre de spécialistes et qui est également soupçonnée en France d’être derrière l'initiative récente d'une mystérieuse agence de communication : celle-ci a proposé à des YouTubeurs scientifiques de dénigrer, contre une somme rondelette, le vaccin Pfizer sur une base mensongère.   Invités :   - Patrick Martin Genier, spécialiste des questions européennes et internationales, enseignant en droit public et constitutionnel à Sciences-Po et à l'Inalco - Pierre Haski, journaliste, chroniqueur en politique internationale pour le magazine L’Obs et la radio France Inter - Benoît Vitkine, journaliste, correspondant à Moscou pour le journal Le Monde - Alain Bauer, professeur de criminologie au Conservatoire National des Arts et Métiers, ancien président du conseil supérieur de la recherche stratégique