Véolia/Suez : qui va payer la facture ?
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Après six semaines de bras de fer, Veolia le numéro 1 français de l’eau et des déchets entre en force au capital du numéro 2, Suez. Une bataille 100 % tricolore, où le premier veut dévorer le second, qui semble bien loin de la trêve, mais où l’État et son ministre de l’Économie font déjà figure de grands blessés. Car le camouflet est sévère. Premier actionnaire d’Engie avec 23,6 %, l’État n’a pas pu empêcher le géant du gaz de vendre ses parts de Suez à Véolia. Pire lui qui martelait ces dernières semaines vouloir des garanties sociales sur une opération qu’il voulait non pas hostile mais aussi amicale que possible, n’obtient aucune garanti sur le maintien de l’emploi après 2023.
Alors que s’est-il passé ? Deux des administrateurs représentant l’État au conseil d’administration d’Engie ont voté contre la vente de Suez, le troisième s’est abstenu. Et ils ont été minoritaires. Pour l’économiste Elie Cohen, qui a siégé au conseil d’administration de plusieurs entreprises dans lesquelles l’État est actionnaire, "l’État a pris une claque et a été bafoué. Engie a décidé de ne pas tenir compte de son actionnaire de référence", ce qui est une "première". Cette décision marque-t-elle la fin d’une époque pour l’État actionnaire ? Est-ce le déclin de l’État stratège ? Le débat est relancé…
"Pensez-vous que quiconque aurait osé faire subir une telle humiliation au général de Gaulle, à Georges Pompidou ou à François Mitterrand ?" a ainsi lancé mardi la députée PS Valérie Rabault. Interpellant Jean Castex lors de la séance de questions au gouvernement, elle a souligné que l’événement n’avait pas de précédent sous la Ve République, avant de mettre le Premier ministre au défi de "faire respecter l’État par cette frange du capitalisme qui ne vous respecte plus".
La semaine dernière, c’est l’ancien ministre PS du Redressement productif Arnaud Montebourg qui dénonçait dans une lettre ouverte à l’actuel Premier ministre "la fusion forcée Veolia-Suez". Une opération qui mènera selon lui à la "revente et à la dispersion de 75 % des activités de Suez en France" afin de respecter le droit à la concurrence, avec la mise en péril de "4000 emplois" dans le pays et "à moyen terme à une augmentation des tarifs de l'eau". "Nous sommes nombreux à attendre que vous preniez votre courage à deux mains et que vous décidiez de bloquer cette vente", qui "ressemble à une distribution oligarchique d'avantages dans un cercle restreint d'amis privilégiés du pouvoir" assénait l’ex-ministre.
La contestation n’est pas moins sévère à droite. Dans une tribune publiée par l’Opinion, une vingtaine de députés LR soutiennent que l’opération n’aurait d’intérêt que pour les "banquiers d’affaires" à qui ces "rapprochements", présentés comme "mirifiques", rapportent des "commissions" mais ont des conséquences très lourdes sur "les territoires, les populations, et le pays". "Chacun comprend bien qu’en fait de "synergies" affichées par Veolia, la réalité est plus brutale et moins élégante : elle a pour nom "fermetures de sites industriels", "chômage", "épuisement des territoires" et hausse des tarifs de l’"eau".
Mais la majorité aussi scrute l’action de Bercy dans ce dossier. Le député LREM Pierre Person a déposé lundi une proposition de loi pour interdire les OPA hostiles pendant la crise sanitaire et a fait part au ministre de l'Économie de son hostilité à une fusion Veolia-Suez, une opération "perdants-perdants", dans un courrier signé par une quarantaine de parlementaires.
Enfin le numéro deux de LFI, Adrien Quatennens, et la CFDT Suez ont exigé ce mercredi que "la lumière" soit faite après les révélations de Mediapart sur les conditions dans lesquelles Engie a décidé de vendre ses parts de Suez à Veolia. Selon le site d’information, le secrétaire général de l'Élysée, Alexis Kohler, aurait appelé les deux représentants de la CFDT au conseil d'administration d'Engie pour leur demander de ne pas prendre part au vote qui a donné le feu vert à la vente des actions, malgré l'opposition de deux représentants de l'État. "Si les révélations s'avèrent vérifiées, nous avons affaire à un scandale d'État", a déclaré le député LFI du Nord qui demande l’ouverture d’une enquête parlementaire.
Alors quels sont les enjeux d’un rapprochement entre Suez et Veolia ? Que peut faire l’État dans ce dossier ? La naissance d'un champion mondial est-elle souhaitable ? Le prix de l'eau va-t-il augmenter en France ?
Invités :
- Elie Cohen, économiste, directeur de recherche au CNRS
- Dominique Seux, directeur délégué de la rédaction des Echos
- Sophie Fay, journaliste au service éco de L’Obs
- Béatrice Mathieu, rédactrice en chef adjointe de L’Express
Présenté par : Caroline Roux, Axel de Tarlé