L'Occident accuse, la Chine se braque
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Les prémices du "déconfinement" dans les pays touchés par le Covid-19 n’ont pas diminué la pression exercée sur la Chine, bien au contraire. Aux États-Unis, la Maison Blanche intensifie ces derniers jours ses critiques envers les autorités chinoises qu'elle accuse d'avoir mal géré l'épidémie et d'avoir minimisé le bilan des cas et décès dans le pays. Le secrétaire d'État Mike Pompeo a même assuré dimanche à l'antenne de ABC qu'il "existe des preuves immenses" que le Covid-19 est "parti" d’un laboratoire de Wuhan, sans pour autant en fournir.
De son côté, Donald Trump a menacé d'appliquer à la Chine des "taxes douanières punitives", son arme numéro un lorsqu'il veut faire pression sur un pays, ravivant le spectre de la guerre commerciale que les deux nations se sont livrées l'an dernier. La pandémie "aurait pu être arrêtée à la source", a-t-il assuré la semaine dernière, évoquant une possible demande de réparation de plusieurs milliards de dollars.
Ces déclarations sont intervenues peu après la publication d’un communiqué des renseignements américains qui, après enquête, sont arrivés à la conclusion que "le virus du Covid-19 n'a pas été créé par l'homme ou modifié génétiquement", contrairement à ce qu'affirment certaines rumeurs. Mais ils ne se sont pas prononcés sur la possibilité que "l'épidémie [ait] commencé par un contact avec des animaux infectés ou si elle a été le résultat d'un accident de laboratoire à Wuhan".
Un rapport qui coïncide avec celui de l'alliance des "Five Eyes", qui rassemble les services de renseignement de cinq pays anglo-saxons, les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Selon le Daily Telegraph, un quotidien australien qui a eu accès au dossier, les cinq sont parvenus à la conclusion que les autorités chinoises avaient fait "disparaître" des médecins qui avaient averti du danger posé par la maladie et qu'elles avaient sciemment détruit des preuves sur l'origine du virus, refusant de partager des échantillons avec la communauté scientifique internationale. Autant d'éléments qui ont mis "les autres pays en danger", ont écrit les "Five Eyes".
Des éléments qui pour Washington permettent de promouvoir la théorie selon laquelle la Chine doit être blâmée pour la crise sanitaire. De son côté, le Royaume-Uni a adopté une approche différente. Downing Street a ainsi résisté à l'idée de blâmer la Chine pour le Covid-19, mais a souligné qu'il fallait qu’elle réponde à des questions sur l'origine et la propagation du virus afin de mieux se préparer aux futures pandémies mondiales. Un point de vue partagé par l’Union européenne qui demande des comptes à l’empire du Milieu. Le plus haut diplomate de l’UE, Josep Borrell, a par ailleurs admis ce week-end dans le JDD que l’approche de l’Europe à l’égard de la Chine avait été "un peu naïve", mais que l’Union a désormais adopté une position plus "réaliste".
Face aux nombreuses critiques et interrogations soumises par la France notamment, les autorités chinoises continuent d'assurer avoir agi en toute transparence et mènent sur les réseaux sociaux une vaste campagne. Jeudi dernier, elles ont partagé sur les comptes de plusieurs de leurs ambassades à travers le monde, une vidéo intitulée "Once Upon a Virus" ("Il était un virus"), pointant la gestion de la crise par l'administration de Donald Trump qui a sous-estimé les alertes lancées concernant la pandémie. Elles ont également averti l’Australie que l'ouverture d'une enquête sur la façon dont la Chine a géré la pandémie de coronavirus pourrait entraîner un boycott de la part des consommateurs chinois.
Jusqu’où ira l’escalade des tensions ? Sommes-nous à l’aube d’une nouvelle guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine ? Enfin en cette période de crise sanitaire de nombreuses voix, à gauche comme à droite, s'élèvent en France pour exiger la relocalisation des entreprises stratégiques. Mais est-ce réaliste ?
Invités :
- Laurence Nardon, responsable du programme Amérique du nord de l’IFRI
- Valérie Niquet, responsable du pôle Asie à la Fondation pour la recherche stratégique
- Philippe Dessertine,directeur de l’Institut de Haute Finance
- Dominique Moisi, géopolitologue, conseiller spécial de l’Institut Montaigne
Présenté par : Caroline Roux, Axel de Tarlé