Le Brésil bascule à l'extrême droite
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Plus de trente ans après la fin de la dictature militaire, la jeune démocratie brésilienne a basculé dans une grande inconnue avec l'élection de son premier président d'extrême droite. Au terme d’une campagne extrêmement polarisée, Jair Bolsonaro, connu pour ses propos racistes, homophobes, misogynes, et sa nostalgie de la dictature militaire, a été élu hier avec 55,13 % des suffrages, contre 44,87 % pour son adversaire de gauche Fernando Haddad.
Dans un Brésil miné par une criminalité record (64.000 meurtres par an), le marasme économique, une corruption endémique et une crise de confiance aiguë dans la classe politique, l'ancien capitaine de l'armée a réussi à s’imposer comme l’homme à poigne dont le pays aurait besoin. Agitant pendant la campagne le spectre d’un Brésil transformé en Venezuela, Jair Bolsonaro a su récupérer la haine à l’égard du Parti des Travailleurs (PT) de Lula, l’ancien président aujourd’hui en prison pour malversation, et devenir le catalyseur d’une révolte électorale d’une majorité de Brésiliens.
Dimanche, 58 millions de Brésiliens ont succombé au « Mythe », le surnom que lui donnent ses plus ardents supporters, celui d’un « homme fort » adepte de la ligne dure qui combattra la criminalité, nettoiera le pays de la corruption, défendra les valeurs familiales chères aux puissantes églises évangéliques qui le soutiennent et relancera l’économie avec une politique ultralibérale. Les milieux d’affaires brésiliens misent sur sa réussite économique à coup de privatisations massives et de baisses d’impôts.
Pourquoi inquiète-t-il ? Les réponses de Bolsonaro sont radicales : ses préconisations pour lutter contre la criminalité – « Un bon bandit est un bandit mort », selon ses mots – sont plus proches des pratiques du président philippin Duterte que de celles de l’État de droit. Il a ainsi pour projet phare de libéraliser le port d'armes pour permettre aux « gens bien » de se faire justice eux-mêmes. Candidat, il a dit vouloir gouverner « pour la majorité, pas pour la minorité », avec dans sa ligne de mire : les Noirs, les femmes, les membres de la communauté LGBT, mais aussi les militants de gauche, les journalistes, les Indiens, les membres du mouvement paysan des sans-terre (MST) ou d’ONG et les défenseurs de l’environnement. Il a d’ailleurs promis de saisir les terres protégées, réservées aux indigènes et aux Afro-Brésiliens, pour les mettre à disposition des industries minière et agricole. La semaine dernière, il a également annoncé une grande « purge » chez ses opposants de gauche, qualifiés de « marginaux rouges », qui n’auraient d’autre choix que la prison ou l’exil.
Son futur vice-président, le général à la retraite Hamilton Mourao, a lui ouvertement évoqué pendant la campagne l’option d’un « auto-coup d’Etat » en cas d’anarchie et a suggéré l’élaboration d’une Constitution qui ne serait « pas nécessairement élaborée par les élus du peuple ». Quant à son fils Eduardo, élu à la Chambre des députés, il avait avancé l'idée de s'appuyer sur les forces militaires pour fermer la Cour suprême.
Hier, le nouveau président brésilien a promis que son gouvernement « défendra la Constitution, la démocratie, la liberté ». Une manière d'adoucir le ton pour cet admirateur décomplexé du régime militaire qui avait déclaré en 2016 que « l'erreur de la dictature avait été de torturer sans tuer ».
Alors qui est Jair Bolsonaro, le nouveau président du Brésil qui prendra ses fonctions le 1er janvier 2019 ? Quel aspect de la dictature de 1964-1985 reprend-il à son compte ? Comment expliquer ce succès de l’extrême droite dans le plus grand pays latino-américain ? À quoi va ressembler le Brésil de Jair Bolsonaro ?
Invités :
Thomas Snegaroff - Historien
Pascal Boniface - Géopolitologue
Maria Emilia Alencar - Directrice de la rédaction brésilienne de RFI
Gaspard Estrada - Politologue, directeur de l'Observatoire politique de l'Amérique latine et des Caraïbes de Sciences Po
Présenté par : Caroline Roux, Axel de Tarlé